CHAPITRE II :

LES OUTILS DE LA RÉFORME

La philosophie générale de l'impôt de solidarité sur la fortune a toujours semblé contestable à votre commission des finances. Sa dimension de justice sociale, voire de revanche sociale, paraît en effet étrange aux redevables qui se perçoivent sans doute comme aisés, mais certainement pas en possession d'une « fortune ». Sur ce plan, on peut ainsi se demander si l'une des premières mesures à prendre ne serait pas de renommer cet impôt en des termes moins connotés sur le plan idéologique, impôt spécial sur le patrimoine par exemple.

Sous l'angle économique, l'ISF pose question. Il n'est pas neutre en ce qui concerne l'allocation d'actifs, les promoteurs de cet impôt ayant toujours oscillé, de manière contradictoire, entre l'intention de ne pas pénaliser trop fortement les détenteurs d'un patrimoine peu rémunérateur (immobilier, oeuvres d'art etc...), et le souhait de ne pas taxer de manière trop exagérée le patrimoine investi dans la croissance et dans l'emploi, par des exonérations concernant les biens professionnels. Il s'ensuit une véritable « zone grise » autour de la notion de biens professionnels et une difficulté pour l'entrepreneur à passer, en cas de transmission de son entreprise, d'une logique d'exonération à une taxation à 100 %. L'ISF est de facto est un impôt hybride, intervenant parmi d'autres impôts frappant la même assiette, surtaxe foncière dans certains cas, complication de la transmission économique du patrimoine dans d'autres cas.

Si, pour des raisons budgétaires et politiques, la suppression de l'ISF n'est pas annoncée, une réforme n'en est pas moins indispensable. Elle doit pouvoir intervenir en deux temps, le premier consistant à mettre fin aux dérèglements issus de la période 1997-2002 et à aménager, par des réductions d'impôt ciblées, les points les plus noirs de cet impôt, le second consistant dans une simplification, réaliste économiquement, du barème de l'ISF.

I. À COURT TERME, RENDRE L'ISF PLUS SUPPORTABLE

A. METTRE FIN AUX DÉRÈGLEMENTS ISSUS DE LA PÉRIODE 1997-2002

1. L'actualisation du barème en fonction de l'inflation

Contrairement au barème de l'impôt sur le revenu qui est actualisé chaque année en fonction de l'inflation, la dernière actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune est intervenue dans la loi de finances pour 1996 . Certes, les projets de loi de finances pour 1998, 2000, 2001 et 2002 contenaient chacun un article en ce sens . Mais cet article était systématiquement rejeté par l'Assemblée nationale lors de son examen de la première partie du projet de loi de finances. Le Sénat, à l'initiative de votre commission des finances, en prônait alors le rétablissement afin de revenir au texte initial du gouvernement, sans être suivi cependant.

Le barème de l'ISF est ainsi bloqué à son niveau de 1997. Une actualisation de celui-ci en fonction des taux d'inflation constatés sur les années passées ferait apparaître l'évolution suivante :

Hypothèse d'évolution du barème de l'ISF en fonction de l'inflation

(en milliers d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

inflation hors tabac

1,1 %

0,6 %

0,5 %

1,6 %

1,6 %

1,7 %

1,9 %

1,3 %

tranche 1

720

728

732

736

748

760

773

787

798

tranche 2

1.160

1.173

1.180

1.186

1.205

1.224

1.245

1.268

1.285

tranche 3

2.300

2.325

2.339

2.351

2.389

2.427

2.468

2.515

2.548

tranche 4

3.600

3.640

3.661

3.680

3.739

3.798

3.863

3.936

3.988

tranche 5

6.900

6.976

7.018

7.053

7.166

7.280

7.404

7.545

7.643

tranche 6

15.000

15.165

15.256

15.332

15.578

15.827

16.096

16.402

16.615

En projet de loi de finances pour 2005, le barème actualisé suivant pourrait donc être présenté. A structure constante, le produit global de l'impôt serait minoré de 190 millions d'euros.

Hypothèse de barème 2005 actualisé en fonction de l'inflation

798.000 à 1,285 million d'euros

0,55 %

de 1,285 à 2,548 millions d'euros

0,75 %

de 2,548 à 3,988 millions d'euros

1 %

de 3,988 à 7,643 millions d'euros

1,3 %

de 7,643 à 16,615 millions d'euros

1,65 %

>16,615 millions d'euros

1,8 %

Pour davantage de lisibilité fiscale, les tranches pourraient faire l'objet « d'arrondis ». L'impôt rendu aux redevables de l'ISF grâce à l'actualisation du barème serait de l'ordre de 200 millions d'euros.

Hypothèse de barème 2005 actualisé en fonction de l'inflation - arrondis

800.000 à 1,285 million d'euros

0,55 %

de 1,285 à 2,55 millions d'euros

0,75 %

de 2,55 à 4 millions d'euros

1 %

de 4 à 7,64 millions d'euros

1,3 %

de 7,64 à 16,615 millions d'euros

1,65 %

>16,615 millions d'euros

1,8 %

Pour éviter de revenir chaque année sur un débat marqué de passion et d'idéologie, il paraît de plus souhaitable de créer un dispositif permanent et automatique d'indexation du barème de l'ISF sur l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu et de la prime pour l'emploi.

L'indexation du barème de l'ISF sur l'évolution de la prime pour l'emploi correspondrait à un souci d'équilibre social entre la progression de l'impôt négatif qu'est la prime pour l'emploi et l'existence d'un impôt « sur la fortune ».

Ainsi, les limites des tranches du tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts seraient révisées chaque année dans la même proportion que la limite de tranche supérieure du barème de l'impôt sur le revenu ou, lorsque celle-ci est supérieure, dans la même proportion que la limite du revenu définie au A du I de l'article 200 sexies du code général des impôts permettant le calcul de la prime pour l'emploi.

En matière de barème en effet, la véritable décision n'est pas l'indexation mais la non-indexation. C'est pourquoi il serait plus lisible, du point de vue de la politique fiscale, si l'indexation était automatique et si, au contraire, la non-indexation nécessitait une décision explicite.

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