2. La distribution au coeur des enjeux

Les enjeux de l'ouverture de la publicité télévisée sont concentrés sur les comportements de la distribution.

Pour le livre , la libéralisation a, jusqu'à présent exercé des effets très limités.

La presse s'est bien davantage impliquée. Ses investissements publicitaires ont atteint en 2004, première année d'application du décret, un montant de l'ordre de 70 millions d'euros bruts qu'on peut juger important.

Pour l'essentiel, les campagnes qu'elle a lancées ont été conformes aux attentes qui les voyaient concerner, plus particulièrement, l'édition de nouveaux titres. C'est pourquoi un léger reflux est prévisible qui conduit le BIPE à estimer autour de 50 millions d'euros nets par an l'impact de l'ouverture.

INVESTISSEMENTS PUBLICITAIRES DES 4 SECTEURS ÉCONOMIQUES
CONCERNÉS PAR L'OUVERTURE

(en M€ bruts, en 2002)

Source : BIPE

Des quatre secteurs économiques, la distribution est le plus développé, et celui pour lequel les investissements publicitaires sont, aujourd'hui, et de loin, les plus importants : les enseignes de distribution ont dépensé environ 2 milliards d'euros bruts en 2003 dans les grands médias, contre 1,8 milliard d'euros en 2002, soit 12% des dépenses totales de publicité (médias et hors-médias).

Le comportement des annonceurs de la grande distribution sera donc naturellement décisif .

Toutes les estimations s'accordent sur l' impact limitatif de la restriction du champ publicitaire à des messages non promotionnels, même si l'étude du BIPE suggère que, par ses structures, la grande distribution française peut trouver un réel intérêt à l'ouverture, même partielle, de la télévision .

STRUCTURES DE LA GRANDE DISTRIBUTION ET STRATÉGIES PUBLICITAIRES
_______

La grande distribution a adopté des stratégies publicitaires très différenciées en Europe.

Par exemple, elle recourt largement à la publicité télévisée au Royaume-Uni et très marginalement en Allemagne, malgré l'existence, dans ce pays de chaînes régionales puissantes.

Dans l'ensemble de l'Europe , la télévision détient une PDM moyenne de 25 % des dépenses publicitaires de la distribution , et le premier média sur ce créneau est la presse quotidienne, avec près de 40 %. La puissance de la radio et de la presse écrite (PE), sur la distribution comme sur l'ensemble du marché publicitaire, constituent des « exceptions françaises », qui résultent sans doute assez largement de l'interdiction de la publicité télévisée.

Cependant, en Allemagne la PDM de la télévision est dans la moyenne européenne , alors qu' au Royaume-Uni elle s'élève à 45 % . Ces différences s'expliqueraient par des profils nationaux différents.

Une grande distribution (à l'anglaise) constituée d'enseignes nationales unitaires (et non franchisées) présentes sur tout le territoire, et plutôt « qualitative » (faible part du « hard discount ») trouverait dans l'utilisation du média TV aux fins de promouvoir son image un vecteur efficace.

Au contraire, un tissu de magasins (à l'allemande) indépendants franchisés à une centrale d'achats, d'importantes hétérogénéités dans l'implantation régionale de ces enseignes et un poids important du « hard discount » représenteraient autant de facteurs défavorables à la télévision et favorables aux médias de proximité ou au « hors média ».

En effet, la grande distribution réunit en France des caractéristiques qui favorisent l'exploitation de l'opportunité offerte par le décret.

Tout comme au Royaume-Uni, la structure de la distribution est marquée par :

la concentration : les cinq premières enseignes de distribution représentent 60 % de la grande distribution française (grande distribution au sens large, incluant les enseignes spécialistes de meubles ou de produits culturels). Le marché total 2002 de la distribution représente 199 milliards d'euros pour les principales enseignes (les vingt cinq premières), et environ 322 milliards d'euros au total.

LES PRINCIPAUX DISTRIBUTEURS GÉNÉRALISTES EN FRANCE EN 2002

Enseignes

Nombre de magasins

CA en milliards euros

% du marché total en valeur 15 ( * )

Carrefour

3 196

38

19 %

Intermarché

4 292

26

13 %

Leclerc

541

22

11 %

Casino/Rallye

6 142

17

9 %

Auchan

361

17

9 %

Total

14 532

120

61 %

Source : Mintel Retail Intelligence, 2002

l'homogénéité et une couverture nationale : les « leaders » sont présents sur tout le territoire ;

un modèle de service : la distribution y est plutôt « haut de gamme » par rapport aux situations où le « hard discount » est plus développé ;

un modèle économique bâti sur des réseaux de succursales plutôt que sur des enseignes franchisées (type Leclerc).

Ainsi, la grande distribution française pourrait adopter une stratégie publicitaire plus proche de celle du Royaume-Uni que de celle de l'Allemagne , même dans le cadre de la libéralisation limitée qui est intervenue.

Il s'en suivrait une redistribution des dépenses publicitaires, l'hypothèse retenue par le BIPE étant que la publicité absorberait une proportion des dépenses publicitaires de la grande distribution intermédiaire entre les situations anglaise (45 % du total) et allemande (25 % du total), soit de l'ordre de 35 %. Cette réallocation entre médias des investissements publicitaires de la distribution constituerait l' effet essentiel de l'ouverture du marché de la publicité télévisée, l'augmentation de la capacité publicitaire résultant de l'ouverture ne devant accroître l'effort promotionnel, lorsque les chaînes hertziennes seront accessibles, que de 2 à 3 %.

Au total, le BIPE estime que, dans une hypothèse basse, la mesure devrait apporter 117 millions d'euros nets de recettes supplémentaires à la télévision , une fois prise en compte l'augmentation de la dépense globale (cf. tableau de la page suivante) .

Les enseignes augmenteraient leurs investissements globaux de 2 %, réduiraient leurs investissements « hors média » de 1,5 % et le parrainage TV de 50 %. Par ailleurs, des transferts interviendraient entre médias au profit de la télévision dont les taux seraient variables mais resteraient limités.

Dans ce scénario, le gain en spots publicitaires, pour la première année, est de 137 millions d'euros. Compte tenu des transferts affectant le parrainage, le gain net pour les chaînes serait de 117 M€.

IMPACT DE L'OUVERTURE (HYPOTHÈSE BASSE)

Net distrib 2003

Augmentation

Hypothèse de transfert

Résultat

PDM avant

PDM après

Impact net (augmentation+transfert)

2,0%

Taux

Montant

Montant

Taux

Hors média

3 000

3 060

-1,5%

-46

3014

Parrainage TV

40

41

-50%

-20

20

5%

3%

-20

PE

208

212

-12%

-25

187

28%

24%

-21

-10%

Radio

155

158

-12%

-19

139

21%

18%

-16

- 59 -

-10%

PQR

155

158

-6%

-9

149

21%

19%

-6

-4%

PQN

10

11

-10%

-1

10

1%

1%

-1

-8%

Magazine

148

151

-10%

-15

136

20%

17%

-12

-8%

Total presse

314

320

-8%

-26

294

43%

37%

-19

-6%

Spots TV

16

16

136

152

2%

19%

137

Total GM (hors cinéma, Internet)

733

707

46

793

100%

100%

61

8%

Total TV (parrainage + spots)

56

57

116

173

117

210%

Source : BIPE

Guide de lecture :

Le tableau se lit ainsi : en 2003, la distribution a consacré 40 millions d'euros au « parrainage TV » (colonne 1).

Le décret se traduirait par une augmentation de 2 % de ces dépenses (colonne 2), mais la moitié de celle-ci (colonne 3) serait transférée vers la publicité télévisée, si bien que le montant résiduel des dépenses de parrainage s'établirait à environ 20 millions d'euros (colonne 5), soit 3 % (colonne 7) des dépenses de la distribution contre 5 % auparavant (colonne 6).

Le BIPE a chiffré une deuxième hypothèse , où l'impact de la libéralisation sur les investissements publicitaires totaux est plus fort et où les taux de transfert entre supports publicitaires seraient plus favorables à la télévision .

Cette deuxième hypothèse est associée à un scénario d'ouverture plus nette mais on peut également la considérer comme illustrant les incertitudes sur les effets du décret de 2003 et représentant le haut de la fourchette des résultats prévisibles de celui-ci.

Les ressources supplémentaires nettes gagnées par la télévision s'élèvent à 168 millions d'euros , ce qui représenterait 5,8 % de recettes publicitaires en plus, et 2,2 % de gain en termes de chiffre d'affaires.

* 15 Rapporté au CA total des 25 premières chaînes de distribution en France.

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