B. LA MULTIPLICATION DES PRIORITÉS

1. L'exemple de la précédente législature

Le rapport de notre collègue député Didier Migaud relatif à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 15 ( * ) montre la progression des dépenses des budgets considérés comme prioritaires par le précédent gouvernement entre 1997 et 2001.

Evolution des budgets prioritaires depuis 1997

(en milliards d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

Variation 1997-2002

Education

49,4

51,0

52,9

55,0

56,6

+ 7,2

Emploi et solidarité

33,5

34,9

36,9

37,9

37,8

+ 4,3

Intérieur

7,7

8,0

8,1

8,3

8,5

+ 0,8

Justice

3,6

3,8

4,0

4,2

4,3

+ 0,7

Culture et communication

2,3

2,4

2,4

2,6

2,9

+ 0,6

Environnement

0,3

0,3

0,3

0,4

0,4

+ 0,1

Budgets prioritaires

96,9

100,3

104,7

108,3

110,4

+ 13,5

Part des priorités dans le budget général

40,6 %

41,5 %

42,2 %

43,2 %

43,4 %

 

Source : Assemblée nationale, rapport n° 1591, XII ème législature au nom de la commission des finances

Le nombre de ces priorités, dans un budget en progression, a conduit à une rigidification majeure de la dépense. Leur part dans le budget général, plus de 40 %, présentait un risque inflationniste majeur.

Le caractère prioritaire des budgets ci-dessus n'empêche pas tout d'abord la progression des autres dépenses (les priorités du précédent gouvernement ont bénéficié d'un budget progressant huit fois plus vite que les autres).

L'effet d'imitation engendré chez les autres ministères dépensiers crée vite des tensions sur la dépense.

Enfin, les deux priorités les plus importantes, éducation et emploi ont suscité des dépenses nouvelles difficilement réversibles, qu'il s'agisse du recrutement de personnels supplémentaires ou des allègements de charges sociales liés aux 35 heures.

De telles dépenses peuvent difficilement être réexaminées au premier euro. L'effet de base suscité par des priorités trop nombreuses et mal contrôlées pèse sur l'action du gouvernement suivant .

Comment financer le système d'indemnisation des intermittents du spectacle ?

Depuis la signature du protocole d'accord du 26 juin 2003 16 ( * ) , le régime d'indemnisation du chômage des intermittents des spectacles est au coeur des débats. Différents aménagements ont été prévus, qui aboutissent finalement à substituer la solidarité nationale à la solidarité interprofessionnelle pour financer le régime des intermittents.

A l'invitation du Premier Ministre, l'UNEDIC 17 ( * ) a accepté de financer le congé maternité des intermittentes qui ne sont pas titulaires d'un contrat de travail. La circulaire du 18 mai 2004 18 ( * ) assimile leur congé maternité à du travail effectif à raison de 5 heures par jour 19 ( * ) pour la justification des 507 heures de travail requises pour une admission à l'ouverture des droits aux prestations en espèce de la Sécurité sociale. Cependant, ni l'UNEDIC ni le gouvernement n'a évalué le coût de cette mesure de solidarité interprofessionnelle .

Les personnes en congés maladie , et des intermittents exclus du nouveau système d'indemnisation vont pour leur part bénéficier de la contribution de l'État.

Un fonds spécifique provisoire vient d'être créé 20 ( * ) . Il fera bénéficier d'une ouverture de droits les salariés qui auront effectué 507 heures sur 12 mois, au lieu de 11 mois prévus pour 2004, d'une part, et prendra en compte, au titre des heures travaillées, les arrêts maladie de trois mois et plus 21 ( * ) , d'autre part. Il n'a pas été possible de fixer des critères d'ancienneté ou de ressources pour déterminer l'éligibilité des bénéficiaires du fonds provisoire, et l'urgence de la situation n'a pas permis d'associer les représentants des collectivités territoriales au financement du dispositif, comme le souhaitait le Ministre de la culture, la contribution de l'État, estimée initialement à 20 millions d'euros, pourrait finalement atteindre , selon les hypothèses hautes présentées par le rapport Lagrave, 80 millions d'euros en 2004 et 82 millions d'euros en 2005, soit 162 millions en deux ans .

La gestion du fonds doit être assurée par l'UNEDIC, sur la base d'une convention avec l'État. Elle donne lieu à des avances mensuelles réglées à l'UNEDIC par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle , qui doivent être régularisées le mois suivant, en fonction des dépenses effectivement engagées par les ASSEDIC. L'UNEDIC doit effectuer un bilan tous les deux mois.

La réintégration dans le système d'indemnisation du chômage des « recalculés » devrait faire baisser significativement le nombre de chômeurs en fin de droit, et pourrait permettre un redéploiement des crédits finançant l'allocation spécifique de solidarité en faveur du fonds spécifique provisoire . Cette hypothèse n'est toutefois pas encore définitivement adoptée.

Le gouvernement considérant que les estimations du coût du fonds provisoire sont surévaluées 22 ( * ) n'envisage pas de revoir à la hausse sa contribution de 20 millions d'euros au financement des mesures d'urgence en faveur des intermittents. Si à l'automne 2004 les estimations hautes se révélaient exactes, les ajustements nécessaires seraient alors étudiés.

Enfin, précisons que le rapport relatif au fonctionnement du fonds spécifique provisoire recommande d'associer à l'avenir les collectivités territoriales au financement du régime des intermittents. Or, il est indispensable de rappeler que la base du système de financement doit être la solidarité interprofessionnelle . Dans ce cadre, il est nécessaire de renforcer la lutte contre les abus de l'intermittence et de définir précisément la délimitation du périmètre des annexes VIII et X, comme le gouvernement s'emploie à le faire, mais aussi de ne pas renoncer à envisager des évolutions en profondeur du régime, avec les partenaires sociaux . Les modalités de comptabilisation des cachets et l'assiette des cotisations des employeurs, notamment, pourraient être modifiées.

Quelles que soient les pistes de réflexion proposées, elles doivent être explorées. Il n'est pas admissible d'essayer de pérenniser un régime, en ne le révisant qu'à la marge, et en le faisant reposer sur la contribution de l'État et des collectivités territoriales . La réforme du régime des intermittents a soulevé de vraies questions, qui ne sont pas toutes réglées. Des ajustements a minima n'y répondraient pas, pas plus qu'ils ne permettent aujourd'hui d'envisager un financement pérenne du système. On doit en particulier mettre fin aux abus de sociétés de production et d'organisateurs qui utilisent le régime des intermittents, pris en charge par l'UNEDIC et par l'Etat, au lieu de proposer aux artistes des formes d'emploi moins précaires.

* 15 Assemblée nationale, rapport n° 1591 XII ème législature au nom de la commission des finances.

* 16 Protocole d'accord du 26 juin 2003 relatif à l'application du régime d'assurance chômage aux professionnels intermittents du cinéma, de l'audiovisuel, de la diffusion et du spectacle

* 17 Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.

* 18 Circulaire n° 04-11 du 18 mai 2004 de l'UNEDIC, portant sur les annexes VIII et X - Modalités de recherche de l'affiliation en cas de maternité.

* 19 Soit 200 heures de travail effectif pour la durée minimum d'arrêt de travail obligatoire de huit semaines.

* 20 Sur la base du rapport que le ministre de la culture avait demandé le 5 mai dernier à M. Michel Lagrave, Conseiller-Maître honoraire à la Cour des comptes, ancien directeur de la Sécurité sociale. Ce fonds doit être opérationnel le 1 er juillet 2004.

* 21 Sur la base de 5 heures par jour.

* 22 Le protocole d'accord du 26 juin serait plus favorable que le fonds spécifique provisoire ce qui devrait réduire son nombre d'allocataires. De plus, les allocataires ne demanderont sans doute pas tous à bénéficier de l'allocation du fonds sur toute la période où ils y ont droit, une partie d'entre eux pouvant retrouver un contrat de travail dans l'intervalle.

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