II. UNE VIE POLITIQUE INTERNE FIGÉE, UNE DIPLOMATIE RÉGIONALE ACTIVE

A. LES APPARENCES D'UNE « DÉMOCRATIE ÉMERGENTE », LA RÉALITÉ D'UN RÉGIME AUTORITAIRE CENTRALISÉ

Les institutions politiques égyptiennes reposent sur la Constitution de 1971, élaborée par le Président Sadate, parvenu aux responsabilités l'année précédente, à la mort de Gamal Abdel Nasser (28 octobre 1970).

Elle définit un régime présidentiel « socialiste et démocratique », aux termes duquel c'est le Parlement qui, formellement, désigne le Président de la République : le candidat doit recueillir les 2/3 des voix de l'Assemblée, après quoi, la désignation -pour un mandat de six ans- doit être approuvée par référendum.

La Constitution prévoit également qu'en cas de vacance du pouvoir, l'intérim est assuré par le président de l'Assemblée du peuple qui doit organiser, dans les 90 jours, l'élection d'un nouveau président. Si, depuis 1952, la succession du président décédé -Nasser en 1970, Sadate en 1981- a été assurée par le vice-président -respectivement Sadate puis Moubarak- la mise en oeuvre de ce mécanisme, aujourd'hui, dans l'éventualité d'une vacance du pouvoir présidentiel est plus qu'aléatoire. Depuis 23 ans qu'il exerce la fonction suprême, le Président Moubarak s'est refusé à désigner un ou plusieurs vice-présidents, comme la Constitution lui en laisse la possibilité. Le débat sur la succession est donc dans tous les esprits, même si son évocation publique constitue un tabou interne fort. Deux options sont le plus souvent formulées : une candidature du fils du président, Gamal Moubarak, formé à l'université américaine et proche des Etats-Unis, il se veut ouvert à la libéralisation économique et représente une génération nouvelle favorable à la modernisation du pays. Son influence est croissante au sein du PND, le parti au pouvoir.

L'autre élément de l'alternative serait la désignation d'un militaire. Même si l'armée n'est plus l'élément central du régime -en dépit de l'importance du budget militaire- auquel s'ajoutent les 2/3 de l'aide américaine globale annuelle- certains de ses représentants jouent un rôle central dans la gestion politique du pays, au coeur du pouvoir réel, en particulier le responsable des renseignements militaires, le Général Omar Solimane.

Les pouvoirs constitutionnels du président en font la source exclusive de l'autorité : il propose les lois, peut légiférer par décret, opposer son veto à un texte du Parlement et peut dissoudre ce dernier. Il nomme le Premier ministre, les 26 gouverneurs de province, dix des 454 députés de l'Assemblée du peuple et un tiers des 210 membres du Conseil consultatif -la Chambre haute.

La réalité du pouvoir se situe dans l'entourage direct du président , composé de conseillers dont, dans des domaines essentiels -économie, diplomatie...), les compétences et l'influence dépassent souvent celles des ministres en titre.

1. Multipartisme et Parlement

Si la « mécanique » démocratique est en place, -des élections ont lieu régulièrement-, elle ne permet pas, loin s'en faut, de contrecarrer la réalité autoritaire du régime. L'apparition du « multipartisme » depuis 1976 a surtout répondu à une stratégie de l'exécutif tendant à constituer, à travers l'autorisation de nouveaux partis, un multipartisme formel qui fait que « l'opposition légale n'est pas légitime et l'opposition réelle n'est pas légale » 5 ( * ) . L'essentiel des 14 partis existants autour du Parti gouvernemental (PND, Parti national démocratique), sont plus ou moins la création du pouvoir -à l'exception du parti Néo-Wafd, et du parti nassérien, dont l'ancrage historique est fort-. Parmi les partis représentés à l'Assemblée, outre le PND -388 députés à l'Assemblée du peuple-, on compte, dans le cadre de « l'opposition légale », 16 parlementaires, dont le Néo-Wafd -5 députés- le plus influent en audience, qui rassemble dans la bourgeoisie et les milieux d'affaires, le Parti national unioniste progressiste (marxiste, anti-islamiste) -6 sièges- ; le Parti nassérien -4 sièges- favorable à un rôle central de l'Etat dans l'économie, partisan du panarabisme et de la lutte contre Israël ; le Parti libéral (Al Ahrar) , 1 siège.

Surtout, sur les 39 élus « indépendants » aux dernières élections de 2000, 17 sièges représentent l'association des frères musulmans, officiellement interdite en 1954 mais tolérée de fait et qui constitue la réelle base de l'opposition au régime.

* 5 Christophe Ayad, Géopolitique de l'Egypte.

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