2. La donnée islamique en Egypte

Avec près de 90 % de musulmans sur une population de quelque 67 millions d'habitants, l'Islam tient une place centrale en Egypte. La Constitution elle-même précise que l'Islam est la religion de l'Etat et que les principes de la loi islamique -la charia- constituent une source principale de la législation (art. 2). Si elle reconnaît, en théorie, la liberté religieuse, « les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de race, d'origine, de religion ou de croyance » (art. 40), et prévoit que l'Etat garantit la liberté de croyance et la liberté de l'exercice du culte (art. 46), d'innombrables discriminations affectent la vie des chrétiens d'Egypte (8 millions, dont 5 millions de coptes orthodoxes) dont beaucoup choisissent l'émigration.

Au-delà de cette mention constitutionnelle, l'Islam occupe une place centrale dans le fonctionnement social, politique et intellectuel du pays dans la cadre d'institutions que l'Etat s'efforce de contrôler : ainsi en est-il du ministère des Waqfs (biens religieux) dont la double mission est de propager le message islamique en Egypte et à l'étranger et de secourir les pauvres par des oeuvres de bienfaisance ; le Mufti de la République (actuellement Ahmed Al Tayeb) est nommé par décret présidentiel. Il doit se prononcer sur la conformité à l'Islam des décisions des autorités de l'Etat et sur les questions de société ; enfin la mosquée/université d'Al Azhar est une référence de l'Islam dans le monde, dont le Grand Imam -Cheikh Al Tantawi, est également nommé par le président.

La Confrérie des frères musulmans , créée en 1928 et interdite par Nasser, en 1954, représente aujourd'hui une force d' opposition réelle fondée sur un projet d'islamisation non violente de la société, tendant à « donner un contenu islamique à la modernité plus que d'opérer un retour aux sources » 6 ( * ) . Présents dans de nombreux ministères sociaux, la justice, la banque et l'université, ils s'inscrivent dans des structures caritatives de proximité médicales ou éducatives -servis en cela par le délabrement du secteur public en ces deux domaines-, animent des corporations professionnelles et gèrent des organes de financement.

L' islamisme violent , étranger à la confrérie, a cependant lourdement touché l'Egypte dans les années 1990, après l'assassinat du Président Sadate en 1981, puis à travers l'action de deux mouvements aujourd'hui presque totalement éradiqués après une répression sévère : la Jamaa islamiya et le Jihad . Ces deux mouvement ont perpétré des assassinats d'hommes politiques, de coptes, de policiers, de touristes -en particulier celui de 58 touristes, essentiellement suisses, en 1997. Durant cette période, le conflit entre le pouvoir et ces groupuscules a causé quelques 1 200 morts.

Aujourd'hui écarté, cet islamisme violent a incité la Confrérie des frères musulmans à s'intégrer dans le modus vivendi que lui propose le pouvoir : une tolérance de fait de ses activités, dont les limites peuvent se manifester par à-coups, au rythme des actions judiciaires, des arrestations ou des législations restrictives sur l'activité des associations qu'ils animent.

* 6 Christophe Ayad, géopolitique de l'Egypte.

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