OPPORTUNITÉS POUR LA PRESSE

D'après les éditeurs interrogés, la TV reste un médium incomparable en termes de puissance de feu instantanée, et est parfaitement adaptée pour un lancement.

Le cas le plus emblématique au cours du premier trimestre 2004 restera le lancement de « Télé 2 Semaines » . Pourtant militant anti-ouverture en 2003, Prisma a lourdement utilisé l'outil TV pour le lancement du premier magazine TV bimensuel ou « quinzomadaire ». Prisma a acheté 300 GRP 97 ( * ) sur la cible « ménagères de moins de 50 ans », soit un coût de 300*4 K€= 1,2 M€. D'autres magazines TV comme Télé Z ont contre-attaqué presque instantanément avec des dispositifs équivalents.

La presse TV paraissait un marché très difficile à pénétrer, avec 15 millions d'exemplaires diffusés par semaine 98 ( * ) et un taux de fidélité de 85%. En dépassant les 1,5 million d'exemplaires en quelques semaines seulement (pour un objectif affiché de 1 million d'exemplaires) 99 ( * ) , Prisma a montré que la conjonction d'un produit radicalement nouveau et d'une campagne de télévision puissante pouvait faire basculer très rapidement un marché.

Prisma et son agence Carat s'attendent à une explosion de leur budget marketing en 2004, pour pouvoir rivaliser dans la durée avec ses concurrents hebdomadaire ou quinzomadaire sur le segment TV, réputé jusqu'ici le plus rentable de la presse magazine.

Autre succès, le lancement de Le Monde 2 en tant que supplément hebdomadaire du Monde (précédemment un mensuel). Appuyé par une campagne TV de 300 000 euros, le titre a atteint rapidement un quasi doublement des ventes au numéro pour l'offre du week-end, d'après Le Monde. Dernier exemple, le magazine du groupe Condé Nast, Glamour , dont le lancement français a été soutenu par une importante campagne de publicité, a dépassé 360 000 exemplaires dès le premier numéro.

Pour un titre de presse quotidienne régionale comme La Dépêche du Midi (210 000 exemplaires/jours sur 10 départements), la publicité sur les chaînes locales présente un rapport coût/efficacité intéressant. Le titre a donc profité de l'ouverture pour communiquer sur France 3 Midi-Pyrénées et TLT au cours du premier semestre 2004 . Les frais techniques fixes sont également peu élevés puisque le groupe utilisera un film déjà produit, et utilisé pour une campagne cinéma fin 2003 : un film institutionnel, présentant le journal en 15 secondes, auquel sera ajouté un épilogue promotionnel de 5s. Afin d'augmenter ses ventes au numéro, La Dépêche a en effet proposé en mars un livre relié avec l'édition du samedi, avec une faible augmentation de prix, pendant 20 semaines consécutives.

1. Reconquérir les jeunes

Beaucoup éditeurs estiment que la publicité TV est un bon moyen de pallier ce manque de connaissance du public. De plus, la publicité TV permet de toucher un public qui lit peu la presse : les jeunes.

En ce qui concerne la presse quotidienne , la composante « déficit générationnel » de l'érosion de la lecture de presse est en effet une véritable bombe à retardement . Le schéma suivant illustre graphiquement cette grave menace. Le BIPE a segmenté la population française en générations d'appartenance et étudié leurs comportement de lecture de la presse en retraitant les données issues d'une enquête sur les pratiques culturelles des français, réalisée à 4 reprises par le Ministère de la Culture sur une période de 25 ans (1973-1997). Le schéma se lit de la manière suivante : «les membres de la génération `Algérie' (courbe en violet) ont été environ 55% à lire le journal tout au long de leur vie ; ils avaient ce taux moyen de lecture à l'âge 30 ans et l'ont conservé jusqu'à 60 ans, âge qu'ils avaient lors de la dernière enquête. Les membres de la génération précédente `Libération' (en noir) avaient été 60% à lire le journal jusqu'à 60 ans, avant de fléchir vers 70 ans».

Figure 81 : L'érosion du taux de lecture régulière de la PQ chez les jeunes générations

Une coupe verticale sur notre schéma montre qu'à 30 ans, les membres de la génération «Gorby» sont 25% à lire le journal « tous les jours ou presque » alors qu'à cet âge, ils étaient 30% chez les « Crise », 40% chez les «Mai 68» et, donc, 55% dans la génération « Algérie ». L'inertie du taux de lecture par rapport à l'âge sur une génération donnée, malgré les effets d'époque, l'évolution de l'offre d'information (radio, télévision), les effets de cycle de vie (diminution du temps de loisirs avec la présence d'enfants), est donc avérée sur toutes les générations depuis 1945. C'est un phénomène sociétal lourd lié au degré d'implication que suppose la lecture de la presse et la fidélité à un titre en particulier.

Si l'on suppose que les nouvelles générations (comme «Gorbatchev» et «Internet») vont, à leur tour, rentrer dans ce schéma d'inertie, la simple extrapolation de leur taux de lecture actuel conjuguée à la disparition programmée de générations fortement lectrices comme « Libération » va entraîner mécaniquement un fort recul du taux de lecture régulière de la presse quotidienne à moyen terme, si rien ne change dans l'offre et dans les comportements.

* 97 Gross Rating Point : 1% de la population française dans la cible est touchée.

* 98 10 millions d'exemplaires vendus, plus 5 millions d'exemplaires de suppléments TV en PQ.

* 99 Interview d'Axel Ganz, Le Monde, 13 janvier 2004.

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