2. Trop de priorités tuent les priorités

Compte tenu de l'expérience du gouvernement précédent, votre rapporteur général ne peut que partager la position du ministre d'Etat, de l'économie, des finances et de l'industrie lorsqu'il déclare à l'occasion du débat d'orientation budgétaire à l'Assemblée nationale, le 24 juin dernier : « tout ne peut pas être prioritaire ! Pendant des décennies, à force de ne pas choisir, on a ajouté les priorités les unes aux autres, la plupart des dépenses de l'Etat étant en effet hautement justifiables ! L'éducation, l'emploi, la recherche, la justice, la sécurité sont, évidemment, des priorités dans l'absolu. Mais la contrainte de l'endettement, qui se resserre autour de nous, nous oblige à choisir beaucoup plus finement les dépenses à privilégier, en préservant en premier lieu celles qui engagent l'avenir ».

C'est ainsi que, dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2004, votre rapporteur général constatait que « les quatre priorités du gouvernement - police, justice, défense, aide au développement - perdent en lisibilité sur le plan budgétaire : 13 départements ministériels connaissent une hausse de leurs crédits supérieure à 1,5 %, parmi lesquels la culture, la santé, l'enseignement scolaire et supérieur et la mer. Les « priorités budgétaires » du gouvernement représentent désormais 59 % des crédits du budget général 2004 à structure constante ».

Compte tenu de la situation des finances publiques, il apparaît dès lors difficile de sanctuariser les dépenses d'un aussi grand nombre de ministères, surtout lorsque l'on prend en compte les dépenses inéluctables supplémentaires pour 2005. Leur montant s'établit déjà à 11 milliards d'euros 23 ( * ) :

charges de fonction publique et de la dette

4 milliards d'euros

revalorisation du point fonction publique et des minima sociaux

1,2 milliard d'euros

lois de programmation défense, justice, sécurité

3 milliards d'euros

nouvelle tranche annuelle des allégements de charges sur l'emploi

2,4 milliards d'euros

L'évaluation de ces charges paraît encore optimiste à votre rapporteur général : elle suppose une remontée contenue des taux d'intérêt et une modération réelle dans la revalorisation du point de la fonction publique et des minimas sociaux. Elle incite à de réelles économies, d'un montant équivalent, sur l'ensemble des postes de dépense, pour assurer la réussite de l'objectif de stabilité des dépenses en volume sur la période 2004-2007.

*

* *

Au total, le moment des arbitrages en vue du budget pour 2005 sera le révélateur de la volonté politique de ce gouvernement : ou il s'accommode d'une gestion « au fil de l'eau » consistant à honorer dans chaque secteur une partie des demandes du milieu, véhiculées par les administrations respectives, ou il décide de se livrer à une nouvelle donne budgétaire. Celle-ci, pour infléchir la tendance structurelle qui vient d'être exposée, aura besoin de plusieurs années. Mais il est d'autant plus essentiel de fixer un cap clair, d'inspirer confiance par la fermeté des choix, de freiner enfin la tendance insidieuse qui nous conduit à ne plus exercer qu'une influence minimale et marginale sur le budget de la nation...

L'APPLICATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE EN 2005

Lors de la préparation des lettres de cadrage budgétaire, la presse s'est fait l'écho du possible étalement sur une année supplémentaire de l'application de la loi de programmation militaire (LPM). Les difficultés de bouclage du budget général auraient donc pu mettre fin à l'effort de rattrapage si nécessaire dans le domaine de la défense.

Cette hypothèse a finalement été abandonnée, la lettre de cadrage devrait permettre de respecter globalement les orientations prévues par la loi de programmation militaire, tout en demandant au ministère de la défense de participer l'an prochain à l'effort de stabilisation des dépenses de l'Etat.

Objectifs de la LPM

2003

2004

2005

Article 2 : Crédits de paiement des titres V et VI

En milliards d'euros

Prévus en LPM

13,65

14,85

15,16

Prévus en LPF, et par le cadrage budgétaire pour 2005

13,64

14,90

13,47

Article 3 :
Effectifs civils et militaires hors comptes de commerce

En milliers d'emplois

Prévus en LPM

437,1

437,9

440,7

Prévus en LPF, et par le cadrage budgétaire pour 2005

437,6

437,8

435,1

Article 4 :
Fonds de consolidation de la professionnalisation

En milliards d'euros

Prévus en LPM

18,93

45,93

71,93

Prévus en LPF, et par le cadrage budgétaire pour 2005

18,93

45,93

55,93

En outre, il faut évoquer la question des gels de crédits prévus pour 2004, et plus largement celle du financement des opérations extérieures (OPEX). Cette dernière porte sur 650 millions d'euros.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a prévu un gel d'un milliard d'euros, ainsi réparti : 100,02 millions d'euros sur le titre III, et 881,914 millions d'euros en autorisations de paiement et 895,2 millions en crédits de paiements sur les titres V et VI.

La mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI)

La loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) a fixé des objectifs indicatifs d'accroissement des moyens mis à la disposition de la police et de la gendarmerie nationales pour la période 2003-2007.

Ces moyens sont les suivants en ce qui concerne la police nationale :

- la création de 6.500 emplois supplémentaires dans la police nationale , dont 4.500 emplois de personnels actifs et 2.000 emplois administratifs, techniques, scientifiques et spécialisés ;

- 1180 millions d'euros de crédits supplémentaires de dépenses de fonctionnement et d'équipement sur la période 2003-2007 , soit 236 millions d'euros par an.

Une répartition homogène dans le temps des moyens nouveaux prévus par la LOPSI conduirait à atteindre 40 % des objectifs fixés d'ici la fin de l'année 2004.

Près de la moitié des emplois prévus dans la programmation sont créés en 2003-2004

Emplois créés
(police nationale)

Prévision 2003-2007

2003

2004

Réalisation 2003+2004

Personnels actifs

4.500

900

750

36,8 %

Personnels administratifs, techniques, scientifiques et spécialisés

2.000

1.000

250

62,5 %

TOTAL

6.500

1.900

1.000

44,6 %

Le tiers des crédits de fonctionnement et d'investissement prévus dans la programmation auront été consommés en deux exercices

Crédits prévus

Prévisions 2003-2007

2003

2004

Réalisations 2003-2004

Fonctionnement (titre III)

 

45

78

 

Investissements (titre V)

 

95

168

 

TOTAL

1.180

140

246

32,7 %

La mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ)

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) prévoit des moyens supplémentaires considérables pour les années 2003 à 2007 :

- la création de 10.100 emplois supplémentaires d'ici à 2007, dans les services de la justice, soit une augmentation de 15 % par rapport aux effectifs actuels ;

- un montant supplémentaire de 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme, ce qui reviendra à doubler le niveau moyen annuel des investissements du ministère de la justice.

Le montant cumulé de l'enveloppe financière destinée à financer ces emplois et ces investissements supplémentaires, ainsi que des mesures d'accompagnement, s'établit à 3,65 milliards d'euros pour 2003-2007 (2,775 milliards d'euros en dépenses ordinaires et 875 millions d'euros de crédits de paiement pour les dépenses en capital).

Le bilan d'application de la loi d'orientation s'établit de la manière suivante après deux années d'application (source : ministère de la justice) :

Plus de deux cinquièmes des emplois prévus dans la programmation
sont créés en 2003-2004

Emplois créés

Prévu 2003-2007

2003

2004

Réalisation
2003 + 2004

Magistrats

950

180

150

38 %

Fonctionnaires et agents des services judiciaires

3 500

520

559

31 %

Personnels de l'administration pénitentiaire

3 740

870

1 111

53 %

Personnels de la protection judiciaire de la jeunesse

1 250

314

234

44 %

Administration centrale et CNIL

180

40

46

48 %

Justice administrative

480

100

97

41 %

Total

10 100

2 024

2 197

42 %

Plus de la moitié des autorisations de programme prévues dans la programmation
sont mises en place en 2003-2004

Autorisations de programme 24 ( * )

Prévu

2003-2007

2003

2004

Réalisation
2003 + 2004

Services judiciaires

277

40

78

43 %

Administration pénitentiaire

1.313

295

441

56 %

Protection judiciaire de la jeunesse

55

11

5,5

30 %

Administration centrale

45

37

3,5

90 %

Justice administrative

60

12

15,4

46 %

Total

1.750

395

543,4

54 %

* 23 Source : débat d'orientation budgétaire 2005 à l'Assemblée nationale - 24 juin 2004 - déclaration du ministre d'Etat.

* 24 Hors autorisations de programme à ouvrir au titre de programmes déjà lancés.

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