B. QUELLE NUTRITION ?

L'espoir d'améliorer sa santé et de se donner la chance d'un vieillissement aussi harmonieux que possible renvoie à deux questions : que manger et comment ?

L'état de l'art, dans ce domaine, peut se résumer à une mise en parallèle de trois types d'attitudes qui ne sont pas nécessairement contradictoires mais pas non plus convergentes : les propositions alimentaires des industriels, les préconisations des nutritionnistes et les interrogations des scientifiques .

Les propositions alimentaires des industriels

Un marché en forte augmentation

L'espérance d'une meilleure nutrition a créé une zone de valeur ajoutée potentielle pour l'industrie alimentaire.

Le marché mondial de ces produits se partage pour moitié entre les supplémentations, c'est-à-dire les produits de complément non directement associés à une prise d'aliments, et les nourritures fonctionnelles, c'est-à-dire les aliments directement construits ou supplémentés à des fins nutritionnelles. Sa croissance est de 20 à 25  % chaque année et représentait, en 2001, 107 milliards de dollars, dont :

- 36,2 milliards de $ pour les Etats-Unis,

- 32,6 milliards de $ pour l'Europe des 15,

- 21 milliards de $ pour le Japon.

Trois types de propositions alimentaires

- L'invitation à l'auto surveillance nutritionnelle

Cette catégorie d'offres est variée : diminution de la quantité de lipides ou de sucre non allégé dans les aliments, dosage des teneurs en sel, suppression des acides gras « trans » dont l'apparition était favorisée par des procédés industriels d'hydrogénisation, recherche d'aliments hypoallergéniques.

- Les supplémentations nutritionnelles , ajouts de phytostérols, addition d'acides gras 3, produits à énergie différée dont l'effet sur le taux de glucose dans le sang se traduit progressivement, etc., sont tout aussi nombreuses.

Toutefois, le monde scientifique fait preuve d'une grande circonspection vis-à-vis de beaucoup de ces allégations. Les interrogations apparaissent dans l'avis de l'AFSSA de juillet 2003 sur l'effet des acides gras 3, qui reconnaît certains effets de ces acides sur la morbidité cardiovasculaire des sujets présentant ces pathologies, mais met en évidence la difficulté de passer de ces résultats positifs à des allégations de santé à caractère général sur la prévention de ces pathologies.

- Les aliments pour les populations ciblées

Ces propositions, qui s'adressent à certaines populations sont, en l'état de la science, celles qui ont le plus de justification car elles portent sur des allégations de santé beaucoup plus restreintes (comme par exemple la stimulation des défenses immunitaires des personnes âgées) et donc plus faciles à démontrer que des allégations générales.

Les préconisations des nutritionnistes

L'épidémiologie diététique : le caractère bénéfique de la consommation de fruits et légumes

Plus de 250 études, dont dernièrement l'étude française SUVIMAX, relèvent une forte corrélation entre la consommation régulière de fruits et légumes et la baisse des cancers.

La recommandation de base : l'équilibre de l'alimentation

Les spécialistes de la diététique et, notamment, les spécialistes français, insistent sur l'équilibre du régime alimentaire et de l'hygiène de vie : « il faut manger un peu de tout et faire de l'exercice ».

Ils sont opposés à l'alimentation fonctionnelle, à laquelle ils reprochent d'introduire une mentalité magique qui déresponsabilise les consommateurs vis-à-vis de leur conduite alimentaire , et qui constitue la base du modèle américain, dont on connaît les effets négatifs.

Les interrogations des scientifiques

L'approfondissement scientifique de la connaissance des mécanismes nutritionnels

L'exploration des effets des aliments est un des champs scientifiques les plus prometteurs des quinze prochaines années . L'INRA a défini plusieurs axes de recherche dans ce domaine :

- l'impact des micronutriments pour la santé,

- l'étude des conséquences de la nutrition sur la régulation des grandes fonctions physiologiques,

- l'exploration des métabolismes énergétiques,

- le rôle de la prise d'aliments dans la prévention des maladies, etc.

Les horizons nutrigénomiques et nutrigénétiques

La nutrigénomique étudie l'influence des pratiques alimentaires sur la variabilité des réponses du génome.

Le régime alimentaire peut entraîner des mutations épigénétiques qui sont transmissibles.

Par exemple, pendant les restrictions alimentaires qui ont affecté les Pays-Bas en 1944-1945, les enfants qui ont subi ces restrictions au cours des six derniers mois de la grossesse de leur mère avaient un poids inférieur de 6 à 10  % à la moyenne. Cette réduction de poids s'est répliquée à la seconde génération alors même que les conditions alimentaires qui l'ont provoquée avaient disparu.

La nutrigénétique étudie l'influence des variations génétiques dans les réponses aux aliments.

Deux illustrations de ce champ d'étude :

- sous la pression de la famine, certains peuples, comme les Indiens Pima d'Arizona, ont développé un gène « d'épargne alimentaire ». Lorsque ces populations sont passées à un régime alimentaire beaucoup plus riche, ce gène, bénéfique en période de jeûne, a eu des conséquences délétères. Ces Indiens ont les prévalences les plus fortes au monde en surpondération (75  %) et diabète gras (50  %),

- les folates contenus dans les fruits et légumes protègent du cancer du côlon. Mais chez certaines personnes porteuses d'un gène particulier, ils multiplient par deux les risques de déclenchement de ce cancer.

Les perspectives , assez lointaines il est vrai, offertes par ces deux disciplines sont immenses .

A terme, elles permettront d'associer des tests génétiques (avec les précautions éthiques qui devraient s'imposer) à la prédiction d'apparition d'affections et donc à des préconisations diététiques ou thérapeutiques.

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