EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE

L'Office a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur de l'étude sur « L'application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ».

M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a rappelé que ce rapport correspond à une saisine de droit prévue dans la loi de 1998 (art. 30) qui dispose que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et le Gouvernement procèdent à l'évaluation de l'application de la loi dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur. Il s'agissait donc a priori d'un rapport d'analyse et de constat dans une perspective administrative, juridique et technique. Or des événements qui se sont produits dans différents domaines au cours des dernières années ont attiré l'attention sur des aspects factuels qui ont pris des proportions imprévues : la canicule, les interrogations sur les produits phytosanitaires (abeilles), et tout récemment, le médicament au niveau mondial.

Dès lors, il convenait d'en tenir compte dans l'appréciation des instances et mécanismes prévus par la loi de 1998.

Le rapporteur a ensuite présenté un état des lieux de la sécurité sanitaire dans son ensemble. La nouvelle organisation a pour origine une proposition de loi de M. Claude Huriet, alors sénateur ; elle comporte des acquis substantiels et les principes sur lesquels elle repose ont été validés par l'expérience : séparation de l'évaluation et de la gestion du risque dans le domaine alimentaire, refus d'une agence unique générale du type de la Food and Drug Administration (FDA) américaine.

Des interrogations se posent toutefois sur la mise en oeuvre de références telles que le « risque zéro » et le principe de précaution dès lors que l'on observe, d'une part, de fausses inquiétudes, et, d'autre part, le maintien, voire la croissance de comportements à risque dont l'obésité est le plus marquant par sa gravité, mais qui est loin d'être le seul.

S'agissant de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), le rapporteur a fait part de son appréciation globale très positive de la mise en place de l'Agence, d'autant que celle-ci a eu lieu dans le contexte de « séisme » de l'année 1999 avec l'ESB (« vache folle »). L'intégration des laboratoires du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA) lui a donné la masse critique pour remplir efficacement la plupart de ses missions et la Direction de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires (DERNS) exerce de son côté avec efficacité ce qui constitue le « coeur de métier » de l'Agence. La crédibilité à l'égard de tous les partenaires et intervenants du domaine semble acquise et vérifiée.

La séparation entre l'évaluation et la gestion du risque est généralement respectée. La maîtrise du volume des saisines de l'Agence doit être assurée. Le non respect de la compétence de l'Agence sur les produits phytosanitaires, d'une part, et la multiplicité des instances d'expertise sur les OGM, d'autre part, constituent des difficultés qui doivent être levées en réglant le problème de la valorisation et du statut de l'expertise.

Traitant ensuite de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), le rapporteur a rappelé la lourde mission qui est celle de l'Agence : l'évaluation et la gestion du risque pour tous les produits de santé.

Après une montée en puissance difficile, au cours de laquelle l'ensemble des fonctions de base de l'Agence (procédures d'autorisation de mise sur le marché notamment) ont toujours été assurées de manière satisfaisante, la stabilisation a été acquise. De nombreuses réformes engagées en dehors de l'Agence peuvent remettre en cause cette stabilisation, le transfert de la commission de la transparence des médicaments à la nouvelle Haute Autorité de Santé (HAS) étant la plus récente d'entre elles.

Si l'AFSSAPS assure l'ensemble de ses fonctions, notamment dans des domaines nouveaux (dispositifs médicaux, cosmétiques), elle est toutefois interpellée comme l'ensemble des agences chargées du médicament dans le monde, par le véritable séisme déclenché par la crise du Vioxx depuis le 30 septembre 2004.

Le retrait de cet anti-inflammatoire non stéroïdien par le laboratoire Merckx s'est fait de façon abrupte, le souci prioritaire étant l'information des autorités boursières et non sanitaires. Dès lors, le problème de la connaissance ou de la dissimulation par le fabricant de tests cliniques révélant le risque excessif du médicament s'est posé avec acuité. Un chiffre de 28.000 décès cardiaques entraînés par le Vioxx pour les seuls Etats-Unis a été avancé. La FDA américaine est fortement mise en cause. L'Agence européenne du médicament elle-même n'a pas procédé à la réévaluation qu'elle aurait dû faire et que l'AFSSAPS lui avait demandée. La décision de publication des essais cliniques annoncée par l'ensemble de l'industrie pharmaceutique mondiale au début du mois de janvier 2005 est la suite logique, mais tardive, de cette crise majeure.

La iatrogénie médicamenteuse trouve là une illustration brutale. Il faut en tirer la leçon : des efforts réels à entreprendre, notamment une meilleure structuration de la pharmacovigilance.

Par ailleurs, un risque émergent qui pour le moment n'a pas d'impact en France ne doit pas être négligé : c'est celui de la banalisation du médicament, notamment à travers la vente par Internet, le cas américain fournissant une référence inquiétante, qui est malheureusement suivie depuis très peu de temps par l'Allemagne.

En outre, la dimension européenne des procédures d'autorisation de mises sur le marché dans une Europe à 25 ne devra pas avoir pour conséquence un abaissement de la sécurité atteinte aujourd'hui.

Traitant des clarifications à opérer dans l'ensemble de l'organisation de la sécurité sanitaire, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a indiqué que l'AFSSE -- exclue de la présente évaluation en raison de sa trop récente mise en place -- ne peut rester dans un positionnement incertain. Il conviendrait donc de la regrouper avec l'AFSSA, l'objectif restant celui de la création d'une véritable agence de l'environnement aux compétences et aux moyens bien déterminés, agence qui regrouperait tout ce qui oeuvre actuellement dans ces domaines. L'analyse des risques pour la santé au travail et les produits chimiques, qui est tout à fait insuffisante, devrait enfin être réalisée.

En conclusion de son rapport, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a présenté plusieurs recommandations. Outre le regroupement de l'AFSSA et de l'AFSSE, le rapporteur a souligné l'importance de la création d'une Haute autorité de l'expertise scientifique. Autonome, chargée d'encadrer l'adaptation à chaque domaine des règles assurant l'indépendance réelle de l'expertise, ainsi que la vérification de leur respect, cette instance nouvelle pourrait être inspirée de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) dans son fonctionnement.

D'autres recommandations visent également l'expertise scientifique à travers le statut et la rémunération des experts ainsi que la valorisation de leur fonction. Parmi plusieurs recommandations relatives au médicament, il a particulièrement signalé la nécessité de transparence des processus d'autorisation de mise sur le marché (AMM) au niveau européen et l'exigence d'une preuve de réelle innovation lors de la demande d'autorisation.

Le rapporteur a aussi recommandé que le Parlement se saisisse des questions posées depuis quelques années au niveau mondial par le médicament à travers une mission d'information ou un rapport de l'Office.

M. Paul Blanc, sénateur, a évoqué le dépôt récent d'une proposition de résolution portant création d'une commission d'enquête au Sénat sur le médicament.

M. Pierre Laffitte, sénateur, a souligné la justesse de l'analyse faite par le rapporteur sur les problèmes fondamentaux de l'expertise qui s'observent dans tous les domaines et dans tous les pays d'Europe. C'est particulièrement regrettable pour la France qui a longtemps eu de nombreux experts de valeur ; il s'agit là d'un problème sociétal complexe.

M. Claude Birraux, député, Premier-vice président, a estimé qu'à l'origine la création des agences avait été la marque d'un échec des administrations centrales, l'exemple de la direction générale de la santé étant particulièrement éclairant. L'épidémiologie devait depuis longtemps être une priorité, ce qui n'est pas le cas, et l'essentiel reste à faire pour la pharmacovigilance.

Mme Marie-Christine Blandin, sénateur, a souligné la grande faiblesse de moyens des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS) pour procéder aux analyses et aux contrôles nécessaires. Elle a remarqué que le domaine du phytosanitaire n'était pas surveillé, alors que le maniement et le dosage de ces produits dans de nombreuses situations, y compris par les services municipaux, ne sont pas correctement effectués. Elle a souhaité que les problèmes de l'expertise et de l'épidémiologie ne soient pas oubliés dans la future loi sur la recherche.

M. Henri Revol, sénateur, président, a salué ce travail d'évaluation du rapporteur et rappelé l'origine législative de la saisine.

L'Office a adopté, à l'unanimité des membres présents, le rapport « sur l'application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme » ainsi que l'ensemble des recommandations proposées par le rapporteur.

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