TRAVAUX DE LA COMMISSION


AUDITION CONJOINTE DE M. JEAN-PIERRE BEYSSON, PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MÉTÉO-FRANCE, DE M. JEAN-FRANÇOIS BÉNARD, PRÉSIDENT DE LA 7ÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES ET DE M. FRANÇOIS PERDRIZET, DIRECTEUR DE LA RECHERCHE ET DES AFFAIRES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES AU MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT, SUR LA COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES RELATIVE À MÉTÉO-FRANCE (22 MARS 2005)

Présidence de M. Jean-Arthuis, président

Séance du 22 mars 2005

Ordre du Jour

- Audition de M. Jean-Pierre Beysson, président-directeur général de Météo-France, de M. Jean-François Bénard, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes et de M. François Perdrizet , directeur de la recherche et des affaires scientifiques et techniques au ministère de l'équipement, sur la communication de la Cour des comptes relative à Météo-France.

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La séance est ouverte à 16 heures 10.

M. le président - La séance est ouverte.

L'audition contradictoire sur Météo-France mettra en présence, pour la Cour, M. Jean-François Bénard, président de la 7 ème chambre, Mme Isabelle Latournarie-Willems, conseillère référendaire et Melle Loguivy Roche, auditrice, d'une part, et pour Météo-France, M. Jean-Pierre Beysson, son président-directeur général et M. Serge Duval, son secrétaire général.

Le ministère de l'équipement est représenté par M. François Perdrizet, directeur de la recherche et des affaires scientifiques et techniques.

Météo-France, c'est la pluie, la neige et le beau temps. Nous attendons beaucoup de vous, Monsieur le Président. Nous croyons beaucoup au rôle de l'Etat dans l'organisation du bien-être du pays.

En vertu de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la Cour a réalisé à la demande de la commission une enquête sur les comptes de la gestion de l'établissement public Météo-France.

Le rapport de la haute juridiction financière, remis le 25 janvier 2005, a formulé plusieurs critiques concernant les missions, l'organisation, la gestion du personnel et les comptes de l'établissement public.

Ce rapport met notamment en évidence une certaine rigidité des charges susceptible de compromettre à l'avenir l'effort d'investissement, alors même que l'établissement public est confronté à une concurrence accrue.

La Cour souligne par ailleurs l'existence d'irrégularités au sein des comptes de l'établissement.

Cette audition est pour la première fois accessible au public. Notre volonté est de valoriser les travaux de contrôle diligentés par la Cour et assumés par la commission.

C'est pourquoi nous organisons depuis plus d'un an des auditions contradictoires. Il s'agit de faire vivre le débat, de veiller à ce que les rapports, les observations, les recommandations de la Cour ne soient pas une simple formalité mais qu'au contraire ils puissent servir, en tant que de besoin, de levier à la performance des différentes institutions de la sphère publique.

Il pourrait se faire que telle observation de la Cour soit mal fondée ; c'est la raison de la présence des responsables de l'organisation faisant l'objet de ce contrôle, afin qu'ils puissent répondre en cas d'observations contestables et nous indiquer les dispositions prises pour porter remède aux dysfonctionnements qui auraient pu être constatés.

Je propose donc que, dans un premier temps, M. Bénard s'exprime au nom de la Cour et qu'ensuite M. Beysson réponde aux observations de la Cour. J'inviterai ensuite le rapporteur spécial en charge de Météo-France au nom de la commission des finances, M. Jean-Pierre Masseret, à nous faire part de ses observations et éventuellement à formuler les questions qu'il souhaite livrer au débat.

Monsieur le Président, vous avez la parole.

M. Jean-François Bénard - Mesdames et Messieurs, pour présenter les principaux constats et observations de ce rapport, je suivrai le plan indiqué en traitant successivement des missions, de l'organisation, du personnel et des finances de l'établissement public administratif Météo-France.

S'agissant des missions, il convient de commencer par la production météorologique elle-même. Chacun connaît le cycle de cette production qui commence par la saisie d'observations sur le terrain sur les caractéristiques du temps, l'assimilation des données recueillies par un super calculateur, l'intégration de celles-ci dans un modèle permettant de reconstituer l'état initial, de prévoir les états futurs de l'atmosphère et de réaliser les prévisions météorologiques afférentes.

Sur ce point, deux remarques principales. La première touche au réseau d'observation lui-même, qui était un domaine considéré de façon générale comme en retard au milieu des années 90 pour ce qui concerne Météo-France. Aussi le président de l'établissement avait-il lancé en 1996 le projet Radome, projet d'installation de stations d'observation au sol et de stations automatiques permettant de saisir les données en temps réel.

Il s'agissait d'une priorité affirmée par l'établissement. Le premier constat de la Cour, c'est que ce projet a connu un retard substantiel d'au moins 2 ans et qu'il devrait être terminé dans le courant de l'année 2005. Nous verrons ultérieurement les raisons de ce report d'investissement sur un sujet considéré comme prioritaire.

Le second domaine est celui de la prévision numérique. Il faut appeler l'attention sur le coût de cette prévision, lié au coût des supercalculateurs et de la modélisation elle-même, qui prend beaucoup d'heures de spécialistes. Pour réduire ces coûts, la démarche qui vient naturellement à l'esprit est bien sûr celle de la coopération européenne.

De fait, cette coopération existe dans un certain nombre de domaines. Le principal est la coopération au sein du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme, qui fait que ce Centre, situé en Grande-Bretagne, à Reading, effectue les prévisions au-delà du 3 ème jour à moyen terme.

Mais Météo-France a souhaité conserver ses capacités de modélisation globale autonomes pour les périodes inférieures à 3 jours. Dans ce domaine, s'il existe des collaborations avec d'autres instituts, il n'y a pas de volonté de recherche d'intégration.

Je crois que c'est un point qui mérite discussion, plutôt avec la tutelle qu'avec l'établissement lui-même, car c'est fondamentalement à elle d'arbitrer entre les différentes préoccupations qui peuvent conduire à un niveau d'intégration plus ou moins élevé des systèmes de prévisions météo.

Bien sûr, l'argument avancé par Météo-France pour justifier cette politique est le souci d'indépendance nationale.

Il conviendra de demander à la tutelle si elle considère que ce souci justifie les surcoûts que ceci entraîne par rapport à des solutions plus intégrées.

Deuxième sujet : les missions institutionnelles, en commençant par la vigilance météo, qui se traduit par les cartes avec quatre couleurs que nous voyons sur nos écrans.

Ces réformes datent de 2001 et constituent un progrès évident. La question qui peut se poser dans ce domaine est celle de la fiabilité de ces cartes. Je me permets de vous inviter à vous reporter à la page 8 du rapport, dans laquelle vous trouverez l'analyse qui a pu être faite par les administrations concernées des vigilances orange décidées en 2003.

Il convient, pour en apprécier l'exactitude, de rappeler qu'il existe deux niveaux : le niveau national et le niveau départemental.

Il y a très peu de cas où il y aurait eu occurrence d'un risque qui aurait justifié une vigilance orange et où il n'y aurait pas eu d'indication à l'échelon national. On en signale deux en 2002.

C'est déjà moins vrai lorsqu'on descend au niveau départemental, où le taux de non détection est de l'ordre de 6 % en 2003.

S'agissant des cas où des départements ont été placés en vigilance orange et où l'on n'a pas constaté le phénomène qui le justifiait, les chiffres sont les suivants : 53 % des départements ont été effectivement touchés par le phénomène annoncé ; 26 % ne l'ont été que partiellement et, dans 21 % des cas, le phénomène qui relevait de l'orange ne s'est pas produit dans le département en question.

Voilà une première indication sur le niveau de fiabilité de ces prévisions.

Deuxième question : celle de l'anticipation des événements. Une prévision, pour être exploitable, doit venir assez tôt. De ce point de vue, la protection civile estime qu'il faut un délai de l'ordre de 3 heures pour prendre en charge un risque annoncé au niveau de la vigilance météo.

En 2003, dans 37 % des cas, l'anticipation des événements a été inférieure à 3 heures et n'a donc pas permis l'intervention dans les meilleures conditions des services de sécurité civile.

Il s'agit là de données brutes ; la Cour n'a pas les moyens de dire si ceci, compte tenu de l'état de l'art, est normal ou non. Je pense que les responsables de l'établissement pourront nous en dire plus, surtout s'ils disposent de comparaisons internationales sur ce point, que nous ne connaissons pas.

Autre sujet abordé en ce qui concerne les missions institutionnelles : l'extension progressive des missions dans les domaines qualifiés de connexes par Météo-France. Au-delà du noyau initial de service public, Météo-France investit progressivement d'autres champs : l'hydrométéorologie, la pollution de l'air, les pollutions marines, la prévision des crues.

La question qui se pose est le régime juridique de ces extensions : s'agit-il de missions institutionnelles couvertes par les subventions publiques, ayant un caractère de service public, ou de prestations de service dans lesquelles l'établissement puisse se situer dans un champ concurrentiel ?

Ce point est aujourd'hui de l'ordre de la zone grise. Il n'est pas parfaitement clarifié et je crois que c'est à la tutelle de préciser les règles du jeu et de dire ce qui, dans son esprit, dans une frontière qui n'est pas évidente, relève du service public ou des activités concurrentielles.

Quelques remarques rapides sur les activités commerciales pour signaler la baisse des recettes kiosque grand public de Météo-France.

En sens inverse, on constate heureusement une augmentation des recettes des prestations à valeur ajoutée destinées aux professionnels. La baisse des recettes kiosque s'explique par la montée de la concurrence.

Deuxième constat : la lente professionnalisation de l'activité commerciale à Météo-France. Des attachés de clientèle ont été créés en 2002, un plan d'action commerciale défini en 2004, mais il n'y a toujours pas de schéma directeur approuvé pour l'activité commerciale. Globalement, cette fonction reste peu attractive du point de vue d'un grand nombre d'agents de Météo-France.

Autre point abordé : la délicate question de la tarification.

Aujourd'hui, Météo-France estime qu'elle doit délivrer gratuitement les informations sur un risque imminent auquel on ne s'expose pas de façon volontaire. A contrario, les expositions volontaires ou les prestations techniques permettant à des entreprises ou à des organismes clients de faire des économies pourraient être facturées et tarifées.

Cette frontière n'est pas évidente et rappelle ce qui passe à l'IGN, où il y aussi une mission coeur de service public que l'IGN appelle la vocation, et toute une série d'activités connexes à valeur ajoutée plus ou moins importante, la première étant gratuite, les autres facturées dans des conditions qu'il faut définir - coût marginal, coût moyen, etc.

Dans le cas de l'IGN, des missions parlementaires ont examiné ce sujet pour fixer des règles du jeu. Je crois que le problème se pose en termes relativement analogues, même si c'est un autre champ, pour Météo-France.

Un mot sur la recherche pour signaler qu'elle n'est pas orientée dans une perspective de valorisation, et sur l'école nationale de la météorologie. L'établissement ayant fait le choix de former ses personnels techniques, la coexistence de coûts de structures élevés et de faibles effectifs pour chaque niveau de qualification conduit à des coûts de formation eux-mêmes notoirement élevés.

Je passe à l'organisation de Météo-France en commençant par les services centraux.

Lorsqu'on regarde l'organigramme de Météo-France, la première chose qui saute aux yeux, c'est le manque de lisibilité. Cet organigramme juxtapose des partis d'organisation différents. Il y a une direction générale, elle-même décomposée en directions, comprenant un secrétariat général qui comprend lui-même des directions, des directions centrales, des directions thématiques, le tout avec des adjoints, des groupes de travail thématiques, etc.

C'est une organisation incontestablement lourde. Lors de l'audition du président de Météo-France devant la Cour, nous lui avons demandé combien il y avait de directeurs à Météo-France. Nous n'avons pas réussi à en avoir le coeur net. Peut-être pourra-t-il préciser la réponse exacte aujourd'hui.

S'agissant de la localisation des services centraux, ceux-ci sont localisés sur trois sites différents : Paris, à l'Alma, Trappes et Toulouse, qui a sa propre direction générale.

Trois sites pour un établissement de la taille de Météo-France, c'est beaucoup et, depuis les années 80, un transfert vers Toulouse est organisé. Nous sommes près d'un quart de siècle plus tard et les objectifs fixés sont toujours assez loin d'être atteints, ceci s'expliquant par le fait que ces délocalisations sont soumises au volontariat des agents concernés et que celui-ci se joue sur une échelle de temps de l'ordre de la décennie ou de la génération, ce qui explique les éclatements de services que l'on constate.

Un exemple parmi d'autres : la direction des systèmes d'observation à Trappes devait être décentralisée à Toulouse et l'on s'est arrêté au milieu du gué. Il y a donc une double localisation, ce qui n'est évidemment pas propice à son efficacité.

C'est également un élément de surcoût - et on peut en donner de nombreux exemples - et d'inadéquation des compétences. Lorsque les agents souhaitaient rester à Paris et éviter d'être mutés en province, certains allaient à la direction commerciale d'Ile-de-France sans avoir de vocation commerciale affirmée.

Un point mériterait d'être évoqué : c'est un point qui n'est pas traité dans le contrat d'objectifs, pourtant récent puisqu'il date de novembre dernier, qui est l'éventuel déménagement du site de l'Alma vers Trappes. Nous croyons savoir que la direction générale de l'établissement a des réflexions en cours. Ce serait une excellente chose si elle voulait bien les livrer devant votre commission pour faire le point exact sur ce sujet !

S'agissant de l'organisation territoriale, celle-ci comprend trois niveaux : les services centraux, les directions interrégionales - il y en a 7 en métropole, 4 outre-mer - et les centres départementaux qui, eux-mêmes, incluent des stations d'observation à un niveau infra départemental.

Le niveau fondamental est le niveau régional. C'est à cet échelon qu'est élaborée la carte de vigilance et assurée la permanence 24 heures sur 24 pour analyser les risques météo.

La question qui se pose est donc celle de la pertinence de l'échelon départemental implanté de façon systématique par Météo-France et dont les justifications sont assez peu évidentes.

Si on se réfère au rapport lui-même, page 20, on trouve une citation du schéma directeur de la prévision adopté en 2002 : « Sans trop forcer le trait, on pourrait dire que les trois échelons ne constituent pas un ensemble cohérent, une chaîne, mais la juxtaposition de trois échelons qui, peu ou prou, font et refont les mêmes analyses, les mêmes expertises. A ces limites techniques et au problème de cohérence, cette situation, fruit d'une absence d'organisation explicite, ajoute les conséquences, non soutenables dans la durée, de surcoûts, de charges de travail indues, de risques de démotivation, sans omettre le danger d'un système dual de prévisions où les experts traditionnels s'opposeraient aux modélisateurs et autres spécialistes de la prévision d'ensemble ».

Après un tel diagnostic, on s'attendrait à ce que des mesures soient prises. C'est le contraire, puisque le même schéma directeur affirme que « l'établissement public a fait le choix non seulement de confirmer l'orientation de ces trois niveaux, mais de la renforcer, notamment en consacrant des efforts importants, sur le plan immobilier, à sa mise en oeuvre ».

C'est un sujet que l'on ne peut pas ne pas aborder : est-il judicieux ou non d'avoir systématiquement ces centres départementaux de météo ? Pour justifier sa position, l'établissement invoque la nécessité de la proximité du préfet pour l'analyse, notamment, des risques météo.

Cet argument laisse dubitatif. D'une part, les centres départementaux en question ne sont pas des guichets - il n'y a pas de contact avec le client - et, s'agissant du contact avec le préfet, il pourrait être assuré sans qu'il y ait pour cela besoin d'un effectif permanent d'une équipe à l'échelon de chaque département.

J'ajoute que la vigilance est assurée 24 heures sur 24 à l'échelon inter régional et non départemental, ce qui est un argument supplémentaire.

Au total, s'agissant de l'organisation de Météo-France, on ne peut s'empêcher de constater qu'il s'agit globalement d'une structure lourde, consommatrice en titres et en effectifs et qui ne semble pas tirer son origine de considérations d'efficacité.

J'en viens à la gestion du personnel, sujet sensible dans un établissement comme celui-ci.

J'aborderai trois points seulement : les effectifs, le temps de travail et le système indemnitaire.

S'agissant des effectifs, ils sont stables, autour de 3.700 agents. Si vous vous référez au rapport, vous trouverez page 23 un tableau qui analyse l'évolution de ces effectifs de 1994 à 2003. On constate qu'il y avait 3.759 agents en 1994 et 3.725 en 2003. Il y a eu une forte réduction des militaires et plutôt une relative augmentation, en conséquence, des autres catégories.

La première question que l'on peut se poser, c'est la légitimité d'un effectif de cette ampleur ; à titre de comparaison, le Met Office, l'établissement de météo britannique, qui a d'ailleurs connu une assez forte réduction d'effectif récemment, est, en 2003, à 1.822 agents, la moitié de Météo-France.

Interrogé sur ce point, l'établissement indique qu'il a des responsabilités plus importantes en ce qui concerne l'outre-mer que les Britanniques, ce qui est très certainement exact. Est-ce que cela justifie un écart de cette ampleur ? On peut se le demander ! Ce qui serait utile, c'est une étude comparative systématique, qui est certainement possible, pour analyser les fonctions comparables assurées par différents établissements. Cela permettrait d'avoir le coeur net sur ce sujet.

Autre point à signaler : l'absence de gestion prévisionnelle des emplois. C'est un sujet en développement dans toutes les entreprises, mais aussi dans l'administration. En ce qui concerne Météo-France, on en est encore au degré zéro sur ce sujet.

Il est vrai qu'à partir du moment où l'établissement a comme objectif de préserver son organisation territoriale actuelle, l'intérêt d'un tel outil, qui est plutôt un outil de changement, apparaît singulièrement réduit.

S'agissant du temps de travail, il y a deux éléments à prendre en compte principalement : la question du service permanent et l'application de la RTT.

Le service permanent est une originalité relative de Météo-France, en tout cas un élément très important de la gestion de son personnel. Cela veut dire que l'on est en travail posté 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ; on emploie le terme « semi permanent » pour indiquer le travail posté pendant 12 heures de jour. Le premier intervient surtout dans les centres inter-régionaux, le second dans les centres départementaux.

Je ne vais pas faire l'analyse détaillée de ce régime, qui figure dans le rapport. On peut simplement relever que c'est un régime très attractif pour les agents et symétriquement très coûteux pour l'établissement. Le taux d'armement de chaque poste est de l'ordre de 7 à 8 agents ; il existe un mécanisme de repos compensateur pour le temps de travail en horaires ou en jours non ouvrables, des indemnités pour horaires adaptés, une brigade de réserve pour pallier les éventuels manques d'agents.

Il semble que la direction n'ait pas pour ambition de faire évoluer cette situation. Si on regarde le tableau de la page 26 du rapport, on voit qu'au cours des dernières années, le nombre d'agents en service permanent et semi permanent est resté stable : 1.465 en 2000, 1.469 en 2003.

Venons-en maintenant à la RTT. Le régime de la RTT a été défini par une décision du PDG du 30 octobre 2001, ensuite avalisée par deux décrets du 30 décembre 2002, ce qui a permis de faire coïncider les normes réglementaires avec la situation de fait.

Il y a un assez grand nombre de remarques dans le rapport parmi les points à signaler dans l'application de la RTT. J'en relèverai quelques-unes.

L'une des caractéristiques est que les bonifications horaires liées au travail posté sont obligatoirement converties en indemnité et à un montant majoré lorsque le temps de travail s'approche de 1.454 heures par an, c'est-à-dire 32 heures par semaine. Une des conséquences de cette décision, c'est que lorsqu'un agent arrive à près de 32 heures par semaine, il a intérêt à choisir la conversion en temps pour bénéficier des indemnités au taux majoré.

Il y a également toute une série de petites particularités que je livre pour l'anecdote. Par exemple, Météo-France considère que les dimanches de Pâques et de Pentecôte sont des jours fériés, ce qui permet d'appliquer les bonifications substantiellement plus élevées des jours fériés par rapport au dimanche.

De la même façon, Météo-France a un mécanisme particulier de décompte de la pause méridienne. En principe celle-ci est exclue du temps de travail effectif. Ici, elle n'est pas décomptée pour les repas pris en alternance, un agent travaillant pendant que l'autre prend son repas.

Autre point à signaler s'agissant de la RTT : la création de 75 emplois lors de sa mise en oeuvre, en contradiction avec le principe fixé pour le secteur public dans ce domaine.

Quelques mots des indemnités -sujet sur lequel on pourrait aussi écrire un livre.

S'agissant des corps techniques, une des questions principales qui s'est posée est due à la fusion des corps d'ingénieurs de la météorologie avec les ingénieurs des ponts.

L'ensemble des corps du ministère de l'équipement issus de l'X ont été récemment regroupés au sein des ingénieurs des ponts.

Ceci a naturellement posé, comme chaque fois dans ces questions de fusion de corps, le problème de l'alignement des primes des intéressés - c'est toujours un des obstacles les plus redoutables aux fusions de corps.

La question s'est compliquée, dans le cas de Météo-France, du fait de la volonté de faire en sorte que, pour les autres corps techniques, la hiérarchie relative au sein de Météo-France entre les différents corps ne soit pas élargie par la revalorisation des primes servies aux ingénieurs des ponts.

Simultanément, une démarche de comparaison, pour chaque niveau, de ce qui se passait dans les corps comparables de l'équipement a été entreprise. On est donc dans un mécanisme de double échelle de perroquet, ce qui n'est pas la solution la meilleure en termes de coût pour l'établissement.

S'agissant des corps communs, le rapport signale les conséquences de l'application du protocole DGAC de décembre 2000, qui s'est également traduit par un surcoût substantiel. Il faut dire que ce n'est pas de la responsabilité de Météo-France ; en effet, une partie de son personnel administratif et ouvrier n'est pas géré par elle mais par la DGAC, qui leur applique ses propres règles.

On peut néanmoins relever que le gage envisagé dans le contrat d'objectifs, qui était le report partiel du rattrapage indemnitaire des ingénieurs de la météo, a été en fait utilisé deux fois : une première fois pour la revalorisation des corps communs et une deuxième fois pour la réduction de l'écart indemnitaire avec les ingénieurs de travaux et les techniciens. Malgré cela, on a dépassé l'enveloppe fixée dans le contrat d'objectifs.

Je passe sur un certain nombre d'irrégularités réglementaires qui sont évoquées dans le rapport pour insister sur un dernier point important, qui est l'égalitarisme en matière indemnitaire.

L'idéologie - si l'on peut dire - des corps techniques de Météo-France porte sur le fait que les primes et indemnités doivent être versées indépendamment de la situation individuelle de chacun.

Un premier pas très timide a été effectué dans le contrat d'objectifs pour aller vers une modulation individuelle. Il s'agit à ce stade d'une expérience qui sera entreprise en 2007. Il n'y a donc pas de précipitation pour aller dans cette voie. On peut le regretter, car il y a eu des majorations substantielles d'indemnités versées au cours des dernières années et ceci aurait été un élément plus favorable pour la mise en oeuvre d'une modulation individuelle, préoccupation générale dans l'ensemble du secteur public actuellement.

Au total, la gestion des ressources humaines à Météo-France appelle donc un certain nombre d'observations.

Je vous invite à reprendre le texte du rapport lui-même, qui cite quelques phrases du plan stratégique de l'établissement : « Le corps social de Météo-France est profondément attaché à des modes de gestion traditionnels, dont quelques-uns des principes fondamentaux reposent, par exemple, sur l'intangibilité des vacations de 12 heures pour les postes en horaires permanents, sur un maximum de souplesse dans la récupération des heures majorées, sur un égalitarisme aussi poussé que possible en matière de régime indemnitaire et sur la règle de l'ancienneté pour critère unique des mutations ».

La question qui se pose est donc de savoir si, face à ce constat, la direction estime qu'il convient d'en rester là et de déplorer simplement la situation ou si elle souhaite s'engager dans la réforme de ses règles de fonctionnement. Je crois qu'il serait intéressant que M. Beysson nous donne son point de vue sur ce sujet.

J'en viens à la question des finances pour saluer deux progrès récents réalisés par Météo-France. Le premier est la création d'une commission consultative des achats en 2001. En effet, la Cour avait formulé de nombreuses observations sur les marchés passés au cours des années précédentes, qui comportaient diverses irrégularités et cette commission consultative est certainement un progrès.

Il en va de même de la déconcentration budgétaire engagée depuis 2003 qui, là aussi, devrait remédier à une organisation budgétaire reconnue de façon générale comme excessivement centralisée.

Il y a au moins trois remarques à faire sous l'angle comptable et financier.

S'agissant de la comptabilité générale, le rapport cite toute une série d'anomalies comptables qui grèvent les comptes de l'établissement.

Pour ne citer qu'un exemple, l'actif de l'établissement est gravement incomplet. Il manque toute une série de biens, qui ont été remis en dotation à l'établissement, mais qui ne figurent toujours pas à son actif. Les dotations aux amortissements sont donc insuffisantes.

Si l'on fait la liste de l'ensemble des irrégularités signalées dans le rapport en ce qui concerne les méthodes comptables, on aboutit à la conclusion que les comptes de Météo-France ne sont pas certifiables en l'état.

Un autre point concerne la comptabilité analytique. La demande a été formulée dès le premier contrat d'objectifs en 1994. Elle n'a pas été satisfaite à cette époque. Elle a été reprise dans le contrat d'objectifs 2001-2004 et n'a pas été suivie d'effet. Il serait souhaitable de disposer d'une comptabilité analytique dans le contrat d'objectifs 2005-2008 qui vient d'être signé.

Il va de soi qu'il s'agit d'un outil indispensable et il est singulier qu'un établissement de la taille et du niveau de technicité de Météo-France, douze ans après sa création, ne dispose toujours pas d'un tel instrument.

S'agissant de l'équilibre financier, lorsqu'on regarde les comptes, il faut les interpréter en se rappelant les anomalies comptables que j'évoquais tout à l'heure : insuffisance des dotations aux amortissements ou irrégularités dans le rattachement aux exercices de certaines opérations.

Néanmoins, globalement, la situation de départ était satisfaisante d'un point de vue financier mais se fragilise progressivement. Ceci tient au fait que les charges croissent plus vite que les produits, notamment les dépenses de personnel - dont on a vu les raisons du dynamisme. S'agissant des produits, des risques pèsent sur la progression des recettes commerciales du fait du développement de la concurrence.

En conséquence, le résultat d'exploitation de Météo-France a été déficitaire de 2000 à 2003 -nous n'avons pas encore les comptes 2004.

Bien sûr, le résultat global était bénéficiaire, grâce aux opérations exceptionnelles et financières, mais la détérioration du résultat d'exploitation est un souci et, d'ailleurs, sans doute, un des éléments de risque de report d'un certain nombre d'investissements pour permettre une certaine forme d'équilibre financier.

En conclusion, trois points sont à relever : Météo-France est un établissement public depuis 1994. Sa création avait pour objet de faciliter l'évolution de Météo-France, son adaptabilité au terrain, sa recherche d'efficacité.

Aujourd'hui, la mue d'une administration centrale en un établissement public n'est pas encore complètement réalisée -j'en veux pour preuve tout ce qui a été dit concernant le fonctionnement de l'établissement.

De ce point de vue, il faut dire que l'établissement a une excuse, qui est la proximité de la DGAC, qui n'est certainement pas un facteur favorable.

Deuxième remarque : le contrat d'objectifs de Météo-France commence par les termes suivants : « Comme le précédent, le contrat d'objectifs s'inscrit dans la stratégie visant à faire de Météo-France un service météorologique de référence, l'un des premiers dans le monde, et un modèle de service public à la française ».

Météo-France est-elle un modèle de service public à la française ? Si l'on se place sur le plan technique, la réponse, vue par les responsables de Météo-France est oui - nous n'avons pas d'autres sources pour en décider, mais il y a toutes les raisons de les croire sur ce point.

En revanche, s'agissant de la gestion de l'établissement, il est assez difficile de placer Météo-France en haut de tableau, compte tenu de tout ce qui a été dit sur son organisation, son fonctionnement, la gestion des ressources humaines, les questions financières et comptables.

D'une façon générale, lorsqu'on regarde les prises de décisions de Météo-France, on a le sentiment que la voie de l'excellence technique s'exprime avec beaucoup de force, mais qu'en revanche, les avocats de la réduction des coûts supportés par le contribuable sont beaucoup moins audibles.

Il y a une raison à cette situation : un établissement qui ne dispose pas de comptabilité analytique ne peut analyser finement ses réductions de coût ; en outre, il ne fait pas de comparaisons externes et manque donc de repères pour pouvoir apprécier sa situation dans ce domaine.

Troisième et dernière remarque, pour aller vers le champ de la LOLF et signaler deux particularités qui ne vous ont certainement pas échappé s'agissant du programme météorologique tel qu'il figure dans l'avant-projet : d'une part, le PDG de Météo-France est lui-même le responsable du programme « météorologie » ; d'autre part, il n'y a pas, pour les missions de service public de Météo-France, d'indicateurs d'efficience retenus pour l'établissement.

Je ne peux m'empêcher de rapprocher cela des deux propositions précédentes, c'est-à-dire le fait que le président de l'établissement soit responsable du programme - ce qui n'est pas en soit condamnable mais n'est pas un facteur favorable pour clarifier les relations de l'établissement avec sa tutelle, et que l'absence d'indicateurs d'efficience sur les missions de service public a un certain rapport avec le peu de préoccupation marqué en matière de réduction des coûts et d'outils permettant de l'apprécier.

Je pense que le président de l'établissement nous indiquera ses intentions en ce qui concerne l'application de la LOLF, et je ne doute pas qu'il va utiliser celle-ci comme vecteur de modernisation de son établissement, ce qui est l'état d'esprit souhaité par le législateur.

M. le président - Monsieur le Président, merci pour cette analyse. Vous êtes allé d'emblée à l'essentiel, ce qui laisse des marges de progression à Météo-France.

Monsieur le Président-directeur général de Météo-France, vous avez la parole.

M. Jean-Pierre Beysson - Monsieur le Président, il y a seulement quelques mois, nous ne nous serions pas imaginés que nous serions redevables de cet excès d'honneur que représente notre audition devant la prestigieuse commission des finances du Sénat, sous la présidence d'un ancien ministre de l'économie et des finances et en présence d'un ancien ministre du budget, ni cet excès d'indignité que voudrait nous infliger ce rapport qui vous est soumis.

A vrai dire, quand j'ai appris que la haute juridiction financière à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir allait procéder au contrôle de l'établissement, j'en étais très heureux, car je pensais que ce serait l'occasion d'appuyer nos réflexions pour l'avenir, la modernisation de notre établissement et que ce serait pour nous un guide précieux pour la direction de Météo-France.

Il serait injuste de dire que mes espérances ont été déçues à cet égard, mais ce serait mentir que de prétendre que le résultat corresponde à ce que j'escomptais. Je ne suis pas le seul. Les quelques personnes qui nous connaissent bien et qui ont pu lire le rapport nous ont dit découvrir un nouveau Météo-France.

Nous ne savions pas que cet établissement public était dirigé par des chefs qui n'avaient d'autre ambition que de suivre leur troupe, appréciation que l'on retrouvera notamment au début du dernier paragraphe de la page 25, où on dit : « L'établissement paraît avoir renoncé à faire évoluer cette situation autrement que sur la base du volontariat » , entendez par là « autrement que par le respect de l'attachement des personnels au statu quo » !

Nous ne savions pas non plus que la direction était aussi inconsciente de ses responsabilités de gestion financière, au point de tolérer des irrégularités, sur lesquelles je reviendrai, mais était surtout inconsciente des contraintes de son nécessaire équilibre financier, jugement qui est porté notamment page 10, sous cette formulation : « Des incertitudes pèsent cependant sur la capacité effective de Météo-France à maintenir durablement le niveau de ses recettes commerciales, qui trouvera rapidement ses limites du fait des coûts de Météo-France » ou, plus nettement encore, page 28 : « Cette situation coûteuse pour l'établissement exclut de fait toute perspective d'évolution de Météo-France dans l'accomplissement de ses missions ». Voilà une prévision bien sombre !

M. le président - M'autorisez-vous à vous interrompre ? Vous n'êtes pas le premier magistrat à présider un organisme qui a fait l'objet d'un contrôle de la Cour et d'observations qui peuvent en effet détonner.

Ne le prenez donc pas en mauvaise part. La seule préoccupation de la commission des finances du Sénat, c'est que cela bouge, que cela change et qu'on s'adapte.

Nous pourrions reprendre le rapport, mais si vous vouliez bien répondre aux observations formulées il y a un instant par le président Bénard, nous gagnerions du temps.

M. Jean-Pierre Beysson - J'entends bien, Monsieur le Président, mais il y a quand même dans cette affaire un problème de climat général qui sort de ce rapport ; ce climat général, indépendamment des réponses que nous allons y apporter, est un climat extraordinairement négatif, qui ne correspond pas du tout au sentiment que nous avons, ni à la réalité des faits. Je vais m'efforcer de le montrer.

Ceci est illustré par un certain nombre de problèmes méthodologiques. On nous dit : « Au premier rang des irrégularités figure le manquement à l'obligation de publication des textes » et on précise dans la note 21 du rapport que sont par exemple concernés « les textes régissant l'indemnité pour horaires adaptés ». Ce texte, nous dit-on, n'a pas été publié. C'est un texte de 1990 ! En quoi la direction de Météo-France est-elle responsable aujourd'hui d'un texte de 1990 ? C'est le seul texte qui n'ait pas été publié. Il a été signé par M. Charasse et prévoit effectivement un dernier article qui dit que cet arrêté ne sera pas publié !

Il est encore plus significatif de noter, en page 32, que l'on évoque des libertés masquées. M. Bénard a parlé du décompte de la pause méridienne. Il est dit dans le rapport que cela n'a fait l'objet d'aucun encadrement réglementaire. C'est inexact ! J'ai ici le texte : cet encadrement réglementaire résulte de l'article 5 de l'arrêté de 11 juillet 2003, lequel prévoit que la pause méridienne, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, qui paraissent solides, n'est en effet pas décomptée.

M. le président - Il est dit par exemple que le personnel travaille 32 heures par semaine.

C'est sûrement beaucoup mais, pour nous qui ne sommes pas des spécialistes de Météo-France, nous trouvons que c'est modeste !

M. Jean-Pierre Beysson - Venons-en donc à ce point.

M. le président - Peut-être pourrait-on prendre dans l'ordre les observations du président Bénard relatives aux missions, à l'organisation, à la gestion du personnel et aux finances.

M. Jean-Pierre Beysson - Si vous voulez.

M. le président - Je précise que quelques observations mettent en cause la tutelle du ministère. Son représentant pourra donc intervenir dès qu'il le souhaitera.

M. Jean-Pierre Beysson - S'agissant de l'observation, qui doit être une priorité de l'établissement, ce qui est effectivement le cas, nous avons un programme d'équipement du territoire en stations automatiques de mesure du temps, qui est le programme Radome, qui a pris un retard de 2 ans.

Je signale que malgré cela, et simplement à la moitié du programme, le nombre de stations automatiques de nouvelle génération, qui sont le nec plus ultra en matière de technologies, était en France supérieur à celui que l'on constate en Allemagne ou en Angleterre.

Ces éléments ont été donnés lors de l'audition à la Cour ; on ajoute maintenant une considération supplémentaire en demandant si ces stations de mesure constituent un choix technique pertinent ou s'il s'agit d'un suréquipement. Je réponds clairement qu'il s'agit d'un choix technique très important, qui correspond au fait que nous faisons des prévisions en France sur 550 zones liées à l'organisation territoriale, dont on parlait il y a un instant. Nous sommes dans une situation unique en Europe de pouvoir suivre le temps avec une précision géographique extraordinaire : chaque département est suivi par nos prévisionnistes au travers de cinq zones en moyenne par département, grâce à des stations de mesure en correspondance avec le zonage du territoire que nous faisons pour la prévision.

Concernant la prévision numérique, on pose la question de savoir si l'intégration pourrait être plus forte. Il n'y a pas un seul pays en Europe qui ait poussé l'intégration de ses activités de prévision numérique aussi loin que Météo-France. Vous le retrouverez d'ailleurs dans le rapport, mais M. Bénard ne l'a pas rappelé complètement dans son introduction.

Nous avons en effet un modèle global qui a le même code que le Centre européen et qui est donc en copropriété. Nous avons fait grâce à cela des économies considérables : toute avancée qui est faite à Redding, en Angleterre, par le Centre européen, est immédiatement transposée sur le modèle de Météo-France.

Le coût de la modélisation à Météo-France est donc un coût relativement modeste, l'essentiel de l'effort de recherche étant partagé avec le Centre européen.

M. le président - Le président Bénard a fait observer que vous n'aviez pas de comptabilité analytique. Comment connaissez-vous donc vos coûts ?

M. Jean-Pierre Beysson - Au stade de la prévision numérique, il n'a pas évoqué la comptabilité analytique. Le coût est connu par le coût du calculateur et également par le nombre de chercheurs qui y sont affectés. Nous avons beaucoup moins de chercheurs en prévision numérique sur la modélisation globale que les Anglais. Nous avons un calculateur dont la puissance de calcul est infiniment inférieure à celle des Anglais, un coût calcul infiniment inférieur à celui des Anglais, des Allemands et même des Danois, pour une raison : nous avons un modèle intégré à celui du Centre européen.

Par ailleurs, nous avons une coopération européenne extrêmement forte et exemplaire. Nous avons, il y a plus de dix ans, lancé un projet européen pour la modélisation à petite échelle qui regroupe quinze pays et qui a aboutit au modèle Aladin, qui n'aurait pas existé sans cette coopération, où la contribution des pays partenaires - essentiellement pays de l'Europe de l'Est mais également Portugal, Maroc, Belgique, Tunisie, etc. - a été de 60 %.

L'intégration ne pouvait être plus forte et ce n'est peut être pas sans raison que le directeur général du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme, à Redding, est français, ainsi que le directeur de la recherche, tous deux issus de Météo-France.

Reste une question : faut-il malgré tout que Météo-France continue à faire tourner un modèle global sur l'ensemble de la planète ? Notre réponse est clairement oui ! C'est une question politique qui dépend de nos ministres, mais compte tenu des responsabilités internationales de la France, et notamment pour des questions de souveraineté, il n'est pas concevable que, pour les opérations de nos forces armées à travers le monde, on ne puisse faire tourner un modèle correspondant aux besoins de celles-ci.

Dans le monde, il y a là peu près huit services météo qui font tourner un modèle global. Il n'est pas indécent que Météo-France soit l'un d'entre eux !

M. le président - Peut-on dire que, dans les missions de Météo-France, il y a une mission de prévention des risques et de prévision sur le territoire national, éventuellement sur les territoires ultramarins, à laquelle s'ajoute une mission de défense nationale ? Peut-on dire qu'une partie de vos dépenses correspond à des préoccupations qui mettent en cause la défense nationale ?

M. François Perdrizet - Il y a effectivement des relations très étroites, par voie conventionnelle, entre Météo-France et la défense.

Je voudrais dire quelques mots s'agissant de la prévision. Je trouve que ce rapport est sévère. Je me souviens du rapport de la mission d'inspection des organismes scientifiques et techniques (MIOST) du ministère de l'équipement, dont la première remarque mettait l'accent sur la maîtrise technique et scientifique de son domaine et l'attachement au métier de l'établissement. J'ai déploré l'absence de référence à une telle remarque, qui explique des performances remarquables ainsi qu'une évolution qui est probablement différente de celle d'autres secteurs.

Cela cache également le fait que l'équipe de Météo-France a fait faire depuis, et sur toute la période concernée, des progrès importants à l'établissement.

Par ailleurs, l'intégration des prévisions est une question qui a été abordée lorsqu'on a élaboré le contrat d'objectif. On s'est en effet posé la question de savoir si ce positionnement vis-à-vis de l'Europe et des autres pays pouvait évoluer et si des alternatives étaient possibles.

La météo pourrait se regrouper autour d'un centre européen qui s'occuperait de tout, mais un tel schéma ne serait manifestement pas réalisable. Il faut à la fois séparer ce qui est commun aux différents pays et laisser une initiative aux Etats. La coopération peut donc se faire à la fois par des institutions européennes et par des alliances entre pays. Ce sont les deux types de coopération dans lesquels Météo-France s'est largement engagée.

Il est également important de considérer l'émulation. Dans dix ou quinze ans, je pense que la météo aura toujours cette instance européenne et qu'il y aura des centres d'excellence pilotes qui entraîneront des grappes de pays.

Pourquoi n'y a-t-il pas une coopération plus forte avec l'Espagne notamment, alors que Météo-France détient beaucoup de compétences avec Aladin ? Manifestement, les Espagnols ne veulent pas d'une intégration plus forte. Tous les pays manifestent une volonté d'autonomie.

En outre, la prévision à courte échéance et à maille réduite présente des spécificités importantes.

Ce qui se passe en Angleterre est différent de ce qui se passe dans les Cévennes ; chacun a des problèmes spécifiques de météo. La solution de plusieurs centres d'excellence, dont celui de Météo-France, entraînant un certain nombre de pays pour réaliser une prévision à courte échéance et à maille réduite, me paraît la vision réaliste et raisonnable pour l'avenir.

Dernière chose sur la prévision numérique : on ne mentionne jamais dans le rapport - nous non plus et nous ne faisons peut-être pas bien les choses - l'importance économique que revêt la prévision météo. Hier, je suis allé écouter les prévisionnistes d'EDF, les gens qui programment la production des centrales, des barrages hydrauliques et de tous les modes de production. J'ai noté qu'une différence de deux ou trois degrés dans la prévision amène des écarts de puissance entre la demande et l'offre de plus de 2.000 MW et génère des coûts très importants.

Derrière Météo-France et cet aspect technique, il y a donc des enjeux économiques considérables qu'il ne faut pas perdre de vue.

M. Jean-Pierre Beysson - Avec l'armée, lorsqu'il y a une opération en Afghanistan, on fait tourner un modèle spécifique sur cette zone ; pour cela, il faut qu'il soit alimenté par un modèle plus large, afin que l'on sache ce qui se passe aux frontières. Il est plus raisonnable pour l'armée française de recevoir les données du service météorologique français qui le contrôle plutôt que de le demander aux Etats-Unis ou à d'autres.

Enfin, nous nous étions fixés un objectif extrêmement ambitieux. Nous voulions avoir le meilleur modèle de prévision numérique à courte échéance sur la zone Europe, qui est naturellement notre zone de priorité. Chacun des modèles fait l'objet d'un score sur des bases internationales publiées tous les mois et sur des critères qui sont les mêmes. Depuis maintenant 18 mois, le score du modèle français est le meilleur d'Europe.

Ceci est la combinaison à la fois des compétences scientifiques que l'on peut acquérir en modélisation globale et de son application à la modélisation à petite échelle.

M. François Perdrizet - Les ratios techniques et scientifiques montrent la maîtrise de Météo-France. Ce n'est pas uniquement une déclaration unilatérale de Météo-France.

M. le président - Je n'ai pas entendu dire que les prévisions étaient critiquables. Nous sommes la commission des finances et ce qui nous préoccupe, ce n'est pas la météo mais l'efficacité de la dépense publique ! Pourrait-on atteindre les mêmes objectifs en mobilisant moins de fonds publics ?

M. Jean-Pierre Beysson - On nous dit que la vigilance n'aurait été émise pertinemment que dans 53 % des cas. Cela paraît très faible ! Pour des raisons qui ont été longuement discutées avec le ministère de l'intérieur, il a été décidé que la vigilance portait sur un département entier. Il est donc normal que 26 % des départements soient partiellement concernés.

Dans 80 % des départements, la vigilance est pertinente. Les 20 % manquants sont du domaine de l'état de l'art. Nous avons des problèmes que nous pensons résoudre dans les quatre ans qui viennent. Il s'agit des orages ou des précipitations neigeuses. La limite pluie-neige est un phénomène extrêmement difficile à prévoir mais nous allons progresser.

On dit aussi que, dans 37 % des cas, l'anticipation a été inférieure à 3 heures.

La procédure de vigilance est une procédure de discussions permanente entre nos prévisionnistes et les services du ministre de l'intérieur, notamment du COGIC, à la direction de la défense et de la sécurité civile.

On ne sort la carte de la vigilance que lorsque tous les paramètres sont prêts, connus, certains et que le bulletin de suivi est prêt. Mais le COGIC est dans la plupart des cas prévenu avant par des contacts directs. Il faut demander à la direction de la sécurité civile si elle considère que cette procédure ne marche pas. Je suis certain de la réponse : elle considérera que c'est un immense progrès par rapport à ce qui existait auparavant !

D'ailleurs, cette carte de vigilance française va devenir européenne et le projet français est maintenant européen.

On nous reproche, d'autre part, que les domaines émergents soient à la limite de nos compétences. C'est possible. Peut-être faut-il clarifier les choses. Le décret de compétence dit : « Météo-France est chargé de surveiller l'atmosphère ». Si les éléments polluants ne font pas partie de la surveillance de l'atmosphère, je veux bien !

Aucune association de la surveillance de la qualité de l'air, en France, et qui a cette compétence d'alerte, ne pourrait exercer la compétence qui est la sienne sans les données météo et les indications relatives à la qualité de l'air que nous leur fournissons.

Nous avons, dans le cadre de notre mission de service public, des accords avec la quasi-totalité de la cinquantaine d'associations de surveillance de la qualité de l'air, qui sont fournies en données par Météo-France dans le cadre de la mission de service public.

M. le président - Il faudrait que le Gouvernement dise clairement qu'il a fait ce choix et que c'est votre mission.

M. Jean-Pierre Beysson - Nous considérons que c'est dans le texte. On est chargé de surveiller l'atmosphère et l'océan superficiel.

M. le président - Ce que j'ai compris, c'est qu'il y avait une ambiguïté.

M. François Perdrizet - Ce n'est pas une ambiguïté. La météo est en train de pénétrer dans tous les domaines. Il se pose des questions, notamment d'ordre réglementaire ou juridique, qui sont toujours un peu en retard par rapport à ce qu'attend la société des missions de service public. Par exemple, la chimie atmosphérique me semble clairement une mission de service public.

A ce propos, l'article 2 du décret prévoit une forme d'élargissement et précise que « Météo-France peut collaborer avec les services de prévention des risques majeurs ».

M. le président - Nous n'allons pas faire un procès là-dessus. Ce que nous voulons, c'est que les choses soient claires !

M. François Perdrizet - Ce qui est clair, c'est qu'il y a un certain nombre de nouveaux champs, dont certains sont en plein dans le service public. Il faudra le codifier.

M. le président - Que le Gouvernement dise les choses clairement et l'on évitera cette ambiguïté !

M. François Perdrizet - En second lieu, il y a des choses qui sont dans un domaine un peu spécialisé mais qui relèvent encore du service public, dans le cadre d'un système conventionnel.

Enfin, d'autres choses font partie du système privé.

Aujourd'hui, on peut en codifier une partie, mais la chose est en train d'évoluer, vous le savez bien !

M. le président - Pouvez-vous nous parler de vos activités commerciales, dont on dit que la montée en pression est lente ?

M. Jean-Pierre Beysson - On nous dit que la professionnalisation est lente.

La professionnalisation a été lente dans la mesure où, pendant des années, la progression de nos recettes commerciales était presque exponentielle. Nous avons connu des résultats considérables et le problème d'une professionnalisation plus forte était moins crucial.

C'est à cette époque, ayant accumulé des résultats importants, que nous avions pu rendre à l'Etat 21 millions d'euros, ce qui, par rapport à une subvention de 150 millions d'euros actuellement, représente un effort considérable de contribution à la maîtrise de la dépense publique.

La concurrence se développant et le marché ayant tendance à se saturer, nous avons rencontré une baisse de l'activité commerciale, laquelle a amené à une professionnalisation. Celle-ci porte ses fruits.

En 2004, nous avons quasiment stoppé la diminution du nombre d'appels sur les kiosques. C'est essentiellement sur les services en ligne que le problème commercial se pose. Depuis 1995, de manière continue, nous avons fait 1,2 millions d'euros de plus sur les recettes professionnelles, où la recette en volume, depuis 1996, est de 3,3 %.

En 2004, la progression des recettes est de 6 %.

Depuis le début de l'année, la progression des recettes est de 22,6 %. Rien n'est inéluctable et nous avons en effet pris toute une série de mesures pour remobiliser nos agents, affiner nos outils et répondre à la demande.

De ce point de vue, l'évolution de nos recettes commerciales mérite en effet une très grande vigilance, mais nous n'avons pas pris d'engagement inconsidéré. Nous avons retenu une progression des recettes commerciales d'un million d'euros par an, alors que nous avons fait en moyenne, depuis 1996, 1,6 millions d'euros par an sur les seules recettes professionnelles.

M. le président - Vous pouvez peut-être faire beaucoup plus !

M. Jean-Pierre Beysson - Bien sûr ! C'est que l'on va essayer de faire. Je pense que l'on y arrivera. Nous avons complètement revu notre organisation commerciale, recruté un directeur commercial, un directeur marketing, un directeur de vente qui, tous, viennent du privé. C'est en partie grâce à cela que nous avons ces résultats. Rien n'est inéluctable et nous y arriverons !

Cela étant, nous sommes naturellement vigilants, car le marché est difficile. La concurrence est de plus en plus présente, y compris sur les domaines des administrations et nous avons maintenant de la concurrence vis-à-vis des directions départementales de l'équipement, pour la viabilité hivernale.

M. le président - Qui vous concurrence ?

M. Jean-Pierre Beysson - Je ne veux pas leur faire de publicité, mais nous avons des concurrents.

M. le président - Sont-ils rentables, eux ?

M. Jean-Pierre Beysson - Mais nous sommes rentables !

M. le président - Avec une subvention substantielle !

M. Jean-Pierre Beysson - Je vous donnerai les chiffres lorsque nous parlerons des questions financières.

En 2002-2003, Météo-France, sans que la tutelle intervienne, a pris des décisions pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement. Le rapport de la Cour le souligne : les dépenses de fonctionnement de Météo-France ont diminué de 2,3 % entre 2001 et 2003. Nous avons reporté des programmes pour faire face à cette situation.

Nous serons donc vigilants.

Certes, la tarification est un problème délicat, Monsieur Bénard a parfaitement raison. Je lui répondrai simplement que le parallélisme qu'il fait avec l'IGN ne me paraît pas pertinent.

Il me semble que les situations sont en grande partie différentes, dans la mesure où Météo-France a une base qui repose sur un accord international des 180 pays de l'organisation météorologique mondiale. Nous avons surtout une lettre de la direction générale de la compétition de la Commission européenne qui approuve notre système de commercialisation.

C'est la raison pour laquelle, dans le débat actuel sur la rediffusion des données publiques, nous considérons que nous avons une base juridique internationale forte qui précise assez clairement ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l'être. Notre situation est donc à mon avis différente.

M. le président - Pouvons-nous parler de la recherche et de la formation ?

M. Jean-Pierre Beysson - On dit que la recherche n'est pas orientée valorisation : elle est fondamentalement orientée valorisation des produits de Météo-France ! La recherche, à Météo-France, n'est pas une recherche amont, théorique, mais finalisée, qui a pour objectif essentiel de faire en sorte que nos modèles soient les meilleurs possibles.

C'est ce qu'on a réussi à faire ; le modèle de la prévision numérique de Météo-France a le meilleur score en Europe depuis de nombreux mois.

Bien sûr, il y a un certain nombre de cas où on pourrait imaginer que nos chercheurs valorisent plus ce qu'ils font. Mais il faut reconnaître que, dans le domaine des sciences atmosphériques, ce n'est pas simple. Ce ne sont pas des puces informatiques, ni du génome humain ! Je ne pense donc pas que l'observation sur l'insuffisante valorisation soit réellement pertinente.

M. François Perdrizet - Sur la recherche, je peux confirmer que la valorisation repose sur le développement météo et pas forcément sur la recherche de brevet. On a beaucoup d'autres organismes dans ce cas-là. Confondre valorisation et brevet pénalise Météo-France et n'a pas de sens.

M. le président - Vous formez vous-mêmes des effectifs peu nombreux. Pourriez-vous former vos propres collaborateurs avec ceux de vos concurrents ?

M. Jean-Pierre Beysson - C'est une observation fondée de la Cour.

Pour ce qui est de l'organisation, nous sommes en total désaccord. C'est un sujet politique fondamental !

Tout d'abord, je ne suis pas d'accord sur l'observation concernant l'organisation de la direction. Nous traitons nos structures géographiques comme des centres de profit qui doivent avoir leurs marges d'autonomie et leur politique, mais dans le cadre de politiques nationales définies par des services centraux.

L'organisation matricielle peut paraître difficile à comprendre mais, de la même manière qu'un directeur d'usine conduit sa politique d'achat ou de ressources humaines dans le cadre déterminé par la direction centrale, nous avons des directions centrales qui fixent une politique générale qui est ensuite déclinée direction par direction.

Le fait qu'il y ait beaucoup de directeurs ne change rien sur le plan budgétaire et financier. Les tires n'apportent aucun avantage spécifique. Il n'y a pas de majoration de salaire. Chacun n'est payé qu'au niveau du grade qui est le sien, dans le corps auquel il appartient. C'est un problème de dénomination : il est vrai que, dans le monde anglo-saxon dans lequel nous vivons, il est plus facile de parler du « directeur de la prévision » que du « chef du bureau de la prévision ». C'est un problème de carte de visite sans aucune conséquence financière ni budgétaire.

En ce qui concerne l'organisation générale, je n'en dirai pas plus.

Par contre, l'organisation territoriale mérite un débat plus long et c'est un sujet politique.

M. le président - On avait parlé d'un éventuel déménagement de l'Alma vers Trappes. Qu'en est-il ? Avez-vous prévu de rapprocher ces deux sites ?

M. Jean-Pierre Beysson - Oui, nous avons une étude en cours.

M. le président - Elle dure depuis un certain temps, semble-t-il.

M. Jean-Pierre Beysson - Non. On nous parle des délocalisations de 1980 et 1990. On nous dit que celles-ci ont conduit à des surnombres. Il n'y a pas eu de surnombres ! Il est reconnu entre autres par la Délégation à l'aménagement du territoire que ces opérations, qui ont été conduites et reconfigurées par des gouvernements successifs, sont exemplaires.

A la différence de la plupart des opérations de délocalisation de l'administration centrale, ce ne sont pas des délocalisations de postes, mais des déménagements de fonctionnaires qui sont partis avec leur poste pour Toulouse.

Nous avons, de notre propre chef, décidé de faire une opération complémentaire de délocalisation d'une partie de notre direction des systèmes d'observations de Trappes. Il n'a jamais été prévu que la totalité de cette direction serait transférée, et ce pour une raison extrêmement simple : si les opérations de 1980 et de 1990 ont réussi, c'est précisément parce qu'il restait en région parisienne un volant de postes pour que les agents qui ne souhaitaient pas déménager à Toulouse puisse avoir une réaffectation dans un poste en région parisienne ! Cette direction a servi à gérer le problème de la délocalisation à Toulouse.

Il y a maintenant à Trappes des agents qui ont échappé à trois délocalisations ; on savait que c'étaient des gens qui avaient des problèmes familiaux, de travail ou autres, qui ne pouvaient déménager. Nous avions dès le départ conscience que nous pouvions faire une opération de délocalisation partielle avec les nouveaux agents arrivés récemment. Nous avons fait une opération qui a sa logique technique : en effet, nous avons délocalisé à Toulouse des unités qui avaient des liens fonctionnels forts avec les directions centrales, en laissant à Trappes ceux qui avaient moins de liens avec Toulouse.

Un jour, l'ensemble de la direction des systèmes d'observation de Trappes déménagera à Toulouse, lorsque le renouvellement des générations fera qu'une majorité d'agents sont prêts à y aller.

Je signale que Météo-France a des personnels techniques ayant un statut propre. Il n'y a pas de mutation d'office dans la fonction publique, sauf erreur de ma part. Si l'on fait une opération de délocalisation autoritaire, on sera donc obligé de créer ces postes en surnombre à Toulouse pour tous ceux qui ne pourraient pas y aller. Cette opération se fera sans doute à une échéance de 5 à 6 ans.

Quant à l'Alma, c'est une toute autre opération, qui consiste à considérer que le siège de Météo-France n'a peut-être pas à demeurer dans un lieu aussi prestigieux. Nous sommes en train d'étudier cette affaire, mais elle est récente. Nous l'avons évoquée lors de la négociation de notre contrat d'objectif. J'ai une réunion avec mon ministre la semaine prochaine pour en parler. C'est une affaire qui avance.

M. le président - L'Alma pourrait donc aller à Trappes ?

M. Jean-Pierre Beysson - En effet. On est en train d'en étudier les conditions. C'est une opération délicate, car une grande partie des agents du siège ont leur domicile à l'Est de la région parisienne, mais je pense que cela se fera.

Concernant le territorial, on pourrait considérer - c'est un choix politique - que la présence d'un centre technique de Météo-France dans chaque département n'est plus nécessaire et que le gain que cela représente en termes d'affinement de la prévision n'est pas à la mesure du coût supplémentaire que cela représente.

M. le président - Vous l'avez proposé ?

M. Jean-Pierre Beysson - Nous ne le proposons pas pour une raison très simple : nous faisons la même chose depuis des années sans afficher ce torchon brûlant qui consisterait à dire que l'on va revoir la carte des centres départementaux. C'est inutile de le faire, dans la mesure où la pyramide des âges de Météo-France est plutôt décalée vers le bas par rapport à celle de la fonction publique. Assez peu de départs à la retraite sont prévus dans les années qui viennent. Afficher une opération que nous ne saurions pas faire, dans la mesure où on ne sait pas muter des agents d'office, ne sert à rien !

M. le président - Le déterminant de vos options, c'est donc le corps social ?

M. Jean-Pierre Beysson - Pas du tout ! Nous considérons que la présence de Météo-France dans chaque département a son utilité et sa justification, mais aussi qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait plusieurs installations dans le même département. Nous avons, dans cette logique, fermé de nombreuses stations ces dernières années - Luce la Croix Haute, Embrun, toutes les îles du canal du Mozambique, Le Touquet, Dinard, Saint-Nazaire - et nous allons en fermer encore.

C'est ce qui explique qu'en 2002 et 2003, nous avons redéployé 230 emplois pour faire face aux missions nouvelles qui sont les nôtres dans le domaine du service public - surveillance de la qualité de l'air, océanographie, biométéorologie, enfin, suite à la canicule et aux grands froids.

On pourrait imaginer, plus tard, de réaliser ces redéploiements non plus pour développer de nouvelles missions, mais pour réduire la masse de l'établissement. C'est possible.

M. le président - Si vous nous dites que, scientifiquement, il n'y a pas de justification à maintenir un centre dans chaque département...

M. Jean-Pierre Beysson - Je n'ai pas dit cela ! Nous considérons, nous, que c'est un gain, mais on pourrait considérer politiquement que ce gain n'est pas à la mesure du surcoût que cela représente. C'est une question politique. Je pense que ce ne serait pas nécessairement une bonne chose.

M. François Perdrizet - La question des trois niveaux a été une décision explicite du ministre, soulevée dans le rapport de la mission d'inspection.

J'ajoute que tous les centres départementaux ne se ressemblent pas. Dans certains, cela a un sens technique, du fait des spécificités locales, de maintenir une implantation forte de Météo-France ; dans d'autres cas, il y a un regroupement possible.

Plutôt que de donner au président consigne de prendre position pour tous les centres, on lui a demandé, dans le cadre de la réduction des effectifs prévus au contrat, de gérer au mieux l'évolution, de façon raisonnable et compatible avec le corps social.

M. Jean-Pierre Beysson - Je suis un pragmatique : redéployer 230 emplois sans faire une guerre dans l'établissement - et c'est un établissement socialement difficile - est tout aussi bien qu'afficher un principe qu'on ne saura pas mettre en oeuvre ! C'est ma position.

M. le président - Gestion du personnel : 3.700 agents. Cela fait beaucoup de monde !

M. Jean-Pierre Beysson - En effet, surtout si on le compare aux 1.800 du Met Office !

Tout d'abord, je ne considère pas le système anglais comme un modèle pour le système de service public à la française !

En second lieu, le Met Office n'a rien à voir avec Météo-France. Le Met Office n'a pas de chercheurs ; nous en avons 250. Le Met Office n'a pas de responsabilités outre-mer ; nous avons 500 personnes outre-mer. Le nouveau directeur du Met Office, qui vient du service météorologique américain, considère qu'ils sont allés beaucoup trop loin dans la concentration des services et est en train de réfléchir à la création de nouvelles unités régionales pour éviter de tout concentrer à Exeter, comme c'est le cas actuellement.

Il est dit que cet effectif a été stable. C'est vrai en effectif réel ; en réalité, l'effectif réel a été maintenu parce que nous avons une politique de récupération du temps partiel et une gestion plus dynamique des emplois vacants. Les effectifs budgétaires sont passés de 3.837 à 3.725. Si l'on neutralise les effets des 75 emplois créés pour la RTT, on a 185 emplois en moins, soit - 5 % des effectifs sur la période considérée.

Nous estimons donc, de ce point de vue, avoir apporté notre contribution à la maîtrise des dépenses publiques !

Vous ne tenez pas un service permanent sans un effectif de 8 personnes. Je ne pense pas que la norme d'armement de nos postes permanents soit démesurée par rapport à celle qui existe dans beaucoup d'autres services permanents, où les coefficients sont sensiblement supérieurs aux nôtres.

M. le président - Ce n'est pas ainsi que l'on maîtrise la dépense publique !

M. Jean-Pierre Beysson - Nous l'avons maîtrisée ! Nous avons supprimé à peu près 15 % de nos postes permanents ; cela représente une centaine d'emplois. Bien entendu, lorsque nous pouvons le faire techniquement, nous les transformons au moins en semi permanents.

Le rapport laisse entendre que c'est pour un problème de choix social. Ce n'est pas le cas ! La veille météorologique H 24 est une obligation. Ce n'est pas pour faire plaisir aux personnels que l'on a des agents H 24 à Roissy, Orly, sur toutes les grandes plates-formes aéroportuaires, dans les centres régionaux et à Toulouse !

Je veux d'ailleurs corriger ce qui a été dit tout à l'heure. On a dit que le noeud central de Météo-France était les directions régionales. Non ! Ce sont à la fois les directions régionales et les directions centrales qui sont à Toulouse. Tout cela est indissociable. C'est une chaîne continue.

Un paragraphe du schéma directeur de la prévision qui a été cité tout à l'heure illustre bien les réserves méthodologiques que l'on peut faire sur ce rapport : il évoque un document que je connais bien puisqu'il est de ma plume ! Il date de 1997 et était destiné à préparer ce que nous avions appelé les « ateliers de la prévision ». Afin de montrer que la réforme était indispensable, on avait accentué les défauts qu'on avait à corriger. Le schéma de la prévision qui en a découlé a d'ailleurs mis en place un partage très net des compétences entre Toulouse, les directions régionales et les centres départementaux.

On pourrait dire la même chose des 15 ou 20 autres citations : ce sont le plus souvent des documents rédigés pour faire progresser la prise de conscience de la nécessité d'une réforme. Je trouve donc assez singulier de nous opposer ces documents.

M. le président - La Cour dit que la gestion prévisionnelle des emplois est modeste.

M. Jean-Pierre Beysson - Oui, c'est vrai, nous sommes d'accord avec la Cour.

M. le président - Nous avons vu par ailleurs que les modalités de gestion du temps de travail étaient spécifiques.

M. Jean-Pierre Beysson - On trouve le temps de travail coûteux : les personnels en service permanent qui travaillent les samedis, dimanches, jours fériés, ont un temps de travail inférieur de 10 % à celui des gens qui ont des horaires de bureaux. Ils travaillent 1.413 heures au lieu de 1.600 heures.

Peut-on considérer que c'est un avantage démesuré pour des gens qui travaillent la nuit, les dimanches, les jours fériés ? Nous ne le pensons pas, d'autant que le montant des majorations horaires attribuées à nos personnels par rapport à ce qui existe à l'équipement est infiniment moins avantageux, en particulier pour les horaires de nuit !

Contrairement à ce qui est dit, il y a eu des périodes où les postes permanents étaient très difficiles à pourvoir. Il a même fallu, à une certaine époque, rajouter des primes spécifiques aux prévisionnistes en service permanent pour que ces postes soient pourvus. Nous avons aujourd'hui, à la demande du comité d'hygiène et de sécurité un rapport de la médecine du travail sur les conséquences du travail de nuit ; celles-ci ne sont pas contestables !

On nous dit ensuite que le système mis en place à l'occasion de la RTT l'aurait été de façon irrégulière et outrageusement favorable.

Pour ce qui est de l'irrégularité, j'ai déjà répondu.

M. le président - Je n'ai pas entendu cela !

M. Jean-Pierre Beysson - Si, c'est écrit ! Et l'on cite à nouveau une propre note de ma part ! C'est extraordinaire ! La preuve apportée par la Cour des Comptes est une note du président directeur général. Je trouve cette façon de faire étonnante !

Encore une fois, le problème de la pause méridienne a été traité par un arrêté. Pourquoi ? C'est extrêmement simple. La négociation de la RTT a duré plus d'un an - un an de conflit social. Il apparaissait clairement, par des chiffres irrécusables, qu'un personnel en horaire de bureau gagnait 169 heures du fait de la RTT et qu'un personnel en horaire permanent gagnait 99,9 heures. En effet, nous n'avons compensé que la moitié des emplois qui auraient dû résulter de l'effet mécanique de la RTT.

Pour assurer 365 vacations de jour et autant de vacations de nuit, il faut bien que les personnes soient là. Soit vous réduisez leur temps de travail, soit vous augmentez les effectifs. L'effectif, sur proposition de Météo-France, n'ayant été augmenté que de la moitié de son effet mécanique - 75 emplois au lieu de 150 - il fallait faire des gains de productivité qui ont été faits.

C'est pourquoi nous avons supprimé environ 15 % des postes permanents. Comme ils étaient à 99 heures au lieu de 160 heures, nous avons dû accepter, comme c'était le cas depuis les années 1980, que la pause méridienne continue à être comptée dans le temps de travail pour les personnels en horaires permanents.

Du fait de l'absence de compensation mécanique de la RTT en créations d'emplois, nous avons autoritairement limité la réduction du temps de travail à 32 heures.

Auparavant, ces personnels en horaires permanents, du fait des bonifications horaires, travaillaient autour de 35 heures ; du fait de la RTT, ils auraient dû travailler autour de 30 heures avec les bonifications. Comme nous n'aurions pu remplir les tableaux de service pour l'ensemble des postes qui existaient, indépendamment de ceux qu'on a supprimés, on a limité à 32 heures. Ainsi, la mécanique a pu tourner, mais on a eu un an de conflit social.

Pensez-vous, si le système avait été avantageux comme on le laisse entendre, qu'on aurait eu plaisir à avoir un tel conflit, qui ne s'est jamais résolu par un accord avec les organisations syndicales ? Il a fallu imposer une décision. L'accord est toujours considéré comme désavantageux puisque, au bout du compte, ils ont eu une réduction de 129 heures au lieu de 169 heures pour les personnels en horaires de bureau.

De ce point de vue, ce n'est pas aussi noir qu'on le dit. Il n'y a pas eu de libertés masquées.

M. le président - Je confie un instant la présidence à M. Denis Badré, vice-président de la commission.

M. Denis Badré, président - Continuez, Monsieur le Président.

M. Jean-Pierre Beysson - La météorologie nationale, dans les années 80, a bénéficié d'augmentations d'emplois importantes. Le choix, à l'époque, a été d'empocher les augmentations d'emplois et de reporter l'étude de la situation indemnitaire des personnels.

Il en est résulté un écart considérable des régimes indemnitaires de l'ensemble des personnels techniques de Météo-France - ingénieurs, ingénieurs des travaux, techniciens.

Depuis 1996, au fur et à mesure des contrats d'objectif successifs, nous avons essayé de remettre à niveau ces régimes indemnitaires. A partir du moment où ces agents sont issus des mêmes concours, il y a un vrai risque de désaffectation si les situations offertes sont totalement déconnectées par rapport au ministère de l'équipement ou à l'IGN.

Les corps des ingénieurs issus de Polytechnique ont fusionné ; l'écart indemnitaire était gigantesque, presque du simple eu double. Parallèlement, nous nous sommes efforcés de remonter le niveau indemnitaire des ingénieurs et des techniciens.

Il est vrai qu'il y a une culture d'égalitarisme total très forte et que les syndicats auraient souhaité que ces augmentations ne changent rien à la hiérarchie des salaires telle qu'elle existait.

Nous avons largement élargi la hiérarchie des salaires qui existait auparavant à Météo-France ; les ingénieurs issus de Polytechnique, maintenant ingénieurs de Ponts et chaussées, ont eu une augmentation indemnitaire considérable. Dans les corps techniques en dessous, nous avons augmenté de manière prioritaire les grades des ingénieurs des travaux, ingénieurs et techniciens où les écarts étaient importants.

Nous n'avons donc pas donné satisfaction à la revendication des organisations syndicales de laisser la hiérarchie des salaires telle qu'elle était et de conserver le statut quo.

Cela n'a pas été le cas et les augmentations sont singulièrement plus importantes pour les ingénieurs divisionnaires des travaux que pour les ingénieurs du premier grade, où l'écart par rapport à leurs homologues du ministère de l'équipement n'était pas très important. L'observation ne me paraît donc pas pertinente : l'évolution a été importante !

Il est vrai que la rémunération au mérite est programmée dans notre contrat d'objectif pour 2007. Je signale que celui-ci a été strictement respecté depuis 1995 de manière scrupuleuse, aussi bien par l'Etat que par l'établissement. Tout ce qui est écrit a été mis en oeuvre. La rémunération au mérite sera mise en place en 2007 pour une raison financière, l'enveloppe prévue n'ayant pas permis de tout faire à la fois.

En 2006, nous commencerons par un accroc important à cette logique d'égalitarisme total. Nous avons créé une prime fonctionnelle. Les gens qui tiennent des postes de responsabilité toucheront une prime plus importante que leur collègue qui tient un autre poste. C'est aussi une modification profonde par rapport à la culture de l'établissement, totalement mésestimée dans le rapport mais qui n'en est pas moins vraie !

Concernant l'équilibre financier, la subvention à Météo-France a augmenté de 7,8 % sur l'ensemble de la période sous revue. Durant cette période, l'inflation a été de 14,9 %. La subvention accordée à Météo-France a donc diminué en volume de 7,1 % pendant cette période.

Pendant la même période, le budget de l'Etat a progressé en volume de 4,3 %. Nous avons donc apporté une contribution significative à la maîtrise des dépenses publiques. Il y a donc un écart de 10 % par rapport à l'évolution des dépenses générales du budget de l'Etat.

Dans le même temps, nous avons reversé à l'Etat 21 millions d'euros, grâce aux résultats importants de 2000. Nous avons financé quasi intégralement notre avion de recherche, soit 16 millions d'euros, ainsi que la délocalisation à Toulouse de notre direction des systèmes d'observation pour 6 millions d'euros. Au total, 42 millions ont été financés durant cette période par l'établissement sans peser sur la subvention de l'Etat. Ceci me paraît répondre à la question de savoir si l'on apporte une contribution à la maîtrise des dépenses publiques. Nous pensons que nous le faisons, même si les effectifs ont été maintenus en termes réels - mais réduits en effectifs budgétaires.

S'agissant des irrégularités de comptabilisation, certes, l'ensemble de nos immobilisations n'ont pas été portées au bilan et ne font donc pas l'objet d'amortissements. Où en est - on aujourd'hui ? Sur l'ensemble des immobilisations - et il y en a énormément puisque nous sommes installés dans l'ensemble des départements et souvent dans plusieurs endroits dans le même département - seule la Météopole n'a pas encore été inscrite au bilan de Météo-France. C'est un bien significatif, mais la valorisation de l'ensemble des ces immeubles ne nous a pas encore été communiquée par les services compétents.

J'ajoute que ces immobilisations qui se traduiront par des amortissements complémentaires sont, compte tenu de la durée de l'amortissement, marginales et n'affecteront pas de manière sensible le résultat des années qui viennent.

M. Jean Arthuis, président - Mais M. Bénard nous a dit que les comptes n'étaient pas, en l'état, certifiables. La LOLF a posé un principe de sincérité des documents financiers. Or, vous êtes dans un cas de figure où vous n'auriez pas la certification de sincérité !

M. Jean- Pierre Beysson - Il manque un bien : il sera inscrit dès que nous aurons l'évaluation des domaines. Il est déjà inscrit à l'inventaire de nos biens mais pas encore à notre bilan, pour la raison que j'ai indiquée. L'ensemble, peut-être à part quelques logements ou locaux, l'a été.

Quant à notre résultat 2004, il va pratiquement doubler par rapport au résultat 2003, lequel était déjà en progression sensible par rapport à l'année précédente. Nous étions à 4,7 millions d'euros : nous serons à 7,8 millions d'euros à la fin de l'année. La situation financière est bonne et je ne pense pas qu'elle soit menacée.

M. le président - Quant à la comptabilité analytique...

M. Jean-Pierre Beysson - La Cour a raison : je n'en dis pas plus.

M. le président - Vous vous engagez donc à la mettre en place ?

M. Jean-Pierre Beysson - Elle fonctionnera à l'automne.

M. François Perdrizet - C'est un point très important pour nous et je crois que Météo-France est vraiment en voie de réussir.

Un second point est important : il s'agit de la démarche qualité, qui consiste non seulement à satisfaire aux attentes, mais aussi à revoir tout ce qui dysfonctionne et qui coûte.

M. le président - La LOLF n'est pas seulement une peinture que l'on devrait passer sur les édifices en place : elle doit être l'occasion de remettre en cause un certain nombre de structures et d'organisations !

Monsieur le Président Bénard, vous avez été mis en cause à plusieurs reprises. Estimez-vous nécessaire d'apporter quelques précisions avant que M. Masseret ne prenne la parole ?

M. Jean-François Bénard - J'ai été un peu interloqué par les réponses du président de Météo-France car, sur un certain nombre de points, il semblait contester le constat fait par la Cour ; or, les phrases qui suivaient étaient la confirmation de ce que nous avions dit !

J'ai essayé de comprendre d'où venait sa véhémence. Je crois qu'elle repose sur une confusion quant à l'objet du rapport. Le rapport que nous avait demandé la commission des finances du Sénat est un rapport sur Météo-France, non sur la gestion de son président. Une chose est de dire que tel ou tel problème mérite d'être examiné à Météo-France ; une autre chose serait de dire - ce que nous ne disons pas - que ceci est de la responsabilité du président lui-même.

Je crois que le rapport a pointé un certain nombre de sujets sur lesquels des progrès sont possibles. Il n'est ni dans notre intention ni dans nos missions de dire qui doit les prendre en charge, mais je crois qu'il y a des sujets importants qui pourraient contribuer à l'amélioration de l'efficacité de la dépense publique.

M. le président - Cette approche est très exaltante : elle ouvre des marges de progression.

M. Jean-Pierre Beysson - C'est ce que l'on fait depuis des années ! J'aurais bien aimé que ce soit reconnu !

M. le président - Cela étant, « peut mieux faire » : cela est très encourageant !

M. Jean-Pierre Beysson - Bien sûr, on peut toujours mieux faire !

M. le président - La parole est au rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial - J'aurais presque envie de dire que si j'avais su, je ne serais pas venu ! Ou bien le rapporteur spécial ne sert à rien - ce qui a été démontré cet après-midi - ou bien on organise nos débats différemment pour lui permettre de poser lui-même un certain nombre de questions.

La tournure des événements ne l'a pas permis. Je le constate, je le regrette, je le condamne, point final !

Il serait surprenant qu'à cet instant, je puisse poser les questions qui pouvaient être soulevées à partir du rapport que la commission avait demandé. Si jamais on doit reproduire de telles auditions, il faudra peut-être s'y prendre autrement. J'ai assisté à une partie de ping-pong ou de tennis fonds de cours intéressante, où des questions ont été posées et des réponses apportées.

Une observation sur les rapports de la Cour. Je suis arrivé en même temps que vous au Sénat, Monsieur le Président ; le rapporteur général était Maurice Blin et j'avais la responsabilité à la commission des finances du rapport sur le rapport de la Cour des comptes. J'avais observé que lorsque la Cour se mêlait d'opportunité, elle était nettement moins bonne que lorsqu'elle faisait des observations purement comptables.

Je l'avais observé sur un point très particulier que je connais bien et que Gérard Longuet connaît tout aussi bien, à propos de la convention générale de protection sociale de la sidérurgie. La Cour trouvait le système tout à fait anormal, ce à quoi j'avais fait observer que, quand on perd 100.000 emplois, il faut bien avoir des réponses politiques !

Ce sont toutes les observations que j'avais à faire à cet instant.

M. le président - Je tiens à vous dire que nous organisons ces auditions contradictoires depuis plus d'un an. A chaque fois, nous donnons d'abord la parole à la Cour, en insistant sur le fait qu'elle doit contenir ses observations sur l'essentiel et éviter les considérations purement rhétoriques.

A la suite de ces observations, le gestionnaire apporte ses réponses, puis viennent les questions des membres de la commission des finances.

La parole est aux commissaires.

M. Maurice Blin - Je retiens de cette audition - vive mais très intéressante, en dépit de ce que disait à l'instant M. Masseret - le sentiment que vous obéissez à une loi non écrite mais toujours respectée par la fonction publique à la française : la qualité n'a pas de prix !

Indiscutablement, votre service, que je connais mal, est certainement, en qualité, l'un des meilleurs. Toutefois, notre rôle est d'essayer, compte tenu de la rigueur des temps, de voir si l'on ne peut d'abord fixer un coût puis, ensuite, assurer la meilleure qualité possible.

On a l'impression, dans bien d'autres domaines, par exemple l'armement, que cela a été plutôt l'inverse : on faisait un merveilleux outil qui coûtait plus cher que prévu et que l'on vendait quelquefois mal !

Ma seconde question - je sais que vous ne pouvez me répondre - est la suivante : les 3.700 agents, qui sont certainement de très bonne qualité, sont fonctionnaires et ont le bénéfice et la lourdeur de ce statut.

Peut-on s'interroger sur ce que représenterait un assouplissement profond d'un tel statut ? Je ne sais ce que font nos voisins, concurrents, rivaux, partenaires. Peut-être y a-t-il d'autres services qui fonctionnent moins bien que le nôtre mais qui coûtent moins à la Nation et qui ont plus de souplesse.

Pour faire reconnaître l'application de la RTT, il a fallu un an de discussions. Que de temps perdu, de mal supporté et de tensions inutiles !

Je m'arrête. On pourrait parler bien davantage, mais j'ai beaucoup appris de vous et vous en remercie.

M. Jean-Pierre Beysson - Sur le premier point, vous avez raison. Il est clair que c'est une responsabilité politique que de dire : « Voilà le prix que l'on veut payer pour ce service ».

Ma responsabilité est de négocier avec l'Etat un contrat d'objectif. C'est le cas depuis 1995 et l'on négocie dans ces limites-là. Lorsque celles-ci sont fixées, nous faisons ce qu'il faut pour atteindre les économies retenues par le Gouvernement.

Je rappelle que nous avons réduit la subvention de l'Etat de 7 % en volume. Pendant la même période, le budget de l'Etat progressait, lui, en volume, de plus de 4 %. On a donc pesé sur la dépense publique 10 % de moins que la moyenne générale des dépenses de l'Etat. On a apporté une contribution, qui se poursuit. Elle est encore renforcée dans le nouveau contrat d'objectif.

Je pense que gérer le domaine social tout en maintenant un niveau de qualité élevé n'est pas un mauvais « deal » pour la collectivité nationale. Je suis assez fier d'avoir fait évoluer ce service public, contrairement à ce que pense la Cour, tout en pesant moins sur la dépense publique !

Quant à un statut différent, j'ai été directeur général d'ADP. J'avais un préavis par jour. La grande différence par rapport à Météo-France, c'est que l'on pouvait négocier. Là, la vraie négociation, c'est la satisfaction intégrale du cahier de revendications des organisations syndicales. C'est l'univers dans lequel nous sommes. Ce n'est effectivement pas facile et c'est ce qui explique que, pendant un an, on a discuté durement - et il y a eu des moments très tendus - la mise en place de la RTT.

M. le président - Vous comprenez que c'est aussi le rôle du législateur que d'être l'observateur de ces situations et peut-être d'être à vos côtés pour que ceux qui négocient sachent que ceci se fait devant l'opinion publique. Nous avons des comptes à rendre aux Français.

J'aurais une simple question : comment se fait-il que vous ayez un peu plus de 30 millions d'euros de valeurs mobilières de placements et à peu près le même montant de disponibilités, soit 60 millions d'euros à l'actif de votre bilan ? C'est bien, mais est-ce de la bonne gestion de trésorerie pour l'Etat ?

M. Jean-Pierre Beysson - Nous sommes un établissement public administratif ; la responsabilité de la gestion de la trésorerie est celle de l'agent comptable et non de l'ordonnateur. Il se trouve que le comptable a une gestion extrêmement prudente ; il a placé la moitié de ses disponibilités en valeurs du trésor. C'est encore un indice du fait que la situation financière de l'établissement est bonne !

M. le président - La subvention pourrait peut-être être ajustée en fonction de vos capacités de trésorerie.

M. Jean-Pierre Beysson - On l'a fait !

M. le président - Nous allons clore cette audition contradictoire qui a été passionnante. Elle a duré plus longtemps que prévu.

Nous sommes bien conscients que l'art de réformer n'est pas un art facile...

M. Jean-Pierre Beysson - On l'a fait.

M. le président - Il est peut-être important que l'ensemble des 3.700 collaborateurs de Météo-France sachent que nous avons de la considération pour la mission qu'ils accomplissent, mais que nous avons aussi l'obligation de veiller avec eux à ce que l'efficacité de la dépense publique soit une exigence forte.

C'est ainsi que nous concevons notre mission de parlementaires. Nous souhaitons accomplir des contrôles, nous faire aider par la Cour des comptes et veiller à ce que le contrôle ne reste pas un rapport qui trouve sa place immédiatement dans un placard. S'il y a des contrôles, s'il y a des observations, c'est pour tenter d'améliorer la gestion !

Merci. Bon vent à Météo-France, qu'il soit un vent modéré, un vent salvateur !

Je voudrais vous demander l'autorisation de publier le rapport de la Cour. Il y sera bien sûr ajouté les réponses du président de Météo-France, du représentant du ministère de l'équipement et, avant que de le publier, nous vous soumettrons, Messieurs, le compte rendu de vos propos.

La commission est-elle favorable à cette proposition ? La commission y est favorable. Je vous en remercie.

La séance est suspendue quelques instants.

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