LA PRESSE

Cette partie s'appuie notamment sur un certain nombre d'entretiens menés par le BIPE avec des éditeurs de presse (HFM, Prisma, La Dépêche du Midi) et des organisations professionnelles du secteur (SPQR, SPMI) 96 ( * ) .

La presse est le seul secteur des quatre « secteurs interdits » a être dès aujourd'hui totalement ouvert à la publicité télévisée. Il est particulièrement intéressant d'analyser les circonstances de cette ouverture et ses premiers impacts, dans la mesure où la situation juridique est susceptible d'évoluer pour les trois autres secteurs à l'avenir et en fonction des conséquences perçues pour la presse.

PROCESSUS D'OUVERTURE ET POSITIONS DES ACTEURS

La presse magazine française a été à l'origine du processus politico-juridique ayant débouché sur l'ouverture de la presse, mais a indirectement fourni des éléments juridiques qui ont été appliqués par la Commission européenne aux trois autres secteurs.

Le SPMI (Syndicat de la Presse Magazine d'Information) a lancé un recours auprès de la Commission européenne en ce sens en octobre 2001 , afin de modifier le décret de 1992 qui interdisait l'accès de la presse à la publicité télévisée.

En 2001, le groupe de presse EMAP UK a écrit à M6 pour lui proposer une campagne de publicité pour le lancement du magazine FHM en France. M6, suivant la réglementation, a été obligé de refuser la campagne. Ce fut le prétexte pour transmettre une plainte devant la Commission, fondée sur les 3 éléments juridiques suivants :

4. Entrave à la libre prestation de services au sein de l'Union Européenne : une régie publicitaire doit pouvoir proposer ses services à n'importe quelle entreprise de l'UE.

5. Entrave à la libre circulation des marchandises dans l'UE: la télévision est le médium publicitaire incontournable en France. Ne pas y avoir accès, pour une marque, limite les possibilités de pénétration du marché français, et notamment pour un acteur étranger, peu implanté en France

6. Non proportionnalité de l'entrave à la concurrence par rapport aux objectifs d'intérêt général poursuivis. L'interdiction de la publicité TV n'est plus nécessaire pour garantir la protection de la presse.

• La publicité télévisée ne conduit pas automatiquement à une concentration du secteur. Le pluralisme concurrentiel et politique de la presse existe tout aussi bien dans les pays où la presse a accès à la TV : le nombre de titres de presse quotidienne est par exemple plus important au Royaume-Uni ou en Allemagne qu'en France.

• Il existe en France des mesures de soutien économique à la presse qui garantissent le maintien du pluralisme et notamment le maintien des titres à faibles revenus publicitaires.

• Cette interdiction peut être contre-productive pour la diffusion et l'économie de la presse : les éditeurs ont besoin de communiquer en direction du grand public et en particulier auprès des jeunes. La presse payante a besoin de faire valoir sa différence par rapport à la presse gratuite ; les titres de presse magazine ont besoin « d'émerger » devant l'abondance de l'offre, l'encombrement et la raréfaction des points de vente, et la méconnaissance d'une partie du public.

Enfin, les éditeurs ont mis en avant que cette interdiction était contournée, de deux manières au moins :

- par le parrainage (magazines de télévision notamment) ;

- par les « produits composites », qui proposent un objet (DVD, figurine en plomb) et un magazine secondaire : la publicité TV leur était ouverte tant que le magazine était considéré comme secondaire.

Les éditeurs français ont été cependant assez divisés sur l'opportunité de l'ouverture.

D'une manière générale, les grands éditeurs ayant un portefeuille de titres diversifié et une surface financière leur donnant accès au ticket d'entrée TV ont été favorables à l'ouverture. Ils constituent d'ailleurs l'essentiel des membres du SPMI. Les plus petits éditeurs et les éditeurs mono-support, dont la plupart des membres du SPPMO, ont été beaucoup plus réticents. Ils ont regretté l'absence de progressivité et déclaré craindre l'effet concentration.

La ligne de partage a cependant été plus complexe que cela, puisque Prisma et Socpresse, soit deux des quatre plus grands éditeurs français, ont co-signé une lettre ouverte aux pouvoirs publics dans laquelle ils ont prévenu : « Vous allez précipiter la disparition des éditeurs indépendants, au profit des éditeurs multi-médias les plus puissants ».

Figure 80 : Position des acteurs vis-à-vis de l'ouverture

Acteurs favorables

Acteurs défavorables

Hachette Filipacchi Média

SPMI

AACC

EMAP

Amaury

Prisma

SPPMO

Socpresse

Bayard

Le Monde

Source : BIPE

* 96 Voir liste complète des personnes interviewées en annexe.

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