19. Audition de la fédération des Parcs naturels régionaux de France (25 juin 2003)

Les 40 Parcs Naturels Régionaux représentent 11 % du territoire français. Ce sont tous des territoires d'exception patrimoniale naturelle, paysagère et culturelle qui ont justifié leur classement en PNR et sont l'objet de leur développement, par essence, durable. Un Parc repose sur une Charte, contrat négocié et partagé entre les partenaires d'un territoire. Son fonctionnement s'appuie sur les décisions d'un syndicat mixte et le travail d'une équipe de professionnels qualifiés. L'ensemble des projets portés par les Parcs est mené en concertation et en partenariat avec les acteurs du territoire (habitants compris) faisant référence à la gouvernance et à la démocratie participative.

Le parallèle avec la procédure Natura 2000 est éloquent et légitime pleinement l'engagement des Parcs dans la constitution de ce réseau écologique européen. La sensibilisation, la concertation et la recherche de consensus ont donc présidé à la réalisation des documents d'objectifs dont les Parcs étaient opérateurs. Aucune autre méthode n'est ensuite possible pour l'animation des DOCOB, ce qui suppose une excellente connaissance préalable du territoire et de ses acteurs, ainsi qu'une coordination des différentes politiques de développement et aménagement de l'espace. Elle assied donc la légitimité des Parcs dont c'est le coeur de métier.

Les Parcs naturels régionaux sont ainsi engagés depuis l'origine dans la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. Ce rôle d'expérimentation leur vaut parfois des soucis d'adaptation aux textes et circulaires d'application publiés par la suite (mise en conformité des DOCOB, définition de cahiers des charges adaptés pour la mise en oeuvre des contrats Natura 2000, et prochainement, s'agissant de l'évaluation imposée par la directive Habitats.

Ce rôle a provoqué et provoque toujours quelques difficultés dans la concertation puisque certaines réponses de l'Etat ne satisfont pas pleinement certaines catégories d'acteurs comme le Groupe des Neuf, notamment la non reconnaissance officielle des comités départementaux.

Pour la désignation des zones, la procédure de consultation est maintenant encadrée réglementairement de façon satisfaisante. Cependant la mise en oeuvre de Natura 2000 pâtit de son passé et du manque d'information, voire de la désinformation dont elle a fait l'objet.

La réalisation du document d'objectifs et le niveau de détail demandé oblige l'opérateur à informer les propriétaires notamment lors des inventaires. Les propriétaires et les usagers sont représentés au sein du comité de pilotage et de nombreuses réunions d'information sont en général organisées par les opérateurs. Mais peut-être faudrait-il en imposer un minimum. Renforcer la communication est également indispensable, mais le problème est celui des moyens humains et financiers.

En revanche, il paraît irréaliste, d'après le ministère de l'écologie et du développement durable, d'envisager une publicité foncière et une référence au cadastre comme le revendique le Groupe des Neuf compte tenu de l'ampleur de la tache sur de grands sites. Pourtant, cette référence au parcellaire est demandée pour les contrats et leur contrôle par le CNASEA. Il y a là une incohérence de l'État.

S'agissant du cas particulier de la désignation des ZPS (zones de protection spéciales), au titre de la directive Oiseaux, les principales difficultés rencontrées portent sur la notion de perturbation concernant les oiseaux et la chasse ce qui bloque, en général, les processus de concertation dans un débat passionné et passionnel. Tous les Parcs concernés par les ZPS situés en général, fort logiquement, en zones humides sont confrontés à ces difficultés et craignent une nouvelle remise en cause globale de Natura 2000 et donc de tout le travail réalisé et abouti jusqu'à présent. Souvent le processus a avancé dans ces zones car la question ZPS était soigneusement évitée si bien que les DOCOB de ces sites n'abordent pas la question des oiseaux ! Les Parcs opérateurs concernés sont très inquiets sur ce sujet.

A propos des réflexions sur les notions de perturbation et de dérangement, les cahiers d'habitats et d'espèces ont apporté une réponse pour clarifier ces notions. Beaucoup de pays membres de l'Union nous les envient et en souhaitent une traduction lorsqu'ils disposent des mêmes habitats et espèces.

En général, hormis les oiseaux, la concertation a permis de dépassionner ce débat et d'expliquer que la présence actuelle des milieux et espèces de la directive Habitats résultait des activités développées depuis toujours sur les territoires concernés et que ces activités ne devraient pas être remises en cause par la mise en oeuvre de Natura 2000. Bien plus, ce processus constitue une opportunité pour ce territoire d'être reconnu et aidé financièrement. C'est là que le bât blesse et que les inquiétudes s'expriment, laissant de nouveau la porte ouverte, en cas de déception, à un rejet en masse !

D'autre part, les limites restent floues à propos du développement de ces activités et de l'évaluation de leurs impacts. L'examen se fait au cas par cas et il n'y a pas de réponses globales. Bien entendu, professions agricoles et forestières restent vigilantes sur le sujet.

Les parcs naturels régionaux sont donc, en toute légitimité, très impliqués dans l'élaboration des documents d'objectifs. Sur les 593 documents d'objectifs en cours, 85 DOCOB (14 %) sont ou ont été réalisés directement par des Parcs. Sur 62 DOCOB approuvés, les collectivités territoriales ont majoritairement été choisies (41 %) par les comités de pilotage pour être la structure animatrice de ces sites Natura 2000. Parmi ces collectivités territoriales, les Parcs représentent 60 % des structures animatrices soit 24 % du total.

Les difficultés rencontrées concernent l'organisation et les moyens d'animation et de communication sur de grands sites avec une multiplicité de propriétaires, ce qui complique la concertation. D'autre part, le rôle d'expérimentation et l'avance des Parcs en matière de Natura 2000 leur imposent parfois des « jonglages » pour être en conformité avec les textes qui sont publiés alors même que, par certains aspects, le contenu de ces textes est souvent fortement inspiré de l'expérience des Parcs.

Le niveau des engagements financiers pour le réseau Natura 2000 conditionne tant les emplois qu'il peut remettre en cause dans les structures animatrices dont les Parcs, que le manque d'incitation des cocontractants potentiels. Pourtant, l'obligation de résultats de la France étant inscrite dans les directives européennes, qui sera responsable de la non atteinte des objectifs de la directive si les moyens financiers ne sont pas à la hauteur ? Certes ce sont les Etats membres qui sont responsables devant la Communauté européenne, mais ce sont les structures animatrices qui, sans moyens, perdront toute crédibilité vis-à-vis des acteurs de terrain.

- L'Etat a demandé aux Parcs et aux autres réseaux de gestion des milieux naturels de s'impliquer fortement dans la mise en oeuvre de Natura 2000. Ces réseaux professionnels de gestion des milieux naturels ont créé des emplois pour la rédaction des DOCOB car la charge de travail à engager le nécessitait et les financements étaient assurés. Mais, aujourd'hui, les crédits sont bloqués et l'absence de financements pour l'animation des DOCOB approuvés remettent en cause, non seulement la mise en oeuvre de Natura 2000 mais également la pérennité des emplois créés, en déstabilisant les équipes en place.

Pourtant tout l'enjeu du réseau écologique européen est présent et futur puisque après avoir établi des documents de cadrage (DOCOB) de ce qu'il faudrait faire pour maintenir, voire restaurer, les habitats naturels en bon état de conservation, il faut favoriser la contractualisation des acteurs de terrain, sur leurs bonnes pratiques et les surcoûts d'exploitation engendrés.

Ceci suppose d'obtenir les moyens humains pour assurer l'animation et l'ingénierie de projet localement, ainsi que des mesures financières suffisamment incitatives pour les cocontractants potentiels.

- Les engagements dans un contrat Natura 2000 portent sur le maintien de pratiques favorables et les engagements « à ne pas faire », non rémunérés, ainsi que sur les services rendus à travers des prestations supplémentaires rémunérées. Comment se fait la reconnaissance des propriétaires et des gestionnaires qui ont permis la préservation et l'entretien des habitats naturels relevant de la directive européenne ? Dans ce cas, les contraintes supplémentaires proposées assimilées à des services rendus sont elles suffisamment rémunérées ?

Les Parcs sont très inquiets et craignent d'être dans l'incapacité, faute de moyens humains et d'incitations suffisantes, d'atteindre les objectifs de la directive Habitats. Aujourd'hui, seul le financement des mesures allant au-delà des bonnes pratiques est assuré dans un contrat d'agriculture durable (CAD) mais les réponses de l'Etat ne sont pas claires sur la majoration de20 % en site Natura 2000 ?

La contractualisation à la parcelle des agriculteurs passe par des CAD mais il existe des habitats Natura 2000 de taille infra-parcellaire, qui correspondent difficilement aux règles de contrôles du CNASEA. Surtout, ces contrats tardent à se mettre en place et les agriculteurs privilégient tous la prime herbagère agri environnementale (PHAE) qui n'a aucune contrainte environnementale comparable à Natura 2000 et qui n'est pas cumulable avec un CAD sur une même parcelle. L'enjeu aujourd'hui pour les Parcs s'apparente à une course contre la montre lorsqu'ils ont un partenariat suffisant avec la profession agricole pour communiquer et expliquer aux agriculteurs que, s'ils attendent pour leurs parcelles situées en Natura 2000, et contractualisent un CAD majoré, ils toucheront plus et que la gestion sera plus conforme aux objectifs définis dans le DOCOB !

Enfin, les CAD ne doivent retenir que quelques mesures prioritaires, mais ce dispositif est inadapté à la gestion des sites Natura 2000 qui nécessitent une approche fine et zonée des enjeux et actions prioritaires. Il faudrait, pour ceux-ci, prévoir une exception au principe des CAD et qu'un zonage avec les enjeux et actions prioritaires, conforme au DOCOB, puisse être réalisé.

En définitive, la question du consensus autour de Natura 2000 est aujourd'hui quasi dépassée car l'ensemble des acteurs du territoire débat autour de la table et se met d'accord sur les DOCOB. Mais, Natura 2000 comme label de qualité du patrimoine naturel commun européen doit devenir une opportunité pour ce territoire en étant reconnu pour sa gestion passée et actuelle et aidé financièrement en conséquence pour sa gestion future.

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