II. RÉPONDRE AUX DONNÉES NOUVELLES DE LA MONDIALISATION DU RISQUE ALIMENTAIRE

Le développement d'une mondialisation de l'agroalimentaire a été longtemps freiné soit par des barrières commerciales, soit par des coûts de transport et des techniques de conservation qui la limitaient à des produits de base peu transformés.

Mais, aujourd'hui, s'il est prématuré de parler d'une économie agroalimentaire aussi mondialisée que l'industrie ou certains services, on observe un net accroissement des échanges mondiaux de produits alimentaires, en particulier du fait de la délocalisation de certains produits et des transformations liées à ces produits .

Dans le même temps, apparaissent de nouveaux risques (montée des biorésistances, zoonoses virales) dont une partie est liée à la mondialisation des échanges agroalimentaires.

Dans la mesure où cette délocalisation s'effectue dans des pays où les surveillances vétérinaires et les précautions sanitaires sont moins complètes qu'en Europe, la question se pose de savoir si l'Union européenne ne devrait pas réévaluer ses pratiques et ses procédures pour mieux assurer la sécurité des aliments qui entrent sur son territoire.

Par ailleurs, le double échelon d'évaluation et de contrôle, national et européen, qui n'est pas critiquable dans son essence, implique que l'on recherche une harmonisation des principes mis en oeuvre, comme le principe de précaution .

Enfin, la mondialisation n'est pas uniquement porteuse de potentialité d'insécurité alimentaire, elle peut l'être également d'une uniformisation au détriment des identités culturelles alimentaires de chaque nation. Ce qui renvoie à des enjeux économiques mais aussi sanitaires car les pays dont l'identité alimentaire est la moins ancrée sont aussi ceux qui présentent le plus de risque de développer des pathologies liées à l'alimentation .

A. SÉCURISER L'ESPACE ALIMENTAIRE EUROPÉEN

Dans cette approche, une vigilance doit être exercée sur trois points :

1. Renforcer les contrôles à l'entrée dans l'Union européenne

Les contrôles sont effectués aux postes d'inspection à la frontière sous la responsabilité des États membres.

En cas de problème constaté, ces contrôles sont renforcés en fonction des réactions du réseau européen d'alerte qui fonctionne, semble-t-il, correctement.

Pourtant, dans le quotidien, les pratiques de contrôle varient suivant les moyens disponibles et suivant la culture de chaque État membre . Et le plus souvent, ils se limitent à une inspection formelle de documents dont on sait qu'ils peuvent facilement faire l'objet de contrefaçons.

Ce contrôle sur documents est quelquefois complété par un contrôle physique sur échantillon - mais qui se borne à constater que les containers inspectés contiennent bien, comme annoncé dans les manifestes, des kiwis et non des cuisses de poulet.

Les contrôles en laboratoire de prélèvements sont très rares , sauf cas d'alerte européenne sur des produits identifiés ou des origines suspectes.

Il serait souhaitable d'accroître ces prélèvements pendant une période transitoire afin d'évaluer plus exactement les menaces que la montée de la mondialisation des échanges agroalimentaires peut faire encourir à la sûreté des aliments proposés sur le marché européen .

2. Améliorer les pratiques des nouveaux États membres

Les dix nouveaux États membres qui entreront au 1 er mai prochain dans l'Union européenne 3 ( * ) font courir deux types de risques alimentaires, l'un lié à leurs pratiques sanitaires et vétérinaires internes, l'autre lié à la gestion des postes d'entrée des produits alimentaires dont ils auront la charge dans l'Union européenne.

Sur ces deux sujets, aussi bien les rapports de l'Office alimentaire et vétérinaire de Dublin que l'analyse publiée par la Commission en novembre 2003 font état d'insuffisances préoccupantes :

- des mesures transitoires de portée limitée (jusqu'à 2006 ou 2007) suivant les pays ont été demandées pour effectuer une mise à niveau des transformations des denrées alimentaires 4 ( * ) .

- seuls 20 nouveaux postes d'inspections à la frontière sur 50 - et ceci sur des normes minimales - ont pu être agréés,

Certes, en cas d'accident constaté, le droit européen 5 ( * ) permet à la Commission ou aux autres États membres de mettre en jeu des clauses de sauvegarde en cas de non respect des clauses d'adhésion dans ce domaine.

Mais ce dispositif juridique est probablement insuffisant, en particulier si l'on considère l'état sanitaire et les pratiques mafieuses installées dans certains pays de l'ex-CEI qui ont des frontières communes avec les nouveaux entrants.

Il est donc nécessaire de renforcer fortement les contrôles dans les nouveaux États membres . Cela implique de reconsidérer les moyens de l'Office alimentaire et vétérinaire de Dublin.

3. Renforcer les moyens et préciser les missions de l'Office alimentaire et vétérinaire de Dublin

L'Office de Dublin ne dispose que de 96 inspecteurs pour contrôler le respect de la réglementation sur le marché intérieur des anciens États membres, sur le marché et aux frontières des nouveaux États membres et pour agréer les installations sanitaires de l'ensemble des pays qui importent des denrées alimentaires dans l'Union européenne.

C'est notoirement insuffisant.

Il est donc nécessaire de renforcer ses effectifs.

Mais il est tout aussi nécessaire de mieux diriger son activité de façon prioritaire :

- sur le respect de la réglementation dans les nouveaux États membres,

- sur les pays tiers, car cet Office est chargé de l'agrément des installations de contrôle sur importations d'agroalimentaire dans l'Union.

Or, cette délégation de certification en cascade qui semble, dans son principe, déjà très dangereuse lorsque l'on considère les conditions dans lesquelles la récente crise aviaire s'est déroulée en Asie, repose sur une pratique beaucoup trop aléatoire. En effet, l'Office - si l'on s'en tient à ses rapports - ne contrôle que très marginalement les pays extérieurs à l'Union (seulement 17  % des inspections en 2002).

* 3 Mais également les trois pays qui postulent à l'adhésion.

* 4 Par exemple, s'agissant de la Pologne, cette période de transition vise 332 établissements de transformation de la viande, 113 établissements laitiers et 40 établissements de transformation de poisson, jusqu'en 2007. En principe, les produits de ces États membres ne peuvent être vendus que sur le marché polonais ou en dehors de l'Union européenne.

* 5 Art. 53 et 54 du Règlement n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la réglementation européenne.

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