SYNTHÈSE


M. Patrick Devedjian, ministre délégué
aux libertés locales

Je tiens d'abord à souligner que l'Ile-de-France n'est pas un îlot de prospérité et de privilèges uniforme. La commune d'Anthony, dont je suis élu, a reçu par le passé la DSU, bien que sa situation se soit améliorée. Le développement de cette ville a été appauvri par le centralisme jacobin. L'Etat a dépensé des milliards pour développer le quartier de La Défense, et la DATAR interdisait parallèlement le développement d'activités économiques dans d'autres parties de la région. Un de mes prédécesseurs avait tenté de créer une zone semblable, mais n'avait eu le droit d'installer que des entrepôts. L'aménagement du territoire a trop souvent été l'outil du centralisme jacobin et le concepteur des inégalités. Si on observe le débat actuel sur les TOS, on constate que ceux-ci étaient, jusqu'à présent, répartis de façon assez fantaisiste. De plus, les départements constatent qu'il manque du personnel et que l'Etat n'a pas fait son devoir.

L'aménagement du territoire s'est souvent illustré par une « logique de fiefs » : l'installation par Yves Guéna, à Périgueux, de l'imprimerie des timbres-poste, la création par Valéry Giscard d'Estaing à Clermont-Ferrand de l'imprimerie des billets de banque. Il s'agit de délocalisation et d'un aménagement du territoire monarchiques. D'ailleurs, le cumul des mandats est le palliatif apporté par les Français au centralisme. La promotion au rang national (ministre) d'un élu local est le meilleur moyen de permettre à un territoire de se développer.

Nous avons prévu dans la loi sur les responsabilités locales un dispositif d'évaluation de la performance, qui a malheureusement été supprimé par le Sénat. Nous espérons que l'Assemblée nationale le rétablira.

J'approuve l'essentiel des conclusions du rapport sénatorial sur la péréquation interdépartementale.

D'une manière générale, la DGF sera scindée en deux : une DGF de base qui évoluera faiblement, et une DGF de péréquation, qui par agrégation est portée de 19 à 36 milliards d'euros. Celle-ci, par sa croissance naturelle, dégagera les marges qui permettront de rééquilibrer les inégalités.

L'Etat distribue cette année 59,4 milliards d'euros, c'est-à-dire 20 % de son budget. On peut, tout de même, effectuer avec cette somme un certain rééquilibrage, bien que nous connaissions actuellement une forte inégalité de péréquation. Par exemple, la DGF par habitant en 2003 pour les communautés urbaines s'élève à 80,6 euros. Pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle, elle s'élève à 18,2 euros par habitant. Or la DGF ne correspond pas à une compensation d'une différence entre potentiels fiscaux. Elle aggrave au contraire les inégalités. La péréquation actuelle est une fausse péréquation, qui ne reflète pas les inégalités de développement.

Enfin, la taxe d'habitation est un bon impôt, mais qui a dégénéré faute de courage politique. Cette disparité entre le neuf et l'ancien nécessiterait, en effet, des corrections de grande ampleur. C'est aussi parfois un frein à la rénovation des logements anciens.

Il convient de la réformer, et non de la supprimer pour la remplacer par une nouvelle taxe, car il est toujours très difficile de créer un nouvel impôt de cette importance. On pourrait peut-être actualiser la base cadastrale au moment de la mutation. Ainsi, le nouveau propriétaire ne s'en rendrait pas compte, n'ayant pas connu le précédent montant de l'impôt.

M. Jean François-Poncet : Je remercie M. Devedjian, qui nous a apporté quelques lumières et quelques espérances. Il me paraît en effet sensible à l'importance du problème.

Pour 20 à 25 départements, une nouvelle étape de la décentralisation est impensable sans une réelle péréquation. Nous attendons donc le projet de loi gouvernemental sur ce sujet. Le Sénat vous remettra avant ce projet une étude sur les régions analogue à celle que nous avons réalisée sur les départements. Au regard des déceptions que nous avons connues par le passé, nous préférons progresser pas à pas. Il me semble que nous avons maintenant les pistes nécessaires pour avancer sans susciter de tollé de la part des départements.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

Je remercie mon collègue Émile Blessig à l'initiative duquel cette journée s'est tenue et qui a admirablement présidé les débats de ce matin.

Nous souhaitons tenir un colloque de ce type annuellement, alternativement à l'Assemblée nationale et au Sénat, afin de faire le point sur les progrès accomplis.

Si la décentralisation n'apparaissait que comme un partage de pouvoirs, de compétences et de moyens entre l'État et les collectivités territoriales, elle n'aurait pas de sens aux yeux de nos concitoyens.

A l'heure où la concurrence entre régions européennes s'exacerbe, la décentralisation doit avoir pour priorité de donner un nouvel élan à l'aménagement du territoire en permettant aux élus de développer les communes, les départements et les régions dont ils ont la charge.

Les Délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat ont souhaité, lors du colloque du 4 décembre 2003, réfléchir aux conséquences de la décentralisation sur l'aménagement du territoire, en associant à leurs travaux de nombreux acteurs politiques.

Sans préjuger de la nouvelle loi de décentralisation, les intervenants ont affirmé la nécessité de donner un sens politique à la réorganisation de notre territoire, afin de répondre aux multiples défis posés par les mutations économiques.

Ils ont également rappelé que la péréquation financière était au coeur du débat sur l'aménagement du territoire. Laisser les collectivités territoriales à leurs seules forces conduit à aggraver les difficultés qui pèsent sur certaines d'entre elles. La péréquation est politiquement un élément de l'unité nationale.

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