INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 1 er janvier 2005, l'ensemble des dispositions de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) est pleinement applicable. Plus précisément, si l'exercice 2005 est exécuté selon les règles définies par l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, puisque la loi de finances pour 2005 a été la dernière adoptée selon la procédure de cette ordonnance 1 ( * ) , le projet de loi de finances pour 2006 relèvera, lui, de la LOLF.

Ainsi, le prochain projet de loi de finances sera présenté, examiné et voté selon « la nouvelle Constitution financière », dont l'objectif principal consiste à remplacer une culture de moyens (« un bon budget est un budget qui augmente ») par une culture de résultats (« un bon budget est celui qui permet, au moindre coût, d'atteindre les objectifs préalablement définis »).

La LOLF (article 51-5°) 2 ( * ) prévoit la jonction au projet de loi de finances de l'année d'un projet annuel de performance (PAP) pour chaque programme, contenant notamment « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ».

Symétriquement, l'article 54-4° de la LOLF 3 ( * ) prévoit la jonction au projet de loi de règlement de rapports annuels de performance ,

« faisant connaître, par programme, en mettant en évidence les écarts avec les prévisions des lois de finances de l'année considérée, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement :

« a) Les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ».

Cette culture de la performance devra donc conduire à un renforcement sensible des conditions d'examen du projet de loi de règlement par le Parlement : exercice aujourd'hui essentiellement comptable, la loi de règlement doit devenir un acte majeur de la vie parlementaire en invitant chaque année à un audit des finances publiques sur la base de comptes-rendus précis de l'exécution. La réalisation de la performance prescrite par le Parlement en loi de finances initiale devra être vérifiée en loi de règlement . En d'autres termes, le contrôle parlementaire est intégré dans la procédure budgétaire et devient un « maillon » indispensable de celle-ci . Les informations issues des objectifs et indicateurs de performance sont destinées à compléter utilement celles traditionnellement données au Parlement, notamment dans les « bleus » budgétaires. La mesure de la performance complètera l'information ; elle ne remplacera pas cette dernière .

Cette nouvelle Constitution financière a été adoptée à l'initiative des assemblées parlementaires - singulièrement leurs commissions des finances - portée par une pluralité de groupes, indépendamment des clivages partisans habituels. Cette concertation se prolonge aujourd'hui, en confortant les relations de confiance et de concertation entre les commissions des finances des deux assemblées et les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. La transparence et la maîtrise des finances publiques sont des objectifs partagés, confortés par ces relations nouvelles.

Il était donc logique que les assemblées soient étroitement associées à la mise en oeuvre de la réforme. Il en a été ainsi l'an dernier, où les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale ont pu donner leur point de vue - effectivement entendu sur de nombreux points - sur la prochaine architecture budgétaire (missions, programmes, actions) 4 ( * ) , sous la forme de rapports d'information, présentés, au Sénat par votre président et votre rapporteur général 5 ( * ) , et, à l'Assemblée nationale, par nos collègues députés Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard 6 ( * ) .

De la même manière, le Parlement est maintenant appelé à se prononcer sur les objectifs et indicateurs de performance envisagés par le gouvernement. Les objectifs expriment les priorités les mieux à même de permettre d'atteindre les finalités du programme. Ils doivent être assortis d'indicateurs adaptés, propres à en mesurer la réalisation.

A cet effet, les assemblées ont été destinataires, en annexe au projet de loi de finances pour 2005 déposé à l'automne 2004, des avant-projets annuels de performance, préfigurant les futurs projets annuels de performance (PAP), sur la démarche proposée pour favoriser l'évaluation recherchée de la performance de la dépense publique pour chaque mission budgétaire. Votre commission des finances se félicite que, dans ce cadre, il ait été retenu une interprétation extensive des dispositions du I de l'article 66 de la LOLF prévoyant qu' « il est joint au projet de loi de finances pour 2005, un document présentant, à titre indicatif, les crédits du budget général selon les principes retenus par la présente loi organique ». Ces documents contiennent, en effet, les propositions du gouvernement en matière d'objectifs et indicateurs de performance pour chaque mission du budget général de l'Etat et chacun des programmes qui les constituent.

Il s'est agi, pour votre commission des finances, de présenter une analyse synthétique, dans des délais certes brefs mais compatibles avec les contraintes du calendrier de préparation du prochain projet de loi de finances. La prise en compte des observations de votre commission des finances par le gouvernement était liée à leur formulation au début du mois de mars 2005.

Une large concertation s'est ainsi engagée pour répondre à la consultation proposée par le gouvernement.

Dans cette perspective, votre commission des finances a engagé, en février 2005, l'audition de plusieurs responsables de programme 7 ( * ) dans le cadre d'un cycle d'auditions plus large sur la LOLF, appelé à se poursuivre tout au long du printemps 2005. Ces auditions ont été ouvertes aux membres des autres commissions, spécialement les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances. Votre commission des finances tient à remercier lesdites commissions pour leur contribution, et en premier lieu les présidents de commission ayant participé à ces auditions 8 ( * ) .

Le travail de la commission, portant en quelques semaines sur 121 programmes, 682 objectifs et 1.347 indicateurs de performance , a aussi été alimenté par l'examen des rapporteurs spéciaux dans leurs domaines de compétence respectifs, tant à l'occasion de leurs rapports budgétaires que par les suites apportées à ces travaux.

Enfin, votre commission des finances a utilisé les travaux du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) et n'a pas manqué de recourir à une concertation avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) - direction de la réforme budgétaire et direction du budget - ainsi qu'avec les différents ministères (qu'il ne conviendra plus d'appeler « ministères dépensiers ») et, naturellement, avec la Cour des comptes.

Faut-il souligner que ces échanges fructueux n'ont pas dissuadé, bien au contraire, votre commission des finances d'entreprendre une analyse parlementaire autonome , sans laquelle le présent rapport d'information n'aurait pas de « valeur ajoutée ».

Ce rapport d'information est donc exclusivement centré sur l'analyse des objectifs et indicateurs de performance, faisant le choix de définir des principes généraux dans la continuité du Guide méthodologique 9 ( * ) .

Il s'efforce d'apporter une grille de lecture de l'ensemble des objectifs et indicateurs de performance du budget général de l'Etat, comme base indispensable à la responsabilisation des gestionnaires disposant d'une liberté accrue d'arbitrage entre dépenses en cours d'exercice mais également en situation de rendre compte au Parlement des résultats obtenus dans leur gestion.

Votre commission des finances présentera, tout d'abord, les nouveaux instruments de pilotage de l'action de l'Etat par la mesure de la performance (I), en montrant que ceux-ci doivent permettre de cibler les objectifs et les indicateurs sur cette mesure et ainsi de mieux identifier les priorités pour le pilotage de l'action publique, et non relever d'une seule contrainte d'affichage .

Elle montrera ensuite que le contrôle parlementaire s'appuiera sur les résultats de la performance (II), ce qui suppose un renforcement de la lisibilité des objectifs et indicateurs et que ne soient retenues que les seules mesures pouvant être évaluées de manière fiable et non porteuse d'effets pervers. Cette exigence impliquera un renforcement de la cohérence de l'action publique.

I. DE NOUVEAUX INSTRUMENTS DE PILOTAGE DE L'ACTION DE L'ÉTAT PAR LA MESURE DE LA PERFORMANCE

Un des principes cardinaux de la réforme budgétaire opérée par la LOLF est de changer de référents, en passant d'une logique de moyens à une logique de résultats.

La structuration du budget de l'Etat en missions signifie une organisation selon la finalité des dépenses, les missions étant elles-mêmes constituées d'un ou plusieurs programmes auxquels sont associés des objectifs et indicateurs de performance.

Cette démarche de performance (A) doit permettre le pilotage de l'action publique de l'Etat, selon des priorités clairement identifiées (B).

A. CIBLER LES OBJECTIFS ET LES INDICATEURS SUR LA MESURE DE LA PERFORMANCE

1. Une lacune : la faiblesse des stratégies de performance, étape initiale dans l'élaboration des objectifs et des indicateurs

Le Guide méthodologique de la performance précité souligne que la définition d'une stratégie de performance constitue une première étape indispensable à la définition des objectifs de performance .

Le cycle vertueux : stratégie - objectifs - indicateurs de performance

Avant de définir les objectifs de performance, la réflexion stratégique associée à chaque programme détermine les critères qui président à leur choix : diagnostic, attentes, éléments de contexte, marges de manoeuvres.

La stratégie se décline ensuite en objectifs de performance concrétisant, en nombre limité, les priorités de l'action publique.

Les objectifs de performance sont mesurés et suivis grâce aux indicateurs de performance qui leur sont associés.

La stratégie de performance identifie ainsi les orientations prioritaires traduites par les objectifs de performance et mesurées par les indicateurs de performance :

« La définition d'une stratégie est une étape préalable à la définition des objectifs et indicateurs. En l'absence d'une réflexion stratégique, il est difficile de définir des priorités, et donc de proposer un nombre limité d'objectifs pertinents (...).

« La stratégie retenue doit être présentée de manière synthétique, en structurant autour de quelques orientations les objectifs qui la concrétisent. Elle doit être énoncée en termes clairs et concis » 10 ( * ) .

Dans les avant-PAP annexés au projet de loi de finances pour 2005, la réflexion stratégique s'avère lacunaire . Selon le suivi statistique opéré par la direction de la réforme budgétaire du ministère de l'économie, de finances et de l'industrie, sur les 119 programmes des avant-PAP, seuls 87 comportent un développement stratégique, parmi lesquels 65 - soit à peine plus de la moitié - peuvent être considérés comme apportant une plus-value, c'est-à-dire que leur longueur dépasse 10 lignes et qu'ils ne se contentent pas de récapituler les objectifs du programme.

Cette lacune apparaît surprenante, dans la mesure où des démarches parallèles à celles de la mise en oeuvre de la LOLF, telles que la définition des lois d'orientation et/ou de programmation (cf. infra ), ont conduit les ministères à élaborer des argumentaires détaillant les finalités, et notamment la performance, de l'action publique.

La définition préliminaire d'une stratégie de performance devra être approfondie lors de l'élaboration des PAP joints au projet de loi de finances pour 2006 , tout particulièrement lorsque l'efficacité de la dépense publique n'est pas directement mesurée.

A titre d'illustration, pour le programme « Presse » de la mission « Médias », les objectifs proposés traduisent la finalité directe des aides à la presse inscrites à ce programme (249 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2005, dont plus de 40 % de ce total au titre des abonnements de l'Etat à l'Agence France Presse, AFP) mais il ne semble pas exister de mesure de la performance des aides publiques. Des difficultés semblables se posent pour mesurer, parmi les aides aux entreprises, l'impact sur l'emploi des allègements de charges 11 ( * ) .

Sur le fond, cette faiblesse tient à une absence d'identification suffisamment fine des stratégies justifiant les aides à la presse, différents dispositifs ayant été créés successivement au fil des années, sans cohérence d'ensemble : la présentation stratégique consiste ainsi, pour l'essentiel, en une énumération des dispositifs relevant du budget général de l'Etat.

Ces limites renvoient à deux questions préliminaires :

- quelle est la finalité principale des aides à la presse : le maintien du pluralisme, la compensation d'une faible rentabilité sectorielle, la modernisation économique et sociale du secteur ?

- comment mesurer leur impact sur la situation des entreprises de presse et de l'AFP ?

A contrario le programme « Soutien des politiques d'équipement » de la mission « Transports » comporte un effort de réflexion stratégique , bien que l'on puisse déplorer que l'intermodalité n'ait pas été davantage prise en compte :

- il est rappelé les finalités générales des actions du programme et leur environnement, les fonctions « soutien » se définissant par leur destinataire, exclusivement le ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, alors que les responsables des autres programmes de la mission interviennent pour des acteurs extérieurs (les citoyens, les collectivités territoriales, les autres ministères) ;

- une réflexion a été engagée sur la déclinaison en budgets opérationnels de programme (BOP), en distinguant les cas où la mission est exercée directement par le responsable de programme de ceux où les intervenants du programme sont prestataires de services, opérateurs pour le compte d'autres services.

La préparation du projet de loi de finances pour 2006 devra ainsi être l'occasion d'approfondir la réflexion sur les stratégies de performance, la maquette des futurs PAP devant distinguer les données informatives de celles relatives aux stratégies, objectifs et indicateurs de performance.

Cette exigence constitue un préalable pour que la réforme budgétaire permette un meilleur choix des leviers d'action, et non qu'elle conforte la hausse tendancielle de la dépense publique.

* 1 La loi de règlement de l'exercice 2005, tout comme celle de l'exercice 2004, seront donc soumises aux « règles anciennes ».

* 2 Texte publié en annexe.

* 3 Texte publié en annexe.

* 4 Voir cette architecture en annexe, telle qu'elle a été arrêtée par le gouvernement le 16 juin 2004. Le vote du projet de loi de finances se fera désormais par mission et non plus par titre et par ministère.

* 5 Sénat, rapport d'information n° 292 (2003-2004).

* 6 Assemblée nationale, rapport n° 1554 (XII ème législature).

* 7 Voir en annexe les comptes-rendus de ces auditions.

* 8 Nos collègues Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du plan.

* 9 « La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs. Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 », établi en juin 2004 et dont votre commission des finances est « co-auteur », avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la Cour des comptes, le Comité interministériel d'audit des programmes ainsi que la commission des finances de l'Assemblée nationale. Les principaux extraits de ce guide sont publiés en annexe.

* 10 Guide de la performance, op. cit. Citation page 18.

* 11 Cf. infra, paragraphe II - B - 3.

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