Rapport d'information n° 161 (2003-2004) de M. Gérard LARCHER et plusieurs de ses collègues, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 janvier 2004

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N° 161

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 janvier 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) à la suite d'une mission effectuée en Russie du 15 au 23 septembre 2003,

Par MM. Gérard LARCHER, Bernard PIRAS, Jean-Marc PASTOR, Bernard BARRAUX, Hilaire FLANDRE, François FORTASSIN, Christian GAUDIN, Georges GRUILLOT, Gérard LE CAM et Henri REVOL,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Gérard Cornu, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Jacques Moulinier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Henri de Richemont, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Europe - Asie

« Là où il n'y a pas de vision, les peuples périssent »

La Bible (Ancien Testament)

« Toutes les doctrines, toutes les écoles,
toutes les révoltes n'ont qu'un temps »

Charles de Gaulle

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport fait suite aux travaux conduits dans le cadre d'une mission d'information sur la Russie mise en place au printemps 2003, qui a notamment conduit ses membres à effectuer un déplacement dans ce pays du 15 au 23 septembre derniers . Il reprend, en les développant, les principales observations présentées à la commission des Affaires économiques la semaine suivant le retour de la mission.

Le choix de mener une étude sur la Russie reposait sur plusieurs constats :

- la place croissante que tend à prendre ce pays sur le marché mondial de l'énergie , du fait de ses formidables réserves et du dynamisme de l'exploitation pétrolière et gazière, l'importance de la Russie s'étant dans ce domaine, trouvée renforcée par la crise au Moyen-Orient ;

- la volonté russe de s'intégrer au sein de la communauté économique internationale , dont témoigne notamment son aspiration à devenir membre de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) ;

- les transformations économiques rapides qui s'opèrent dans ce pays en reconstruction, après une décennie marquée par les privatisations et le choc de la crise économique et financière de 1998.

Au-delà d'une approche générale de la situation politique, économique et sociale de la Russie, la mission d'information s'était donné pour objectif d' appréhender son économie sous l'angle de ses trois principaux secteurs d'avenir : l'énergie, l'agriculture et les transports .

Compte tenu de ces préoccupations, notre programme de travail nous a conduit à visiter non seulement Moscou, capitale économique et politique de ce pays, Saint-Pétersbourg, sa capitale culturelle, mais aussi deux villes de province : Tioumen, dans l'Oural, et Krasnodar, à proximité de la mer Noire.

Ce déplacement a été l'occasion d'entretiens intéressants avec des responsables politiques, des acteurs économiques ainsi que des membres de la communauté française, mais également de visites « sur le terrain » qui nous ont donné une approche concrète des secteurs agricole et énergétique et un aperçu des réalités sociales du pays.

A cet égard, la délégation tient à remercier l'ensemble des interlocuteurs rencontrés pour la qualité et la chaleur de leur accueil, ainsi que les services diplomatiques et la mission économique de la France en Russie pour la contribution qu'ils ont apportée au déroulement de ce déplacement.

Les travaux de la mission d'information ont, par ailleurs, été complétés par un certain nombre d' auditions . Ils ont également été l'occasion d'accueillir, le 28 octobre 2003, une importante délégation russe de la région de l'Oural , composée d'élus locaux et de représentants du pouvoir fédéral, dont M. Latychev, représentant plénipotentiaire du président de la Fédération de Russie, ainsi que de chefs d'entreprises.

Réunie le 21 janvier 2004, la commission des Affaires économiques a examiné ce rapport et l'a approuvé à l'unanimité.

RÉSUMÉ

1. La Russie que nous avons approchée est incontestablement un pays en marche vers la modernité .

Sur le plan politique, tout d'abord .

Depuis l'arrivée de M. Vladimir Poutine au pouvoir est à l'oeuvre, dans ce pays, un mouvement de reconstruction de l'Etat et du droit . La réaffirmation de l'autorité de l'Etat vise à faire contrepoids à certains gouverneurs des régions, qui avaient conquis une influence considérable ces dernières années. C'est notamment l'objectif de la nomination, en 2000, de sept super-préfets (« polpreds »), investis de l'entière confiance du président russe, à la tête de sept grandes circonscriptions régionales. C'est également l'ambition de lois récentes qui redéfinissent le partage des attributions entre l'Etat fédéral et les 89 « sujets » de la Fédération , et qui combinées avec la réforme fiscale, conduisent à réévaluer la part de l'ensemble des recettes fiscales qui revient au pouvoir central. Parallèlement, plusieurs textes et codes ont été publiés en vue de doter le pays d'un cadre juridique moderne et adapté à l'instauration d'une économie de marché : code civil, code foncier, droit commercial... Cette ambition rénovatrice est également illustrée par la mise en oeuvre, certes non encore achevée, d'un vaste programme de réformes structurelles , qui va de la libéralisation des monopoles naturels à la simplification des réglementations applicables aux PME en passant par la consolidation du secteur bancaire et la réduction de la pression fiscale.

Pour se donner les moyens politiques de conduire cette action ambitieuse, Poutine a formé et soutenu un nouveau parti « Russie Unie », qui a remporté une large victoire aux élections législatives de décembre, augurant favorablement pour lui de l'issue de l'élection présidentielle prévue en mars. Par ailleurs, le Kremlin paraît également s'attaquer à la collusion fréquemment constatée en Russie entre sphère politique et affaires, surtout lorsque sont en jeu les intérêts stratégiques du pays ou ce qu'il estime être des arrière-pensées politiques, comme tel fut le cas dans le dossier « Youkos ».

Sur le plan économique, la Russie semble également se relever.

Après le choc qu'avait provoqué la crise financière de 1998 sur une économie fragilisée par des années de transition brutale, la Russie enregistre depuis 1999 une croissance économique considérable : ainsi, la croissance du PIB est comprise entre 6 et 9 % par an. De même, les investissements ont augmenté de 35 % en quatre ans.

Ce dynamisme économique, qui s'explique par la restauration de la compétitivité des produits russes obtenue grâce à la dévaluation du rouble, et surtout par la bonne tenue du cours des matières premières énergétiques massivement exportées, est également à l'origine d'un important excédent de la balance commerciale (46 milliards d'euros). En outre, le respect d'une stricte orthodoxie budgétaire et monétaire s'est traduit par un assainissement des finances publiques . L'amélioration de l'ensemble des fondamentaux favorise, par ailleurs, le retour des capitaux en Russie.

Si la croissance est attestée par les chiffres, elle est aussi visible sur le terrain. Les grues et chantiers témoignent de l'existence de programmes immobiliers ou de projets comme la construction d'un quartier d'affaires à Moscou. En outre, des grandes surfaces occidentales (Ikéa, Auchan...) apparaissent dans la périphérie des grandes villes et les petits commerces foisonnent.

Enfin, la société russe connaît elle aussi de profondes mutations.

Si les Russes découvrent avec une certaine frénésie -mais sans toujours pouvoir en profiter- les séductions de l'argent et de la consommation, une grande partie de la population vit dans un état de pauvreté qui s'est aggravé avec la transition économique et la crise de 1998. Le salaire moyen est de 200 dollars par mois et environ un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. L' effondrement de l'Etat social rend le quotidien plus difficile (logements dégradés, coût prohibitif des soins...), ce qui explique l'amertume d'une partie de la société et la nostalgie à l'égard d'un régime qui se donnait comme objectif de pourvoir au bien-être de tous. La surmortalité liée à la dégradation de l'état sanitaire et la faiblesse de la natalité ont, par ailleurs, pour conséquence une diminution de la population d'environ 800.000 personnes chaque année.

Le bouleversement induit par ces changements conduit les Russes à chercher des repères et notamment une identité russe , dont témoigne le renouveau de l'orthodoxie .

Cependant, le choc que représente le passage au libéralisme génère aussi, chez certains, une avidité qui les porte vers la recherche de l'argent facile par les petits trafics, le « business »... Cet état d'esprit qui conduit à privilégier des projets offrant un retour rapide sur investissement , peut s'avérer un handicap pour le développement économique du pays à moyen et long terme.

2. Cependant, un certain nombre de points noirs sont de nature à hypothéquer la dynamique de développement qui semble se dessiner en Russie .

La première réserve que l'on peut émettre concerne la place prise par l'exploitation de la rente énergétique dans la croissance économique. Ce secteur représente 15 % du PIB, la moitié des exportations, 75 % des investissements et 2/3 des recettes fiscales, plaçant ainsi l'économie et l'Etat à la merci de la moindre baisse des cours sur le marché de l'énergie. En outre, le dynamisme de l'exploitation pétrolière et gazière bride le développement des autres secteurs d'activité, de sorte que le pays ne parvient pas à diversifier sa production industrielle et à répondre à la demande de son marché intérieur, notamment en matière de biens de consommation.

En ce qui concerne, par ailleurs, les réformes engagées, s'il convient de se féliciter de l'adoption d'un certain nombre de textes, encore faut-il qu'ils soient appliqués. Or, l' application du droit en Russie se heurte souvent à l'inertie de l'administration . Le poids de la bureaucratie, la lourdeur de son fonctionnement, auxquels il convient d'ajouter la corruption (« l'efficacité se monnaye ») peuvent également décourager l'initiative privée et asphyxier l'économie . De nombreuses entreprises étrangères se plaignent également de l'insécurité juridique . L'engagement d'une réforme administrative visant à modifier tant les structures que les comportements s'avère donc nécessaire.

Parmi les handicaps structurels, il faut encore citer la faiblesse du système bancaire , qui n'est pas en mesure d'offrir les crédits de long terme dont l'économie russe a besoin pour financer sa modernisation. Une réforme de grande envergure visant à instaurer un climat de confiance dans ce domaine est une nécessité absolue.

Par ailleurs, compte tenu de l' ampleur des investissements à réaliser , ce pays ne peut se passer de l' apport que représentent les capitaux extérieurs . Pourtant, les investisseurs étrangers sont parfois gênés par les manoeuvres d'entreprises nationales qui, avec la complicité du pouvoir politique, notamment au plan local, tentent de freiner leur réussite. Telle est, en tout cas, l'expérience de Total, qui est en litige avec l'administration fiscale russe à propos du pétrole qu'il exploite en association avec deux entreprises russes. En outre, la banalisation de la contrefaçon atteste d'une protection insuffisante de la propriété intellectuelle dans ce pays.

3. L'énergie, l'agriculture et les transports : secteurs d'avenir .

Le secteur énergétique est le premier secteur d'activité en Russie.

L'exploitation pétrolière russe est pour l'essentiel aux mains d'un petit nombre de compagnies privées , qui rivalisent aujourd'hui avec les majors occidentales. Sa croissance est tirée par les exportations qui ont fortement progressé ces dernières années. Cette évolution est cohérente avec l'un des axes de la politique étrangère de M. Vladimir Poutine qui ambitionne, dans le cadre d'un rapprochement avec les pays occidentaux, de faire de la Russie leur fournisseur privilégié de pétrole au détriment des pays du Moyen-Orient. De fait, la Russie est aujourd'hui au coude à coude avec l'Arabie Saoudite pour la place de premier producteur mondial de pétrole . Ses réserves sont toutefois beaucoup moins importantes que celles des pays du Moyen-Orient, et la mise en valeur de nouveaux champs implique un recours aux investissements étrangers.

Le dynamisme du secteur gazier est aussi stimulé par les ventes à l'étranger. Cependant, le contexte est différent en raison du monopole de l'entreprise d'Etat Gazprom et de l' importance de la consommation domestique de gaz qui représente deux tiers de la production. A cet égard, ce secteur soutient l'ensemble de l'économie russe notamment par le biais des factures impayées qui grèvent la rentabilité de Gazprom. Les potentialités de développement du secteur gazier n'en sont pas moins considérables, la Russie détenant 38 % des réserves mondiales de gaz . Elle compte d'ailleurs augmenter ses exportations à destination de l'Union européenne à laquelle elle fournit déjà un tiers de sa consommation de gaz. La grande inconnue demeure la date à laquelle interviendra la libéralisation de ce marché qui est lourd d'enjeux économiques et sociaux intérieurs. Il est aussi lourd d'enjeux internationaux puisque l'atout de productivité que constitue une ressource énergétique dont le niveau de prix est parfois contesté par les partenaires de la Russie, notamment l'Union européenne, peut être de nature à entraver certaines négociations (adhésion à l'OMC, par exemple).

Si le pétrole et le gaz occupent une place privilégiée dans la politique énergétique russe, le gouvernement n'en néglige pas pour autant les autres sources d'énergie . Il met en oeuvre un plan de relance du nucléaire , secteur dont le développement avait été stoppé net après l'accident de Tchernobyl, et encourage l'extraction de charbon , dont la Russie possède également d'importantes réserves. On voit ainsi se dessiner une optimisation de l'utilisation énergétique en Russie, les exportations de gaz et de pétrole devant apporter des recettes au pays, alors que l'énergie nucléaire, l'énergie thermique produite en partie à partir de charbon, auxquels il convient d'ajouter l'énergie hydraulique, sont destinées à la consommation domestique.

L'agriculture russe se caractérise, quant à elle, par trois traits essentiels :

- une surface agricole immense (220 millions d'hectares), gérée de manière extensive dans le cadre de vastes domaines (8.000 à 10.000 ha) hérités des structures collectives soviétiques. Le rachat récent de plusieurs de ces vastes fermes par des groupes industriels et financiers conduit à la formation d'immenses complexes agricoles qui rapproche la Russie d'un modèle latifundiaire très éloigné du modèle agricole européen ;

- un manque évident de capitaux pour acheter des machines agricoles, des traitements phytosanitaires et des engrais, en raison de la faible solvabilité des exploitations et de l'insuffisance du crédit agricole. Cette sous-capitalisation se traduit par des rendements peu élevés : 15 à 20 quintaux par hectare pour les céréales par exemple ;

- une production agricole qui se redresse , même si la Russie reste encore déficitaire sur le plan alimentaire. Ce redressement est illustré par les succès constatés dans le secteur céréalier , alors que le développement de l'élevage est devenu une priorité.

L'agriculture offre donc un potentiel très important. Cependant, sa transition n'est pas encore accomplie , comme le montre l'importance de la production familiale (la culture du lopin de terre) qui représenterait plus de la moitié de la production agricole.

Le secteur des transports : une importance capitale en termes d'aménagement du territoire.

Le réseau d'infrastructures russe est satisfaisant (plus de 900.000 km de routes, 87.000 km de voies ferrées, 450 aéroports) sauf dans le domaine maritime et portuaire pour lequel le partage réalisé lors de l'éclatement de l'URSS s'est fait au détriment de la Russie. Les transports collectifs sont également très développés.

Si l'ensemble du secteur a subi les conséquences d'un effondrement de la demande durant les années 90, la reprise du trafic est aujourd'hui au rendez-vous sur tous les réseaux, tirée notamment par le fret. La problématique du transport des matières énergétiques est très présente dans la mesure où la saturation des oléoducs impose de trouver des solutions nouvelles : transport ferroviaire, transport fluvial. Par ailleurs, les ports se restructurent en vue de faire face à l'exportation du pétrole.

Cependant, le secteur des transports reste fragilisé financièrement , notamment par la sous-évaluation des tarifs pour les passagers. A titre d'exemple, 46 millions de personnes empruntent gratuitement les transports en commun. Or, les besoins de financement sont énormes pour rénover les réseaux et remplacer le matériel (les trois-quarts de la flotte aérienne ont plus de dix ans). Dans ce domaine, comme dans d'autres, l'avenir passe donc, notamment, par des coopérations internationales . La France est, à cet égard, assez présente. Dans le secteur aérien Aeroflot est sur le point d'adhérer à l'alliance Skyteam. Dans le secteur routier un groupe de travail franco-russe a été instauré pour mettre à profit l'expérience française en matière de péages routiers.

PREMIÈRE PARTIE -

UN QUASI-CONTINENT EN MOUVEMENT

I. UN VASTE TERRITOIRE, PEU PEUPLÉ, AUX ATOUTS CONSIDÉRABLES

A. UN TERRITOIRE IMMENSE

D'une superficie supérieure à 17 millions de km² , ce qui correspond à 1/8 e des terres émergées, la Russie est le plus vaste Etat du globe. Elle s'étend sur plus de 3.500 kilomètres du nord au sud et 9.000 kilomètres d'est en ouest, couvrant ainsi onze fuseaux horaires.

Ce territoire immense se compose essentiellement de plaines (la plaine russe, la plaine de Sibérie occidentale) et de plateaux bas (plateau de Sibérie centrale), avec cependant quelques zones montagneuses :

- l' Oural , chaîne peu élevée culminant à 1.900 mètres d'altitude qui, sans constituer un obstacle naturel infranchissable (ses cols se passent à 500 mètres d'altitude) sépare en deux sur 2.000 kilomètres la plaine euro-sibérienne ;

- un ensemble montagneux long et discontinu à l'est , qui va de l'Altaï, sur la frontière chinoise, au Kamtchatka en bordure de l'océan Pacifique ;

- le bourrelet du Caucase , au sud, compris entre la mer Noire et la mer Caspienne.

Cet espace est, pour l'essentiel, situé dans une zone nordique. Sur les deux tiers du territoire, l'hiver dure la moitié de l'année, ce qui rend l'activité et les conditions de vie particulièrement rudes. Dans le grand Nord, le sous-sol reste gelé en permanence : c'est la merzlota.

De fait, le territoire russe se compose de milieux ingrats, qui évoluent en fonction du climat et des sols, du nord au sud : la toundra dans la partie la plus septentrionale, la forêt boréale de la taïga, les terres plus riches de la zone centrale occupées à l'origine par une forêt de feuillus, plus au sud les zones fertiles de la prairie grâce aux fameuses « terres noires », et enfin, le milieu steppique.

Les différents milieux naturels en Russie

La toundra correspond à une formation végétale pauvre formée de mousses, de lichens et de plantes à bulbes, qui se parsème de saules et de bouleaux, à mesure que l'on progresse vers le sud. Son développement s'explique par des conditions climatiques difficiles, marquées par des hivers longs et rigoureux (neuf mois en moyenne, dont trois mois pendant lesquels les températures sont inférieures à 40°), et des étés furtifs, ne permettant qu'un dégel superficiel des terres).

La taïga ou forêt boréale, composée de conifères, prospère également dans les zones de plaines et dans l'Oural. Malgré la faiblesse des précipitations, l'obstacle à l'écoulement des eaux que constitue le gel des sols entraîne l'apparition de marécages et de tourbières, qui forment des clairières dans cette forêt.

La forêt de feuillus (chênes, charmes, bouleaux) qui se développe dans une zone plus méridionale correspond à un climat moins rude et à des sols plus riches. C'est pourquoi elle a été partiellement défrichée pour laisser place à l'agriculture.

Au sud de cette zone forestière, le climat se réchauffe l'été, alors que la couverture neigeuse est plus dense l'hiver. Il en résulte l'apparition d'une prairie , gorgée d'eau au printemps (phénomène de raspoutitsa), qui s'enrichit grâce à la décomposition de l'humus. C'est la région fertile du tchernoziem, (ou « terres noires ») , très propice au développement agricole.

Plus au sud et à l'est, la prairie cède le pas à la steppe , à mesure que s'accentue le déficit hydrique, en particulier à proximité de la mer Caspienne et du Kazakhstan.

Au cours de son déplacement en Russie, la délégation sénatoriale s'est rendue dans quatre régions :

- Moscou : la capitale politique et économique du pays, peuplée de 9 millions d'habitants ;

- Saint-Pétersbourg , capitale culturelle de la Russie, où vivent 5 millions d'habitants ;

- l'oblast 1 ( * ) de Tioumen , situé dans le district fédéral de l'Oural, dans la partie ouest de la plaine de Sibérie. Cet oblast concentre 90 % de la production de gaz et 65 % de la production pétrolière de la Russie, l'essentiel de ces richesses étant toutefois situé sur les territoires autonomes des Khanty-Mansi (pétrole) et des Yamalo-Nenets (gaz) qui lui sont rattachés ;

- le kraï 2 ( * ) de Krasnodar (ancienne province de Kouban), grande région agricole du Caucase située en bordure de la mer Noire. C'est une région au climat méditerranéen où se développe, en outre, une activité touristique.

B. UN DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE AUX ENJEUX MULTIPLES

La Russie compte aujourd'hui 144,9 millions d'habitants, ce qui correspond à une densité très faible de 8,5 habitants par km².

La situation démographique de ce pays se caractérise, en premier lieu, par un phénomène saisissant : la diminution, ces dix dernières années, du nombre de ses habitants . La population russe a diminué de 6 millions de personnes depuis l'effondrement du régime soviétique, alors qu'elle avait augmenté de 10 millions d'habitants entre 1979 et 1989. Chaque année, elle se réduit d'environ 800.000 habitants.

Ce déclin démographique préoccupant s'explique par la faiblesse de la natalité et la progression de la mortalité, dans un contexte marqué par d'importants bouleversements économiques et sociaux et par une dégradation de l'état sanitaire de la population.

La chute du niveau de vie dans les années 1990, les difficultés de logement et le manque de certitude concernant l'avenir ont eu pour conséquence un effondrement de la natalité : le taux de fécondité en 2000 n'est plus que de 1,2 enfant par femme .

L'augmentation de la mortalité est, en revanche, alimentée par l'alcoolisme, les suicides ainsi que par la réapparition d'affections telles que la tuberculose et la diphtérie, liée à la dégradation du système de santé publique.

L'emprise de l'alcool , en particulier de la vodka, est un véritable fléau. La consommation d'alcool pur par habitant en Russie (14,5 litres par an) est la plus élevée du monde. Selon une statistique citée dans un ouvrage récent 3 ( * ) sur la Russie, deux tiers des hommes qui sont décédés entre 20 et 55 ans en 2000 étaient en état d'ivresse.

Cette surmortalité s'accompagne d'un inquiétant recul de l'espérance de vie , surtout chez les hommes, pour qui elle est passée de 64 ans en 1990 à 60 ans aujourd'hui. Pour les femmes, l'espérance de vie s'établit à 72,4 ans.

La diminution de la population est également favorisée par l'émigration des Russes vers les pays étrangers, en particulier l'Union européenne. Quelque 70.000 personnes seraient concernées chaque année. Comme l'a souligné M. Biancardini, Consul adjoint de France à Saint-Pétersbourg aux membres de la délégation, cette émigration est, pour une large part, féminine, les jeunes femmes espérant trouver une autre vie dans les pays occidentaux et n'hésitant pas, pour ce faire, à passer par des agences matrimoniales.

En outre, si le mouvement d'exode rural semble s'être stabilisé, se dessine en revanche une tendance à la concentration démographique dans les régions situées à l'ouest de l'Oural .

L'exode rural a été marqué jusqu'à la fin des années 1980. Entre 1979 et 1989, le taux d'urbanisation est passé de 69 à 73 %. Ce mouvement s'est traduit par une désertion des campagnes vers les centres urbains locaux. A cet égard, il convient de souligner que la Russie compte 13 villes de plus d'un million d'habitants (en France, seul Paris dépasse ce seuil). Moscou compte 9 millions d'habitants et Saint-Pétersbourg 5 millions. Cependant, ce mouvement s'est stabilisé à la faveur de la transition économique, les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne étant, sans doute, plus supportables en zone rurale.

On observe, en revanche, un mouvement d'abandon des régions difficiles dont le peuplement avait fait l'objet d'une politique volontariste sous le régime soviétique : l'essentiel de la Sibérie, le nord de la Russie européenne (Nenets, Arkhangelsk, presqu'île de Kola), l'Extrême-Orient russe. La disparition des avantages divers (priorité pour obtenir un logement au retour, bons de vacances, départ plus précoce à la retraite ...), l'aggravation des difficultés d'approvisionnement et l'absence d'un confort minimal incitent aujourd'hui les habitants qui étaient venus en pionniers à retourner vers les régions plus clémentes, même si le coût de ce transfert constitue souvent un frein. Au total, 70 % de l'espace russe serait aujourd'hui un espace d'émigration .

A l'inverse, seul 30 % du territoire apparaît attractif : outre Moscou et Saint-Pétersbourg vers lesquelles les flux sont toutefois limités par le système de la « propiska » (passeport intérieur), il s'agit des riches régions agricoles du sud, comme celle de Krasnodar, des régions du centre et de l'axe de la Volga.

Ce dépeuplement pose question sur le plan stratégique . Comme le soulignait Mme Hélène Carrère-d'Encausse 4 ( * ) , il laisse « un espace vide aux abords d'une Chine surpeuplée ». Un certain nombre de Chinois (entre 5 et 6 millions selon les estimations) serait déjà présent sur le territoire dans les zones frontalières de la Chine. Le dilemme pour l'Etat russe est alors le suivant : accepter que l'Est de la Russie soit le déversoir d'un trop-plein de Chinois avec, comme risques, une sinisation et une perte de contrôle de ces territoires, ou se résoudre à voir mourir des régions qui possèdent des ressources naturelles considérables et dont la mise en valeur est encore largement inachevée.

Plus généralement, le déclin démographique pose le problème de l'immigration en Russie . Certes, la population russe est déjà très diverse puisqu'elle se compose de 134 « nationalités » (Tatars, Ukrainiens, Tchouvaches, Bachkires, Mordroves, Tchétchènes ...). Mais les Russes se montrent très réticents à une ouverture qui risquerait de modifier plus largement les équilibres ethniques. Une certaine immigration existe cependant, en particulier à l'ouest de la Russie. Il s'agit d'émigrants biélorusses ou ukrainiens qui fournissent une main-d'oeuvre bon marché dans les régions frontalières pour les métiers les plus difficiles.

C. UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE CONSIDÉRABLE

1. Des ressources naturelles substantielles

La Russie offre un énorme potentiel de ressources biologiques, minérales et énergétiques.

Si la rudesse des conditions climatiques paralyse l'activité agricole pendant de longs mois, la Russie n'en possède pas moins une surface agricole utile de 220 millions d'hectares, dont 130 millions de terres arables (contre 18 millions en France). L'épaisse couverture forestière qui s'étend sur une large part du territoire est un réservoir pour l'exploitation du bois. Enfin, les nombreuses étendues d'eau comme le lac Baïkal ou le lac Lagoda, les fleuves géants tels que la Lena (4.400 kilomètres), l'Amour (4.354 kilomètres), l'Ienisseï (4.102 kilomètres) et la Volga (3.540 kilomètres) offrent des ressources pour la pêche , l' irrigation et la production d' hydroélectricité .

Mais ce sont surtout les réserves minérales de la Russie qui sont impressionnantes. Ce pays recèle un tiers des réserves gazières mondiales , 5 % des réserves de pétrole et près de 20 % des réserves mondiales de charbon. D'autres richesses sont présentes en abondance dans son sous-sol, comme le fer (gisement de Koursk), le manganèse, le cuivre, le nickel, ainsi que des métaux précieux (or de l'Oural) auxquels il convient d'ajouter les minerais utilisés pour la fabrication des engrais.

Ainsi, la Russie possède des ressources naturelles considérables qui ne sont encore aujourd'hui que partiellement exploitées . Leur mise en valeur suppose, en effet, des investissements importants ce qui, compte tenu du manque de capitaux dont souffre ce pays, rend indispensable le recours à des investissements étrangers .

2. Une opportunité réelle pour l'Union européenne et pour la France

L'Union européenne constitue un partenaire économique de première importance pour la Russie. Elle est, à la fois, son premier fournisseur (37,6 % des importations russes) et son premier client (35,5 % des exportations russes). En outre, l'Union européenne est à l'origine de 38 % des investissements directs étrangers en Russie, ce qui la place au premier rang des investisseurs de ce pays.

Les relations économiques et commerciales de la France et de la Russie connaissent une progression marquée.

Nos échanges commerciaux se caractérisent par un important déficit (moins 2,9 milliards d'euros en 2002), qui s'est accentué depuis 1990 en raison de l'appréciation du cours du brut. Les hydrocarbures et produits énergétiques constituent, en effet, l'essentiel (85,8 %) de nos importations de Russie qui s'élèvent, en 2002, à 4,5 milliards d'euros.

Nos exportations atteignent 2,5 milliards d'euros en 2002. Elles concernent des biens de consommation courante (25 %), des biens d'équipement (26 %), des biens intermédiaires (27 %), le reste étant constitué de produits agroalimentaires et de véhicules automobiles. Les produits français les plus achetés par les Russes demeurent les parfums et les cosmétiques. Si des exportations françaises ont enregistré une progression ces dernières années, l'appréciation de l'euro pourrait toutefois contribuer à freiner cette tendance.

La présence française se renforce dans le domaine des investissements. Certes, la Russie n'occupe encore que le 50 e rang des destinations dans le monde pour les investissements français et la France n'est que le 8 e investisseur direct en Russie.

Cependant, quelque 400 entreprises françaises sont aujourd'hui implantées sur le territoire russe , représentant un stock d'investissement compris entre 400 et 500 millions d'euros. Les domaines concernés sont variés, de la grande distribution (Auchan) à l'agroalimentaire (Bonduelle, Danone, Lactalis, Soufflet, Sucden...), en passant par les pneumatiques (Michelin), le verre (St-Gobain) ou encore l'automobile (Renault).

La Russie offre d'intéressantes opportunités à la France, notamment dans les domaines suivants :

- le secteur aéronautique et aérospatial

Ce domaine prioritaire pour la coopération franco-russe a déjà donné lieu à d'importantes réalisations. Airbus vend ainsi des appareils à Aeroflot , un contrat d'achat portant sur 18 appareils ayant été passé en 2000. D'autre part, Aéroports de Paris (ADP) a été chargé de la réalisation des études préalables à la construction du troisième terminal de l'aéroport Sheremetievo et pourrait remporter le marché de son exploitation. Air France compte développer son partenariat avec Aeroflot dans le cadre de l' alliance Skyteam . Enfin, une coopération se noue également entre EADS et l'agence spatiale Rosaviacosmos, alors que les lanceurs Soyouz utilisés pour la station spatiale internationale devraient être installés sur le site de Kourou en Guyane.

- le secteur énergétique

Compte tenu de la place importante qu'occupe la Russie dans notre approvisionnement en gaz (25 % de nos importations) et de pétrole (2 e fournisseur), les entreprises françaises de ce secteur sont naturellement très intéressées par le développement de liens avec la Russie. Total développe ainsi une activité d'exploitation pétrolière , alors que Gaz de France vient de renouveler auprès de Gazprom un contrat d'approvisionnement à long terme et envisage de s'impliquer dans la reconfiguration des réseaux de distribution du gaz russe en Europe, où ce dernier représente 30 % de la consommation. Dans le domaine du nucléaire, les relations pourraient être plus fortes mais se heurtent, pour l'instant, à des divergences d'appréciation en matière de sûreté nucléaire.

- le secteur agricole

La France pourrait jouer un rôle dans la reconstitution des cheptels de la Russie, notamment de son cheptel bovin , par l'exportation d'animaux et de semences. Elle pourrait également partager son expérience dans le domaine vétérinaire et celui de la santé animale. Réciproquement, une complémentarité pourrait s'instaurer entre les agricultures russe et européenne, si la Russie acceptait de remplacer une partie de ses cultures céréalières par des protéines végétales, production dans laquelle l'Union européenne souffre d'un important déficit.

- le domaine des transports

Enfin, les entreprises françaises pourraient être intéressées par l'ouverture des transports urbains russes à la gestion déléguée . Par ailleurs, un groupe de travail franco-russe a été mis en place en 2002 en vue de la création d'un système de concessions autoroutières , la Russie se montrant très intéressée par l'expérience française dans ce domaine.

Ainsi, les perspectives offertes à la France par l'économie russe sont nombreuses et variées. Certes, la pesanteur administrative, l'insécurité juridique, les manoeuvres des concurrents nationaux peuvent décourager les investisseurs potentiels. Mais pour les entrepreneurs les plus persévérants, la réussite est à portée de main. Certains des chefs d'entreprises rencontrés par la délégation lors de son déplacement parlent de « paradis fiscal » et de « retour sur investissements substantiel ».

Les liens associatifs entre la Russie et la France s'avèrent utiles pour nouer des contacts et développer des initiatives. En témoigne l'action menée par l'association France-Baïkal, devenue depuis 1998 l'association Europe-Baïkal, dont les représentants ont été auditionnés par la mission d'information. Présente depuis plus de dix ans en Russie, cette association travaille au développement de la protection de l'environnement et du tourisme, ainsi qu'à la sauvegarde du patrimoine dans la région d'Irkoutsk et du lac Baïkal.

II. UNE PUISSANCE POLITIQUE EN RECOMPOSITION

A. LA QUESTION DE L'ORGANISATION DU TERRITOIRE

1. L'héritage de l'URSS

Le 8 décembre 1991 , la dissolution officielle de l'URSS est prononcée, entérinant l'indépendance des Républiques socialistes proclamée peu après la tentative manquée de putsch des conservateurs communistes en août 1991.

Le même jour, est créée une Communauté des Etats indépendants (CEI) , composée à l'origine de la Russie, de la Biélorussie et de l'Ukraine, à laquelle adhéreront par la suite l'ensemble des ex-Républiques soviétiques, à l'exception des Etats baltes.

La Russie est reconnue comme l' Etat successeur de l'URSS sur le plan diplomatique. C'est à ce titre qu'elle la remplace comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies (ONU).

2. Une organisation territoriale complexe

Le nouveau régime mis en place en Russie après 1991 (traité du 31 mars 1992) est une fédération composée de 89 sujets territoriaux dont l'autonomie et le statut sont variables. Ces sujets ont tous des instances propres, dont un gouverneur élu, et envoient chacun deux représentants à la chambre haute de l'Etat fédéral de Russie, le Conseil de la fédération.

On distingue parmi ces 89 entités :

- 21 républiques qui ont succédé aux « républiques autonomes » de l'ère soviétique, constituées selon des critères ethniques. La proportion de minorités à l'intérieur de ces républiques peut être importante, comme c'est le cas au Tatarstan ou, au contraire, très minoritaire, comme en Carélie. Ces entités ont plus d'autonomie que les régions et les Russes ont tendance à les considérer comme des colonies. Ce statut a pourtant été refusé en 1992 par deux républiques qui souhaitaient obtenir leur indépendance : le Tatarstan, qui y a ensuite renoncé moyennant quelques concessions, et la Tchétchénie qui n'a jamais accepté cette situation, provoquant plusieurs conflits meurtriers avec le pouvoir central ;

- 49 régions (oblast) et 6 territoires (kraï) qui sont les entités « de droit commun » en Russie. La distinction entre oblast et kraï est historique, ces derniers désignant des espaces de colonisation récente et soumis comme tels à une plus forte autorité militaire du pouvoir central ;

- 9 districts autonomes (okroug) qui sont définis selon les critères ethniques mais sont placés sous l'autorité des oblast et des kraï auxquels ils se rattachent. Ainsi, l'okroug des Khanty-Mansi et celui des Yamalo-Nenets relèvent de l'oblast de Tioumen ;

- 2 entités ad hoc en Extrême-Orient , dont la région autonome juive appelée République du Birobidjan ;

- et 2 villes autonomes « d'importance fédérale » : Moscou et Saint-Pétersbourg .

B. UN MOUVEMENT DE RESTAURATION DU POUVOIR CENTRAL

Arrivé au pouvoir sur un programme de redressement du pays, M. Vladimir Poutine a initié et mis en oeuvre une réforme dite « de restauration de la verticalité du pouvoir », qui vise à réaffirmer l'autorité de l'Etat sur le territoire russe et à contenir l'influence grandissante prise par les régions. Cette réforme s'est notamment traduite par :

- la nomination de sept représentants plénipotentiaires du président (dits « Polpreds ») et donc du pouvoir fédéral, à la tête de sept nouveaux districts fédéraux couvrant l'ensemble du territoire ;

Selon les renseignements recueillis par la délégation lors de son déplacement, les Polpreds avaient, à l'origine, pour principale mission de veiller à la hiérarchie des normes , en faisant en sorte que le droit fédéré respecte bien le droit fédéral. A ce titre, ils exercent leur autorité sur les fonctionnaires du pouvoir central en poste dans les régions, qu'ils peuvent, le cas échéant, destituer. Enfin, ils disposent de pouvoirs militaires et de sécurité exceptionnels.

Pour l'essentiel ex-membres du KGB, les hommes qui occupent ces postes sont issus du même sérail que M. Vladimir Poutine et bénéficient de l'entière confiance de celui-ci.

- la redéfinition du partage des compétences et des ressources entre le pouvoir fédéral, les régions et les municipalités ;

Cette redéfinition a donné lieu, dans le cadre de la réforme fiscale, à l'augmentation (de 50 à 60 %) de la part des recettes fiscales qui revient à l'Etat, au détriment des régions.

- une réforme de l'administration et de l'armée ;

Afin de moderniser le fonctionnement de l'administration, l'accent a été mis sur l'allégement des structures centrales et la déconcentration, ainsi que sur l'adaptation du droit applicable à la fonction publique.

Cependant, force est de reconnaître que la réforme administrative a , pour l'heure , peu avancé . Malgré l'accomplissement d'un travail de recensement des fonctions au sein des différents ministères et agences fédérales, elle reste notamment paralysée par les divergences entre ses différents inspirateurs : administration présidentielle, appareil du Gouvernement, ministères du développement économique et du travail.

Parallèlement a été prévue une réduction des effectifs de l'armée , dont la professionnalisation a été envisagée à plus ou moins long terme. En raison du manque de moyens, le choix d'un système mixte semble pourtant prévaloir à court terme. Ainsi, le programme de réforme adopté en juillet 2003 prévoit un recours prudent et limité à des contractuels à partir de 2007, ainsi que la réduction à un an du service militaire en 2008.

- la rénovation du droit .

Comme l'a rappelé M. Grigory Tomchin, président de la commission des Affaires économiques de la Douma aux membres de la délégation, la Russie était encore dépourvue, il y a douze ans, de tout cadre juridique adapté à une économie libérale et à une société moderne . Dans ce domaine, tout était à reconstruire, tant au plan civil et pénal, que s'agissant des relations commerciales. L'adoption du code civil date seulement de 1995 et son entrée en vigueur de 1997.

L'arrivée de M. Vladimir Poutine marque la volonté de poursuivre ce chantier important, par l'élaboration d'un code de procédure pénale, d'un code de procédure commerciale, mais aussi par l'adoption d'une législation sur les professions de la justice et sur la médiation.

Il convient toutefois de garder à l'esprit que les normes juridiques sont récentes en Russie et que leur application peut encore se montrer hésitante , en particulier lorsque leur interprétation par les juges n'a pas été stabilisée.

M. Vladimir Poutine a accompagné cette rénovation du fonctionnement institutionnel par une action visant à conforter ses bases politiques .

Ainsi, il a structuré dans un parti appelé Edinaïa Rossia (« Russie Unie » ) la majorité pro-présidentielle au sein de la Douma et a favorisé la nomination de ses membres à l'ensemble des présidences des commissions, dont les communistes se sont trouvés évincés en avril 2002.

Les récentes lois sur les partis politiques et sur la lutte contre l'extrémisme visent à mieux contrôler le paysage politique qui se compose, à côté de « Russie Unie », du parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR), d'un embryon de parti social-démocrate et de deux partis libéraux : Iabloko et le SPS.

Les élections législatives à la Douma qui se sont déroulées le 7 décembre 2003 ont conforté l'assise politique de M. Vladimir Poutine, son parti « Russie Unie » étant sorti comme le grand vainqueur de ce scrutin avec 37,6 % de suffrages exprimés. Il est vrai que le président russe n'a pas manqué d'user de sa popularité pour soutenir ce parti, donnant ainsi à la campagne un tour quelque peu plébiscitaire.

MODALITÉS DES ÉLECTIONS À LA DOUMA

Elue pour quatre ans, la Douma d'Etat se compose de 450 députés élus selon un mode de scrutin mixte :

- 225 sièges sont pourvus à la proportionnelle selon un scrutin de liste ; pour accéder à cette représentation, un minimum de 5 % des suffrages est exigé ;

- 225 sièges sont pourvus au scrutin uninominal . Le candidat arrivant en tête de sa circonscription électorale est élu à condition d'avoir recueilli au moins 25 % des voix et de ne pas être devancé par le « vote contre tous » (possibilité pour les électeurs d'exprimer leur rejet de l'ensemble des candidats en cochant sur leur bulletin de vote la case « vote contre tous ».)

Ces élections n'en font pas moins suite à une campagne terne sur le plan idéologique , au cours de laquelle le parti présidentiel a occupé le devant de la scène sans vraiment engager le débat avec les partis de l'opposition. Selon certains observateurs internationaux, tels que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les facilités offertes par l'appareil d'Etat, en particulier sur le plan médiatique, auraient assez sensiblement avantagé le parti « Russie Unie ».

La victoire de celui-ci s'est faite au détriment du parti communiste qui a seulement obtenu 12,6 % des voix (contre 24 % en 1999) et des deux partis libéraux, Iabloko et SPS , qui ne sont pas parvenus à franchir le seuil de 5 % des suffrages exprimés permettant d'être représenté à la Douma. Les libéraux ont particulièrement souffert de l'affaire Youkos qui s'est déroulée en toile de fond de la campagne électorale, dès lors qu'ils ont été identifiés aux intérêts oligarchiques. L'éviction massive des partis libéraux de la Douma est une perte pour la vie politique russe car ils étaient un relais pour les réformes et un contrepoids face aux nationalistes.

Le LDPR , parti nationaliste de M. Vladimir Jirinovski, conforte sa place de troisième force politique (11,5 % des voix).

Enfin, ces élections consacrent l'émergence d'un parti nationaliste de gauche, Rodina La Patrie »), qui a recueilli 9 % des suffrages. La naissance de ce parti, quelques mois avant les élections, a été facilitée par le parti présidentiel de « Russie Unie » avec l'idée d'affaiblir les communistes. Compte tenu de son caractère éclectique, Rodina pourrait jouer un rôle pivot dans les équilibres politiques de la nouvelle Douma.

En dépit d'une importante abstention (plus de 43 % des inscrits) qui illustre le désintérêt d'une partie de la société russe à l'égard d'une vie politique peu structurée, ce scrutin laisse augurer favorablement de la victoire de M. Vladimir Poutine à la prochaine élection présidentielle en mars 2004.

Quant au parti présidentiel, s'il acquiert le statut de parti majoritaire, il lui reste toutefois à se doter d'une doctrine politique susceptible d'inspirer l'action gouvernementale.

Les sièges pourvus à l'issue des deux scrutins de ces élections législatives se répartissent comme suit :

Source : Ambassade de France en Russie

Enfin, le Kremlin s'est attaché à réduire l'influence qu'exercent les oligarques sur la vie économique depuis l'ère Eltsine.

Proche du précédent chef de l'Etat, les oligarques sont d'anciens apparatchiks et membres de la nomenklatura, qui ont su profiter des privatisations menées dans les années 1990 pour se retrouver aux postes-clés de l'économie. Mal vus de l'opinion qui leur reproche de s'être accaparés des biens publics, ils constituent une menace de division au sein même du pouvoir, compte tenu de leurs liens étroits avec les milieux politiques.

C'est pour cette raison que M. Vladimir Poutine a choisi de mettre à l'écart les oligarques les plus liés au régime précédent : exil de MM. Berezovski et Goussinski, lutte active contre la corruption par l'intermédiaire de la cour des comptes et de la procuratura, reprise en main des entreprises d'Etat.

Faisant suite à une série d'actions conduites depuis septembre 2003 à l'encontre du groupe pétrolier Youkos , l'arrestation de son patron M. Mikhaïl Khodorkovski , le 25 octobre 2003, paraît s'inscrire dans la droite ligne de cette politique.

L'affaire Youkos : de la chasse aux oligarques à la priorité énergétique

Les chefs d'inculpation officiellement invoqués tournent autour de l'évasion fiscale à grande échelle qu'aurait orchestrée M. Khodorkovski au profit de son groupe. Cependant, son arrestation n'est pas -semble-t-il- sans sanctionner également les velléités politiques du milliardaire (soutien financier aux partis libéraux, manoeuvres à la Douma qui auraient pu déboucher sur une parlementarisation du régime redoutée par M. Vladimir Poutine) et surtout la menace qu'auraient pu représenter les projets de Youkos pour l'indépendance énergétique de la Russie : constitution avec Sibneft d'un géant pétrolier russe prêt à s'allier à des majors anglo-saxonnes, construction d'oléoducs privés en Chine qui mettraient à mal le monopole de la société publique Transneft sur le transport de pétrole, ambition de devenir fournisseur privilégié des Etats-Unis...

Ainsi, l'affaire Youkos a été l'occasion pour le Kremlin de confirmer une orientation stratégique forte qu'il souhaite défendre pour la Russie : faire de la production et de l'exportation des matières énergétiques le socle de son développement économique et le bras armé de sa diplomatie. En témoignent les déclarations faites par M. Sergueï Ivanov, ministre de la défense de la Fédération au moment de l'affaire : « l'Etat ne doit pas perdre le contrôle des secteurs stratégiques de l'économie [...] j'entends , pour le pétrole, le contrôle du niveau de production, des travaux de prospection [...]. Par ailleurs, les ressources naturelles relèvent de la propriété de l'Etat et non privée. »

Cependant, selon certains observateurs, M. Vladimir Poutine pourrait lui-même être tenté de placer systématiquement aux postes-clés de l'administration des membres du FSB (ex-KGB) qui lui sont dévoués (le clan des « s ilovikis »), au risque de reproduire le modèle précédent.

De fait, comme l'analysait la politologue Mme Marie Mendras, co-auteur d'un ouvrage 5 ( * ) récent sur la Russie, dans un article 6 ( * ) paru en décembre dans le quotidien Libération, le régime politique russe ne renvoie pas encore à la démocratie, mais plutôt à un système complexe fait de luttes d'influence entre différents réseaux , de marchandages et de compromis entre des intérêts qui s'opposent.

C. UNE VOLONTÉ D'AFFIRMATION DANS LES RELATIONS EXTÉRIEURES

L'accession au pouvoir de M. Vladimir Poutine s'est également traduite par la volonté de reconquérir une influence à l'extérieur, après les errements de la politique étrangère russe à la fin de l'ère Eltsine.

Ainsi, la politique extérieure conduite par le président russe paraît désormais se structurer autour de trois axes :

1. Un rapprochement avec l'Occident

Si le discours de M. Vladimir Poutine a été marqué, à ces débuts, par l'importance qu'il accordait aux Nations-Unies, au multilatéralisme et au respect du droit international, il a sensiblement évolué vers un rapprochement en direction de l'Occident et, en premier lieu, avec les Etats-Unis , à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Ce rapprochement s'opère sous le thème de la lutte contre le terrorisme, ce qui permet à la Russie de justifier aux yeux de ses partenaires la politique répressive qu'elle conduit en Tchétchénie. Ainsi, le Kremlin a soutenu l'intervention militaire américaine contre le régime des Talibans à la suite de ces attentats, en autorisant la présence des Etats-Unis en Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan et Tadjikistan).

Par la suite, le partenariat avec les Etats-Unis a débouché sur de nouvelles modalités d'association entre la Russie et l'OTAN (nouveau conseil OTAN - Russie) et sur la signature, en mai 2001, d'un nouveau traité de réduction des armes stratégiques.

Certes, ce rapprochement avec les Etats-Unis n'est pas exempt de tensions comme à l'occasion de l'intervention américaine en Irak, à laquelle Moscou était opposé.

En dépit de son caractère asymétrique -les Etats-Unis étant économiquement et militairement très supérieurs à leur partenaire russe-, cette relation particulière avec les Etats-Unis permet à la Russie d'exister de nouveau comme une puissance respectée au plan international . Force est toutefois de constater qu'elle se fait au détriment d'une politique claire à l'égard de l'Union européenne qui est pourtant son premier partenaire commercial.

2. La mise en oeuvre d'une diplomatie économique

L'adoption d'une véritable politique économique a pour ambition d'intégrer la Russie à l'économie mondiale , en vue notamment de favoriser sa modernisation.

Ainsi, la doctrine de politique étrangère de M. Vladimir Poutine, adoptée en juin 2000 se fixe notamment comme objectif « la création des conditions externes favorables à la croissance et à la fondation d'une économie de marché ».

Cette orientation de la politique étrangère est confortée par le choix d'un rapprochement avec l'Occident. Les Etats-Unis et l'Union européenne lui ont ainsi accordé en 2002 le statut « d'économie de marché ». De même, la Russie est devenue membre à part entière du G8. Quant aux négociations en vue de l'adhésion à l'OMC, elles progressent sûrement.

L'un des volets majeurs de cette diplomatie économique repose sur l'exportation de matières énergétiques . Il s'agit à la fois de procurer à la Russie des recettes destinées à favoriser son développement économique et de faire en sorte qu'elle devienne l'interlocuteur privilégié des Etats-Unis et de l'Union européenne dans ce domaine. Les nombreux projets logistiques et portuaires visant à faciliter les exportations de pétrole et de gaz vers ces deux partenaires attestent de cet objectif qui se traduit également par l'instauration d'un « dialogue énergétique » avec les Etats-Unis.

3. La préservation des liens avec « l'étranger proche »

Enfin, le troisième axe de la stratégie extérieure de M. Vladimir Poutine apparaît comme une constante de la politique étrangère russe : il s'agit de conforter l'influence de la Russie sur ses voisins immédiats .

Cela passe notamment par la recherche d'une interdépendance économique et énergétique au sein de la CEI et par l'entretien de liens privilégiés avec la Biélorussie, l'Arménie ainsi que, depuis peu, avec l'Azerbaïdjan.

La Russie continue, en outre, à utiliser les « conflits gelés » dans cette zone pour justifier le maintien d'une présence militaire ou politique (Moldavie/Transnistrie, Haut-Karabakh, Géorgie/Abkhazie). Cependant, la bienveillance de la Géorgie à l'égard des réfugiés tchétchènes constitue une préoccupation pour la Russie qui la conduit à porter une grande attention à ce pays.

III. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE AU MILIEU DU GUÉ

A. LE CHOIX RÉSOLU DE L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ

Après la crise économique d'août 1998, l'économie russe a renoué avec la croissance dans le cadre d'une politique économique qui affiche son choix de l'économie de marché.

Alors que les années de transition qui avaient suivi l'effondrement du régime soviétique avaient surtout été marquées par les privatisations conduites par M. Boris Eltsine , et avaient abouti à transférer la propriété des biens concernés aux mains de quelques oligarques, la politique économique mise en oeuvre depuis l'arrivée au pouvoir de M. Vladimir Poutine vise à doter la Russie d'un cadre destiné à favoriser l'émergence d'une économie libérale .

Depuis l'automne 1998, l'économie russe a redémarré . Le PIB a augmenté en Russie de 25 %, les investissements de 35 % et la production agricole de 20 %.

Après avoir enregistré un pic à 9 % en 2000, la croissance du PIB a connu un léger ralentissement en 2001 et 2002, avant de repartir à la hausse. Sur l'année 2003, la croissance devrait être de 6 %.

Le retour de la croissance s'explique d'abord par les conséquences de la dévaluation du rouble en août 1998 , qui a renchéri le prix des produits importés et a rétabli la compétitivité de l'appareil de production russe.

Par la suite, la bonne tenue des cours du pétrole a soutenu le redémarrage de l'économie russe.

La croissance économique a permis d'améliorer les revenus de la population (+ 8,8 % en 2002, + 14,6 % au premier semestre 2003) et de favoriser le développement de la consommation, en particulier dans la capitale où les groupes internationaux de la distribution, comme Auchan, Métro, Wal Mart ou Ikéa, se sont installés. Biens de consommation courante, électroménager, équipement de la maison, cosmétiques suscitent un véritable engouement. La consommation a ainsi progressé de 8,6 % en 2003.

Evolution du PIB et du PIB par habitant entre 1993 et 2003

Source : Mission économique

Accompagnant une politique économique orthodoxe sur le plan budgétaire et monétaire , la croissance a permis un rétablissement des fondamentaux économiques et financiers .

Ainsi, la balance commerciale affichait en 2002 un excédent de 46 milliards de dollars (soit près de 14 % du PIB). Grâce à l'entrée massive de devises liée à l'exportation de matières énergétiques, les réserves de change ont fortement progressé depuis trois ans, passant de 12 milliards de dollars en 1999 à 64 milliards de dollars en août 2003.

La situation des finances publiques est également assainie. Le budget fédéral est en excédent depuis trois ans (2,5 % du PIB en 2000, 3,1 % en 2001 et 1,8 % en 2002). Un effort particulier a été fourni en matière d'endettement extérieur, la Russie ayant racheté par anticipation une partie de sa dette afin de lisser le pic de remboursement qui aurait dû intervenir en 2003. La dette publique extérieure représente aujourd'hui 35 % du PIB.

L'inflation demeure néanmoins relativement importante (18,6 % en glissement annuel en 2001 et 15,1 % en 2002). Tout d'abord parce que les autorités monétaires parviennent difficilement à stériliser toutes les entrées de devises liées aux exportations. En outre, l'inflation est alimentée par des facteurs internes, tels que l'augmentation des tarifs des monopoles naturels.

Au-delà de la politique économique conduite, l'arrimage de la Russie de M. Vladimir Poutine à l'économie de marché est également illustré par la mise en oeuvre du programme de réformes structurelles présenté en 2000, largement inspiré des recommandations des institutions financières internationales. Parmi les avancées accomplies, il convient notamment de signaler :

La mise en oeuvre de la réforme fiscale

Il s'agit d'un vaste programme de réduction des prélèvements obligatoires , financé par une suppression des mesures d'exonération, en particulier celles accordées par les régions, et par un relèvement des accises. La réforme fiscale a notamment conduit à l'instauration d'un impôt sur le revenu des personnes physiques au taux unique de 13 %, à la création d'un impôt social unifié acquitté par les employeurs au titre de la protection sociale des salariés et à une forte réduction (de 40 à 24 %) de l'impôt sur les bénéfices des sociétés .

En 2003, il a également été décidé de supprimer l'impôt sur les ventes qui était perçu par les régions et de réduire de 20 à 18 % le taux de TVA, cette baisse devant être poursuivie en 2004 et 2005 afin de soutenir la croissance.

Des mesures de simplification de la fiscalité applicable aux petites et moyennes entreprises ont, en outre, été adoptées.

Enfin, il faut souligner que les investisseurs étrangers bénéficient, sous certaines conditions, d'exonération de la TVA en cas d'apports en nature (équipements, biens intermédiaires) au capital d'une société implantée en Russie.

Ainsi, l'Etat fédéral manifeste sa volonté de soutenir l'activité par la réduction de la pression fiscale. Dans le même temps, l'amélioration de la collecte des impôts qui résulte de la réforme contribue à restaurer ses capacités financières, ce qui lui permet d'honorer ses engagements et de payer ses fonctionnaires.

L'adoption de la réforme foncière

Cette réforme a été conduite en deux temps. En 2001, son premier volet a libéralisé les transactions sur les terrains à vocation industrielle et commerciale .

Plus controversé, son deuxième volet concerne les échanges de terres agricoles . Adopté, après de longs débats, le 25 juillet 2002, il reconnaît le droit de détenir, d'utiliser et de céder les terres agricoles et autorise leur legs en héritage. En outre, le nouveau code foncier permet aux autorités régionales de privatiser leurs terres au-delà d'un seuil imposé de 35 % et les dote d'un droit de préemption sur les parcelles à vendre. En revanche, il interdit aux étrangers de devenir propriétaires de terres agricoles.

Les effets attendus de cette réforme sont, d'une part, un meilleur accès des propriétaires fonciers aux financements extérieurs, d'autre part, une croissance des transactions favorisant la restructuration des exploitations.

La simplification de la réglementation applicable aux entreprises

Un paquet de textes a été récemment adopté en vue de simplifier les formalités administratives applicables aux entreprises et aux commerces . Une telle réforme s'imposait. M. Yvan Materov, vice-ministre de la Fédération en charge du développement économique et du commerce rappelait, à titre d'exemple, aux membres de la délégation qu'avant son adoption, il était nécessaire de recueillir plus de 130 signatures pour pouvoir fonder une entreprise à Moscou.

Ainsi, le nombre d'activités pour lesquelles une licence est exigée a été réduit de 400 à une centaine et les procédures d'enregistrement ont été allégées.

Cette nouvelle réglementation vise aussi à rationaliser les contrôles exercés par l'administration sur les opérateurs économiques.

D'autres réformes sont en cours dans le secteur des monopoles naturels : chemins de fer, télécommunications, électricité. Votre rapporteur reviendra sur ces points dans le cadre des développements consacrés à ces domaines d'activités.

B. UNE ROUTE ENCORE LONGUE À PARCOURIR

1. La dynamique du développement n'est pas encore enclenchée

Malgré la croissance soutenue enregistrée ces dernières années, l'économie russe n'a pas encore acquis une dynamique propre combinant production et consommation domestiques.

Sa principale source de richesses demeure, en effet, l'exploitation des matières premières énergétiques (pétrole et gaz) qui représente 15 % du PIB et plus de la moitié des recettes d'exportations. Les trois-quarts des exportations concernent des matières premières (combustibles, minerais et métaux).

L'exploitation de la rente énergétique place l'Etat dans une situation de dépendance, dans la mesure où les recettes fiscales tirées de la vente de ces ressources alimentent en grande partie le budget fédéral.

Une telle dépendance fragilise à la fois l'Etat et l'économie russe, qui sont à la merci d'une diminution des cours des matières premières.

Drainant l'essentiel des investissements (75 %), le secteur énergétique tend à brider le développement des autres secteurs d'activité (« syndrome hollandais »). Les industries les plus développées sont la production électrique, l'industrie des combustibles, la sidérurgie, les constructions mécaniques, la chimie et l'agroalimentaire. L'économie domestique n'est, de ce fait, pas en mesure de répondre à la demande intérieure , en particulier en matière de biens de consommation courante, ce qui favorise les importations.

Il convient d'ajouter que l'appréciation du rouble liée à l'entrée massive des devises tirées de l'exportation de pétrole dégrade la compétitivité des produits fabriqués en Russie et encourage aussi les importations.

Pour parvenir à un développement autonome, une diversification du tissu industriel est nécessaire , ce qui implique une croissance de la formation brute de capital fixe.

Celle-ci est encore insuffisante, puisqu'elle ne représente que 15 % du PIB, alors que les besoins de modernisation des équipements et d'acquisition de matériels sont considérables.

Or, la progression de l'investissement bute sur la faiblesse des financements disponibles , compte tenu de l'absence de système financier adapté à une économie de marché. L'autofinancement, qui représente la principale source de financement des investissements ne permet de satisfaire qu'une infime partie des besoins de modernisation de l'économie russe.

Cette situation a été aggravée par la fuite illégale des capitaux russes qui, comme M. Pierre Cochard, sous-directeur de l'Europe continentale au ministère des Affaires étrangères, l'a rappelé lors de son audition au Sénat, a concerné jusqu'à 20 milliards de dollars par an à la fin des années 1990. Cependant, il convient de noter que la tendance s'est infléchie, puisqu'en 2002, 11 milliards de dollars ont été exportés illégalement.

2. Des freins endogènes demeurent

Par ailleurs, l'économie russe pâtit de l'existence d'obstacles endogènes au développement, qui sont l'héritage de l'époque soviétique et de la période de désorganisation qui a suivi l'effondrement de ce régime.

L'interférence entre les sphères économique et politique

L'interférence entre les affaires et le monde politique reste une donnée fondamentale du paysage économique russe. La transition économique et politique des années 1990 ne s'est, de ce point de vue, pas traduite par de grands changements par rapport à la période antérieure.

Lors des privatisations menées sous l'ère Eltsine, les oligarques, groupe d'apparatchiks proches du président, ont mis la main sur le secteur des ressources naturelles, de sorte que l'interpénétration des affaires et du pouvoir est au fondement de l'actuel régime politique en Russie.

Aujourd'hui, alors que le président s'appuie plutôt sur le parti des forces de sécurité (les « silovikis »), c'est la Douma qui est investi par le secteur économique. Tous les grands groupes industriels et financiers font en sorte d'avoir des représentants à la chambre basse , quelle que soit la couleur de la liste électorale sur laquelle ils figurent. Même le parti communiste a des élus issus des milieux d'affaires. Il s'agit, pour les entreprises, d'influencer l'élaboration de la loi et de se garantir les protections nécessaires, au grand dam, évidemment, de la politisation des débats et de la vitalité de la démocratie.

Cette confusion se retrouve au niveau des régions, dont les gouverneurs sont souvent passés d'une réussite économique à des responsabilités politiques.

Dans ce contexte, on peut se demander si l'ambition de M. Vladimir Poutine de contenir les oligarques, illustrée notamment par l'arrestation récente du président de Youkos (la plus grande fortune de Russie) qui avait laissé entendre qu'il pourrait s'engager en politique, témoigne d'une véritable volonté de remise en ordre ou dissimule, au contraire, d'autres intérêts.

L'inadaptation culturelle de la société aux exigences de l'économie de marché

Elle transparaît, tout d'abord, dans le comportement au travail. Certes, le manque de zèle généralement constaté est sans doute lié à la faiblesse des salaires officiels, les Russes justifiant leur absence d'implication par une formule très couramment citée : « Ils font semblant de nous payer, alors nous faisons semblant de travailler ».

Dans ce contexte, la faiblesse de la productivité en Russie n'a rien d'étonnant. Sa stagnation contraste avec l'augmentation sensible des salaires réels depuis deux ans. Il en résulte une augmentation des coûts unitaires de production qui dégrade la rentabilité des entreprises. Cependant, compte tenu du niveau peu élevé des salaires, ce n'est pas la limitation de leur progression qu'il faut rechercher, mais bien plutôt l'augmentation de la productivité.

L'attitude généralement constatée face au travail se traduit par une lourdeur et une lenteur des procédures administratives . Toute démarche requiert ainsi patience et ténacité, sans que le résultat soit jamais garanti. La délégation a pu le constater s'agissant des procédures d'enregistrement aux aéroports au cours de son déplacement.

Votre rapporteur a également été saisi par un collectif d'enseignants du lycée français de Moscou des difficultés qu'ils rencontrent dans leur vie quotidienne en Russie , en raison de la complexité, pour ne pas dire de l'opacité, des procédure administratives . Parmi les nombreux faits relatés figurent, par exemple, l'obligation d'assurer une deuxième fois en Russie un véhicule déjà assuré en France, l'obligation d'obtenir un permis avant d'engager toute rénovation d'un logement « ne serait-ce que pour élargir une porte » ou encore le refus des autorités russes de délivrer un visa aux enfants franco-russes nés en Russie, parce qu'elles refusent de les considérer comme français.

La pesanteur administrative, aggravée le plus souvent par les changements d'interprétation des règles et donc par une grande insécurité juridique, s'avère aussi décourageante pour les entreprises , d'autant que les exigences administratives sont souvent un non-sens sur le plan économique . Ainsi, le président de la commission des Affaires économiques du Conseil de la Fédération a expliqué aux membres de la délégation que le service des pompiers interdisait aux entreprises, notamment du secteur de la joaillerie, de placer, pour se prémunir des risques de cambriolage ou d'intrusion et respecter aussi les exigences des compagnies d'assurance, des grilles aux fenêtres des bâtiments au motif qu'il convient de garantir l'évacuation en cas d'incendie. L'application stricte de ces deux corps de règles contradictoires (celles des assureurs et celles des pompiers) oblige, en conséquence, les entreprises à rémunérer des agents du ministère de l'Intérieur pour en assurer la sécurité.

En outre, au-delà du problème de l'efficacité au travail, l'économie russe est pénalisée par d'importants gaspillages , en raison des habitudes prises à l'époque soviétique, quand la fourniture de nombreux biens de consommation (électricité, chauffage, téléphone, eau...) était gratuite.

L'omniprésence de la corruption

Le manque d'efficacité et la lourdeur des procédures sont aussi, bien souvent, un moyen déguisé de réclamer « pots-de-vin » et « bakchichs ». La corruption est ainsi très répandue dans l'administration, où elle permet aux fonctionnaires de compléter des rémunérations dérisoires. Cependant, elle ne se limite pas à cette sphère, mais irrigue l'ensemble de la société russe, minant le développement de l'économie.

3. D'importantes réformes structurelles restent à accomplir

Le processus de réforme n'est pas achevé. Des chantiers essentiels doivent encore être menés à bien.

C'est, bien sûr, le cas dans le secteur des monopoles naturels . Ainsi, malgré la définition d'orientations générales en décembre 2002, aucune avancée n'a été enregistrée dans le secteur gazier, la libéralisation de Gazprom ayant été repoussée sine die à l'automne 2003. En outre, si des réformes ont bien été adoptées en 2002 s'agissant du transport ferroviaire et de la production d'électricité (ouverture à la concurrence), elles doivent encore être mises en oeuvre, ce qui pourrait prendre du temps.

Par ailleurs, le fonctionnement de l'administration doit faire l'objet d'une réforme en profondeur , si on veut éviter qu'elle continue à être un facteur d'asphyxie de l'économie. Si les privatisations ont permis l'apparition d'activités économiques distinctes de l'Etat, une réforme de celui-ci en apparaît, à ce stade, un complément indispensable.

Il importe, dans cette optique, de clarifier les compétences des différentes administrations (ministères, cabinet du Gouvernement, administration présidentielle...), dont l'imbrication est une source de confusion et d'insécurité juridique pour les citoyens.

Il serait également nécessaire de freiner la progression du nombre de fonctionnaires , qui est passé de 997.000 en 1994 à 1,2 million en 2001, sous l'effet de la croissance des administrations régionales et locales. Les moyens ainsi libérés pourraient permettre de mieux rémunérer les agents en poste et donc de diminuer la corruption.

Enfin, incitation et répression devraient être combinées pour favoriser un changement d'état d'esprit au sein de l'administration . Cela passe par la diffusion d'une culture du mérite et du résultat, mais aussi par l'émergence d'une justice indépendante qui soit à même de sanctionner les abus de pouvoir.

Une autre réforme s'impose s'agissant du système bancaire et financier.

Le secteur bancaire russe reste d'une taille très étroite , la capitalisation bancaire ne représentant que 7 % du PIB. Il est également très morcelé (1.330 banques), même si une banque publique, la Sberbank, concentre près du tiers des actifs. L'absence d'instruments pour stimuler l'épargne et offrir des financements aux petites et moyennes entreprises pose problème. Certes, une amélioration de l'intermédiation est perceptible depuis 2001. Ainsi, les crédits à l'économie ont progressé de 50 % en termes réels entre juillet 2001 et mars 2002.

Si la faiblesse des dépôts est souvent mise en cause, le problème réside également dans la réticence des banques à consentir des prêts , en raison de l'insuffisante transparence des entreprises et des lacunes dans la protection des intérêts des créanciers, notamment en cas de faillite. Ainsi, les banques se montrent peu enclines à accorder des prêts à d'autres secteurs que celui des matières premières.

Le développement du secteur bancaire passe donc par l'instauration d'un climat de confiance , qui requiert l'élaboration de règles prudentielles , l'instauration d'un système de garantie des dépôts , la diversification des portefeuilles, ainsi que la mise en place d'une surveillance des banques . Pour l'heure, seule une loi renforçant les pouvoirs de la banque centrale a été adoptée en 2001.

Pour favoriser les investissements de long terme, il serait également pertinent de mettre en place un fonds public qui, à l'instar de la Caisse des dépôts et consignations, financerait les investissements publics en infrastructures qui sont le complément indispensable des investissements privés.

C. UN RAPPORT AMBIVALENT À L'OUVERTURE INTERNATIONALE

Tout en affichant une volonté d'ouverture aux échanges internationaux et d'intégration aux marchés mondiaux, les acteurs économiques et les pouvoirs publics russes adoptent une attitude ambivalente face à l'extérieur dès que des intérêts nationaux sont menacés.

1. Une certaine méfiance à l'égard de la présence étrangère

L'insuffisance des capacités de financement sur le marché domestique devrait naturellement conduire la Russie à rechercher les capitaux étrangers. Pourtant, une certaine défiance se manifeste en pratique à leur égard, notamment en ce qui concerne les investissements directs.

Certes, les investissements internationaux ont sensiblement progressé ces dernières années. Selon M. Yvan Materov, vice-ministre du développement économique, leur croissance a atteint 12 % au premier semestre de l'année 2003.

La part des investissements directs dans l'investissement total en Russie reste cependant limitée. Le montant total des investissements directs étrangers réalisé en 2003 serait proche de six milliards de dollars.

Le gouvernement russe a, très tôt, manifesté le souhait de contrôler les prises de participations étrangères sur le territoire national , en contraignant les opérateurs intéressés à s'associer à des entreprises russes. Cette démarche s'est illustrée, dans le domaine de l'exploitation des matières premières, par l'imposition d' accords de partage de la production (PSA), avec des groupes locaux. Or, ces instruments ont, le plus souvent, été une source de difficultés pour les investisseurs étrangers.

C'est, en tout cas, l'expérience qu'en a le groupe Total, qui a conclu en 1995 un accord de ce type pour l'exploitation du champ de pétrole de Kharyaga, situé sur le territoire autonome des Nenets. Détenant 50 % des parts, Total s'est associé à deux sociétés russes, possédant respectivement 40 % et 10 % du capital. L'accord passé définit la part de la production qui revient à Total, au territoire autonome et à la Fédération de Russie. Cette coopération fait pourtant aujourd'hui l'objet d'un différend. En raison du refus du gouverneur des Nenets d'approuver le programme de travaux et le budget soumis par Total pour les années 2001 et 2002, l'administration fiscale fédérale réclame au groupe pétrolier le paiement d'un arriéré ne tenant pas compte des investissements qu'il a dû consentir depuis deux ans pour la poursuite de l'activité.

On comprend, dès lors, que les mésententes qui apparaissent dans le cadre de ces partenariats rendent réticents les investisseurs occidentaux .

Ainsi, le représentant d'une entreprise française implantée en Russie, rencontré par les membres de la délégation au cours du déplacement, a estimé que « les entreprises étrangères qui réussissent en Russie sont celles qui sont restées indépendantes ».

Le succès n'est pourtant jamais garanti. Même indépendants, les opérateurs étrangers sont confrontés à des difficultés. C'est notamment le cas lorsqu'il s'agit d'accéder aux moyens de production. Par exemple, si leur activité relève du secteur agroalimentaire, ils ne peuvent acheter des terres pour produire leurs propres cultures, ce qui les oblige à passer des contrats hasardeux avec des anciens sovkhozes (Bonduelle).

Outre des tracasseries en tout genre dans les relations avec les administrations (pesanteur des contrôles, exigences de prébendes...), des difficultés sont aussi susceptibles d'apparaître avec la justice , en raison du caractère insuffisamment stabilisé du droit applicable .

Ainsi, alors même que cette société ne dispose d'aucune implantation économique dans cette région, le tribunal de Krasnodar, se fondant sur un différend commercial survenu en République tchèque, a contesté le droit de propriété de Pernod-Ricard sur les marques de l'une de ses filiales pourtant enregistrées auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et a ordonné à son encontre une saisie d'un montant de 123 millions de roubles.

Les droits de la propriété intellectuelle sont encore insuffisamment garantis en Russie. La contrefaçon , que le gouvernement russe affirme combattre activement, est très répandue . M. Ivan Materov, vice-ministre du développement économique, a indiqué à la délégation sénatoriale qu'un tiers des télévisions mises sur le marché en Russie depuis trois ans provenait d'un lieu indéterminé. Un représentant de l'entreprise Bonduelle nous a, quant à lui, assuré qu'il était possible de trouver en Russie des contrefaçons de boîtes de conserves. Cependant, comme l'a souligné M. Materov, la sensibilité des consommateurs russes à l'argument du prix reste un obstacle de poids à la lutte contre la contrefaçon.

Enfin, les opérateurs économiques russes veillent jalousement à leur mainmise sur la production nationale . A cet égard, la Douma a tout récemment adopté, sous la pression des grands groupes pétroliers, des dispositions tendant à empêcher la conclusion de nouveaux accords de partage de la production.

Dès lors, force est de constater que l'implantation en Russie n'est pas des plus aisées. Ce constat rejoint d'ailleurs celui établi par notre collègue député, M. Hervé Mariton, dans un récent rapport d'information 7 ( * ) .

2. Une volonté affichée d'adhésion à l'OMC

La question de l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) est très débattue. Pour beaucoup, à l'instar du vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie de Russie, M. Georgy Petrov, elle semble s'imposer comme une évidence.

Le pouvoir politique russe en place exprime également avec force sa volonté de voir la Russie adhérer rapidement à l'OMC . Si des négociations ont été entamées dans ce sens dès 1993, il est vrai qu'elles se sont intensifiées depuis deux ans.

Les discussions en cours portent sur les tarifs douaniers, les soutiens à l'agriculture, les services (banques et assurances), ainsi que sur l'harmonisation de la législation russe avec les règles de l'OMC en matière de propriété intellectuelle, de certification et d'importations.

L'aspiration de la Russie à faire partie de l'OMC est cohérente avec son choix de l'économie de marché. Elle va également dans le sens d'une reconquête de sa légitimité internationale. Enfin, elle donne à ce pays une caution internationale lui permettant d'attirer les investisseurs étrangers et de favoriser le développement.

Dans la pratique, ce discours volontariste vis-à-vis de l'adhésion à l'OMC contraste cependant avec certaines réticences, non seulement des milieux économiques, mais également d'une partie de la bureaucratie.

Elles concernent, en particulier, les privatisations qui restent à conduire . Comme l'a souligné M. Alexandre Avdeev, ambassadeur de Russie en France, lors de son audition au Sénat, les privatisations exigées par les membres de l'OMC sont difficiles à réaliser, d'un point de vue économique autant que social. Ainsi, la situation des chemins de fer russe est très dégradée, les hausses de tarifs décidées ces dernières années ayant entraîné un effondrement de la demande.

De même, la libéralisation du secteur gazier , actuellement sous le monopole de l'entreprise d'Etat Gazprom, et la réévaluation des tarifs du gaz se heurtent aux importants besoins de la société russe, ne serait-ce qu'en raison de la rigueur du climat, qui rend indispensable la fourniture de chauffage à un prix abordable. La question des tarifs de l'énergie a donné lieu à un différend avec la Commission européenne qui reproche à la Russie de subventionner le faible prix du gaz sur le marché domestique par une surévaluation des tarifs à l'exportation. Pour les Russes, le gaz est « un avantage naturel qu'ils sont en droit d'exploiter » (M. Georgy Petrov).

Par ailleurs, les Russes se montrent très méfiants s'agissant de l'accès aux marchés . Il en est ainsi dans le domaine bancaire, pour lequel le gouvernement russe a déclaré qu'il se réservait le droit de prendre des mesures visant à limiter la présence étrangère. De même, dans le secteur agricole, les Russes sont partisans d'un « protectionnisme raisonnable ». Ainsi, pour M. Petrov, l'ouverture doit concerner les produits agricoles pour lesquels la Russie n'est pas autosuffisante, alors que les autres doivent faire l'objet de mesures de protection. En revanche, la Russie plaide vivement pour un démantèlement des soutiens européens aux productions agricoles, qui s'apparentent pour elle à de la concurrence déloyale et auxquels elle entend réagir par une élévation des taxes à l'importation.

Ainsi, malgré un discours politique très favorable à l'adhésion à l'OMC, la Russie ne semble pas encore prête à mettre en oeuvre les concessions réciproques qui en découlent.

IV. UNE SOCIÉTÉ EN TRANSITION

A. DES INÉGALITÉS SOCIALES CONSIDÉRABLES

Malgré l'importance des richesses naturelles que possède ce pays et la croissance des revenus enregistrée ces dernières années, la pauvreté touche une large part de la population. Le salaire moyen en Russie est de 200 euros par mois et il est souvent bien inférieur à cette somme en dehors de la capitale.

Les inégalités sociales existent. Ainsi, en 2000, l'écart de revenu entre les 10 % de Russes les plus riches et les 10 % les plus pauvres était égal à 14. Comme l'a souligné M. Yvan Materov, vice-ministre du développement économique et du commerce de la Fédération de Russie, cette dispersion des revenus n'est pas plus importante que celle constatée aux Etats-Unis. Pourtant, entre 25 et 35 % de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté.

Ce qui est plus frappant, en revanche, est la différence de niveau de vie entre une frange très aisée de la population communément appelée les « nouveaux Russes » qui a su profiter de la transition pour obtenir des responsabilités dans les secteurs porteurs et une écrasante majorité de Russes qui semble vivre encore d'expédients . C'est pour les premiers que se développent les magasins de luxe (mode, maroquinerie, parfumeries ...), les enseignes d'équipement pour la maison (cuisines, salles de bain...), principalement dans la capitale. Comme nous l'ont fait observer plusieurs interlocuteurs rencontrés lors du déplacement, l'argent en Russie se montre sans retenue, s'exhibant d'autant plus facilement que les différences sociales, qui existaient pourtant sous le régime soviétique (au profit de la nomenklatura et des apparatchiks) ont longtemps été dissimulées et niées.

Les catégories sociales qui connaissent les plus grandes difficultés sont celles qui étaient rémunérées par l'Etat et qui ont dû subir les conséquences de l'impécuniosité de ce dernier : militaires, fonctionnaires, enseignants, professionnels de la santé et chercheurs. Ceux-ci doivent le plus souvent cumuler plusieurs petits emplois à côté de leur activité principale pour survivre. Cependant, leur revenu tend à s'améliorer grâce à la récente réévaluation des traitements. Les retraités sont également dans une situation difficile en raison de la faiblesse des pensions. Si l'âge de la retraite est peu élevé en Russie (55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes), la plupart des retraités sont contraints de garder un travail d'appoint pour conserver leur niveau de revenu.

Cependant, la crise économique de 1998 semble avoir plongé la majorité des russes dans des difficultés quotidiennes, les obligeant le plus souvent à recourir à la « débrouille » pour s'en sortir. A cet égard, il convient de noter l'apport substantiel que représente l'économie domestique . La culture du lopin de terre à la campagne ou à la périphérie des grandes villes assure, bien souvent, l'approvisionnement en produits frais des familles.

Si l'on ne peut encore parler de l'existence d'une classe moyenne en Russie, l'apparition de grands magasins occidentaux (Ikéa, grands magasins alimentaires..) à la périphérie des villes prouve néanmoins qu'elle est en voie de constitution, corollaire de l'émergence d'une société de consommation à laquelle le plus grand nombre aspire.

B. DES FONDATIONS SOCIALES ÉBRANLÉES

Les difficultés financières rencontrées par les budgets publics dans les années de transition ont mis à mal l'ensemble des dispositifs sociaux dont bénéficiaient les Russes sous le régime précédent. L'effondrement de la protection sociale contribue à l'instauration d'une société à deux vitesses , dont une partie seulement est en mesure de s'acheter les biens sociaux désormais payants proposés par le marché.

Il en est ainsi du système de santé . Les structures médicales publiques se trouvent dans un état critique (vétusté des locaux, manque de matériel...). En outre, les soins que les entreprises dispensaient à leurs employés dans le cadre de l'action sociale sous le régime soviétique ont progressivement disparu. Pour être bien soigné, il faut désormais avoir les moyens de s'offrir les services très onéreux de cliniques privées et de médecins libéraux, qui sont bien souvent des médecins publics exerçant une activité complémentaire. Selon le témoignage des enseignants du lycée français de Moscou, les expatriés évitent de se faire soigner en Russie, tant en raison du coût prohibitif des soins que de leur manque de qualité .

Une des conséquences de cette dégradation du système sanitaire est la réapparition de maladies autrefois endiguées, comme la tuberculose. La situation dans les prisons russes est de ce point de vue préoccupante. Le milieu carcéral compterait 30.000 tuberculeux, dont un quart serait atteint de la forme incurable de cette maladie. En outre, 40.000 prisonniers seraient séropositifs.

Ayant pris conscience de la fragilisation de l'état sanitaire de la population, les pouvoirs publics affirment aujourd'hui vouloir réintroduire de véritables politiques de santé publique . L'une des priorités affichées est notamment la lutte contre l'alcoolisme.

La privatisation des biens sociaux est aussi à l'oeuvre dans le domaine de l'éducation . Le système scolaire public continue à bien fonctionner jusqu'à la fin des études secondaires, même si, en milieu rural, les absences des élèves réquisitionnés pour aider dans les fermes collectives sont encore courantes, marquant la poursuite d'une pratique qui avait cours sous l'ère soviétique. Mais l'enseignement supérieur évolue vers le privé . Seules les grandes universités d'Etat, accessibles à un petit nombre sur concours, sont gratuites. Les autres instituts publics sont désormais payants et posséder des « relations personnelles » bien placées devient déterminant pour pouvoir y accéder. Par ailleurs, on voit se développer des écoles supérieures privées dispensant des enseignements nouveaux (management, vente, communication...) sur le modèle anglo-saxon. Beaucoup de Russes critiquent cette évolution du système scolaire qui, basée sur une sélection par l'argent, conforte les inégalités sociales.

La situation dans laquelle se trouve le parc de logements rend, par ailleurs, compréhensible le sentiment d'abandon ressenti par une partie de la population. Dans les villes, un grand nombre d'immeubles construits à la hâte sous Khrouchtchev est vétuste et dégradé , comme ont pu le constater, au cours du déplacement, deux membres de la délégation qui se sont rendus dans un quartier populaire d'une ville de province. Lors de la privatisation qui, dans ce domaine, a consisté à donner les appartements à leurs occupants, rien n'a été entrepris pour organiser la gestion des parties communes, attribuées de fait aux municipalités, mais qui sont, le plus souvent laissées à l'abandon. Lorsque des rénovations sont entreprises, elles se traduisent par des coupures d'eau ou d'électricité hebdomadaires qui paralysent la vie d'un quartier. Selon le collectif d'enseignants qui a écrit à votre rapporteur, chaque secteur de Moscou subit obligatoirement chaque année une coupure d'eau chaude pendant un mois pour permettre l'entretien des canalisations.

Malgré la dégradation des équipements, les loyers sont très élevés, notamment dans la capitale, en raison de l'insuffisance du nombre de logements : « Même à 1.500 euros (par mois), les appartements sont le plus souvent dans des immeubles qui, en France, seraient considérés comme insalubres et ne se rencontrent que dans nos banlieues les plus sinistrées (murs couverts de tags, ascenseurs cassés, portes qui ne ferment plus, vitres cassées, mauvaises odeurs, SDF dormant dans l'entrée ...) ». La rareté des logements disponibles oblige souvent plusieurs générations à cohabiter sous le même toit. A Saint-Pétersbourg, on compte encore une proportion non négligeable d'appartements communautaires, dont les habitants partagent les cuisines et les sanitaires. Dans les campagnes, la situation n'est pas meilleure. Si la plupart des habitations sont reliées au réseau de gaz, c'est loin d'être le cas s'agissant de l'eau courante. Les isbas en bois, dont certaines sont pourtant si jolies à voir, sont en général inconfortables et mal équipées.

Enfin, au-delà de la fourniture de biens sociaux, la nostalgie des Russes concerne aussi, dans une certaine mesure, l'encadrement social que leur offrait le régime soviétique : loisirs, vie culturelle et associative imposée, notamment dans le cadre des « komsomols ». L'individualisme voire l'isolement dans lesquels les laisse la disparition de ces cadres sociaux est difficile à supporter. Tout relève désormais de l'initiative individuelle qui a parfois du mal à s'exercer.

C'est pourquoi l'espace laissé vacant donne parfois naissance à de nouvelles formes de contrôle social . Ainsi, les deux membres de la délégation à qui il a été donné de pénétrer dans un quartier populaire d'une ville de province ont été suivis par trois individus tout au long de leur parcours. Ce sont des « protecteurs » qui surveillent toute la vie sociale dans un secteur particulier, s'imposant comme des intermédiaires pour trouver un logement, un emploi, réglant le cas échéant les conflits et exerçant une certaine autorité sur l'ensemble des habitants.

Ainsi, l'effondrement des structures sociales et de la prise en charge par l'Etat laisse une partie de la société russe dans une situation matérielle difficile , qui leur fait souvent regretter un régime pourvoyant gratuitement à leur bien-être, un « âge d'or » qu'elle magnifie en en oubliant certains aspects (files d'attente devant les magasins...).

C. UNE SOCIÉTÉ EN QUÊTE DE REPÈRES

Les difficultés de la vie quotidienne font douter une majorité de Russes du bien-fondé des changements en cours, les années « Eltsine » marquées par une conversion brutale au libéralisme et la crise financière de 1998 ayant été vécues comme un traumatisme. Beaucoup éprouvent le sentiment amer d'avoir été floués par les privatisations , qui auraient dû permettre une redistribution démocratique des biens détenus collectivement, mais qui ont été détournées au profit d'un petit nombre. Cette amertume très partagée explique la popularité de la croisade anti-oligarques menée actuellement par M. Vladimir Poutine.

Il n'en demeure pas moins un certain découragement par rapport à la vie politique . « Les gens ne savent plus qui croire », confie une interprète russe rencontrée au cours du déplacement. Certes, il importe de garder à l'esprit que la société russe n'a, à la différence des Etats occidentaux, qu'une expérience très récente de la démocratie, puisqu'elle n'a connu jusqu'en 1991, qu'un pouvoir politique autoritaire voire, à certaines périodes, totalitaire.

Cependant, l'apprentissage démocratique des Russes est d'autant plus lent qu'ils ne semblent pas tous convaincus de son intérêt et qu'ils vouent une confiance modérée à leurs dirigeants. Selon un sondage cité dans un numéro récent du Courrier des Pays de l'Est consacré à la Russie 8 ( * ) , plus des deux tiers (67 %) des Russes pensent que le vote est sans effet sur la vie politique du pays et nombreux sont ceux qui estiment que les hommes au pouvoir ne sont préoccupés que de leurs privilèges. A tel point que 43 % seulement des sondés considèrent les élections comme indispensables. Faut-il voir dans cette attitude une expression du fatalisme de l'âme russe , une propension à accepter passivement le destin en renonçant à toute prise sur les événements ?

Ce comportement s'accompagne d'une forme d'attraction-répulsion par rapport aux valeurs de l'Occident . A bien des égards, l'argent fascine. Il permet d'accéder à des biens de consommation dont la diversité étonne et dont la société russe a longtemps été privée. L'impatience de consommer conduit à privilégier l'argent facile , certains diraient le « business » : revente de contrefaçons, petits trafics, prostitution. Cette tendance se retrouve dans le monde économique où sont avant tout prisées les affaires offrant profits immédiats ou, du moins, retours sur investissements rapides. Ce court-termisme s'explique aussi par le refus des risques que feraient courir des engagements à long terme, ce qui est compréhensible au vu des bouleversements vécus ces dernières années. Il n'en dénote pas moins une difficulté à se projeter dans l'avenir qui est préjudiciable à la reconstruction économique du pays.

L'occidentalisation et la normalisation économique suscitent pourtant également une méfiance, qui s'exprime par une volonté d'affirmation de l'identité russe et une certaine nostalgie , qui est d'abord celle d'un passé récent , un peu vite idéalisé. C'est ainsi que sont réimprimées sous forme de cartes les affiches de propagande datant du stalinisme et représentant l'aviation soviétique survolant la Place Rouge, Staline adulé par le peuple ou encore des travailleurs retroussant leurs manches. C'est le mouvement « rétro » qui se manifeste aussi par un regain d'intérêt pour le cinéma soviétique.

La recherche de l'identité russe se traduit, en outre, par le renouveau de l'orthodoxie , muselée par 70 ans de pouvoir soviétique. Partout, les églises orthodoxes sont remises en état. Ainsi, à Moscou, la cathédrale du Christ-Sauveur, qui avait été détruite par les autorités soviétiques, a été reconstruite à l'identique et entièrement redorée à l'or fin. Il en est de même dans les campagnes, où des bulbes fraîchement redorés émergent parfois au milieu de pauvres maisons de bois. Plus que l'expression de la foi, le renouveau de l'orthodoxie marque l'attachement à la patrie, à la « Sainte-Russie », de sorte qu'il jouit de la bienveillance du pouvoir politique. A cet égard, la loi du 26 septembre 1997 sur la liberté de conscience et les associations religieuses mentionne « le rôle particulier de l'orthodoxie dans le développement de la nation russe et dans sa culture ».

Enfin, c'est aussi l'aspiration à une reconnaissance de la « russité » qui explique le succès de la politique extérieure de M. Vladimir Poutine aux yeux de ses concitoyens. Pour beaucoup, il contribue à redonner une crédibilité et une fierté à une Russie qui a été humiliée.

Ainsi, la société russe est brutalement confrontée à des mutations que les pays occidentaux ont mis plusieurs décennies à accomplir. Cette situation suscite parfois de l'enthousiasme, parfois des souffrances et des résistances. Il est difficile de prévoir quand la transition sera achevée . La Russie peut, en tout cas, compter sur une génération montante brillante , pressée de réussir et d'en finir avec les réflexes hérités du communisme, qui jouera un rôle moteur pour venir à bout des immobilismes.

DEUXIÈME PARTIE -

TROIS SECTEURS D'AVENIR POUR L'ÉCONOMIE RUSSE

I. L'AGRICULTURE RUSSE

A. UN SECTEUR EN PLEINE ÉVOLUTION

1. Un potentiel agricole considérable et encore sous-exploité

Le secteur agricole russe offre un potentiel considérable, non seulement de par l'espace dont il dispose, mais également en raison de l'importance de sa marge de progression en terme de productivité.

L'agriculture russe occupe 220 millions d'hectares , ce qui correspond à une très faible partie du territoire national. Cet espace se limite pour l'instant aux zones fertiles composées de tchernozem (terres noires), qui forment une large bande s'étendant de l'Ukraine au nord du Caucase et jusqu'au bassin de la Volga.

Il resterait, en outre, 15 millions d'hectares en jachère , 8 millions d'hectares gelés dans une « réserve stratégique » et près de 10 millions d'hectares en réserve dans les anciennes structures collectives.

Il convient de souligner l'étendue de cet espace agricole . Rappelons, à titre de comparaison, que la surface agricole utile représente, en France, 30 millions d'hectares.

En outre, l'agriculture russe devrait enregistrer d'importants gains de productivité dans les prochaines années, si des améliorations techniques lui sont apportées. La production agricole russe reste, en effet, largement extensive , la médiocrité des rendements s'expliquant par la rigueur des conditions climatiques et l'insuffisance des ressources en eau, auxquelles s'ajoutent la vétusté des équipements et la faible utilisation de fertilisants. Ainsi, les rendements céréaliers ne sont que de 15 à 20 quintaux par hectare, alors qu'ils pourraient facilement atteindre 50 quintaux à l'hectare. On estime, de fait, que le potentiel céréalier russe est supérieur à 120 millions de tonnes, voire à 150 millions de tonnes, alors que la récolte 2002 n'a représenté que 86,5 millions de tonnes.

Enfin, si l'agriculture russe reste exposée à une forte variabilité des récoltes , en raison des variations de la pluviométrie et de la brutalité des coups de chaleur inhérente au climat continental, ces inconvénients pourraient être aisément corrigés par des investissements adaptés, notamment en matière d'irrigation.

2. Des structures agricoles marquées par l'héritage du collectivisme

La structure foncière agricole a toujours reposé en Russie sur de vastes exploitations imposant une organisation collective du travail . Ainsi, les sovkhozes (fermes d'Etat) ont succédé, à l'époque soviétique, aux fermes impériales appartenant au tsar ou à la haute aristocratie et dont la gestion était centralisée. De même, les kolkhozes (coopératives agricoles) continuaient la tradition des « mirs », communautés paysannes sous le régime tsariste.

Malgré plusieurs tentatives pour encourager la création de petites exploitations, d'abord lors de l'abolition du servage (réforme Stolypine de 1866), puis à travers la « Nouvelle Politique Economique » (NEP), l'agriculture russe a toujours été structurée en grands domaines.

De ce point de vue, la disparition du régime soviétique et la privatisation des structures collectives n'en ont pas fondamentalement bouleversé l'architecture. Les fermes d'Etat ont été transformées en fermes coopératives, dont le capital -hors foncier-, a été réparti entre leurs employés, une majorité de parts étant toutefois attribuée aux dirigeants. Ceux-ci sont, dans la plupart des cas, restés en place. Seul a changé le statut juridique de ces structures qui sont au nombre de 26.000 et dont la taille moyenne est comprise entre 8.000 à 10.000 hectares.

On observe, en outre, à partir de ces structures, un mouvement d'intégration verticale lié à l'implication récente de grands groupes financiers et industriels détenus par les oligarques dans un souci de diversification de leurs activités. Ces groupes qui possèdent des entreprises de transformation et de distribution cherchent ainsi à contrôler la production de matières premières agricoles. Une vingtaine de agro-holdings regroupe ainsi plusieurs anciennes fermes collectives dans des ensembles agricoles pouvant dépasser 100.000 hectares. Ces nouvelles formes de sociétés agricoles n'ont toutefois pas encore fait la preuve de leur efficacité, leurs dirigeants n'ayant pas reçu une formation adaptée à leur gestion. Plusieurs d'entre elles ont, en outre, été éprouvées par l'effondrement du cours des céréales lors de la campagne 2001-2002.

La privatisation des anciennes structures collectives a toutefois permis l'émergence, au début des années 1990, d'exploitations individuelles et familiales . Mais elles sont restées peu nombreuses ( 130.000 ) et leur rôle dans la production nationale ne progresse pas en raison de la réticence du milieu agricole. Souffrant, en outre, de l'attribution de mauvaises terres, de l'insuffisance des équipements et d'une grande difficulté à accéder à des financements, elles n'assurent pas plus de 3 % du revenu agricole national.

En revanche, il convient d'insister sur l'importance prise depuis dix ans par la culture des lopins de terre individuels . Attribués à l'origine sous le régime soviétique aux kolkhoziens et aux sovkhoziens en vue d'encourager l'autoconsommation et l'approvisionnement des marchés locaux, ces jardins, dont la taille moyenne est comprise entre une dizaine d'ares et un demi hectare, concerneraient 30 millions d'habitants . Leur rôle économique est considérable, puisqu'ils assurent, en 2000, plus de la moitié (54 %) de la production agricole russe en valeur , contre seulement 25 % en 1990, en fournissant l'essentiel des produits de grande consommation comme les pommes de terre, les fruits et légumes, le lait et les oeufs.

L'exploitation de ces parcelles, qui est le signe d'une société n'ayant pas encore accompli sa transition agricole , explique, en partie, la faible productivité des anciennes structures collectives, les ruraux choisissant de rester dans ces dernières parce qu'elles leur offrent encore un certain nombre d'avantages sociaux (écoles, soins médicaux...), ainsi que l'accès à certains équipements et matériels collectifs, tout en consacrant le maximum de leur temps à leur production domestique.

Ainsi, la Russie ne semble pas se rapprocher du modèle agricole européen , fondé sur des exploitations agricoles moyennes, familiales et indépendantes. Si elle s'accommode, pour l'instant, de la coexistence de grands domaines extensifs et d'une production domestique sur des lopins de terres individuels, elle pourrait évoluer vers un modèle latifundiaire pour peu que des investisseurs, notamment issus de l'aval, entreprennent de restructurer les grandes exploitations héritées du collectivisme.

3. Une politique agricole qui a fait le choix du libéralisme sur le marché intérieur, sans renoncer au protectionnisme

Sous l'ère soviétique, les échanges de produits agricoles étaient régis par l'Etat qui procédait à des acquisitions de denrées en vue de les revendre à des prix inférieurs aux prix du marché. Ce système d'achats publics a disparu au cours des années 1990 (même s'il subsiste, de manière ponctuelle, sur le marché céréalier), au profit d'un commerce libre des produits agricoles.

Parallèlement, les crédits fédéraux consacrés à l'attribution de soutiens indifférenciés à la production ont été réduits et réorientés, notamment en faveur du financement du crédit agricole .

Selon des informations recueillies auprès de la Mission économique à Moscou, le budget agricole russe reste de taille modeste. Au niveau fédéral , il s'établissait à 31,3 milliards de roubles en 2003, soit environ 921 millions d'euros . Rappelons, à titre de comparaison, qu'en France, le seul budget du ministère de l'agriculture, hors aides reçues de l'Union européenne, représente plus de 5 milliards d'euros et l'ensemble des soutiens publics à l'agriculture plus de 28 milliards d'euros.

Plus de la moitié des crédits russes à l'agriculture (16,5 milliards de roubles) est consacrée au soutien de la production, mais principalement sous des formes indirectes : aide à la fertilisation des sols, amélioration foncière, soutien de l'amélioration génétique, prêts bonifiés. Des aides directes sont toutefois prévues dans le domaine de l'élevage (2 milliards de roubles) et au titre de la mise en place des cultures (1,3 milliard de roubles).

Ainsi, l'ensemble des mesures de soutien à la production représente en moyenne 2,2 euros par hectare et par an , ce qui est peu.

Le budget agricole fédéral finance, par ailleurs, outre la réforme foncière, un programme de développement rural et un programme de capitalisation des banques agricoles.

Le choix d'une politique libérale dans le domaine agricole s'accompagne, toutefois, du développement d'un protectionnisme , illustré par l'apparition, depuis 1995, de droits de douane. A cet égard, la Russie tient un discours véhément à l'encontre de la politique agricole commune (PAC) qu'elle accuse de subventionner des produits agricoles non compétitifs.

M. Sergueï Dankvert, vice-ministre de la Fédération de Russie en charge de l'agriculture, a ainsi déclaré aux membres de la délégation que les produits subventionnés par la PAC ne pouvaient être acceptés sur le marché russe et a justifié l'existence des taxes par le souci de protéger le développement des productions russes.

B. UNE PRODUCTION ENCORE INSUFFISANTE, MAIS QUI SE REDRESSE

1. Un secteur en voie de redressement

Négligé à partir des années 1970, le secteur agricole russe a connu un long déclin qui s'est accéléré au cours de la décennie 1990, en raison de l'ouverture aux marchés internationaux et de l'essor des importations.

Pour une base 100 en 1990, l'indice de la production agricole est tombé à 56 en 1998, pour remonter à 61 en 2000. Sur la même période, les surfaces cultivées ont diminué de 23 %.

La dévaluation du rouble qui a suivi la crise de 1998 a toutefois permis un redémarrage de l'agriculture russe , en réduisant la compétitivité des produits importés. En outre, la dégradation des revenus et les difficultés rencontrées dans la vie quotidienne ont encouragé les ruraux à développer une production domestique destinée à l'autoconsommation. Enfin, l'essor très rapide des industries agroalimentaires (industries laitières, transformation de produits carnés, produits de céréales...) constitue un aiguillon stimulant pour la production agricole.

Pour autant, le pays reste encore très largement déficitaire en produits alimentaires et consacre, chaque année, quelque 10 milliards de dollars à ses importations de viandes, de produits laitiers, de sucre, de fruits et légumes et de produits à plus haute valeur ajoutée comme les vins et spiritueux.

En 2002, les importations alimentaires représentaient 23,3 % du total des importations russes (5,5 % pour les seules importations de viandes), en progression de 12,4 % par rapport à l'année précédente, notamment en provenance de l'Union européenne.

2. Analyse sectorielle

Les responsables politiques et économiques manifestent désormais le souci de développer l'agriculture , en particulier dans deux domaines :

- les céréales , pour lesquelles la Russie dispose d'avantages compétitifs pouvant permettre d'envisager une production partiellement destinée à l'exportation ;

En dépit d'une forte variabilité, les récoltes moyennes de céréales tournent autour de 75 millions de tonnes . Compte tenu de l'existence de stocks et de besoins intérieurs s'élevant à 70 millions de tonnes, la capacité exportatrice de la Russie varie entre 5 et 10 millions de tonnes par an.

La progression du rendement céréalier est, pour l'heure, limitée par l'insuffisance des apports en engrais, dont la production domestique est principalement réservée à l'exportation.

L'Union européenne voit, pour sa part, d'un mauvais oeil les progrès russes dans ce domaine, la Russie contribuant à déstabiliser les cours mondiaux des céréales par la mise sur le marché de quantités massives de « blés de la mer Noire ». C'est pourquoi elle a mis en place en 2003 des mesures de contingentement à l'importation de ces blés en Europe, contre lesquelles la Russie proteste.

- l'élevage , dont la relance est devenue une véritable priorité nationale.

Cette filière a, en effet, été affectée par une décapitalisation massive dans les années 1990 , le bétail étant vendu pour permettre aux fermes collectives de faire face à leurs dettes. En conséquence, la consommation moyenne de viande et de produits carnés n'a cessé de reculer pour atteindre 40 kilogrammes par an et par habitant.

DÉCAPITALISATION DES CHEPTELS

CHEPTEL

(en million de têtes)

1991

1995

1997

1999

2000

2001

Bovins

57

43,3

31,5

28

27,3

26,9

Dont vaches

20,5

18,4

14,5

13,1

12,7

12,2

Porcins

38,3

24,9

17,3

18,2

15,7

15,9

Ovins et Caprins

58,2

34,5

18,8

14,8

14,8

14,8

Volailles

646

491

360

346

343

Nc

Source : Mission économique

Du fait de la reprise économique, la demande est pourtant désormais en augmentation et ne trouve pas une offre suffisante sur le marché national. La forte progression des importations qui en résulte se heurte au mécontentement des producteurs locaux, qui ont obtenu la mise en place en 2003 d'un régime de quotas sur les viandes importées (pour les volailles, interdiction d'importation au-delà du quota ; pour les bovins et le porc, application de droits de douanes majorés en cas de dépassement du quota).

De fait, la production de volailles connaît aujourd'hui un développement rapide à travers de grands élevages industriels intégrés. Elle apparaît comme un moyen de créer sur place de la valeur ajoutée à partir des importantes ressources céréalières. L'élevage porcin est également en progression.

Le troupeau bovin a été particulièrement touché par la transition des années 1990. Il est maintenant en voie de reconstitution, les animaux de qualité médiocre étant abattus et remplacés dans un souci d'amélioration de la production laitière. En outre, sous l'effet de l'évolution de la demande, un intérêt se manifeste pour la constitution d'un cheptel allaitant , qui a donné lieu à l'importation de génisses de races à viande française (Salers, Aubrac, Charolaises, Limousines...), en particulier à Belgorod (Russie occidentale), dans la région de Leningrad et à Tioumen (Sibérie occidentale) où s'est rendue la délégation sénatoriale). Il convient, à cet égard, de souligner l'image très positive dont bénéficient les races allaitantes françaises en Russie, comme nous l'ont affirmé des interlocuteurs russes rencontrés à Tioumen.

Les autres secteurs agricoles connaissent un développement plus modéré.

Si la culture d' oléoprotéagineux a progressé pour répondre à la demande des huileries alimentaires, la filière de la volaille se tourne massivement vers les importations de soja en provenance des Etats-Unis et du Brésil pour compléter l'alimentation animale. Les productions oléoprotéagineuses ne semblent donc pas connaître de développement significatif, contrairement aux souhaits de l'Union européenne, qui y verrait un moyen, non seulement de diversifier son approvisionnement de protéines végétales, mais aussi de limiter la progression des cultures céréalières dont les exportations perturbent les marchés mondiaux.

La production de fruits et légumes est stabilisée à environ 30 millions de tonnes par an. Elle est marquée par la prépondérance des produits de base : choux, pommes de terre et carottes. La culture des fruits est encore insuffisante. L'ensemble du secteur progresse toutefois grâce au développement des industries de transformation (amidonnerie, conserverie...), en dépit des difficultés rencontrées par les producteurs pour satisfaire les cahiers des charges de l'aval, surtout lorsque les clients sont des groupes étrangers.

La plupart des grandes villes ont gardé des sovkhozes pour la production de légumes frais sous serre, qui bénéficient, grâce à une gestion en en relation avec des producteurs allemands, hollandais ou israéliens, des technologies les plus modernes : fertilisation, irrigation...

La couverture des besoins de la population reste très dépendante des importations, notamment pour les agrumes, bananes, fruits à pépins, pommes de terre, ainsi que, s'agissant des conserves, pour le maïs, les pois et les haricots verts.

Alors que la Russie a longtemps été autosuffisante dans ce domaine, sa production de betteraves à sucre (1,5 million de tonnes) est aujourd'hui très inférieure aux besoins du marché , ce qui impose un recours massif aux importations (5 millions de tonnes). Le sucre importé est essentiellement du sucre roux du Brésil, qui est ensuite raffiné sur place. A cet égard, il est dommage que l'Union européenne , qui exporte très exactement 5 millions de tonnes de sucre, n'ait pris aucune part sur le marché russe .

La médiocrité de la récolte russe est imputable à la mauvaise qualité des plants, à l'insuffisance de la protection sanitaire, à la lourdeur des circuits de collecte (le rayon de collecte de la sucrerie de Sucden visitée par la délégation sénatoriale s'étendait sur 100 kilomètres), ainsi que par la vétusté des équipements. En outre, la baisse continue des cours mondiaux du sucre n'encourage pas le développement de la production locale de betteraves.

Le marché des boissons alcoolisées est très dynamique, puisqu'il augmente de 30 % par an. Si la vodka reste la production-phare de la Russie dans ce domaine, la viticulture est présente et se restructure par un réencépagement, en particulier dans la région de Kouban, où s'est rendue la délégation, dans celle de Stavropol ou encore dans celle de Rostov-sur-le-Don.

L'essentiel de la production vinicole provient toutefois de l'embouteillage de produits importés en vrac , considérés par la législation douanière russe comme une simple « matière première » ( vino materiali ) destinée à la fabrication du vin. Au premier rang des fournisseurs se trouve la Moldavie (49 % des importations). L'importation de moûts et de vins des pays du Nouveau Monde et surtout de l'Union européenne est néanmoins en nette progression. Les vins français (4 % des importations seulement), dont la renommée en Russie n'est plus à faire, sont cependant desservis par leur image élitiste et subissent la concurrence des vins allemands et italiens. La consommation russe est très axée sur les vins sucrés ou madérisés.

C. DES HANDICAPS PESANTS

1. La vétusté des équipements et du matériel agricole

La Russie a cessé d'investir dans le secteur agricole depuis la fin des années 1960. En conséquence, la plupart des équipements et des machines utilisées souffrent aujourd'hui d'une grande obsolescence .

Le machinisme agricole , qui fut pourtant l'un des fleurons du complexe agroalimentaire soviétique, a connu un formidable déclin, illustré notamment par l'effondrement de géants comme Rostelmash qui produisait les tracteurs et les moissonneuses-batteuses de la marque Don. Selon M. Vladimir Vassilyev, premier vice-gouverneur de Tioumen en charge de l'agriculture, 70 % du parc de machines agricoles serait à remplacer . L'utilisation d'un parc trop ancien génère, en effet, des pertes importantes aux stades de la semence et de la récolte.

La demande en équipements est très forte dans le secteur céréalier (moissonneuses-batteuses, matériels de préparation des sols...) et dans celui de l'élevage (préparation de l'ensilage...). Elle est également très dynamique dans le secteur des produits laitiers et du conditionnement des boissons, s'agissant des technologies de pointe agro-alimentaires.

Mais l'acquisition d'équipements modernes se heurte au problème du financement , surtout pour le secteur agricole qui apparaît bien moins solvable que les industries agro-alimentaires. Ainsi, l'achat de machines agricoles occidentales s'avère trop cher. Une solution pour rendre le prix de ces équipements abordable est d' installer en Russie les chaînes de montage pour les assembler sur place .

En outre, les principaux producteurs russes de machines agricoles (Novoe Sodroujectvo pour les machines « Don » et Sibmachholding pour les machines « Ienisseï ») sont à la recherche de partenariats avec des entreprises occidentales pour moderniser leurs matériels en y incorporant des technologies nouvelles et pour compléter leurs gammes de produits.

Pour les exportateurs , la fourniture de prestations complémentaires telles que le service après-vente, l'accueil d'utilisateurs dans les exploitations du pays de provenance ou encore la formation des mécaniciens, peut constituer un avantage déterminant . Les Etats-Unis se montrent très présents sur ce marché, à la différence de la France.

2. La difficulté d'accéder à des financements

La modernisation et l'équipement de l'agriculture russe passent par l'attribution de nouveaux moyens de financement . Les capacités financières du secteur sont, en effet, aujourd'hui obérées par un important endettement (près de 300 milliards de roubles) qui empêche les exploitants d'accéder au crédit.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ont réagi par la mise en oeuvre d'un programme de désendettement de l'agriculture , qui généralise les mesures partielles de rééchelonnement des dettes et instaure un système de négociations de leur recouvrement par consensus mutuel. Chaque entreprise agricole menacée de faillite est invitée à négocier un plan de désendettement avec ses créanciers qui est ensuite soumis à l'approbation d'une commission territoriale.

Cette loi crée , par ailleurs, deux banques, la Rosselkhozbank et la Rosagroleasing , qui sont dotées de capitaux par l'Etat fédéral et qui sont habilitées à collecter l'épargne.

Mais, au-delà du désendettement, c'est aussi l'accessibilité de financements longs et bon marché qui est en jeu. Comme l'a rappelé M. Sergueï Dankvert, vice-ministre russe de l'agriculture, les crédits bancaires à l'agriculture sont très coûteux en Russie, avec des taux de 16 à 24 % par an . Certes, l'Etat fédéral subventionne l'attribution de prêts bonifiés qui permettent de ramener les taux des emprunts à 7 ou 8 %. Mais le coût global du financement reste prohibitif. Par ailleurs, la durée pendant laquelle ces prêts sont accordés n'est pas suffisante (3 à 5 ans) alors que des financements de long terme seraient nécessaires.

3. Les lacunes du système vétérinaire

Enfin, la Russie devrait encore se doter d'une véritable organisation vétérinaire . Sous le régime soviétique, des zootechniciens publics peu qualifiés étaient envoyés par l'Etat dans les fermes collectives pratiquant l'élevage. L'accès à ces fonctions n'était pas soumis à de grandes exigences car la profession de vétérinaire n'était pas considérée comme essentielle.

Le système vétérinaire actuellement en place en Russie est largement hérité de cette période. Le nombre de zootechniciens , qui continuent à relever du secteur public, est pléthorique par rapport à la taille des cheptels , cette situation étant favorisée par la faiblesse des compétences exigées pour entrer dans la profession (pas de concours d'entrée).

Dans ce contexte, la constitution d'un corps de vétérinaires libéraux apparaît difficile , d'autant que les zootechniciens publics offrent de plus en plus, en dehors de tout cadre, des prestations à titre privé pour compléter leur salaire officiel.

Le système vétérinaire français , combinant vétérinaires inspecteurs publics du ministère de l'agriculture et vétérinaires libéraux exerçant, sous mandat sanitaire, des missions de service public (prophylaxies...) pourrait constituer un modèle pertinent pour la Russie . La refondation d'un système vétérinaire structuré semble d'autant plus nécessaire à ce pays que le développement de l'élevage y est devenu une priorité.

Il faudrait, dans cette optique, favoriser l'émergence d'un véritable corps de techniciens vétérinaires dans le secteur privé , doté de diplômes reconnus et dont les activités seraient séparées de celles des zootechniciens publics.

L'association « Coopération et échanges vétérinaires Est-Ouest », qui a été présentée à la délégation sénatoriale par l'un de ses membres, M. Constantin Sollogoub, docteur vétérinaire, mène une action en ce sens en Russie et dans plusieurs pays de l'Europe de l'Est et de la CEI.

II. LE SECTEUR DES TRANSPORTS

A. LE RÉSEAU ROUTIER

1. Un réseau d'importance inégale et en mauvais état

Le réseau routier russe est assez étendu , puisqu'il compte 908.600 kilomètres de routes et chemins, dont 611.500 kilomètres possèdent un revêtement en dur. Ces quelques 611.000 kilomètres relèvent, pour l'essentiel, du réseau territorial (46.900 kilomètres de routes fédérales, 546.400 kilomètres de routes territoriales et 316.000 kilomètres de routes privées).

Cette taille relativement importante ne doit pourtant pas faire oublier les fortes variations de sa densité selon les régions . Ainsi, si cette densité atteint 184 kilomètres pour 1.000 kilomètres carrés dans la région centrale européenne, elle n'est plus que de 5,5 kilomètres pour 1.000 km² dans la région de l'Extrême-Orient. En outre, 28.000 villages, représentant une population de 15 millions d'habitants, ne sont desservis que par des pistes . Enfin, il convient de rappeler qu'une bonne partie du réseau routier est complètement impraticable pendant l'hiver. Les besoins en équipements routiers restent donc importants.

Par ailleurs, la qualité du réseau reste médiocre . De fait de l'absence d'autoroutes et de l'insuffisance des routes à deux fois deux voies, la circulation routière est dangereuse. En outre, selon des données officielles, un tiers du réseau exploité requiert des réparations importantes et urgentes. Il en est de même pour les ouvrages d'art, dont 5 % ont dû être fermés pour des raisons de sécurité, 40 % nécessitant de grosses réparations et 40 % des mesures d'entretien courant.

Enfin, la plupart des routes russes n'apparaissent pas conformes aux normes internationales applicables, qui imposent de pouvoir supporter un poids maximal sur essieu de 10 %, alors que les trois-quarts du réseau russe ont été construits pour un poids maximal de 6 tonnes.

2. L'essor du transport routier de marchandises

Alors même qu'il n'a jamais connu un développement important en Russie, en raison de la prédominance du fret ferroviaire, le transport routier marchandises enregistre aujourd'hui une certaine progression , après un net recul entre 1990 et 1998. Certes, sur le marché intérieur, il ne concerne encore que de courtes distances. En outre, son développement à l'international est entravé par la lourdeur des formalités douanières à accomplir aux frontières, y compris au sein de la CEI. Il convient, à cet égard, de souligner que seulement 25 % des échanges routiers avec la Russie sont assurés par des Russes.

Pourtant, le transport routier devrait connaître un développement dans les prochaines années , compte tenu de la progression du commerce avec l'Union européenne. En effet, 80 % des échanges de marchandises avec les pays européens transitent par la route. Il importe, à cet égard, de noter que les autorités fédérales russes ne semblent pas favorables à un développement excessif du transport routier. M. Sergueï Frank, ministre russe des transports, a indiqué aux membres de la délégation sénatoriale que la Russie était bien consciente de la volonté de l'Union européenne de désengorger les routes et se montrait soucieuse de faire prévaloir l'intermodalité . La place qu'occupe le secteur ferroviaire dans le système russe de transport est, de ce point de vue, un atout.

3. Une modernisation du réseau en marche

De nombreux projets ont été élaborés en vue de développer et de moderniser le réseau routier russe. En février 2001, le gouvernement fédéral a adopté un programme de modernisation du système de transports pour la période 2002-2010 , dont le sous-programme « routes » prévoit notamment la construction ou la réhabilitation complète de 10.000 kilomètres de routes fédérales, incluant la mise en deux fois deux voies de 3.700 kilomètres, l'entretien et la réparation de 46.000 kilomètres de routes fédérales et de 268.000 kilomètres de routes territoriales. Ce programme affiche également comme objectif la diminution de 10 à 15 % du nombre d'accidents.

Sa mise en oeuvre représente un besoin en financement estimé à 68 milliards de dollars.

Les priorités des autorités fédérales mettent l'accent sur la nécessité de réaliser les couloirs de transports transeuropéens . C'est à ce titre que la section Moscou-Nijni-Novgorod est aujourd'hui en cours de réhabilitation.

Des initiatives d'envergure sont, par ailleurs, prises par certaines autorités régionales. Il en est ainsi de l'oblast d'Irkoutsk et de la ville de Sourgout, qui financent la construction de ponts.

D'autres projets émanent du secteur énergétique, liés à la nécessité de construire des routes longeant les oléoducs.

Compte tenu de ses capacités financières limitées (les dépenses consacrées à la routes s'élèvent à 1,48 % du PIB sur l'année 2002-2003), la Russie fait largement appel aux organismes financiers internationaux pour le financement de ses infrastructures routières.

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a ainsi récemment accordé deux prêts de 229 et de 290 millions de dollars en vue de la réalisation du périphérique de Saint-Pétersbourg et de la construction d'un tronçon manquant sur la route « Amour ». La Banque mondiale devrait, quant à elle, consentir en 2004 un prêt de 250 millions de dollars en vue de la réhabilitation des tronçons détériorés de la route fédérale « Don » (Moscou-Voronej-Rostov-sur-le-Don-Krasnodar-Novorossisk). Enfin, un prêt auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI) est actuellement en cours de négociation en vue de la modernisation du corridor transeuropéen entre Elbong (Pologne) et Kaliningrad, ainsi que de la construction de deux ponts.

La Russie s'intéresse également à l'instauration de péages routiers, visant à faire contribuer les usagers au financement des infrastructures de transports. Dans ce domaine, l'expérience française est une référence pour les Russes, comme l'a rappelé aux sénateurs M. Sergueï Frank, ministre des transports de la Fédération de Russie. Cependant, ce dernier a aussi considéré que la mise en place de péages n'était envisageable que lorsque la densité de circulation était suffisante, c'est à dire dans les régions centrales de la Russie.

Ainsi, un décret présidentiel de 1999 autorise les routes à péages. Par ailleurs, un projet de loi sur la mise en concession est en préparation. Plusieurs sections de routes à péages font déjà l'objet d'une exploitation. Quant aux projets, ils concernent notamment une nouvelle section autoroutière entre Moscou et Saint-Pétersbourg et une section de l'autoroute « Don ».

B. LE SECTEUR FERROVIAIRE

1. Un réseau dense au rôle stratégique

Le réseau ferroviaire russe s'étend sur 86.700 kilomètres , dont 62.000 kilomètres utilisables pour le transport de marchandises. La Russie occupe ainsi le premier rang du monde pour la longueur de son réseau électrifié.

Les chemins de fer occupent, dans ce pays, une place prépondérante dans le système des transports . Ils assurent 78 % du trafic de marchandises et 41 % du trafic de passagers, ce qui les place, dans ces deux catégories, au troisième rang mondial (derrière les Etats-Unis et la Chine dans le premier cas et derrière le Japon et l'Inde pour les passagers). A lui seul, le secteur ferroviaire assure 2 % du PIB russe.

Enfin, il convient de rappeler qu'historiquement, le train a joué un rôle majeur dans la maîtrise du territoire et dans son aménagement. Ainsi, le chemin de fer transsibérien est venu conforter le tracé d'une grande route jalonnée par les postes des pionniers envoyés à la conquête de la Sibérie.

2. Un secteur néanmoins fragilisé

Le secteur ferroviaire enregistre d'importants déficits financiers dans son activité de transports de voyageurs . Imputables à l'attribution de nombreux tarifs sociaux, ces déficits étaient traditionnellement compensés par la rentabilité de l'activité fret. Cependant, les autorités fédérales refusent désormais la pérennisation de cette compensation et ont décidé une réévaluation progressive des tarifs (+ 25 % en 2002), qui a pour effet de diminuer le nombre de clients et d'aggraver, au moins temporairement, les difficultés financières.

Par ailleurs, la réhabilitation du réseau est une nécessité . 900 kilomètres de voies ont ainsi été rénovés en 2001. Compte tenu des moyens limités, l'affectation des ressources disponibles se concentre surtout autour de Moscou, la première ligne concernée étant celle qui relie la capitale à Saint-Pétersbourg.

Cette réhabilitation s'accompagne d'un souci de modernisation . Ainsi a été engagée en 1999 l'informatisation des seize parties du réseaux qui n'étaient pas reliées entre elles, afin de permettre la délivrance de billets sur de longues distances. De même, les projets d'introduction de trains à grande vitesse se développent. Le premier est prévu pour la ligne Moscou-Saint-Pétersbourg. Des investissements sont également prévus sur la ligne transsibérienne et ses prolongements (Baïkal-Amour-Magistral). Une ligne vers la Corée devrait ainsi être construite, alors qu'est envisagée la construction d'un tunnel ferroviaire entre l'île de Sakhaline et le continent. Cependant, les projets sont freinés par le manque de financements.

Enfin, il convient d'ajouter la nécessité de renouveler le matériel roulant , le plus souvent vétuste. L'équivalent de 800 millions d'euros devrait être consacré à des achats. Des partenariats se nouent entre industriels russes et fournisseurs étrangers (Talgo, ADTranz...).

3. Une libéralisation en cours

Ce n'est que depuis peu qu'une évolution est envisagée pour le secteur ferroviaire. Compte tenu de son caractère stratégique pour les transports en Russie, un décret de 1993 en interdit même la privatisation. Les chemins de fers russes sont encore aujourd'hui dirigés par un ministère particulier .

Pourtant, les difficultés économiques du secteur et la nécessité d'attirer des investisseurs privés ont conduit à l'élaboration d'un programme de réforme dont le principe a été approuvé en 2001 et qui a été traduit dans un paquet de quatre lois adoptées au début de l'année 2003.

Ce schéma de réforme prévoit de manière progressive :

- la séparation des fonctions de régulation , confiées à l'Etat et des fonctions économiques , attribuées à une société publique, dénommée « Chemins de fer de Russie » (« RJD »), qui regroupe les 16 réseaux ferroviaires que compte le pays  ;

- la distinction, au sein des fonctions économiques, entre les différents types d'activités (transport de passagers, fret...) par la création de filiales ;

- à plus long terme, l'ouverture à la concurrence entre transporteurs . Il convient, à cet égard, de noter qu'une partie du transport ferroviaire de marchandises est déjà effectuée par des sociétés privées.

Dans le domaine du fret, est en outre programmé un rapprochement des tarifs internationaux et internes, par une réévaluation de ces derniers, ce qui inquiète le lobby des industriels, notamment de la métallurgie.

Ainsi, ce projet ne bouleverse pas fondamentalement l'architecture du secteur, un monopole succédant, pour l'heure, à un autre. En outre, l'option plus radicale d'une séparation entre l'infrastructure, qui aurait été maintenue dans le giron de l'Etat et le transport, n'a pas été retenue.

Il reste que cette réforme aura des conséquences sociales et budgétaires non négligeables , puisque le nombre d'employés du secteur serait réduit de 1,5 à 1 million, la charge financière de ces suppressions d'emplois (versement de compensations aux différents fonds pour l'emploi) incombant à l'Etat fédéral. Il n'y a cependant pas de réactions des syndicats de cheminots, qui sont peu influents en Russie.

C. LE SECTEUR AÉRIEN

1. Un paysage aérien morcelé et affaibli

L'effondrement de l'URSS et les restructurations engagées dans les années 1990 ont eu, pour conséquence, une atomisation des acteurs du secteur aérien en Russie . En 1994, on comptait, dans ce pays, près de 400 compagnies aériennes. Cependant, depuis cette date, des regroupements se sont opérés et le nombre d'opérateurs a été ramené à 235 .

Pourtant, le secteur aérien russe reste dominé par un petit nombre de compagnies. Les dix premières entreprises assurent ainsi 90 % du trafic de passagers . Les cinq premières sont Aeroflot, qui est toujours contrôlée par l'Etat fédéral, Poulkovo Air Company, Vnoukovo Airline, East Line et Sibir de Novosibirsk.

Le secteur aérien russe a été fragilisé par le fort recul du trafic au cours des années 1990 : le nombre de passagers a, en effet, été divisé par quatre entre 1990 et 2001, passant de 100 millions à 25 millions. Cette diminution est, en grande partie, liée à l'augmentation des tarifs qui a accompagné la transition. En conséquence, un nombre important de lignes a dû être abandonné et près de la moitié des aéroports encore en activité au début des années 1990 a été fermée.

Cependant, depuis 1999, le trafic a fortement redémarré (+ 25 %). L'une des exigences qui s'impose aujourd'hui au secteur est, comme dans le cas du transport ferroviaire, le renouvellement des appareils qui ont beaucoup vieilli. Près des trois-quarts de la flotte auraient plus de dix ans et 15 % dépasseraient même vingt années.

2. Le déclin de l'industrie aéronautique

Les restructurations en cours dans le secteur aérien fragilisent, en retour, l'industrie aéronautique russe qui a longtemps été l'un des fleurons de l'industrie soviétique, occupant 1,5 million de personnes. L'URSS a produit, rappelons-le, jusqu'à 2/5 e des avions militaires à l'échelle mondiale et un quart de la production d'avions civils à la fin des années 1980.

Il est vrai que le dynamisme de ce secteur reposait surtout sur les commandes militaires qui ont été considérablement réduites après la chute du régime soviétique. Aujourd'hui, les entreprises du secteur peinent à s'adapter aux exigences de productivité qui s'imposent de longue date à leurs concurrentes étrangères.

En outre, les faibles capacités financières des compagnies aériennes et leurs difficultés à accéder à des financements extérieurs limitent les commandes à l'industrie aéronautique qui, de ce fait, se consacre surtout à la maintenance et à la modernisation de la flotte.

La situation s'améliore toutefois, depuis l'instauration, en 2001, d'un soutien de l'Etat fédéral au financement d'un système de leasing en faveur de l'aéronautique, doté de 5 milliards de roubles sur deux ans.

Par ailleurs, l'industrie aéronautique russe a récemment bénéficié de commandes à l'exportation , notamment de la part de la Chine, de l'Egypte (appareils civils) et de l'Inde (chasseurs). Cependant, elle souffre encore d'une trop grande dispersion au regard de la concurrence occidentale (Boeing et Airbus). Un programme de restructuration a été adopté en 2001 par le gouvernement fédéral, visant à regrouper en quelques holdings les 316 entreprises qui composent ce secteur. Deux holdings devraient notamment voir le jour, l'une rassemblant Tupolev (avions civils), MIG (chasseurs), Kamov (hélicoptères), ainsi que les usines Aviastar d'Oulianovsk et Aviokor de Samara, l'autre regroupant notamment Sukhoi (chasseurs), Yakovlef, Iliouchine (avions civils) et MIL (hélicoptères).

Il reste que l'avenir de ce secteur passe aussi par les coopérations avec les compagnies occidentales car il n'a pas les moyens de développer seul les technologies d'avenir.

3. Une activité redynamisée par le transport international

Les difficultés rencontrées ces dernières années sur le marché intérieur ont conduit la compagnie Aeroflot à privilégier les lignes internationales , ce qui a conduit à une dégradation de la qualité des dessertes intérieures. Ainsi, les trois-quarts des vols réguliers assurés par Aeroflot sont des vols internationaux. La compagnie nationale russe contrôle à elle seule 70 % du trafic aérien international du pays.

Si elle s'attache aujourd'hui également, à reconquérir le marché intérieur, où elle ne représentait plus que 8 % du trafic en 1999, le principal objectif qui intéresse aujourd'hui Aeroflot reste son adhésion à l'alliance Skyteam , qui réunit de grandes compagnies internationales autour d'Air France. C'est dans cette optique qu'ont été entreprises la modernisation de l'aéroport Sheremetievo et la construction d'une nouvelle aérogare (Sheremetievo III) aux normes internationales, qui devrait notamment permettre une augmentation du transport de marchandises vers l'extérieur . La gestion de cette aérogare fera, par ailleurs, l'objet d'une coopération internationale, qui concernera peut-être avec Air France.

Doté d'une bonne infrastructure (451 aéroports dont 63 d'importance nationale), le secteur aérien russe est appelé à croître dans un pays où les distances entre grandes villes sont importantes et où les grandes régions veulent développer leur propre desserte (actuellement Moscou concentre 30 % du trafic). A cet égard, des projets à dimension internationale sont également en cours de réalisation, par exemple, à Saint-Pétersbourg et à Nijni-Novgorod.

D. LE SECTEUR MARITIME ET FLUVIAL

1. Une infrastructure portuaire insuffisante

Malgré 38.000 kilomètres de façade maritime, le potentiel maritime de la Russie a été considérablement réduit lors de l'effondrement du bloc soviétique, en particulier en ce qui concerne les ports de la mer Noire et ceux de la mer Baltique qui ont, en grande partie, été récupérés par les Etats Baltes et par l'Ukraine.

Si la Russie a conservé le bassin de l'Extrême-Orient (ports de Vladivostok, Vostotchny, Nakhodka...), celui de l'Océan Arctique (Arkhangelsk, Mourmansk...) et celui de la mer Caspienne (Astrakhan...), elle n'a obtenu qu'un tiers du bassin de la mer Baltique (Saint-Pétersbourg, Vyborg et Kaliningrad) et un peu plus du quart de celui de la mer Noire (Novorossisk, premier port de la Russie), alors que ce dernier représentait, à lui seul, 40 % de la capacité portuaire de l'URSS.

En conséquence, malgré ses 44 ports maritimes , qui représentent environ un trafic de 200 millions de tonnes par an, la Russie se trouve très dépendante (à hauteur de 30 %) pour l'exportation de ses biens. L'obligation d'utiliser les ports étrangers de la Baltique et de la mer Noire lui coûte d'ailleurs très cher en devises.

C'est pourquoi le gouvernement russe met en oeuvre un programme de modernisation des ports maritimes , avec comme objectif une réduction à 10 % de la dépendance à l'égard de capacités maritimes étrangères. Outre de nombreux investissements dans les ports en activité, ce programme prévoit la construction de deux nouveaux ports sur la mer Baltique : l'un à Oust-Louga , qui traitera du bois, du charbon, de produits chimiques et de minerais en conteneurs, l'autre à Primorsk , au débouché de l'oléoduc BPS (Baltique Pipeline System) qui achemine le brut du Grand Nord.

Il convient de noter que la privatisation des ports russes progresse . La tutelle des grands ports a été attribuée en 1994 aux autorités locales, l'Etat fédéral conservant toutefois une certaine influence par l'intermédiaire d'une administration portuaire. A l'occasion de privatisations partielles, des acteurs économiques majeurs prennent des participations dans les ports intéressant leurs activités, à l'instar du pétrolier Loukoï à Mourmansk.

2. Une flotte amputée

L'éclatement du bloc soviétique s'est également traduit par l'attribution à la Russie d'une flotte maritime diminuée . En effet, la répartition de la flotte a suivi celle des ports d'attache, de sorte que la Russie n'a recueilli que 56 % des navires de commerce de l'URSS . Elle possède encore une seule des trois grandes compagnies à vocation généraliste que comptait l'URSS : la Far Eastern Shipping (FESCO), basée à Vladivostok, la deuxième ayant fait faillite et la troisième, la Black Sea Shipping (BLASCO), rattachée à Odessa, étant revenue à l'Ukraine.

Les autres compagnies maritimes russes connaissent d'importantes difficultés financières , aggravées par la crise de 1998. Il en résulte notamment une tendance des armateurs russes à recourir à des pavillons de complaisance afin d'éviter le paiement des droits d'immatriculation relativement élevés en Russie. Ainsi, la part du commerce maritime russe réalisée sous pavillon russe n'a cessé de se réduire, passant de 91 millions de tonnes en 1992 à 26 millions de tonnes en 2000.

Le gouvernement fédéral a envisagé de réagir par une loi réservant à la marine marchande russe le transport des cargaisons stratégiques et la moitié du transport des produits énergétiques.

3. Un secteur fluvial en développement

La Russie possède un réseau fluvial étendu sur près de 145.000 kilomètres (dont 125.900 kilomètres de voies d'eau naturelles et 18.700 kilomètres de canaux) et comptant 700 ouvrages hydrauliques.

Cependant, les conditions climatiques difficiles ralentissent le développement du transport fluvial. En outre, le mouvement des marchandises s'effectue essentiellement d'est en ouest alors que les fleuves navigables sont orientés selon un axe nord-sud.

Si les marchandises transportées par voie d'eau sont surtout des matières pondéreuses , le transport fluvial de produits pétroliers progresse , de même que celui du bois. Les bassins les plus dynamiques pour le trafic fluvial sont le réseau Volga-Don, la Dvina septentrionale et l'Ienisseï. Le transport fluvio-maritime se développe également, à partir de la mer Caspienne.

La Russie compte 128 ports fluviaux , les plus dynamiques étant Volgograd, Oufa, Novosibirsk, Krasnoïarsk ainsi que certains ports fluvio-maritimes comme Astrakhan et Rostov-sur-le-Don.

Les autorités russes envisagent une croissance du transport fluvial qui, selon M. Sergueï Frank, ministre des transports de la Fédération de Russie, pourrait être une alternative à la route . Mais, dans ce domaine aussi, la rénovation du réseau s'avèrera nécessaire.

E. LES TRANSPORTS URBAINS

Les transports urbains collectifs sont très développés en Russie. Le pays compte ainsi 9.900 lignes de bus urbains. Six villes (Moscou, Saint-Pétersbourg, Nijni-Novgorod, Novossibirsk, Ekaterinbourg et Samara) possèdent un métro alors que quatre autres (Omsk, Krasnoïarsk, Kazan et Oufa) projètent d'en construire un. Selon le schéma de développement des réseaux urbains en vigueur sous le régime soviétique, toute ville de plus d'un million d'habitants avait vocation à se voir doter d'un métro.

La ville de Moscou est actuellement desservie par neuf lignes de métro. Elle compte plusieurs projets de développement, totalisant 100 kilomètres supplémentaires d'ici 2015, liés notamment à la desserte du nouveau quartier d'affaires Moskva-City et aux liaisons vers la future aérogare Sheremetievo III.

Les réseaux de tramway et de trolleybus qui équipent les grandes villes de Russie continuent à fonctionner malgré un état de dégradation parfois avancé . La plupart des lignes revêtent encore un caractère « social » dans la mesure où une part importante de leurs utilisateurs les emprunte gratuitement. Il convient, à cet égard, de rappeler que 46 millions de personnes utilisent gratuitement les transports en commun en Russie . Ces lignes appartiennent à des sociétés publiques principalement financées par les subventions des municipalités. Elles se caractérisent par un parc de véhicules vétuste , mais leur capacité financière limitée ne leur permet pas d'entreprendre les rénovations nécessaires.

Parallèlement, se développent des lignes de transport commerciales , gérées par des sociétés privées et financées exclusivement par la vente de billets. Leur part de marché représente entre 10 et 30 % du marché. Offrant surtout un service par minibus, ces sociétés sont atomisées et peu contrôlées, ce qui laisse craindre un développement anarchique .

Par ailleurs, la croissance de la circulation automobile dans les grandes villes pose aujourd'hui problème, en terme de fluidité du trafic mais également au regard de l'environnement. Notre délégation sénatoriale a d'ailleurs pu mesurer la gêne et les retards provoqués par les nombreux embouteillages à Moscou . Des travaux importants sont en cours de réalisation dans la capitale pour remédier à cette situation : création d'un troisième périphérique long de 36 kilomètres, réhabilitation des ponts routiers... A Saint-Pétersbourg, la construction d'un périphérique est également en cours qui fait appel à VSL, filiale de Bouygues, pour la construction d'un pont.

III. LE SECTEUR DE L'ÉNERGIE

A. LA MANNE PÉTROLIÈRE

1. Une production en forte croissance

Avec une production de 380 millions de tonnes (7,6 millions de barils par jour) en 2002, la Russie est l'un des trois premiers producteurs mondiaux , juste derrière l'Arabie saoudite (8 millions de barils par jour) et devant les Etats-Unis. Chacun de ces pays représente environ 10 % de la production mondiale.

Ce niveau de production élevé, que la Russie souhaite encore augmenter dans les prochaines années puisqu'elle vise un objectif de 10 millions de barils par jour , succède à une nette baisse de l'exploitation pendant les années 1990. Depuis 1999, la reprise est en marche et le secteur enregistre une croissance annuelle comprise entre 5,5 et 9 %.

Cette expansion de la production pétrolière a fortement contribué au retour de la croissance économique en Russie, même si c'est au prix d'une forte dépendance du pays. Ainsi, le secteur pétrolier (production, raffinage et transport) représente 10 % du PIB et plus du tiers (38 % en 2002) des recettes fiscales de l'Etat.

La Russie possède aussi d'importantes réserves pétrolières (48,5 milliards de barils, soit environ 5 % des réserves prouvées à l'échelle mondiale) qui peuvent permettre d'assurer une production de même niveau pendant une vingtaine d'années. Certes, les réserves russes restent faibles en comparaison de celles de l'Arabie saoudite (262 milliards de barils) ou de l'Irak (118 milliards de barils). Cependant, la Russie détient les plus importantes réserves exploitables hors OPEP .

La production est répartie entre différentes régions :

- la région Oural-Volga (25 % de la production), dans la partie européenne de la Russie, qui a historiquement contribué à l'essor de l'industrie pétrolière de ce pays ;

- la Sibérie occidentale , dont les énormes réserves ont été exploitées à partir des années 1960-1970, et qui est aujourd'hui la principale région de production (70 %) ;

- le Grand Nord , en particulier la région autonome des Nenets et la République des Komis (bassin de Timan-Pechora, champ de Kharyaga), qui fait également l'objet d'une exploitation en développement (3,5 % de la production). Il présente en effet des réserves considérables estimées à plus de 120 milliards de barils ;

- le Caucase septentrional .

Des perspectives d'exploitation existent également dans d'autres régions : le territoire autonome des Yamalo-Nenets , au nord de la Sibérie occidentale, la région de Krasnoïarsk , dans la Sibérie orientale, les gisements off-shore de Sakhaline en Extrême-Orient ou encore la mer Caspienne qui est pour l'instant surtout exploitée par les voisins de la Russie, Azerbaïdjan et Kazakhstan.

Il convient toutefois de noter que les gisements ayant fait l'objet, dans les années 1970 d'une exploitation intensive, s'épuisent progressivement. Or, la mise en valeur des nouveaux gisements n'est pas des plus aisées et requiert des moyens techniques considérables (technologies d'extraction adaptées à des sous-sols gelés, extractions off-shore), dans des régions où les infrastructures de transport font souvent défaut. Ces difficultés incitent d'ailleurs les sociétés pétrolières russes à accepter le partenariat des compagnies occidentales pour l'exploitation de nouveaux gisements. C'est ainsi que Total est partie prenante à la mise en valeur du champ pétrolifère de Kharyaga. Shell et Exxon Mobil sont également présentes en Russie.

Par ailleurs, le développement de la production pétrolière impose de remédier à l'obsolescence de l'outil de raffinage dont l'inadaptation se traduit actuellement par l'exportation massive de produits bruts, alors que la demande s'oriente de plus en plus vers des produits raffinés . L'industrie pétrolière russe s'attache donc désormais à améliorer les rendements en produits légers. Il s'agit aussi d'améliorer leur qualité en faisant baisser le taux de soufre dans les carburants. L'introduction de nouveaux procédés est pour cela nécessaire.

2. Un secteur en proie à un mouvement de concentration

L'industrie pétrolière russe est l'un des premiers secteurs de l'économie soviétique à avoir été privatisé. Un petit nombre de compagnies puissantes , organisées selon des logiques régionales, dominent aujourd'hui le marché, sur lequel subsistent néanmoins de nombreux petits producteurs.

LES GRANDES COMPAGNIES PÉTROLIÈRES RUSSES

(Résultats 2002)

 

Production
(en Mio de barils par jour)

Part dans la production nationale (en %)

Croissance en 2001-2002

Exportations
(en Mio de barils par jour)

Lukoil

1,6

21 %

2,2 %

0,7

Youkos

1,4

18 ,4 %

20,5 %

1

TNK-BP

1,075

14,1 %

8,1 %

0,46

Surgutneftegaz

0,985

12,9 %

11,7 %

0,58

Sibneft

0,525

6 ,9 %

27,4 %

0,23

Tatneft

0,495

6 ,5 %

0

0,2

Production totale

7,6

100 %

9,1 %

3,7

Source : Mission économique

La société Rosneft, qui occupe le 7 e rang des compagnies pétrolières, est encore aux mains de l'Etat.

L'industrie pétrolière russe est confrontée, depuis quelques années, à un mouvement de concentration qui restructure fortement les contours du secteur. C'est ainsi que les sociétés Onaco et Sidanco ont été absorbées par TNK (Tyumen Oil), VSNK par Youkos, alors que TNK et Sibneft ont pris le contrôle de Slavneft.

Des alliances avec les sociétés pétrolières russes tentent aussi de plus en plus les majors occidentales , attirées par les réserves importantes de ces dernières. La compagnie British Petroleum (BP) s'est ainsi rapprochée en 2002 du pétrolier russe TNK.

L'année 2003 a, par ailleurs, été marquée par une tentative de rapprochement entre Youkos et Sibneft, qui aurait donné naissance à un géant pétrolier (première société pétrolière à l'échelle de la Russie, quatrième à l'échelle mondiale) mais qui a été suspendu par l'arrestation, à l'automne 2003, du président de Youkos, M. Mikhaïl Khodorkovski.

3. Les enjeux internationaux du pétrole russe

En cohérence avec la nouvelle politique étrangère, initiée par le président Poutine, la Russie cherche à se positionner comme un acteur incontournable du marché pétrolier mondial . De fait, elle est aujourd'hui, avec 5,88 millions de barils par jour, le deuxième exportateur mondial derrière l'Arabie saoudite (7,06 millions de barils par jour).

C'est ainsi qu'elle se présente au monde occidental comme une alternative au pétrole du Moyen-Orient . Dans une optique de diversification et de sécurisation des approvisionnements, le président américain et le président russe ont, à cet égard, engagé des négociations visant à augmenter les exportations de pétrole russe à destination des Etats-Unis , dans les prochaines années. Ce dossier fut notamment au centre du sommet américano-russe sur l'énergie qui s'est tenu en septembre 2003 à Saint-Pétersbourg. Il est vrai qu'à l'horizon 2015, les Etats-Unis ne seront en mesure d'assurer eux-mêmes que 30 % de leur consommation de pétrole, contre 70 % actuellement. Pour l'heure, la Russie ne figure encore qu'au 14 e rang de leurs fournisseurs.

D'autres négociations sont menées par le président Vladimir Poutine en vue de la fourniture de pétrole à la Chine et au Japon.

Si l'ambition affichée par la Russie est de devenir le pays producteur leader hors OPEP, elle n'en garde pas moins des relations particulières avec l'Arabie Saoudite . Celle-ci souhaiterait l'attirer dans le cartel des pays producteurs de pétrole afin de faire contrepoids à la baisse des prix qui pourrait résulter de la croissance de la production irakienne , sous l'impulsion des Etats-Unis. La crainte d'une chute des cours du brut, qui réduirait ses recettes d'exportation et mettrait à mal sa croissance, pourrait donc aussi inciter la Russie à se rapprocher de l'OPEP .

Cependant, le fait que la production russe soit aux mains d'acteurs privés, à la différence de celle du Moyen-Orient qui relève des Etats, rendrait difficile le respect de quotas de production que la Russie pourrait, le cas échéant, être amenée à s'imposer dans ce cadre.

4. La question cruciale du transport

Jusqu'à présent, l'acheminement de la plus grosse partie du pétrole russe est réalisé par les oléoducs de la société publique Transneft , qui en a le monopole . Cependant, les capacités de celle-ci sont saturées, au point que des solutions alternatives, comme le transport ferroviaire et fluvial, doivent être mises en oeuvre pour acheminer le brut jusqu'aux terminaux portuaires. Ces solutions alternatives sont toutefois limitées.

Le réseau de transport et d'exportation du pétrole russe s'articule aujourd'hui autour de trois voies d'évacuation :

- la mer Noire , avec les terminaux de Novorossisk et de Touapsé, ceux de Soupsa et Batoumi (Géorgie) et celui d'Odessa (Ukraine) étant également empruntés ;

- la mer Baltique , avec les terminaux de Primorsk, mais aussi de Ventspils (Lettonie) et Butinge (Lituanie) ;

- l' Europe centrale , avec l'oléoduc Drovjba.

Les circuits d'évacuation actuels offrent des capacités restreintes dans la mesure où les voies naturelles empruntées (détroit du Bosphore au sud et détroit d'Oresund au nord) ne permettent pas la circulation des tankers dont la taille excède 150.000 tonnes.

Pour faire face à l'augmentation prévisible de la production et donc des exportations, des projets portuaires sont en cours de réalisation . C'est ainsi qu'un nouveau complexe pétrolier doit être implanté à Primorsk sur le golfe de Finlande. De même, les capacités de l'oléoduc Drovjba devraient être augmentées et son circuit connecté à celui de l'oléoduc croate Adria, permettant ainsi une évacuation du pétrole russe par le port croate d'Omisalj, sur des tankers de 300.000 tonnes.

Plusieurs projets en liaison avec le développement de nouveaux marchés sont, par ailleurs, à l'étude :

- du côté asiatique , la prolongation des oléoducs russes au-delà du terminus d'Angarsk a fait l'objet d'un débat récemment tranché. Il s'agissait de choisir entre un tracé dirigé vers la province chinoise de Daqing et un autre, dirigé vers le port russe de Nakhodka sur la côte Pacifique, permettant de viser directement le marché japonais. Le gouvernement russe a finalement retenu, en mars 2003, un projet combiné desservant à la fois la Chine et le Japon ;

- vers le Nord (mer de Barents), est prévue la construction d'un terminal en eaux profondes à Mourmansk , destiné à permettre l'expédition du brut par tankers de 300.000 tonnes vers les Etats-Unis à partir de 2007. L'ouverture de ce terminal est liée à la construction d'un autre oléoduc reliant les gisements de Sibérie occidentale au port de Mourmansk, qui devrait incomber aux cinq grands groupes russes soutenant le projet.

Enfin, il convient de noter que le transport du pétrole de ses voisins est également un enjeu important pour la Russie . C'est particulièrement vrai dans le secteur de la mer Caspienne où la Russie exerce un contrôle sur la production du Kazakhstan, de l'Azerbaïdjan et du Turkménistan par le biais de ses oléoducs. Ainsi, la Russie a été, ces dernières années, l'objet de tentatives de contournements s'agissant de l'évacuation du pétrole azéri (en provenance de Bakou) et kazakh (en provenance de Tenguiz), les Etats-Unis soutenant un projet d'acheminement vers la Turquie (port de Ceyhan). Compte tenu de son coût, ce projet n'a pourtant pas abouti et c'est la voie traditionnelle russe qui a finalement été retenue . La Russie s'est donc récemment lancée dans la construction de l'oléoduc entre Tenguiz et le port de Novorossisk, où est mis en place un nouveau terminal pétrolier de grande capacité.

B. LE SECTEUR GAZIER

1. La Russie, premier acteur du marché gazier mondial

Si la production gazière de la Russie n'enregistre pas les mêmes taux de croissance que sa production pétrolière, l'exploitation du gaz est appelée à devenir le secteur majeur de l'économie russe . La Russie est ainsi le premier producteur mondial de gaz (environ 600 milliards de m 3 ) et le premier exportateur mondial (environ 200 milliards de m 3 , soit environ un tiers de sa production). Ses réserves gazières, estimées à 38 % des réserves mondiales, sont considérables.

La production est très concentrée sur le plan géographique , 90 % provenant de la région de Tioumen et, en particulier, du district autonome des Yamalo-Nenets, dans le Grand Nord, où sont situés les gisements géants d'Ourengoï (10.000 milliards de m 3 ) et de Iambourg (5.000 milliards de m 3 ).

D'autres zones de production plus modestes sont implantées dans la République des Komis et en Yakoutie.

En outre, les projets de développement existent dans le Grand Nord, qui se heurtent à des difficultés d'exploitation. C'est notamment le cas des gisements de la presqu'île de Yamal , dont les réserves excèdent 10.000 milliards de m 3 .

La Russie est le premier fournisseur de l'Union Européenne (30 % du gaz consommé), dont la demande ne cesse de progresser. Ainsi, la société Gazprom, qui domine le marché gazier russe, a construit un gazoduc reliant le gisement de Yamal à l'Allemagne. Un projet de construction d'un gazoduc en mer Baltique a, en outre, été récemment établi entre la Russie et la Grande-Bretagne. Gazprom est, par ailleurs, liée par plusieurs contrats de vente à long terme avec les grands acteurs du marché gazier européen (Ruhrgas, GDF...). A titre d'exemple, GDF a signé, en juin 2003, un accord cadre avec Gazprom visant à approfondir leur coopération et établir de nouveaux partenariats, notamment, sous la forme de filiales communes ou d'investissements communs.

En dehors de l'Europe, la Russie alimente d'autres marchés, à l'instar de la Turquie (14 milliards de m 3 ).

Pour éviter d'entreprendre à court terme la mise en exploitation coûteuse de nouveaux gisements, Gazprom cherche, par ailleurs, à s'assurer de nouvelles sources d'approvisionnement à bon marché . C'est en ce sens qu'elle a récemment passé des accords avec le Turkménistan et l'Ouzbékistan .

2. Un secteur qui supporte les finances publiques et l'économie russe

Le marché gazier est essentiellement aux mains de Gazprom, une entreprise monopolistique détenue à hauteur de 51 % par l'Etat fédéral . Ce dernier vient, d'ailleurs, d'augmenter récemment sa part de capital qui s'élevait, jusqu'en 2003, à 38 %, ce qui traduit une volonté de reprendre le contrôle de cette entreprise stratégique . Le Kremlin a également fait nommé, en 2001, à la tête de Gazprom, M. Alexandre Miller, vice-ministre de l'énergie et proche du président Vladimir Poutine.

Gazprom joue un rôle indispensable dans l'équilibre des finances publiques puisque les impôts qu'elle paie représentent près du quart des recettes fiscales du budget fédéral.

Mais, au-delà, son activité soutient l'ensemble de l'économie russe . Il convient, à cet égard, de rappeler que Gazprom, deuxième entreprise de Russie, emploie 300.000 personnes . Elle est un client privilégié pour les industries fabriquant des tubes pour les gazoducs, des turbines à gaz, mais également des hélicoptères, indispensables pour les déplacements dans les zones d'exploitation. Gazprom possède, en outre, une chaîne de distribution alimentaire, des terres agricoles et des parts de capital dans l'audiovisuel et le secteur bancaire, en particulier, à travers sa filiale Gazprombank. Ainsi, Gazprom assure, à elle seule, 8 % du PNB russe .

Enfin, cette entreprise fait bénéficier les autres secteurs de l'économie de facilités par la pratique des subventions croisées et des non-paiements de livraisons. En effet, ses clients, en vertu d'un usage hérité de la période soviétique, se dispensent souvent de régler leurs factures énergétiques. S eules 20 % des livraisons de gaz sur le marché intérieur seraient réglées de manière monétaire . Dans le meilleur des cas, le règlement se fait par troc ou prend la forme d'un crédits inter-entreprises. Ces pratiques pèsent sur la rentabilité du monopole, qui est grevé par l'importance des créances impayées.

Il en est de même pour le gaz destiné aux particuliers qui est, bien entendu, sous tarifé et constitue un soutien aux revenus du plus grand nombre.

3. Un secteur dont la libéralisation est délicate

Le secteur gazier reste monopolistique puisque Gazprom assure 88 % de la production gazière du pays . L'entrée récente sur le marché de quelques compagnies pétrolières possédant des réserves gazières et de la société Itéra, issue du capital de Gazprom, n'ont pas entamé sa suprématie. En effet, Gazprom détenant le monopole du transport et de l'exportation du gaz , ces entreprises sont tenues de lui céder leur production à un prix qu'elles fixent et ne peuvent accéder aux marchés extérieurs.

Cependant, le maintien de la situation actuelle pèse en partie sur la compétitivité du secteur . Force est de constater que Gazprom souffre d'une rentabilité insuffisante alors même qu'elle doit procéder à de nouveaux investissements pour rénover et développer son réseau de transport . Pour l'heure, la manne que représentent les exportations permet à l'entreprise publique d'équilibrer son déficit sur le marché intérieur, d'où l'importance stratégique que revêt le maintien du monopole d'exportation. Cette dépendance expose néanmoins, en permanence, l'entreprise au risque d'une baisse des cours du gaz.

Plusieurs tentatives de réforme ont échoué. Le dernier projet sur la table a été présenté à la fin de l'année 2002. Son objectif est de développer une concurrence modérée dans le secteur gazier en favorisant l'émergence d'opérateurs indépendants de Gazprom. Il s'agit d'introduire le principe de la liberté d'accès des opérateurs au réseau de transport géré par Gazprom et de mettre en place un second marché du gaz non réglementé, sous la forme d'une bourse, permettant aux consommateurs de s'approvisionner auprès de producteurs concurrents (Gazprom pourrait y accéder dans la limite de 5 % de sa production). Cette réforme prévoit aussi l'augmentation des tarifs domestiques réglementés du gaz, mais ne remet toutefois pas en cause le monopole d'exportation de Gazprom.

Aucune échéance n'a pour l'instant été donnée pour l'application de ce projet de réforme qui reste très éloigné d'une libéralisation totale impliquant la séparation entre activités de transport et de production, la suppression du monopole d'exportation et la liberté de formation des prix sur le marché intérieur. Le président Poutine reste d'une grande prudence sur ce sujet. Au-delà des intérêts financiers évidents de l'Etat fédéral et de la dimension stratégique de l'approvisionnement gazier , se pose la question de l'acceptabilité sociale d'une réévaluation des prix sur le marché intérieur.

Il reste que les pressions internationales , exercées notamment par l'Union européenne qui fait de la libéralisation des prix une condition d'accès de la Russie à l'OMC , pourraient, à terme, changer la donne, d'autant que la pérennisation du monopole n'est pas forcément avantageuse pour Gazprom.

C. L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE EN RUSSIE

1. Une production importante et diversifiée

a) Une capacité de production conséquente

Doté d'une capacité de production de 218 gigawatts, le secteur électrique russe est le quatrième au niveau mondial , après celui des Etats-Unis, de la Chine et du Japon.

Après avoir enregistré une baisse continue au cours des années 1990, en raison de la diminution de la demande du secteur industriel, et notamment des industries lourdes, la production d'électricité a repris en 1999 pour atteindre 890 tonnes de watts/heure en 2002.

Évolution de la production d'électricité dans les années 1990

Source : Mission économique

D'un point de vue géographique, la production est très concentrée , la majorité des 450 centrales du pays étant située dans les zones les plus densément peuplées et industrialisées : la partie européenne de la Russie, l'Oural et le sud de la Sibérie.

b) Des sources d'approvisionnement diversifiées

La production électrique russe est à 65 % d'origine thermique, à 20 % d'origine hydraulique et à 15 % d'origine nucléaire.

L'ORIGINE DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE EN RUSSIE

Source : Mission économique

L'énergie thermique

Parmi les combustibles utilisés pour produire l'énergie thermique, le gaz domine largement , suivi par le charbon et, de manière plus marginale, par le fuel.

L'utilisation du charbon a eu tendance à décliner. Ce combustible ayant cessé d'être une priorité énergétique depuis les années 60, le secteur du charbon a connu un lent déclin, faute d'investissements. Sa production est aujourd'hui insuffisamment rentable en raison de l'importance des coûts de transport par voie ferrée . Il reste néanmoins une ressource d'avenir, compte tenu de l'abondance des réserves présentes en Russie (estimée à 3.900 milliards de tonnes) notamment dans les bassins du Kouzbass et de Kanz-Atchinsk en Sibérie centrale. C'est pourquoi, le gouvernement russe compte sur une progression du rôle du charbon dans les années à venir .

L'énergie hydroélectrique

La plus grosse partie de la production hydraulique est localisée en Sibérie centrale grâce aux centrales géantes situées sur l'Ienisseï et sur l'Angara. Le bassin de la Volga, entièrement équipé en barrages, fournit également une partie de cette énergie.

Le manque de crédits d'équipement a toutefois freiné les nouveaux aménagements ces dernières années.

L'énergie nucléaire

Si la première centrale date de 1954, le secteur nucléaire russe s'est surtout développé dans les années 1970 et 1980 , jusqu'à l'accident de Tchernobyl en 1986. Depuis cette date et jusqu'à très récemment, le secteur n'avait plus fait l'objet d'aucun investissement sauf en matière de sécurisation, les travaux de construction ayant été interrompus.

La Russie compte aujourd'hui 30 réacteurs en activité répartis sur dix centrales .

Les centrales nucléaires en Russie en 2000

Nom

Production (en milliards de kWh)

Kola

8,8

Leningrad

21,6

Smolensk

20,3

Kalininsk (TVER)

13,3

Voronej

11,1

Koursk

22,2

Balakovskaya (région de Saratov)

27,5

Beloyerskaya

3,8

Bilibinskaya (Tchoukotka)

0,2

Total

130,8

Source : Rosenergoatom

Il existe actuellement un programme de développement de l'énergie nucléaire visant à permettre la production par ce secteur de 23.600 mégawatts à l'horizon 2020. La construction des réacteurs qui avait été suspendue à la fin des années 80 a repris. En 2001, le premier réacteur d'une centrale a ainsi été mis en service à Rostov-sur-le-Don. L'ouverture d'une cinquième tranche à la centrale nucléaire de Koursk est également prévue.

Comme l'a souligné M. Valery Lebedev, directeur de la centrale nucléaire de Leningrad près de Sosnovy Bor, qu'une partie de la délégation sénatoriale a visitée, le problème qui se posera est le renouvellement des équipements à l'horizon 2020 .

L'amélioration de la sécurité des centrales est également une préoccupation constante, d'autant que la Russie cherche à reconquérir une crédibilité internationale dans ce domaine. Ainsi, la centrale que nous avons visitée consacrera 220 millions de dollars à ce poste sur la période 2000-2004, notamment en vue de la construction d'un système de refroidissement d'urgence destiné à faire face à un échauffement accidentel.

Il convient de rappeler que le secteur nucléaire emploie 530.000 personnes et en fait vivre beaucoup plus. A titre d'exemple, la centrale de Leningrad compte 1.065 employés, mais toute l'économie de la ville satellite de Sosnovy Bor (16.000 habitants) en dépend.

La maîtrise de la Russie dans le domaine nucléaire lui permet, en outre, d'exporter sa technologie, en particulier en Chine et en Finlande. La délégation sénatoriale a, à cet égard, constaté que l'Allemagne, qui souhaiterait faire produire ailleurs l'énergie nucléaire dont elle a besoin en raison des réticences de son opinion publique, coopère activement avec la Russie. Il serait souhaitable que la France, compte tenu de l'expérience qu'elle possède dans ce domaine, développe aussi une coopération de ce type.

2. Une réforme bien avancée

a) L'organisation du secteur électrique avant la réforme

Le secteur électrique russe est, jusqu'à présent, organisé de manière monopolistique . La privatisation du secteur en 1992 a, en effet, conduit à la mise en place d'une société unique, la RAO EES Rossii (« Système électrique unifié de Russie »), détenue à 52 % par l'Etat . Cette entreprise publique, qui gère 72,5 % des capacités de production de l'énergie d'origine thermique et hydraulique, ainsi que l'ensemble du réseau de transport et de distribution, a sous son autorité :

- d'une part, une trentaine de centrales fédérales de grande puissance ;

- d'autre part, des compagnies régionales intégrées (les « Energos »), organisées selon une logique géographique, qui assurent, au niveau local, les fonctions de production, transport et distribution d'énergie. RAO EES possède une part variable de leur capital.

Par ailleurs, il existe quelques Energos indépendants.

La production nucléaire est, quant à elle, réunie sous le contrôle d'une holding détenue entièrement par l'Etat, RosEnergoAtom .

Cette organisation monopolistique offre une rentabilité insuffisante au secteur, qui fonctionne en surcapacité. En outre, elle ne lui permet pas d'avoir accès aux financements nécessaires à la réalisation des investissements qui s'imposent. En effet, 38 % des centrales russes ont plus de trente ans et les deux-tiers plus de vingt ans . Selon le ministère de l'énergie de la Fédération de Russie, 60 % des installations devront être remplacées d'ici 2010 et le besoin en investissements du secteur (hors investissements concernant le transport) se monte à trente milliards de dollars pour les dix prochaines années.

b) Le contenu de la réforme

Initiée en 2001, la réforme du secteur électrique a pris la forme d'une loi adoptée en mars 2003 par la Douma , qui tend à la création d'un marché libéralisé de l'électricité.

Elle prévoit que la production d'électricité et les services de distribution et de vente seront progressivement ouverts à la concurrence , alors que le dispatching et les services liés au transport continueront à relever de la sphère publique.

Au niveau de la production, est prévue la création d'une dizaine de sociétés de production concurrentes regroupant l'ensemble des centrales de RAO EES ainsi que les Energos. Ces sociétés auront le statut de producteur indépendant et pourront se positionner librement sur le marché de gros.

S'agissant du transport , la réforme conduite à la création d'un réseau de transport électrique fédéral regroupé dans la Société fédérale de transport à haute tension (FSK) qui sera le garant de l'égalité d'accès des acteurs au réseau.

La distribution est confiée à une filiale de RAO EES , dénommée « opérateur du système » qui est chargée des fonctions de dispatching aux niveaux national et régional. Par ailleurs, la réforme crée des sociétés de distribution dissociées des Energos.

Enfin, en ce qui concerne la tarification , la réforme vise à une suppression progressive de la régulation publique . Un organe fédéral sera chargé de définir les tarifs et d'établir les règles de vente à des prix libres sur le marché de gros. Des tarifs plafonds seront toutefois arrêtés chaque année par le gouvernement et par les autorités régionales. Dans l'hypothèse où les tarifs pratiqués dépasseraient ces plafonds, les autorités fédérales et régionales seraient tenues de compenser la différence à certaines catégories de la population.

Si l'adoption de cette réforme constitue une grande avancée , son calendrier de mise en oeuvre reste toutefois imprécis . Selon la loi, la libéralisation des prix ne peut intervenir avant le 1 er juillet 2005. Cependant, les réticences rencontrées ne permettent pas d' espérer l'aboutissement de la réforme avant 2008 , dans le meilleur des cas.

CONCLUSION

La Russie que nous avons approchée nous est apparue comme un pays en mouvement, en marche vers la modernité .

Le travail de reconstruction de l'Etat et du droit, les réformes engagées dans les différents secteurs de l'économie, le dynamisme de la croissance, la naissance d'une société de consommation sont des signes positifs illustrant les changements en cours.

Certes, malgré la progression sensible des revenus depuis trois ans, une large partie de la société russe souffre encore d'une très grande pauvreté , conséquence à la fois des bouleversements économiques et de l'effondrement de l'Etat social. Les inégalités entre quelques nouveaux riches et la majorité de la population n'en sont que plus criantes. En outre, la dégradation de l'état sanitaire de la population demeure préoccupante.

Compte tenu de son potentiel, il ne fait cependant aucun doute que la Russie rejoindra un jour les pays développés. Deux conditions doivent, pour cela, être remplies.

Cela suppose, d'abord, qu'elle ne s'enferme pas dans le piège de la rente énergétique, mais au contraire qu'elle parvienne à initier un développement autonome , en finançant, à partir des ressources tirées des exportations de pétrole et de gaz, une diversification de sa production.

Mais ce rattrapage dépendra aussi de sa capacité à attirer les capitaux extérieurs dont elle ne peut se passer, compte tenu de l'ampleur des besoins, pour financer sa modernisation. Cela suppose un profond changement des mentalités et des comportements (pesanteur bureaucratique, corruption...) auxquels se heurtent encore trop souvent les entreprises étrangères qui s'implantent dans ce pays.

La présence, au sein de la génération montante, de jeunes entrepreneurs dynamiques et pressés de réussir, laisse penser que l'avenir est assuré . La question demeure cependant de savoir combien de temps il leur faudra , à eux et à l'ensemble de ceux attachés au changement, pour transformer l'ancien « Empire immobile » .

Enfin, il est nécessaire de rappeler avec force que la Russie fait partie de l'Europe , ce qui conduit à souhaiter un approfondissement des relations entre ce pays et l'Union européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 21 janvier 2004, la commission des Affaires économiques a entendu la présentation par M. Gérard Larcher du rapport d'information sur la Russie.

A titre liminaire, M. Gérard Larcher, président , a indiqué que ce rapport faisait suite au déplacement en Russie d'une délégation de la commission des affaires économiques, pendant neuf jours, en septembre 2003, et qu'il reprenait, en les développant, les principales observations qu'il avait présentées à la commission la semaine suivant le retour de la mission. Rappelant que cette mission visait à appréhender l'économie russe sous l'angle de ses trois principaux secteurs (l'énergie, l'agriculture et les transports), il a précisé qu'elle avait conduit la délégation à visiter non seulement Moscou, capitale politique et économique de la Russie, Saint-Pétersbourg, sa capitale culturelle, mais aussi deux villes de province : Tioumen, au coeur de la Sibérie occidentale, et Krasnodar, située dans une riche région agricole bordant la Mer Noire.

M. Gérard Larcher, président , a estimé, tout d'abord, que la Russie était un pays en mouvement, en marche vers la modernité. Evoquant la situation politique, il a constaté que depuis l'arrivée de M. Vladimir Poutine au pouvoir, ce dernier avait mis en oeuvre un mouvement de reconstruction de l'Etat et du droit. Il a fait valoir que cette réaffirmation de l'autorité de l'Etat visait à faire contrepoids à certains gouverneurs des régions, qui avaient conquis une influence considérable ces dernières années. Il a alors évoqué la nomination, en 2000, de sept super-préfets, investis de l'entière confiance du Président russe, à la tête de sept grandes circonscriptions régionales, l'adoption de lois redéfinissant le partage des attributions entre l'Etat fédéral et les 89 « sujets » de la Fédération, ainsi que la publication de textes et de codes destinés à doter le pays d'un cadre juridique moderne. Cette ambition, a-t-il ajouté, est également illustrée par la mise en oeuvre, certes non encore achevée, d'un vaste programme de réformes structurelles, comprenant notamment l'ouverture des monopoles naturels, la simplification des réglementations applicables aux PME, la consolidation du secteur bancaire ou encore la réduction de la pression fiscale. Il a expliqué qu'afin se donner les moyens politiques de conduire cette action, M. Vladimir Poutine avait formé et soutenu le parti « Russie Unie », qui avait remporté une large victoire aux élections législatives de décembre dernier. Il a relevé, par ailleurs, que le Kremlin s'attaquait, non sans arrière-pensées, à la collusion fréquemment constatée en Russie entre sphère politique et affaires, en particulier lorsqu'elle menace des intérêts stratégiques ou politiques, comme tel fut le cas dans le dossier « Youkos ».

Abordant les enjeux économiques, il a noté qu'après des années de transition brutale et le choc provoqué par la crise financière de 1998, la Russie enregistrait, depuis 1999, une croissance économique formidable, comprise entre 6 et 9 % par an, alors que, dans le même temps, les investissements avaient augmenté de 35 %. Expliquant que ce dynamisme puisait sa source dans la restauration de la compétitivité des produits russes permise par la dévaluation du rouble et, surtout, dans la bonne tenue du cours des matières premières énergétiques, M. Gérard Larcher, président , a indiqué qu'il en résultait un important excédent de la balance commerciale, un assainissement des finances publiques et un retour des capitaux en Russie. Il a relevé que cette croissance était aussi visible sur le terrain, comme en témoignaient les chantiers en cours dans les grandes villes et l'apparition de grandes surfaces à la périphérie de celles-ci.

Enfin, il a souligné que la société russe connaissait, elle aussi, de profondes mutations. Il a constaté que si les Russes découvraient avec une certaine frénésie -et sans toujours pouvoir en profiter- les séductions de l'argent et de la consommation, une grande partie de la population vivait toutefois dans un état de pauvreté qui s'était aggravé avec la transition économique et la crise de 1998. Le salaire moyen, a-t-il ajouté, est de 200 dollars par mois et environ un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il a fait observer que l'effondrement de l'Etat social rendait le quotidien plus difficile (logements dégradés, coût prohibitif des soins...), expliquant l'amertume d'une partie de la société et la nostalgie à l'égard d'un régime qui se donnait comme objectif de pourvoir au bien-être de tous. Après avoir indiqué que la surmortalité liée à la dégradation de l'état sanitaire et la faiblesse de la natalité avaient pour conséquence une diminution de la population d'environ 800.000 personnes chaque année, il a insisté sur le fait que ces bouleversements se traduisaient aussi par une quête de repères et d'identité, dont témoignait le renouveau de l'orthodoxie. Il a constaté, par ailleurs, que le passage au libéralisme suscitait, chez certains, une avidité les portant vers la recherche de l'argent facile par les petits trafics, le « business », notant que cette tendance à privilégier des projets offrant un retour rapide sur investissement pouvait s'avérer un handicap pour le développement économique du pays à moyen et long terme.

M. Gérard Larcher, président , a ensuite mis l'accent sur les hypothèques pesant sur la dynamique du développement en Russie. Soulignant que celle-ci reposait, en grande partie, sur la croissance du secteur énergétique qui, a-t-il rappelé, représente 15 % du PIB, la moitié des exportations, 75 % des investissements et deux tiers des recettes fiscales, il a considéré que cette situation plaçait l'économie et l'Etat à la merci de la moindre baisse des cours sur le marché de l'énergie. En outre, a-t-il poursuivi, le dynamisme de l'exploitation pétrolière et gazière bride le développement des autres secteurs d'activité, de sorte que le pays ne parvient pas à diversifier sa production industrielle et à répondre à la demande de son marché intérieur, notamment en matière de biens de consommation. Ayant, par ailleurs, fait valoir que l'inertie de l'administration pouvait constituer un obstacle à l'application des réformes engagées, il a indiqué que la pesanteur des procédures, la corruption et l'insécurité juridique, très répandues en Russie, pouvaient également décourager l'initiative privée. Il a estimé que la faiblesse du système bancaire était un handicap structurel pour l'économie russe, compte tenu de l'ampleur de ses besoins d'investissement. Soulignant qu'en conséquence, la Russie ne pouvait se passer de l'apport que représentent les capitaux extérieurs, il s'est étonné des manoeuvres auxquelles se livrent parfois certaines entreprises nationales, avec la complicité du pouvoir, à l'encontre des investisseurs étrangers.

Enfin, abordant l'analyse des trois secteurs économiques plus précisément étudiés dans le cadre du rapport, M. Gérard Larcher, président , a d'abord rappelé que l'énergie était le premier secteur d'activité en Russie. Après avoir indiqué que l'exploitation pétrolière russe était, pour l'essentiel, aux mains d'un petit nombre de compagnies privées rivalisant aujourd'hui avec les majors occidentales, il a souligné que sa croissance était tirée par la forte progression des exportations ces dernières années. Constatant que cette évolution était cohérente avec l'un des axes de la politique étrangère de M. Vladimir Poutine visant, dans le cadre d'un rapprochement avec les pays occidentaux, à faire de la Russie leur fournisseur privilégié de pétrole au détriment des pays du Moyen-Orient, il a signalé que la Russie était aujourd'hui au coude à coude avec l'Arabie Saoudite pour la place de premier producteur mondial de pétrole. Il a toutefois noté que ses réserves étaient beaucoup moins importantes que celles des pays du Moyen-Orient et que leur mise en valeur ne pourrait se faire sans l'aide des investissements étrangers. S'agissant du secteur gazier, il a souligné que si les ventes à l'étranger constituaient un facteur de stimulation, le contexte était néanmoins différent en raison du monopole de l'entreprise d'Etat Gazprom et de l'importance de la consommation domestique de gaz. A cet égard, a-t-il fait valoir, ce secteur soutient l'ensemble de l'économie russe, notamment par le biais des factures impayées qui grèvent la rentabilité de Gazprom. Insistant sur les potentialités de développement de ce secteur (38 % des réserves mondiales de gaz), il a indiqué que la Russie envisageait d'augmenter ses exportations à destination de l'Union européenne, à qui elle fournissait déjà un tiers de sa consommation en gaz. Il a souligné les incertitudes concernant la date de l'ouverture et de la libéralisation du marché gazier en Russie qui, a-t-il ajouté, sont lourdes d'enjeux économiques et sociaux. Il a, par ailleurs, fait valoir que si le pétrole et le gaz occupaient une place privilégiée dans la politique énergétique russe, le Gouvernement russe n'en négligeait pas pour autant les autres sources d'énergie, comme en témoignaient la relance du nucléaire et l'encouragement à l'extraction du charbon. Il a alors évoqué une optimisation de l'utilisation énergétique en Russie combinant, d'une part, exportations de pétrole et de gaz et, d'autre part, consommation domestique de l'énergie nucléaire, thermique et hydraulique.

Abordant ensuite l'agriculture russe, il a estimé qu'elle se caractérisait par trois traits essentiels :

- une surface agricole immense (220 millions d'hectares), gérée de manière extensive dans le cadre de vastes domaines (8.000 à 10.000 hectares) hérités des structures collectives soviétiques. Le rachat récent de plusieurs de ces vastes fermes par des groupes industriels et financiers conduit, a-t-il précisé, à la formation d'immenses complexes agricoles rapprochant la Russie d'un modèle latifundiaire très éloigné du modèle agricole européen ;

- un manque évident de capitaux pour acheter des machines agricoles, des traitements phytosanitaires et des engrais, en raison de la faible solvabilité des exploitations et de l'insuffisance du crédit agricole ;

- une production agricole qui se redresse, en particulier dans le secteur céréalier et celui de l'élevage, même si la Russie demeure déficitaire sur le plan alimentaire.

Constatant que l'agriculture russe offre un potentiel considérable, il a toutefois estimé que sa transition n'était pas encore accomplie, puisque la culture du lopin de terre familial représentait encore plus de la moitié de la production agricole.

Enfin, soulignant que dans un pays aussi vaste que la Russie, le secteur des transports revêtait une importance capitale en termes d'aménagement du territoire, M. Gérard Larcher, président , a considéré que son réseau d'infrastructures (plus de 900.000 km de routes, 87.000 km de voies ferrées, 450 aéroports) était satisfaisant, sauf dans le domaine maritime et portuaire, pour lequel le partage réalisé lors de l'éclatement de l'URSS s'était fait à son détriment. Il a indiqué que les transports collectifs étaient également très développés. Il a expliqué que si l'ensemble du secteur avait subi les conséquences d'un effondrement de la demande durant les années 90, la reprise du trafic était aujourd'hui au rendez-vous sur tous les réseaux, tirée notamment par le fret. Il a noté que la problématique du transport des matières énergétiques était très présente, la saturation des conduites (notamment les oléoducs) imposant de trouver des solutions nouvelles, alors que parallèlement les ports se restructurent en vue de faire face à l'exportation du pétrole. Il a toutefois constaté que le secteur des transports restait fragilisé financièrement, notamment en raison de la sous-évaluation des tarifs pour les passagers, rappelant, à cet égard, que 46 millions de personnes empruntaient gratuitement les transports en commun. Or, a-t-il insisté, les besoins de financement pour rénover les réseaux et remplacer le matériel sont considérables. Observant que, dans ce domaine comme dans d'autres, l'avenir passait par des coopérations internationales, il a rappelé, en ce qui concerne la France, que la compagnie aérienne Aeroflot était sur le point d'adhérer à l'alliance Skyteam et qu'un groupe de travail franco-russe avait été instauré pour mettre à profit l'expérience française en matière de péages routiers.

Pour conclure, M. Gérard Larcher, président , a considéré que la Russie vivait des mutations importantes, en dépit des immobilismes. Estimant qu'elle avait sans aucun doute le potentiel pour rejoindre les pays développés, il a souligné le rôle que devrait jouer en ce sens la jeune génération.

M. Henri Revol s'est félicité de l'exhaustivité du rapport qui venait d'être présenté. Evoquant le secteur de l'énergie nucléaire, il a signalé la reprise des travaux qui avaient été arrêtés à la fin des années 80, comme l'illustraient les opérations de sécurisation en cours à la centrale nucléaire de Leningrad, visitée par la délégation sénatoriale au cours de son déplacement. A cet égard, il a regretté que les experts français du nucléaire soient peu présents, alors que les Allemands approfondissent leur coopération avec la Russie dans ce domaine.

Prenant acte de l'enjeu stratégique considérable que représentent le pétrole et le gaz russes, M. Bernard Barraux a également insisté sur l'importance des réserves pétrolières et gazières des pays voisins de la Russie, en particulier autour de la Mer Caspienne.

M. Georges Gruillot a souligné l'ampleur de la tâche à accomplir pour moderniser la société russe, indiquant que son succès dépendrait largement de la formation qui serait donnée aux jeunes générations. Il a considéré que, dans ce domaine, la transition prendrait du temps. Estimant que la Russie faisait partie de l'Europe, il a plaidé en faveur d'une implication plus forte de la France qui, a-t-il insisté, a des atouts à partager, par exemple en matière d'élevage et de formation vétérinaire. Il a, en outre, souligné le rôle que pouvaient jouer les associations, saluant en particulier l'action menée dans le domaine de la culture et de l'environnement par l'association Europe-Baïkal.

M. François Gerbaud a souhaité savoir quelle était l'infrastructure la plus utilisée pour les exportations de gaz en Russie. Il s'est également interrogé sur la situation sanitaire de la population.

En réponse, M. Gérard Larcher, président , a indiqué que l'essentiel des exportations gazières russes transitait par des gazoducs. A propos de l'état sanitaire de la population, il a insisté sur les ravages de l'alcoolisme et sur la réapparition de certaines maladies comme la tuberculose, notamment dans les prisons, ajoutant que le milieu pénitentiaire russe comptait quelque 40.000 séropositifs. Il a relevé que les responsables politiques russes rencontrés par la délégation avaient manifesté l'intention de réintroduire de véritables politiques de santé publique.

En complément, M. Georges Gruillot a mentionné l'impact de la disparition des soins qui étaient auparavant dispensés dans le cadre de l'action sociale conduite par les entreprises en Russie.

M. Christian Gaudin s'étant inquiété du sentiment de « désespérance sociale » que semblait éprouver une partie de la société russe, M. Gérard Larcher, président , a indiqué que ce découragement se reflétait sur le plan politique, soulignant que les récentes élections législatives avaient été marquées par une importante abstention (44 %). A cet égard, il a précisé qu'une analyse des résultats de ces élections figurait dans le rapport. Enfin, il a mis l'accent sur la nécessité de diffuser la culture française auprès des jeunes Russes, notamment par le biais de l'enseignement, afin de ne pas laisser la place à la seule influence anglo-saxonne. Estimant également que la Russie fait partie de l'Europe, il a souhaité que l'Union européenne se rapproche davantage de ce pays qui pourrait, sinon, s'enfermer dans une alliance avec les Etats-Unis.

A l'issue de ce débat, la commission a approuvé ce rapport à l'unanimité.

ANNEXE I -

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

- M. Gérard LARCHER, sénateur (UMP) des Yvelines, président de la commission des Affaires économiques, président de la délégation ;

- M. Bernard PIRAS, sénateur (PS) de la Drôme, vice-président de la commission des Affaires économiques ;

- M. Jean-Marc PASTOR, sénateur (PS) du Tarn, secrétaire de la commission des Affaires économiques ;

- M. Bernard BARRAUX, sénateur (UMP) de l'Allier ;

- M. Hilaire FLANDRE, sénateur (UMP) des Ardennes ;

- M. François FORTASSIN, sénateur (RDSE) des Hautes-Pyrénées ;

- M. Christian GAUDIN, sénateur (UC) du Maine-et-Loire ;

- M. Georges GRUILLOT, sénateur (UMP) du Doubs ;

- M. Gérard LE CAM, sénateur (CRC) des Côtes-d'Armor ;

- M. Henri REVOL, sénateur (UMP) de la Côte-d'Or.

Au cours de son déplacement en Russie, la délégation sénatoriale était accompagnée par Mme Marie-Eve Lombard de Public Sénat et, pour une partie du déplacement, par M. Georges Quioc, journaliste au service macro international du Figaro Economie, spécialisé dans les questions relatives à la Russie et aux pays de l'Est.

ANNEXE II -

PROGRAMME DU DÉPLACEMENT EN RUSSIE :

DU 15 AU 23 SEPTEMBRE 2003

Lundi 15 septembre (Moscou)

15 h 10 : arrivée à Moscou à l'aéroport Sheremetievo II ( deux heures d'avance sur Paris )

Transfert et installation à l'hôtel

19 h 00 : apéritif dînatoire à la résidence de France en présence de M. Éric Fournier, ministre conseiller de l'Ambassade et des membres de la communauté française

Mardi 16 septembre (Moscou)

8 h 30 : petit-déjeuner de travail à la Résidence avec la chancellerie politique sur le thème « situation politique de la Russie »

10 h 00 : entretien avec M. Igor Youssoufov, ministre de l'énergie de la Fédération de Russie

11 h 45 : entretien avec M. Georgy Petrov, premier vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie

13 h 00 : déjeuner avec les conseillers du commerce extérieur et le bureau du Club France

15 h 00 : entretien avec M. Oganess Oganian, président de la commission des Affaires économiques du Conseil de la Fédération, et plusieurs de ses collègues

17 h 00 : entretien avec M. Grigory Tomchin, président de la commission des Affaires économiques de la Douma, et plusieurs de ses collègues

Mercredi 17 septembre (Moscou)

9 h 30 : séance de travail avec la mission économique sur les questions énergétiques, agricoles et de transport

11 h 00 : entretien avec M. Yvan Materov, vice-ministre du développement économique et du commerce de la Fédération de Russie

13 h 00 : déjeuner à la Résidence de France avec des entrepreneurs russes, dont M. Igor Yurgens, vice-président de l'Union des entrepreneurs et des industriels de Russie-RSPP

14 h 30 : entretien avec M. Sergueï Dankvert, vice-ministre de l'agriculture de la Fédération de Russie

16 h 00 : entretien avec M. Sergueï Frank, ministre des transports de la Fédération de Russie

17 h 30 : départ pour l'aéroport (Vnukovo)

19 h 55 : départ du vol pour Tioumen (Utair Aviation 453 ; durée : 2 h 20)

00 h 15 : arrivée à Tioumen (deux heures d'avance sur Moscou, quatre heures d'avance sur Paris) et installation à l'hôtel

Jeudi 18 septembre (Tioumen)

10 h 00 : entretien avec M. Sergueï Sobianine, gouverneur de la région de Tioumen

11 h 00 : entretien avec M. Stepan Kiritchouk, maire de Tioumen

12 h 00 : entretien d'une partie de la délégation avec M. Vladimir Vassiliev, premier vice-gouverneur chargé des questions agricoles

12 h 00 : visite de l'exposition « pétrole/gaz 2003 », pour le reste de la délégation

13 h 30 : déjeuner avec M. Vladimir Vassiliev et plusieurs personnalités locales

16 h 00 : visite du centre de sciences et de techniques pétrolières de Sibérie (Sibnats)

19 h 00 : dîner à l'invitation du gouverneur de Tioumen

Vendredi 19 septembre (Saint-Pétersbourg)

10 h 50 : transfert vers Saint-Pétersbourg

12 h 10 : arrivée à Saint-Pétersbourg

13 h 00 : déjeuner à l'hôtel

Pour une partie de la délégation :

15 h 30 : entretien avec M. Vatanyar Yagya, député en charge des relations internationales à l'Assemblée législative de Saint-Pétersbourg, pour une partie de la délégation

16 h 30 : entretien avec M. Lioubov Soverschaeva, adjoint du représentant plénipotentiaire du président pour l'arrondissement fédéral du Nord-Ouest

Pour l'autre partie de la délégation :

visite de la centrale nucléaire de Leningrad (Sosnovy Bor), en présence de son directeur, M. Valery Lebedev

20 h 00 : dîner avec des hommes d'affaires français

Samedi 20 septembre (Saint-Pétersbourg)

Pause culturelle :

- visite de la ville, notamment de la forteresse Pierre-et-Paul

- visite du musée de l'Ermitage

Dimanche 21 septembre (Krasnodar)

12 h 25 : transfert par avion vers Krasnodar

15 h 20 : arrivée à Krasnodar (pas de décalage horaire par rapport à Saint-Pétersbourg, deux heures d'avance sur Paris)

16 h 00 : visite de la sucrerie de Sucden, en présence de son directeur, M. Michael Moskhalev

Lundi 22 septembre (Krasnodar)

9 h 00 : entretien avec M. Alexandre Remezkov, vice-gouverneur de Krasnodar

10 h 30 : entretien avec M. Vladimir Beketov, président de l'Assemblée législative du kraï, et plusieurs de ses collègues

12 h 30 : déjeuner de travail avec les représentants de la Société Bonduelle

16 h 00 : visite d'une exploitation viticole, en compagnie de M. Dmitry Kozachenko, député à l'Assemblée législative de Krasnodar

21 h 10 : transfert par avion vers Moscou et installation à l'hôtel

Mardi 23 septembre (Moscou)

8 h 30 : entretien avec les correspondants de presse français

10 h 00 : entretien avec M. Jean Cadet, ambassadeur de France en Russie, à la Résidence de France

14 h 00 : visite de la Cité des Etoiles

19 h 25 : transfert par avion vers Paris

ANNEXE III -

PERSONNALITÉS RENCONTRÉES EN FRANCE

- S. Exc. M. Alexandre Avdeev , ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Fédération de Russie en France ;

- M. Jean-Marie Dauger , directeur général adjoint de Gaz de France ;

- MM. Hugues Pernet , directeur de l'Europe continentale au ministère des Affaires étrangères, Arnaud de Sury , conseiller du ministre et Pierre Cochard , sous-directeur à la direction de l'Europe continentale ;

- Mme Brigitte de Peufeilhoux , présidente de l'Association Europe-Baïkal, accompagnée de Mme Régine de Laugeiret , secrétaire général, Mme Annick Posselle , ancienne attachée culturelle à l'ambassade de France en Russie, M. Alain Cadiou , directeur des affaires internationales à l'Agence de l'eau Seine-Normandie et M. Christian Penassou , consultant en droit et finances internationales ;

- M. Constantin Sollogoub , docteur vétérinaire.

En outre, la commission des Affaires économiques a convié à un déjeuner de travail, le mardi 28 octobre 2003, une délégation russe composée de :

- M. Latychev , représentant plénipotentiaire du président Poutine en Oural ;

- M. Kouznetsov , Polpred adjoint de l'Oural ;

- M. Avdeev , ambassadeur de Russie en France ;

- M. Bogomolov , gouverneur de la région de Kourgan ;

- M. Davydov , président de la Douma de Tchéliabinsk ;

- M. Barkov , ministre de l'Industrie de la région de Sverdlovsk ;

- M. Sondykov , président de la Douma des Khanty-Mansy ;

- M. Levinzon , chef d'entreprise ;

- M. Kovaltchouk , maire de Nadym ;

- M. Sidorov , maire de Sourgout ;

- M. Skouratov , directeur général de la compagnie aérienne "Ouralskie avialinii" ;

- M. Bogolioubov , conseiller économique de l'Ambassade de Russie ;

- M. Yashkin, membre de l'administration du district autonome des Yamalo-Nenets ;

- M. Kremer .

Cette délégation était accompagnée par MM. Jean-François Terral , directeur Europe Orientale au quai d'Orsay et Sylvain Giaugué , rédacteur en charge de la Russie.

ANNEXE IV-

ARTICLE DE PRESSE

TRADUCTION DE L'ARTICLE

Quotidien : « Les Nouvelles de Tioumen »

Une visite d'affaires

Réchauffés par la chaleur de Tioumen, les français n'ont pas été avares de compliments.

Journaliste Dimitri Nevoline (19 septembre 2003) :

Hier est arrivée à Tioumen la délégation de sénateurs français à la tête de laquelle se trouvait le président de la commission des Affaires économiques du Sénat de France, M. Gérard Larcher.

Le but de la visite était la découverte de notre région, en particulier de son agriculture et de ses richesses énergétiques. La première étape du programme fut un entretien avec le Gouverneur de la région de Tioumen, M. Sergueï Sobianine, qui a indiqué que, ces derniers temps, sa région et la France collaboraient de façon intensive. Pour la seule année passée, le chiffre de l'exportation avec la France a augmenté de 20 %. En outre, des têtes de bétail devraient bientôt être achetées à la France. Ces importations doivent servir à développer une activité de production de viande bovine dans l'agriculture de Tioumen. La région est, par ailleurs, toujours intéressée par des investissements dans les secteurs du pétrole, des matériels agricoles, de la forêt et de l'exploitation du bois.

Le sénateur Gérard Larcher, avec beaucoup de tempérament, nous a informé que le but de la délégation était d'obtenir des contacts dans l'agriculture, de développer des perspectives liées aux réformes législatives dans le domaine foncier et dans celui des matières premières énergétiques. Il nous a dit « je vis moi-même dans une maison chauffée grâce au gaz de Tioumen ».

Après leur visite au Gouverneur local, les sénateurs ont pu visiter l'exposition « Pétrole et Gaz ». Ils ont beaucoup apprécié les relations existant entre les régions et le centre de Tioumen, et comme l'a remarqué Sergueï Sobianine, Moscou a tendance à minimiser les différences de budget entre les régions, et nous essayons de faire en sorte que la répartition ne soit pas trop douloureuse et que les régions productrices de richesses ne soient pas perdantes par rapport aux territoires subventionnés.

ANNEXE V -

CARTE DE LA RUSSIE

* 1 Voir p. 21.

* 2 Voir p. 21.

* 3 La Russie, perspectives économiques et sociales, C. Cabanne, E. Tchistiakova, Ed. Armand Colin, Paris, 2002.

* 4 Voir son article publié le 24 mai 2003 dans le Figaro.

* 5 « Comment fonctionne la Russie ? Le politique, le bureaucrate et l'oligarque » Marie Mendras, Edition CERI, Autrement, 2003.

* 6 Article publié le 8 décembre 2003, dans Libération.

* 7 « L'implantation des entreprises françaises en Russie : la force et le droit », rapport d'information n° 995 de M. Hervé Mariton, au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, 1 er juillet 2003.

* 8 Le courrier des pays de l'Est, n° 1038 de septembre 2003 consacré à la Russie : « Bilan du premier mandat de M. Vladimir Poutine », La Documentation française.

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