2. Les recommandations de la Commission au Conseil

Le 8 octobre 2003, la Commission européenne a recommandé au Conseil de décider que la France n'avait pas pris d'« action suivie d'effet » avant le 3 octobre 2003.

Le 21 octobre 2003, la Commission européenne a en outre recommandé au Conseil de mettre la France en demeure de prendre certaines mesures en matière de réduction du déficit.

3. L'absence de compétence liée du Conseil

Le Conseil n'avait compétence liée ni pour mettre la France en demeure de prendre certaines mesures, ni , tant qu'elle ne se conformerait pas à cette mise en demeure, pour lui imposer des sanctions.

En ce qui concerne la mise en demeure , le paragraphe 9 de l'article 104 du traité du traité instituant la Communauté européenne prévoit que « si un Etat membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'Etat membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation ».

De même, dans le cas des sanctions , le paragraphe 11 de l'article 104 précité prévoit qu' « aussi longtemps qu'un Etat membre ne se conforme pas à une décision [de mise en demeure], le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier » une sanction 73 ( * ) .

4. Le renoncement de la Commission à proposer l'imposition de sanctions à la France

Contrairement à ce qui est parfois affirmé par la presse, la Commission n'a pas recommandé d'imposer des sanctions à la France.

En effet, il aurait été absurde, économiquement et politiquement, d'imposer des sanctions à la France , alors que la croissance de son PIB n'avait été en 2003 que de 0,5 %, et que les perspectives pour l'année 2004 étaient incertaines.

Ainsi que ceci a été indiqué ci-avant, selon le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 précité, l'exigence de retour à l'équilibre budgétaire en 2004 s'entend « sauf circonstances particulières ». Lors de son audition devant la commission des affaires économiques du Parlement européen le 30 septembre 2003, M. Pedro Solbes, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a estimé que la Commission pourrait interpréter cette notion de manière à ne pas recommander l'imposition de sanctions contre la France 74 ( * ) .

5. La recommandation de la Commission : mettre la France en demeure de mettre fin à son déficit excessif en 2005, et de réduire son déficit structurel de 1 point en 2004

Le 21 octobre 2003, la Commission européenne a en revanche recommandé au Conseil de mettre la France en demeure de se conformer aux points suivants 75 ( * ) , au titre de l'article 104, paragraphe 9, du traité :

- accélérer la réduction de son déficit public par rapport à ce que prévoyait le projet de loi de finances pour 2004 (avec une réduction du déficit structurel de 1 point de PIB dès 2004 ) ;

- revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2005 (ce qui revenait à reculer d'une année l'exigence de fin de la situation de déficit excessif).

Dans un entretien au Monde , M. Pedro Solbes, a clairement posé le problème : « Demander à la France de faire passer ses déficits publics de 4 % en 2003 à moins de 3 % en 2004 serait exiger un effort difficile à justifier du point de vue économique. Cela voudrait dire faire une réduction du déficit structurel - qui ne tient pas compte de la conjoncture - trop lourde, de plus de 1,5 point de PIB. Nous avons donc un problème, puisqu'il y a, dans ce cas précis, un conflit entre l'obligation de redescendre sous les 3 % en 2004 et le bon sens économique » 76 ( * ) .

Si l'on considère que le « multiplicateur keynésien » pour l'économie française est égal à l'unité, une réduction du déficit structurel de 1,5 point de PIB (au lieu de 0,6 point de PIB, selon les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2004), nécessaire selon la Commission européenne pour que le déficit public soit inférieur à 3 % en 2004, aurait réduit la croissance de près de 1 point en 2004.

La Commission européenne a par ailleurs proposé de renforcer la surveillance de la situation budgétaire de la France :

- les autorités françaises devaient remettre, en avril et en octobre des années 2004 et 2005, quatre rapports d'exécution, pour permettre au Conseil et à la Commission de suivre les progrès accomplis ;

- elles devaient soumettre à la Commission, avant le 15 décembre 2003, un rapport présentant les décisions prises pour se conformer aux recommandations 77 ( * ) .

* 73 Les sanctions peuvent être les suivantes :

- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres ;

- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné ;

- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de la Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ;

- imposer des amendes d'un montant approprié.

* 74 Agence France Presse, 30 septembre 2003.

* 75 La recommandation de la Commission européenne précisait par ailleurs :

- que si les recettes doivent être supérieures aux prévisions en 2004, ce surcroît devra être consacré à la réduction du déficit et, dans l'hypothèse où la reprise de l'activité économique dépasserait les prévisions actuelles, à un redressement plus rapide de la position budgétaire sous-jacente ;

- que la France devrait tenir compte des recommandations formulées par le Conseil dans le cadre des grandes orientations des politiques économiques pour 2003-2005, et en particulier enrayer la spirale des dépenses dans le secteur de la santé.

* 76 Le Monde, 12 octobre 2003.

* 77 Pour 2004, ce rapport devait indiquer les mesures ou réformes prévues, accompagnées de leur calendrier d'application, et fournir une estimation de leur impact sur le déficit des administrations publiques, ainsi que toutes les hypothèses pertinentes ayant servi à cette quantification.

Pour 2005, il devait indiquer aussi clairement que possible les mesures ou réformes envisagées par le gouvernement. Il devait être examiné par la Commission et le Conseil afin d'établir si la France s'était conformée à la décision du Conseil.

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