III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX LIÉS AU TAUX D'EMPLOI DES SENIORS PLAIDENT EN FAVEUR DE LA DÉFINITION D'OBJECTIFS AMBITIEUX

Dans un contexte de vieillissement démographique, relever le taux d'emploi des seniors s'impose pour préserver le potentiel de croissance de l'économie française. Cette considération, commune à l'ensemble des pays européens, a incité l'Union européenne à définir des objectifs ambitieux en matière de relèvement des taux d'emploi. Relever le taux d'emploi des seniors s'impose également pour réussir la réforme des retraites , qui fait, en grande partie, reposer l'équilibre financier des caisses de retraite sur un allongement de la durée de cotisation des assurés sociaux.

A. UN ENJEU POUR LA CROISSANCE À LONG TERME DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
1. A tendance inchangée, un déclin de la croissance potentielle est prévisible
Le potentiel de croissance d'une économie dépend, à long terme, de facteurs d'offre, à savoir le rythme d'augmentation de la population active et les gains de productivité. S'il est malaisé d'anticiper l'évolution future des gains de productivité, qui dépend d'événements imprévisibles telles des innovations technologiques, il est plus facile d'anticiper celle de la population active, qui dépend d'évolutions démographiques marquées par une forte inertie.

Le diagnostic, en la matière, est désormais bien connu : l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom va occasionner de nombreux départs en retraite qui ne pourront être entièrement compensés par l'arrivée sur le marché du travail de générations plus jeunes moins nombreuses. Entre la fin des années 1940 et le milieu des années 1960, le nombre annuel de naissances s'est établi aux alentours de 900.000. Le nombre de naissances a baissé entre 1965 et 1975 pour se stabiliser, à partir de cette date, à environ 750.000 par an, soit un déficit de 15 % par rapport aux années du baby-boom .

Comme le montrent les projections à l'horizon 2008, le rythme de progression de la population active devrait commencer à ralentir dans les prochaines années, passant de + 0,4 % par an en 2004, à + 0,1 % en 2008. Cette évolution ampute la croissance potentielle d'un dixième de point de PIB.

Cette tendance devrait se maintenir à plus long terme. Il est toujours délicat de faire des projections économiques à très long terme tant les hypothèses à prendre en compte sont nombreuses. L'OFCE s'est néanmoins essayée à cet exercice en 2001 23( * ) . Les résultats de cette projection sont synthétisés dans le tableau suivant.

Projections de croissance à très long terme (2040)

Taux de croissance en %

 

2006-2010

2011-2015

2016-2020

2021-2025

2026-2030

2031-2035

2036-2040

PIB

1,9

1,6

1,5

1,4

1,3

1,3

1,5

Emploi

0,3

0,0

-0,1

-0,2

-0,3

-0,3

-0,1

Productivité par salarié

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

Masse salariale

2,0

1,6

1,5

1,4

1,3

1,3

1,5

Population active

0,2

0,0

-0,1

-0,2

-0,3

-0,3

-0,1

Salaire moyen

1,7

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

Population

0,4

0,3

0,3

0,2

0,2

0,1

0,0

PIB par tête

1,5

1,3

1,2

1,1

1,1

1,1

1,4

Niveau

2005

2010

2015

2020

2025

2030

2040

Population ( en millions )

60,6

61,7

62,6

63,4

64,1

64,7

65,3

Population active ( en millions )

27,6

27,9

28,0

27,8

27,5

27,1

26,6

Taux de chômage ( en % )

5,4

5,1

5,0

5,0

5,0

5,0

5,0

Emploi ( en millions )

26,1

26,5

26,6

26,4

26,1

25,7

25,2

Part des salaires dans la VA ( en %)

58,6

60,0

60,0

60,0

60,0

60,0

60,0

Source : OFCE

Dans ce scénario, les gains de productivité sont constants sur toute la période de projection et le taux de chômage varie peu (il reste stable, à 5 % de la population active, à compter de 2016). Dans ces conditions, les variations de la production sont presque entièrement déterminées par les variations de la population active. Il ressort clairement de cet exercice que la prolongation des tendances démographiques passées devrait peser sur la croissance potentielle à long terme de l'économie française, qui ne serait plus que de 1,3 % dans les années 2020-2030 contre plus de 2 % dans la période qui s'achève . L'économie française connaîtrait alors un niveau de croissance potentielle proche de celui que connaît le Japon aujourd'hui. Face à cette tendance lourde, une solution peut être trouvée dans une politique d'augmentation des taux d'activité des jeunes et des seniors.

En plus de ces données quantitatives, il faut souligner la part d' éléments plus qualitatifs, comme la perte d'expérience et de savoir-faire que peut représenter, pour les entreprises, le départ précoce de leurs salariés les plus âgés. La transmission des savoirs dans les entreprises peut en être affectée. Une enquête de la DARES indique que, pour sept chefs d'entreprise sur dix, la présence de seniors dans le collectif de travail est favorable à « la transmission des savoir-faire spécifiques » à l'entreprise, et que les seniors constituent une main d'oeuvre « plus expérimentée » que la moyenne 24( * ) . Il est vrai que nombre de « jeunes » seniors mettent en oeuvre leurs compétences, et leur dynamisme, dans le secteur associatif, pour des activités de bénévolat, etc ., mais ces activités, qui renforcent le lien social, ne sont pas source directe de création de richesses économiques, ni de véritables emplois.

2. Une hausse du taux d'emploi des seniors contribuerait à corriger cette tendance
Consciente de ces enjeux économiques de première importance, l'Union européenne a défini, lors des sommets de Lisbonne et de Stockholm, en 2000 et 2001, des objectifs ambitieux de relèvement des taux d'emploi dans les pays membres. L'Europe des 15 devrait avoir, à l'horizon 2010 :

- 70 % des personnes en emploi dans la population totale de 15 à 64 ans ;

- 60 % dans la population féminine de 15 à 64 ans ;

- 50 % dans la population totale de 55 à 64 ans.

Atteindre ces taux d'emploi en 2010 rapprocherait la moyenne européenne des résultats obtenus, aujourd'hui, par les pays les plus performants en matière de taux d'emploi.

A cet enjeu économique, s'ajoute un enjeu social et financier également considérable : le relèvement du taux d'emploi des seniors apparaît, en effet, comme une condition du succès de la réforme des retraites.
B. UNE CONDITION DU SUCCÈS DE LA RÉFORME DES RETRAITES
Le vieillissement de la population conduirait, à règles de retraite inchangées, à une nette dégradation du ratio actifs sur inactifs et à l'apparition d' importants besoins de financement pour les caisses de retraite .

Pour garantir l'équilibre financier à long terme des régimes de retraite, le choix a été fait d'augmenter la durée de cotisation exigée des assurés sociaux pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Cette solution a été préférée à celle d'une augmentation à due proportion des prélèvements obligatoires affectés aux régimes-vieillesse et à celle d'une dégradation des taux de remplacement (calculés comme le rapport de la pension servie au revenu d'activité).

Pour le secteur privé, la réforme mise en oeuvre en 1993 avait déjà conduit à allonger progressivement la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein : de 150 trimestres (37,5 ans) pour les générations nées avant 1933, elle est aujourd'hui fixée à 160 trimestres (40 ans). Elle ne sera pas augmentée avant 2009 car, au préalable, un alignement de la durée de cotisation exigée dans la fonction publique sera mis en oeuvre d'ici 2008. Au-delà, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein évoluera de la même façon pour les salariés du privé et du public : elle devrait passer de 40 ans en 2008 à 41 ans en 2012 (à raison d'un trimestre par an), puis continuerait à évoluer de manière progressive.

Outre cet allongement de la durée de cotisation, il est également prévu d' affecter au financement des retraites les ressources que la baisse du taux de chômage à l'horizon 2020 devrait permettre de dégager . Le Gouvernement table , en effet, dans les hypothèses retenues pour assurer le financement à long terme des retraites, sur une baisse du taux de chômage à 4,5 % d'ici 2020 . Ce retour au plein emploi serait favorisé par les évolutions démographiques.

L'équilibre de la réforme est conditionné à un relèvement du taux d'emploi des seniors . Le vieillissement de la société française va conduire à une augmentation de la part des plus de 50 ans dans la société française . Le maintien d'un très fort taux d'inactivité pour cette classe d'âge pèserait beaucoup sur les finances publiques , puisque ces inactifs âgés devraient être pris en charge par les régimes de retraite, de préretraite, ou par la solidarité nationale ( via des dispositifs type revenu minimum d'insertion ou allocation adulte handicapé). Si le taux d'activité des seniors augmente, mais que ceux-ci ne trouvent pas d'emploi, c'est l'UNEDIC qui devra les prendre en charge. Dans l'un et l'autre cas, la résolution des problèmes de finances publiques attendue de la réforme des retraites ne se réaliserait pas, ou serait considérablement amoindrie.

De plus, il est indispensable que les seniors prolongent leur durée d'activité , pour continuer d'avoir droit à une retraite à taux plein. Sans cela, le maintien des taux de remplacement , présenté comme un objectif prioritaire de la réforme, ne saurait être acquis.

Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a veillé à ce que la réforme des retraites comprenne de nombreuses mesures destinées à inciter au prolongement de la durée d'activité. Le Gouvernement entend, par ces mesures, faire passer l'âge moyen de cessation d'activité de 57,5 ans à 59 ans d'ici 2008.

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