II. DES ÉVOLUTIONS ATTENDUES POUR LES CAP MÉTIERS D'ART

Pierre BAQUÉ, Conseiller technique au cabinet de M. Luc FERRY, ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche

Par sa rigueur, sa précision et sa technicité, l'exposé de Mme Françoise Coeur, dispense Pierre Baqué de rentrer dans les détails qu'il se proposait d'aborder. Par ailleurs, le discours de monsieur le ministre a ouvert des perspectives planétaires et fait apparaître que si on ne se préoccupait pas de la prise en compte de marchés émergents ou non émergents et de la nécessité d'être présent dans les secteurs orientaux où se trouvent des populations importantes et des trésors budgétaires disponibles, tout ce qui est réalisé en matière de formation risque de manquer d'efficacité.

Pierre BAQUÉ voudrait, lui, essayer de donner un peu de sens à tout ce que fait le ministère de l'Education nationale depuis une vingtaine d'années en restant aussi concret que possible.

A. LES ÉVOLUTIONS

Ce que fait le ministère depuis une vingtaine d'années dans le domaine des enseignements artistiques et de l'action culturelle repose sur un certain nombre de principes simples parmi lesquels trois jouent un rôle important :

1. Diversité

Premier principe : diversifier les domaines artistiques proposés aux élèves. Il fut un temps l'on en comptait trois (arts appliqués, arts plastiques et musique). Actuellement, ils sont huit dans les lycées d'enseignement général et technologique. Se sont ajoutés aux précédents : le cinéma, la danse, l'histoire des arts, le théâtre qui accueille à son tour, depuis peu, les arts du cirque.

2. La continuité

Deuxième principe : trouver une continuité d'études pour les élèves, ne les enfermant pas, pour autant, dans des canaux dont il est impossible de sortir ou à l'intérieur desquels il est impossible de rentrer en cours de route. Mais continuité nécessaire qui va, sinon de la « maternelle à l'université », au moins pour ce qui concerne les métiers d'art, du niveau CAP à des diplômes Bac + 4 et au-dessus, dans la mesure où l'université apporte maintenant une contribution spécifique en ce domaine.

3. Le partenariat

Enfin, le troisième principe, structurant : le partenariat . Un partenariat institutionnel étatique avec le ministère de la Culture, mais également un partenariat indispensable avec le milieu professionnel, les associations et les collectivités territoriales.

B. LE NIVEAU CAP

L'enseignement en CAP comporte deux grands secteurs :

un secteur généraliste où l'on enseigne le français, l'histoire, une langue... toutes choses absolument indispensables pour ne pas rester enfermé dans une technicité strictement matérielle et manuelle qui débouche sur des frustrations et les difficultés futures d'adaptation ;

un secteur professionnel .

S'agissant des métiers d'art, entre les deux secteurs, généraliste et professionnel, se glisse un enseignement concernant les arts appliqués. Le ministère a travaillé récemment sur cet enseignement dans le cadre de l'enseignement général des CAP. Il était jusque-là régi par un arrêté du 13 novembre 1980. Il aura donc fallu attendre presque 20 ans pour s'interroger sur la pertinence et l'actualité de cet enseignement, appelé à l'époque, éducation plastique et dessin d'art appliqués aux métiers.

Un groupe de travail animé par Pierre BAQUÉ , et dans lequel se trouvait un certain nombre de spécialistes, a repris cet enseignement, d'abord en en changeant l'intitulé qui est devenu arts appliqués et cultures asiatiques. (« Arts appliqués » ne surprendra personne ; « cultures artistiques » pourrait sembler moins en rapport avec la formation professionnelle. Il n'en est rien).

Cet enseignement existait sous l'intitulé indiqué précédemment. En visitant un certain nombre de lycées professionnels, Pierre BAQUÉ a constaté des situations très différentes. Dans certains cas, cet enseignement existait à côté de l'enseignement artistique spécialisé réservé aux CAP professionnels en métiers d'art. Les deux s'ajoutaient. Dans d'autres établissements, ce premier enseignement avait totalement disparu ou avait fusionné avec celui assuré dans la partie professionnelle.

Il paraissait donc utile de revenir là-dessus et de faire en sorte que tous les élèves inscrits en CAP, envisageant une formation professionnelle en métiers d'art ou non, aient une formation généraliste dans les domaines de l'art et de la culture.

Pour illustrer son propos, Pierre BAQUÉ raconte l'invasion (pacifique) dans son bureau rue du Bac, par des professionnels de la pâtisserie venant se plaindre avec indignation que l'horaire réservé à l'enseignement artistique généraliste avait été très réduit. Ils regrettaient la perte d'aptitude des futurs pâtissiers à présenter convenablement leurs réalisations ; à faire en sorte que chaque gâteau soit une oeuvre d'art. D'où la nécessité d'avoir ces deux types de formations : une formation artistique généraliste pour tous et une formation artistique spécialisée appliquée pour certains élèves tournés vers les métiers d'art.

Un enseignement artistique de qualité

D'une façon générale, pour qu'un enseignement artistique soit de qualité, il faut qu'il prenne en considération trois aspects quel que soit le niveau (école, collège, lycée) ou l'ordre d'enseignement (général, technologique, professionnel) :

l'acquisition de moyens d'expression, de techniques et de méthodes élémentaires impliquées dans toute démarche artistique ; des savoir-faire distanciés et intelligents en même temps que technologiques ;

la connaissance des oeuvres, des auteurs, des mouvements, qu'ils appartiennent au patrimoine ou à l'art contemporain ;

que ces deux aspects fondamentaux donnent lieu à une réflexion critique de la part des élèves, de telle sorte qu'ils puissent atteindre une autonomie de jugement et qu'ils sachent, par la suite, mieux se positionner dans la vie active.

Ces nouveaux programmes entrent en vigueur à la rentrée prochaine, 2004. Ils sont assortis d'horaires obligatoires. Plus personne, dans les établissements, ne pourra les supprimer ou considérer qu'ils n'existent pas au BO.

Pour en revenir au titre, rien de surprenant qu'il y soit question des arts appliqués. Il est plus étonnant d'y trouver une ouverture sur d'autres arts. En effet, quatre options obligatoires utilisant un quart de l'horaire global, sont proposées dans les programmes :

une option arts du son ; option dans laquelle les luthiers vont se retrouver très facilement mais d'autres ainsi que la musique  ;

une option arts visuels , concernant l'image, immobile ou en mouvement, sonorisée ou non ;

une option patrimoines (écrit au pluriel parce qu'il y a toutes sortes de patrimoines). Le patrimoine, ce n'est pas que les vieilles pierres ; le patrimoine, c'est ce qui se passait hier par rapport à ce qui se passe aujourd'hui et dans toutes sortes de domaines ;

une option spectacles vivants , centrée sur le théâtre et tout ce qui s'y rapporte, qui peut également concerner des élèves de métiers d'art. ;

(Un exemple : dans les années quatre-vingt, la Comédie-Française, sous convention avec un lycée professionnel, accueillait des élèves de CAP qui fabriquaient les décors d'une pièce inscrite au répertoire. Pour cela, il était nécessaire de maîtriser une technique approfondie, mais en même temps, de savoir se situer dans une chaîne culturelle, liée au théâtre).

Les futurs professionnels ainsi formés seront capables d'investir des marchés extérieurs, et non pas uniquement le marché intérieur, où il est nécessaire, ainsi que le disait Françoise COEUR, que l'offre soit de la qualité maximale pour susciter la demande.

Pierre BAQUÉ informe l'assistance de la sortie au BO n° 40 du 30 octobre 2003 d'un texte « d'orientation en matière d'enseignements artistiques et d'action culturelle », qui fait une part importante aux lycées professionnels et aux enseignements techniques et technologiques. (Il faut bien convenir que par rapport aux enseignements généraux, héritage du XVII e siècle, qui passent pour plus nobles que les autres, ceux qu'évoquaient à l'instant Pierre BAQUÉ on parfois tendance à être un peu oubliés).

Par ailleurs, le Salon de l'Education qui ouvre le 19 novembre pendant cinq jours, est centré cette année, pour ce qui est de l'artistique, sur les métiers d'art. Un certain nombre d'établissements vont montrer ce qu'ils font et ce qu'ils savent faire, des interventions auront lieu autour de cette question, ceci avec l'appui de l'Inspection générale, de madame GRIMAULT, de la SEMA et de la DESCO, que Pierre BAQUÉ remercie d'apporter cette contribution de qualité à une cause qui doit être soutenue.

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Mireille GRIMAULT remercie Pierre BAQUÉ d'avoir évoqué les nouveaux programmes d'arts appliqués. Il reste cependant que pour les métiers d'art, il faut peut-être plus encore et il faut espérer que les choses sont en chantier et arriveront sans doute à être connues d'ici peu.

Les trois intervenants qui vont suivre sont des personnalités fortes, tant sur le plan professionnel que pédagogique, il s'agit de Mme Isabelle EMMERIQUE (professeur de laque à l'ENSAAMA), M. Gérard DESQUAND (professeur à l'école Estienne en gravure et délégué à la SEMA), enfin M. Patrice VOELKEL (président du collectif des céramistes).

Ces trois intervenants vont se présenter successivement pour évoquer le thème « A la recherche d'une meilleure cohérence entre savoir-faire et création ». Vaste problème. Mireille GRIMAULT espère trouver à travers leurs témoignages, les mots qui permettront de concevoir et de construire peut-être cette fameuse cohérence.

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