B. CONFORTER LA POSITION DE LA RECHERCHE FRANÇAISE AU NIVEAU EUROPÉEN ET MONDIAL

La recherche française en alimentation et en nutrition occupe un très bon rang mondial. Mais elle est de plus en plus appelée à évoluer dans un univers international concurrentiel auquel elle doit rapidement s'adapter.

On insistera sur l'urgence qu'il y aurait, dans cette perspective, à faire avancer les solutions à quatre problèmes.

1. Rendre lisibles et attractives les carrières des chercheurs

L'emploi scientifique est de plus en plus mondialisé.

Première conséquence de la mise en place accélérée d'un marché mondial de la connaissance : les pays qui ne donnent pas de lisibilité et n'affectent pas de moyens suffisants à l'offre d'emploi des doctorants et des post-doctorants subiront, de façon croissante, une hémorragie des cerveaux, alors même que leur système éducatif a pré financé la formation de ces chercheurs.

En matière de recherches en alimentation et en nutrition, cette évasion des compétences serait d'autant plus dommageable qu'il s'agit d'un domaine où les avancées et les perspectives scientifiques sont très porteuses de retombées économiques, en particulier pour un pays comme le nôtre.

La France ne pourra longtemps rester sans dommage un pays formateur à titre onéreux, et exportateur à titre gratuit, de scientifiques.

2. Investir dans l'expertise scientifique internationale dans le domaine alimentaire

La création de normes au sein du Codex alimentaire (cogéré par l'OMS et la FAO) n'est pas un exercice scientifique gratuit puisque beaucoup de ces normes font partie du dispositif appliqué par l'OMC. On rappellera, par exemple, que c'est grâce au procédé indirect consistant à fixer, au sein du Codex, des seuils maximaux de présence d'hormones dans la viande bovine, que les Etats-Unis ont pu mettre en cause l'Union européenne 9 ( * ) devant l'OMC.

Il en est de même des comités d'experts de l'Union européenne sur lesquels peuvent reposer les réglementations sur l'admission aux marchés de nouveaux produits.

La France n'investit pas assez dans ce type d'expertise.

- Au niveau de l'État, tout d'abord , où un très faible nombre de fonctionnaires sont affectés à la participation à ces expertises, qu'elles soient mondiales ou européennes.

- A l'échelon des organismes de recherche, ensuite, car la participation des chercheurs aux comités internationaux d'expertise est peu ou pas prise en compte par les comités d'évaluation qui décident de leur avancement de carrière.

Ces carences renvoient, une fois de plus, à l'absence de prise de conscience des pouvoirs publics français des enjeux d'ensemble de l'économie de la connaissance mondialisée qui s'organise peu à peu autour de nous .

3. Mettre en place des plates-formes de recherche significatives à l'échelon mondial

En France et à l'étranger, plusieurs des personnes entendues dans le cadre de cette étude ont insisté sur le fait qu'à un terme de quinze ans il n'existera plus qu'une vingtaine de centres de recherche en alimentation et en nutrition significatifs à l'échelon mondial .

L'attractivité de ces centres pourrait, alors, être décisive aussi bien par l'attribution de contrats de recherche que pour le recrutement des chercheurs, avec un affaiblissement corrélatif des systèmes de recherche nationaux, qui ne disposeront pas de tels points d'appui.

En tout état de cause, sur ce point, la première urgence est d'organiser des pôles d'excellence à l'échelle européenne pour y affecter des moyens renforcés, quitte à faire quelquefois des arbitrages douloureux permettant d'éviter les redondances excessives des emplois du temps .

Dans le cadre de cette action, notre pays devrait aussi promouvoir des « bios vallées » agroalimentaires , regroupant les activités de recherche publique et privée - dont il n'existe actuellement qu'un seul modèle en Europe, l'Université de Wageningen aux Pays-Bas.

4. Promouvoir la mise en oeuvre des capacités de gestion des grands programmes internationaux

Pour des chercheurs d'une certaine expérience, gérer un programme du 5 e PCRD européen avec de cinq à dix participants était le plus souvent synonyme d'une renonciation à leurs propres recherches pendant plusieurs années.

Cela pouvait être également une source de déception dans la mesure où la plupart des comités d'évaluation ne prenaient pas en considération ce type d'activité.

Gérer beaucoup des programmes de l'actuel 6 e PCRD - qui peuvent regrouper plusieurs dizaines d'intervenants - n'est plus à la portée de scientifiques dont la vocation n'est pas le management d'entreprises.

Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre des capacités de gestion de ces grands programmes internationaux, faute de quoi nos organismes de recherche n'y tiendront plus un rôle directeur.

* 9 Qui proscrit l'importation de ces produits.

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