DISCOURS DE M. FRANÇOIS LOOS,
MINISTRE DÉLÉGUÉ AU COMMERCE EXTÉRIEUR
AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE,
DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

En préambule, Monsieur LOOS remercie Bernard JOLY et le Président CHEVALIER de cette invitation qui lui est faite d'intervenir dans ce colloque consacré principalement à la formation, bien qu'il ne soit pas le ministre de référence ni le spécialiste de la formation, même s'il a occupé cette fonction dans la vice-présidence de région qu'il a occupée auparavant, et il sait à quel point les questions de formation, d'apprentissage et d'ouverture d'une profession à la jeunesse sont des questions qui, à juste titre, préoccupent cette assemblée et doivent préoccuper les instances dirigeantes.

Cette invitation permet également à François LOOS de faire un point sur le commerce extérieur qui, dans beaucoup de professions, est absolument fondamental, non seulement parce qu'il provoque une partie du chiffre d'affaires, mais aussi parce que cela peut être très structurant pour une profession d'avoir ou de ne pas avoir des marchés importants à l'international.

Pour prendre un exemple, tout le monde peut lire dans la presse que la France s'intéresse à la vente du TGV en Chine. Le jour où la Chine se mettra à acheter des TGV, ce seront des milliers de kilomètres à construire, probablement plus rapidement que la même chose en France. Même si l'on veut aller dans le sens du rapport que le Sénateur JOLY a établi sur les lignes européennes dans ce domaine, il est probable qu'un pays comme la Chine peut offrir des marchés plus rapidement le jour où. Et donc, pour cette industrie française, le fait d'obtenir un marché en Chine est absolument structurant. Si la France a le marché, cela permet de prendre définitivement la première place vis-à-vis de la concurrence, cela permet de mettre de nouvelles innovations en place dans ce pays, cela permet d'entretenir les équipes qui sont chargées de faire fonctionner ce genre de choses.

A fortiori , si au lieu de prendre le TGV comme exemple, François LOOS prenait l'industrie nucléaire, aujourd'hui il n'est nécessaire de renouveler le parc français qu'à une certaine échéance, mais si entre temps des gens peuvent continués d'être formés avec des marchés qu'ils peuvent avoir, par exemple en Chine, eh bien il y aura une permanence des besoins de formation qui sera justifiée par ces marchés internationaux.

L'international est souvent structurant par rapport à une profession, c'est-à-dire qu'il apporte une perspective nouvelle qui donne éventuellement la possibilité de combler des trous, mais qui donne surtout la perspective de pouvoir voir à long terme et d'organiser de façon différente la production, la formation, le passage de génération.

Un artisan français établi à New York a indiqué à François LOOS que dans son métier d'art, c'est parce qu'il a pris une part substantielle du marché new-yorkais dans son domaine que son entreprise a une tout autre dimension qui est évidemment liée à son extraordinaire compétence, au fait qu'il soit métier d'art. Mais aussi au fait que lorsque la France hésite, lorsque les clients français ne sont pas aussi déterminés à appuyer cette offre, il a aux Etats-Unis une clientèle extraordinaire qui peut beaucoup mieux apprécier à sa juste valeur et à son juste prix la grande qualité des productions qu'il fabrique.

François LOOS est persuadé que pour la plupart des métiers, il convient aujourd'hui de réfléchir « monde », et ceci vaut pour la multinationale basée en France, comme pour l'artisan qui parfois, à travers une vision internationale, peut raisonner autrement sur sa compétence. Ceci nécessite probablement dans certaines professions des organisations collectives ; il est nécessaire que les professions soient organisées de façon à prendre conscience et à accéder à ces possibilités qu'offre le marché international.

Cette analyse qui est faite de façon très générale peut également être faite thème par thème, mais aussi pays par pays. Actuellement, on s'aperçoit que les entreprises françaises sont très dédiées à l'Union européenne. La France a une part importante d'exportations, elle est le 4 e ou le 5 e exportateur mondial, elle représente 5,2 % du commerce international, ce qui est nettement plus que 1 % de la population. La France est un pays très exportateur, mais exportateur européen et pas suffisamment exportateur vers les pays où il existe une croissance importante ou vers les pays où la France aurait naturellement une place plus importante. La France est en dessous de sa taille en Amérique du Nord et dans les Amériques, elle est très largement en dessous de la taille qu'elle devrait avoir en Asie. La France représente 5,2 % au plan mondial et 1,2 % en Chine. Il est absolument nécessaire de repenser les stratégies et les orientations en fonction de ces éléments.

Cela signifie que la France est un pays aujourd'hui plutôt performant à l'international sur les pays qui ont peu de croissance (entre -1 % et + 2 %). Les pays qui ont 7 % ou 8 % ont une capacité d'innovation et de créativité extraordinaire et dans laquelle ceux qui sont présents pour faire nos produits auront à un moment donné une taille suffisante pour venir concurrencer la France de façon ardue sur ses propres marchés.

Ceci vaut aussi dans les métiers d'art et ceux qui sont actifs dans ce que l'on appelle « le luxe » savent bien à quel point les pays asiatiques sont déterminants pour la croissance de leurs marchés. Il y a eu les pays arabes, il y a eu les pays asiatiques ; pour ces pays, il y a une espèce de ségrégation sociale qui s'effectue à travers le luxe. Le luxe est une façon de marquer sa différence, comme jadis les mandarins étaient classés par ordre autour de l'empereur, aujourd'hui il y a une nécessité de montrer que l'on est différent à travers les produits de luxe, les produits de sophistication que l'on peut posséder.

Participer à cette construction d'une sorte de hiérarchie sociale est quelque chose qui est naturellement faite par les gens qui font de la joaillerie, des bijoux, mais représente aussi pour l'ensemble des professions métiers d'art une opportunité extrêmement importante.

Pour faire face à ces orientations géographiques et thématiques, il faut des organisations collectives. Le SEMA en est un exemple type et François LOOS pense qu'il est nécessaire que les professionnels métiers d'art sachent quelles sont les réponses publiques qui peuvent être apportées à leur ambition au plan international.

Il y en a aujourd'hui de trois sortes :

1) Les conseils régionaux ont établi des plans d'actions à l'international, et parmi les différentes régions, il y a 16 plans auxquels les professionnels métiers d'art pourraient avoir accès. Ces plans correspondent à 148 M€ sur la période 2000 à 2006 et sont assistés en général par la mission de l'artisanat et des très petites entreprises d'UBI France, organisme public qui est l'Agence nationale de l'exportation.

Parmi ces 16 plans dans seize régions, six sont plus particulièrement destinés aux métiers d'art et ont choisi de mettre spécifiquement l'accent à l'international :

- Ile-de-France et en Limousin, plan Art de vivre ,

- Poitou-Charentes, plan Métiers d'art ,

- Lorraine, plan Ameublement et Lutherie ,

- Picardie, plan Métiers d'art et Patrimoine .

2) Les chambres de commerce ou les chambres de métiers . La chambre régionale des métiers de Poitou-Charentes organise un salon collectif à Amsterdam au mois de novembre, la chambre régionale des métiers de Dordogne organise à Londres et à Berlin l'année prochaine des salons sur Vivre la France et l'Art de vivre.

Il y a de la part des chambres régionales de métiers une mission d'activation de ce genre d'opportunité à mener. François LOOS fait ce travail avec les chambres de commerce et d'industrie depuis quelques mois, il doit rencontrer prochainement les chambres des métiers de façon à renforcer ce dispositif, à le rendre tout à fait naturel et quasiment obligatoire pour que les entreprises puissent au maximum bénéficier de cet effet structurant international.

3) L'Etat avec des salons qui peuvent concerner les professionnels métiers d'art. Il y a les salons organisés par UBI France, il y en a 193 en projet pour l'année 2004. Ils n'auront pas tous lieux, mais sur ces 193 projets, 32 concernent les métiers d'art. En plus des salons organisés par l'Agence nationale d'exportation, il y a les salons qui sont subventionnés par l'Etat, mais qui ne sont pas organisés par le dispositif public. A très court terme, l'Etat va soutenir le « Atlanta Gift & Home ... Market » de janvier et de juillet 2004 et le « New York Gift Market » de février et d'août 2004 auxquels les professions métiers d'art sont particulièrement intéressées et invitées.

Après ce tour d'horizon des principes qui font que le commerce extérieur a vocation à interpeller les professionnels métiers d'art et une liste précise de ce qu'il est possible d'obtenir comme aide ou comme action collective dans ce domaine, François LOOS reste à la disposition de l'assistance pour répondre aux questions qui peuvent se poser.

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DÉBAT AVEC LA SALLE

De la salle - Actuellement, les Italiens ont de nombreux développements dans les Pays de l'Est, et notamment en Russie, alors que les Français sont en minorité. L'ambassade et les conseillers commerciaux manquent d'effectifs pour aider les gens, or c'est un marché en pleine expansion.

François LOOS indique que la Russie a repris le chemin de la croissance qu'elle avait un peu mis de côté ces dernières années. Aujourd'hui, elle semble repartie pour un bon niveau de croissance. Tous les palais de Saint-Pétersbourg ont été restaurés et effectivement, peu d'entreprises françaises ont participé. François LOOS ne connaît pas bien la compétence et la qualité des opérateurs des différents Pays de l'Est. Dans un pays comme la Roumanie, il doit y avoir énormément de personnels dans certains métiers que CEAUCESCU a fortement soutenus dans le passé, et il doit y avoir une concurrence assez importante dans les Pays de l'Est.

Le ministère est à la disposition des professionnels métiers d'art pour organiser des missions collectives en Russie où il y a un potentiel sans doute très important. Il y a une classe très aisée qui est prête à acheter de très beaux objets et il y a probablement quelque chose à monter à la fois vers le côté public et vers le côté privé. Dans la catégorie régionale, dans la catégorie chambres des métiers ou dans la catégorie Etat, il est possible de monter, avec ceux que cela intéresse, une opération collective vers la Russie qui a un fort potentiel.

De la salle - Moscou compte 15 millions d'habitants et il y a 1,5 million de gens qui ont les moyens, mais il est quand même très difficile de s'implanter.

François LOOS reconnaît que la France est peu implantée en Russie. En Pologne, les entreprises françaises ont investi plus d'un milliard d'euros depuis une dizaine d'années, alors qu'en Russie, la France est à moins d'un milliard. Les entreprises françaises commencent seulement maintenant à aller en Russie, de la même manière qu'elles sont allées dans les pays de l'Est auparavant. Le rapport devrait être dans l'autre sens.

Philippe BODARD (luthier, délégué SEMA - Doubs) explique qu'il avait été organisé par un de ses amis qui réside en Russie une exposition à Moscou sur la facture instrumentale, et il est envisagé de faire une exposition à Saint-Pétersbourg sur le même thème et qui concernerait à la fois les luthiers français, italiens et peut-être allemands.

François LOOS indique que la Lorraine a un programme lutherie et il serait peut-être intéressant que la Franche-Comté ait ce même type de programme, à condition qu'il y ait une assise régionale forte. En outre, il propose à monsieur BODARD de se rapprocher de la Lorraine qui pourrait peut-être organiser quelque chose dans ce sens. Le dispositif public de l'Agence Nationale de l'Export (UBI France) a prévu environ 190 salons pour l'année 2004, mais il ne semble pas qu'il y en ait sur le thème de la lutherie. Il conviendrait de s'adresser aux conseils régionaux et aux chambres régionales de métiers d'organiser de telles manifestations si elles ont la masse critique dans leur région, ensuite, l'Etat peut soutenir ou rendre nationale une initiative locale.

Gérard PAQUET (président du syndicat des naturalistes de France) interpelle monsieur le ministre au sujet de la taxidermie qui rencontre des problèmes de concurrence avec l'Afrique du Sud. Le marché de la taxidermie a évolué avec, pour une grande part, les trophées africains et asiatiques.

Les trophées africains sont généralement faits en Afrique du Sud dans d'importants ateliers et reviennent naturalisés en France avec un taux de TVA à 5 % parce que ces animaux sont considérés comme de l'alimentation, alors que pour les clients français qui vont chasser en Afrique, les taxidermistes français, qui ont de petites structures, proposent un tarif avec un taux de TVA à 19,6 % puisque dans ce cas, l'animal naturalisé est considéré comme un objet d'art. Est-il possible d'harmoniser cette TVA ou d'appliquer le taux de 19,6 % aux importations d'Afrique du Sud ?

François LOOS propose qu'un parlementaire évoque ce problème dans le cadre des questions écrites au gouvernement. La solution sera sans doute d'appliquer le taux de TVA 19,6 % au produit importé, il n'y a pas en effet, de raison que les taxidermistes subissent une concurrence déloyale des produits d'importation, mais c'est une question qu'il convient d'étudier.

Pierre CHEVALIER remercie monsieur le ministre d'avoir pris sur son emploi du temps pour être présent et apporter un certain nombre de bonnes nouvelles aux professionnels des métiers d'art.

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