20. Audition de France Nature Environnement (25 juin 2003)

Au préalable, France Nature Environnement tient à rappeler son attachement à Natura 2000, en soulignant que ses associations fédérées sont mobilisées à plus de 90 % par Natura 2000 (du suivi général à l'implication comme acteur), qu'elles considèrent à 80 % que la transmission de sites est insuffisante, et qu'elles participent à plus de 70 % à la mise en oeuvre de Natura 2000 (comité départemental de suivi ou comité de pilotage DOCOB).

Natura 2000 s'inscrit dans le cadre du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, avec la constitution du réseau écologique national, composé notamment des parcs nationaux, d'un réseau de réserves naturelles aux statuts adaptés et du réseau des sites Natura 2000.

Natura 2000 constitue un outil pour l'aménagement du territoire, en terme de valorisation et d'entretien d'espaces naturels, de revitalisation d'espaces ruraux, de développement durable, de dégagement de nouveaux flux économiques locaux.

FNE participe à la mise en oeuvre de la directive Habitats, notamment comme interlocuteur officiel (rencontre et contacts avec la Commission européenne, participation comme représentant des ONG aux séminaires biogéographiques, participation au groupe de travail restreint mis en place récemment par le MEDD pour les propositions françaises). Elle agit également comme animateur du débat public sur Natura 2000, à travers son réseau associatif, en le dynamisant et le renseignant, en lançant des enquêtes pour connaître le vécu local de cette démarche, pour évaluer, centraliser et porter les besoins et les problématiques, contribuant ainsi à la constitution du réseau Natura 2000.

FNE constate, pour le regretter, le déficit de communication et de méthode pour la mise en oeuvre de la directive Habitats, qui pénalise dès l'origine et actuellement ce dossier, ce qui l'a conduit à produire en décembre 2002 un mémorandum sur Natura 2000, diffusé à l'ensemble des acteurs européens et français concernés.

S'agissant des textes législatifs et réglementaires adoptés pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, ceux-ci constituent une première réponse, mais ils demandent à être complétés et précisés, pour tenir compte des premiers enseignements du terrain.

- Ainsi, il faudrait rapidement actualiser et simplifier en concertation la circulaire du 21 novembre 2001, tant sur l'évaluation de la transmission des habitats et espèces, que sur la liste des sites éligibles. Il conviendrait également de publier la liste départementale, arrêtée en concertation par les préfets pour chaque site ou ensemble de sites Natura 2000, des programmes ou projets devant faire l'objet d'une évaluation d'incidences, tel que prévu à l'article L. 414-4 d) du code de l'environnement, afin de répondre aux enjeux locaux, suivant notamment des catégories et des seuils adaptés.

- Il convient également d'apporter une réponse juridique au devenir, au quotidien, des sites Natura 2000, afin de prendre en compte les actions, volontaires ou non dégradant leur état de conservation, qu'elles soient le fait de leurs propriétaires et gestionnaires ou d'acteurs imprévus, et lorsqu'elles se produisent hors programmes ou projets d'aménagements. Il faut aussi apporter une réponse urgente, au devenir des sites transmis, en attente de désignation officielle, lorsqu'ils sont concernés par des activités humaines ou projets d'aménagements portant atteinte à leur bon état de conservation, état de conservation que la France s'est engagée, au niveau communautaire, à maintenir.

En ce qui concerne la désignation des sites, FNE considère que son niveau devrait être plus ambitieux pour tendre à 10/15 % du territoire. En effet, la Commission européenne ne fixe pas de pourcentage, mais elle indique que la transmission devrait être proportionnelle à la richesse d'un Etat en matière de biodiversité, richesse qui en France est largement établie. De plus, la moyenne actuelle de transmission des Etats membres s'élève à 15 %, pourcentage qui est quand même significatif et indicatif en terme d'objectif à atteindre.

Le pourcentage peut aussi s'examiner par zone biogéographique, compte tenu de la proportion de zones biogéographiques qu'abrite chaque Etat membre et en fonction du rôle que devraient jouer les Etats à forte proportion pour compenser les manques ou les lacunes d'autres. En outre, la notion de réseau induit un certain niveau de pourcentage, afin qu'il soit significatif et fonctionnel, surtout quand l'objectif du dispositif est de conserver la biodiversité et de stopper sa régression.

- Sur la méthode, FNE regrette qu'au niveau des consultations interministérielles ou supra ministérielles, la désignation apparaît plus politique, que scientifique et qu'au niveau local, la nécessaire information des élus locaux soit dans les faits, par manque de moyens, de temps ou de volonté, parfois inadaptée, avec des risques de blocages.

- Le manque d'inventaires de référence fait toujours défaut comme base commune et partagée de discussion, et engendre pour tous les acteurs des blocages et des déceptions, alors que des solutions existeraient en partant du niveau régional et des ZNIEFF. La méthode de travail commune a trop tardé à se mettre en place, avec la mise en place d'un groupe de travail restreint en juillet 2002 seulement, alors que la première transmission des sites est quasiment achevée.

A cet égard, FNE demande qu'à l'issue de la première période d'application de 6 ans de Natura 2000, et en profitant de ce délai, la transmission de sites soit complétée, afin d'être plus ambitieuse et elle suggère d'étudier une alternative à la transmission de sites, dans une vision plus large et dynamique. Il s'agirait, en s'appuyant sur le site Natura 2000 proprement dit, abritant en tant que zone dite centrale les habitats et espèces d'intérêt européen, de compléter cette désignation par une zone dite tampon, où des mesures conservatoires adaptées seraient promues.

S'agissant du cas particulier de la désignation des zones de protection spéciale (ZPS), les difficultés dépendront du niveau d'ambition de la France. Actuellement, seulement 119 ZPS sont désignées en France soit environ 1,7 % du territoire. Ce résultat est extrêmement modeste, eu égard au potentiel français en oiseaux avec leurs habitats concernés par la directive de 1979, et à ce que d'autres états membres ont déjà désigné en ZPS. Pour FNE, la transmission des ZPS doit s'appuyer sur l'inventaire ZICO actualisé.

Actuellement, des initiatives sont prises par l'Etat pour dynamiser la conservation des zones humides. Dans ce cadre et afin d'amplifier ces initiatives, FNE suggère vivement de s'appuyer sur Natura 2000, car environ 50 % des ZICO sont des zones humides et leur transmission permettrait de conjuguer les deux objectifs.

Un des sujets de discussion sur les ZPS a trait à la perturbation, directe et indirecte, des espèces y vivant, notamment celle liée à l'activité cynégétique. Pour FNE, les ZPS, étant entendu que la chasse doit se pratiquer en respectant l'état de conservation et la biologie des espèces, devraient constituer des zones où une gestion cynégétique novatrice et exemplaire pourrait être développée (méthodes, prélèvements, zone en réserve...). Pour d'autres activités, un travail commun d'évaluation serait aussi à développer au niveau local, suivant les problématiques propres à chaque zone.

Il reste aussi à mettre en place une méthode de travail de transmission de ZPS, à l'instar de ce qui a été tardivement fait pour les futurs ZSC, sauf que là, pour FNE, le travail commence seulement et tout est encore à construire en commun.

FNE, d'une manière générale, considère que le DOCOB est un bon outil, tant social, en tant qu'espace de rencontres et d'échanges des acteurs institutionnels et locaux sur un projet commun, que technique, pour la production commune de mesures de gestion pour la conservation du site. FNE souligne aussi la nécessité d'une validation technique supérieure (avis du conseil scientifique régional de protection de la nature), afin que tous les DOCOB soient cohérents et que chacun réponde bien aux enjeux locaux de conservation.

Cependant, il faut déplorer l'absence initiale d'un catalogue de mesures de gestion et de texte de référence et la définition fluctuante des outils de gestion prévus et des moyens. Elle regrette également l'inadéquation entre des mesures de gestion prévues par des DOCOB et celles retenues officiellement (ex des habitats forestiers) ainsi que la difficulté d'aboutir à une définition satisfaisante du « maintien du bon état de conservation », tel qu'inscrit dans la directive Habitats, afin d'afficher un objectif clair et partagé et de déterminer les mesures y répondant.

En ce qui concerne les notions de perturbation et de dérangement, deux références techniques existent, avec les deux rapports sur la notion de perturbation (« perturbations/ZPS » et perturbations par l'activité cynégétique/ZSC »), qui ont été validés par le Comité national de suivi Natura 2000, respectivement le 28/11/2000 et le 04/12/97, et envoyés aux préfets, afin d'aider à la production des DOCOB, tout en y intégrant les contextes locaux.

FNE considère que le respect des recommandations de ces deux rapports se pose, la validation technique supérieure des DOCOB par le CSRPN pouvant être une réponse, mais qu'il est préférable que d'emblée les recommandations soient pleinement prises en compte, afin d'éviter des allers-retours et des blocages. Elle souhaite que la rédaction tant attendue des cahiers oiseaux puisse enfin être rapidement engagée, afin d'apporter une réponse technique plus précise, espèce par espèce. La réflexion devrait être aussi menée finement localement dans la concertation, afin d'évaluer les enjeux liés à la perturbation et aux dérangements, et d'apporter si besoin des compléments adaptés, en terme de mesures et de moyens d'application.

Enfin, la question du niveau satisfaisant des financements annoncés pour les contrats de gestion se pose, compte tenu du contexte de régulation budgétaire actuelle.

- Plus généralement, on peut légitimement s'inquiéter lorsqu'on constate que le Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN), budgété à hauteur de 20 millions d'euros début 2003, aurait depuis subi une réduction de 40 %, ce qui laisse schématiquement 12 millions d'euros pour la production de 1.200 DOCOB (si l'on raisonne en fonction du démarrage de Natura 2000, sur la production d'un DOCOB par site transmis), soit 10.000 €/DOCOB, hors coût de gestion et d'animation pour l'appliquer sur sa première durée de 6 ans. Par ailleurs, on note un décalage entre l'estimation du coût de Natura 2000 par la Commission européenne de 4 à 6 milliards d'€/an, soit 10 à 15 € par européen, alors que la France prévoit, à la mi 2003, 0,30 € par français.

- Beaucoup d'interrogations demeurent et sont loin d'être résolues sur la définition des mesures de gestion et leur cadre de financement. Il en est ainsi de celles concernant les habitats forestiers, avec la prise en compte ou non du « sacrifice d'exploitation », ou encore la définition et la nécessité de financer les dites « bonnes pratiques agricoles ». On peut s'interroger également sur la variabilité constatée sur le terrain des coûts des travaux, en fonction de la qualité des intervenants (particuliers, agriculteurs, entreprises, associations d'insertion...).

Enfin, il faut noter que le dispositif du contrat d'agriculture durable (CAD) n'est pas exactement conçu pour répondre aux objectifs poursuivis par Natura 2000. Ses modalités de mise en oeuvre peuvent entraîner des difficultés, notamment ses références départementales ou encore les règles de cumul avec des mesures agri-environnementales. Il faudrait pouvoir « adapter » les mesures issues des synthèses régionales élaborées pour les contrats territoriaux d'exploitation, au contexte particulier de Natura 2000, mais la lourdeur des procédures est très pénalisante.

Dans l'absolu, il faudrait pouvoir définir des cahiers des charges adaptés aux spécificités de chaque site (présence/absence d'un habitat ou d'une espèce, pente, densité de boisement, matériel), avec un montant compensatoire préalablement fixé.

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