C. DISCOURS DE M. JACK STRAW, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMONWEALTH, REPRÉSENTANT LA PRÉSIDENCE BRITANNIQUE ENTRANTE DE L'UEO/UE (Mercredi 15 juin 2005) (2 ( * ))

« M. le Président, étant donné que le Royaume-Uni va prendre la présidence de l'UE dans tout juste seize jours, nous nous félicitons de vous présenter, dans cette enceinte interparlementaire qui réunit des parlementaires nationaux de toute l'Europe, un tableau d'ensemble de nos projets pour le prochain semestre en ce qui concerne la politique européenne de sécurité et de défense. En même temps, nous assumerons la présidence de l'UEO de juillet 2005 à juillet 2006 et nous en réjouissons.

« Depuis sa naissance à Saint-Malo en 1998, la politique européenne de sécurité et de défense a parcouru un long chemin. Elle a émergé du désir de voir l'UE apporter une contribution sérieuse au règlement des crises internationales. Notre expérience dans les Balkans dans les années 1990 a montré que pour aider à résoudre les conflits, l'UE avait besoin non seulement de coordonner sa réaction sur le plan interne, mais aussi de veiller à disposer de capacités de défense propres, à la fois compatibles avec celles de l'OTAN et complémentaires de celles-ci. Pendant sept ans, l'UE a développé une panoplie exceptionnelle de capacités civiles et militaires de gestion de crise pour appuyer ses objectifs de politique étrangère et de sécurité commune.

« Ce sont les opérations qui sont le véritable banc d'essai de la PESD. Jamais l'UE n'a participé à autant d'interventions qu'aujourd'hui. Il n'y a pas moins de six missions de PESD en cours, de la mer Noire à l'Afrique. Pendant la présidence britannique de l'UE, nous ferons en sorte de poursuivre efficacement, au jour le jour, la gestion de toutes ces opérations. Sur le plan militaire, l'opération Althea en Bosnie se déroule bien. A ce jour, il s'agit de la plus vaste mission en matière de PESD, qui rassemble près de 6 500 soldats venant de 33 pays, sous le commandement du Général britannique David Leakey. Cette opération montre que la PESD peut fournir une contribution réelle aux objectifs politiques plus ambitieux de l'UE, dans ce cas précis la stabilité et la paix en Bosnie.

« Le Secrétaire général et Haut représentant de la PESC, Javier Solana, a déclaré lors d'un récent bilan des opérations : «  L'énergie et l'imagination du commandant de l'EUFOR et de son état-major et leur détermination à agir comme membres de la famille européenne sur le théâtre ont compté pour beaucoup dans l'efficacité globale de l'action de l'UE en Bosnie ». Althea est aussi une illustration éclatante du partenariat stratégique entre l'UE et l'OTAN sur le terrain et montre comment les Accords « Berlin plus » fonctionnent dans la réalité.

« Avec sa double casquette de Représentant spécial de l'UE en Bosnie-Herzégovine et de Haut représentant au titre des Accords de Dayton, Lord Ashdown a pu assurer la coordination entre les activités de la force et celles d'autres protagonistes de l'UE. Comme l'Assemblée ne l'ignore pas, l'examen par l'UE à la mi-novembre - dix ans après la signature des Accords de paix de Dayton - des tâches et du mandat de cette force marquera un tournant.

« Sur le plan civil, les trois missions de maintien de l'ordre de l'UE progressent bien. En Bosnie-Herzégovine et dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, l'accent est mis sur la promotion des normes européennes en matière policière. La première mission civile de l'UE en Afrique a été lancée en avril de cette année en République populaire du Congo. Son objectif est de contribuer à la mise en place d'une unité de police intégrée à Kinshasa, qui serait chargée de la protection des institutions et des autorités gouvernementales transitoires, et d'aider à maintenir la sécurité publique dans la capitale avant les élections qui doivent avoir lieu dans le pays.

« L'UE continue de développer ses capacités dans le domaine de la défense de l'Etat de droit et quand une mission s'achève avec succès, une autre lui emboîte le pas. L'UE appuiera les autorités de Géorgie dans la poursuite de l'excellent travail de réforme judiciaire amorcé dans le cadre de EUJUST Themis. EUJUST Lex s'attachera à soutenir la formation de la police et des forces de l'ordre en Irak en organisant en Europe des cours pour les cadres. L'UE aide aussi la police de l'Autorité palestinienne par le biais du bureau de son représentant spécial sur place. Bien entendu, nous suivrons soigneusement et reverrons toutes ces missions pendant notre présidence.

« Le Royaume-Uni a aussi l'intention de placer l'assistance à l'Afrique au coeur de sa double présidence de l'UE et du G8 cette année. Inciter la PESD à davantage d'initiative en Afrique en sera un élément essentiel. C'est pourquoi nous nous félicitons du lancement, la semaine dernière, de l'opération EUSEC, également en République populaire du Congo. Elle est destinée à appuyer la réforme du secteur de la sécurité dans ce pays en insistant sur la réintégration des anciennes forces armées, et c'est une première pour l'UE. Celle-ci s'est aussi employée à soutenir la mission AMIS de l'Union africaine au Darfour, notamment en fournissant une enveloppe de 90 millions d'euros par le truchement de la Facilité de soutien à la paix en Afrique de l'UE. De plus, l'UE envisage une palette d'aides pour répondre aux besoins de l'Union africaine, qui inclurait le transport aérien de troupes au Darfour, un soutien logistique, des équipements et des moyens et une formation de la police. L'UE coordonne soigneusement son assistance avec celle de l'OTAN. Le Royaume-Uni attend avec le plus grand intérêt le séminaire qu'organisera l'Assemblée en septembre sur le maintien de la paix en Afrique. Grâce à une participation africaine de haut niveau, il apportera une contribution précieuse en renforçant le dialogue et en faisant avancer les dossiers.

« Au fur et à mesure que la PESD intensifie son action dans le monde, il est aussi crucial que l'UE poursuive le développement de ses capacités : accroître l'efficacité de cette politique est donc le deuxième grand axe de la présidence britannique. Bien entendu, la question des capacités est déjà un sujet de préoccupation pour cette Assemblée, et je sais que l'expertise et les signes d'intérêt s'accumulent en son sein. Par exemple, je note que l'Assemblée a déjà discuté des questions d'acquisitions technologiques et de l'Objectif global 2010. Ce dernier relève d'un domaine dans lequel nous voulons faire progresser les choses.

« L'Objectif global 2010 veillera à ce que les forces de l'UE soient équipées et prêtes pour un déploiement interarmées durable et opérationnel. Le mécanisme de développement des capacités continuera de permettre à l'UE et à l'OTAN de coopérer afin que leurs capacités respectives soient complémentaires. Nous comptons terminer les travaux engagés par la présidence luxembourgeoise en effectuant une analyse opérationnelle des moyens nécessaires à l'UE pour lui permettre d'accomplir toute la gamme des missions militaires potentielles. L'UE a confié cette tâche à l'Agence de l'OTAN pour la consultation, le commandement et le contrôle et est en train de d'adapter le logiciel de l'OTAN pour établir le questionnaire que les membres utiliseront pour enregistrer leurs engagements. Ceci est encore un excellent exemple concret de la coopération entre les deux organisations. Dès que ce processus sera achevé, les Etats membres pourront commencer à proposer leurs contributions.

« L'un des outils essentiels dont l'UE s'est dotée pour améliorer les capacités est l'Agence européenne de défense. Pendant la présidence britannique, nous espérons parvenir à nous entendre sur un cadre de financement de l'Agence sur trois ans afin qu'elle puisse commencer à planifier ses activités dès 2006. L'un des premiers dossiers sur lesquels l'Agence devra se pencher est l'amélioration de la compétitivité en Europe grâce au développement d'un marché européen des équipements de défense. Nous sommes certains qu'avec les ministres européens de la défense siégeant au Comité directeur, l'Agence pourra renforcer sensiblement les capacités européennes.

« Dans le cadre du processus de rationalisation des activités en matière de capacités, l'Agence a pris les rênes du GAEO, dont le transfert va être achevé prochainement. Nous ferons en sorte que des arrangements administratifs adéquats soient mis en place pour les membres du GAEO non membres de l'UE, la Turquie et la Norvège, afin qu'ils puissent poursuivre leur étroite participation à ces activités.

« La présidence britannique continuera à travailler sur l'initiative des groupements tactiques. Les groupements tactiques britanniques et français sont prêts à intervenir depuis janvier, et l'Italie prendra bientôt notre relève. En mai, la Conférence de coordination des groupements tactiques a réussi à obtenir des Etats membres un engagement de mise en disponibilité pour tous les créneaux prévus jusqu'en 2007 sauf un. Pendant notre présidence, nous essaierons de combler cette lacune. Nous ferons aussi en sorte que les groupements tactiques restent compatibles avec la Force de réaction de l'OTAN.

« Le travail sur les capacités militaires ayant bien avancé, l'UE doit maintenant se concentrer sur la mise en place d'un processus similaire pour améliorer les capacités civiles. La Conférence d'engagement de capacités civiles qui a eu lieu en novembre 2004 a dressé la liste des capacités additionnelles affectées à la PESD civile par les nouveaux Etats membres et confirmé les engagements des autres pays. Cependant, la conférence a aussi souligné les défis majeurs que l'UE devra affronter dans un proche avenir. Ils concernent le déploiement rapide et l'acquisition, et la présidence britannique se concentrera sur ces deux éléments dans le cadre d'une action plus large visant à finaliser la liste des besoins et à s'accorder sur un plan d'amélioration des capacités.

« Le troisième thème de la présidence britannique est le renforcement de la cohérence de la PESD. Avec la large panoplie d'instruments à sa disposition, tant militaires que diplomatiques, l'UE devrait être à même de fournir une réponse tout à fait complète à n'importe quelle crise. Mais une coordination étroite entre toutes les institutions et tous les outils à la disposition de l'UE est cruciale.

« Dans le cadre de la PESD, la coordination sera une des fonctions clés de la nouvelle Cellule civilo-militaire qui s'est mise au travail le mois dernier. Pendant notre présidence, nous espérons que la cellule commencera à élaborer un cadre susceptible de soutenir un plan complet d'opérations avec des éléments tant civils que militaires. Nous mettons l'accent en particulier sur deux types d'opérations civilo-militaires : actions en cas de catastrophes naturelles et réforme du secteur de la sécurité.

« Dans le domaine de l'action en cas de catastrophes naturelles, nous poursuivrons l'oeuvre décrite dans le plan d'action approuvé par l'UE en janvier. Il est la résultante des leçons tirées de la réaction de l'UE au tsunami en Asie et constitue un élément central du développement des équipes de réaction civiles rapidement déployables. Dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité, nous ambitionnons de mettre au point un concept pour les opérations dans le cadre d'un secteur réformé de la sécurité de l'UE. Tout ceci découlera bien entendu des enseignements tirés de l'opération EUSEC en cours.

« Le principe d'un multilatéralisme efficace, lié à un renforcement des relations de l'UE avec les autres organisations internationales, étaiera toute cette activité destinée à rendre la PESD plus active, plus efficace et plus cohérente. Nous maintiendrons un dialogue étroit avec les Nations unies et veillerons à ce que l'UE contribue chaque fois que possible aux objectifs à long terme de paix et de sécurité des Nations unies.

« L'opération Artémis en 2003 a prouvé que l'UE pouvait réagir rapidement à une demande d'assistance des Nations unies. L'évolution des groupements tactiques signifie que nous serons à l'avenir encore mieux préparés à intervenir. Nous coopérons déjà avec les Nations unies dans plusieurs domaines et nous continuerons à le faire. La relation stratégique sera consolidée au plan pratique par la mise en place d'une cellule de l'UE au SHAPE et d'une équipe de liaison de l'OTAN à l'Etat-major de l'UE.

« Dans l'intervalle, dans le droit fil de notre engagement en Afrique, nous allons tenter de construire et d'entretenir une relation avec l'Union africaine et d'autres organisations subrégionales. Ce type de dialogue avec de telles organisations sera vital à mesure que nous poursuivrons la mise en oeuvre du plan d'action pour le soutien de la PESD à la paix et la sécurité en Afrique. Alors que l'UE effectue déjà, si nécessaire, des opérations de gestion de crise en Afrique, il est essentiel d'aider ce continent à se doter de capacités propres pour mener de telles opérations. Nous comptons y parvenir en proposant des conseils techniques et une assistance à la planification partout où c'est nécessaire.

« Nous continuerons à oeuvrer au développement d'une coopération concrète avec les pays tiers, y compris avec nos partenaires méditerranéens et la Russie. J'ai noté que le Premier ministre, Mme Timochenko, a pris la parole devant l'Assemblée hier : nous essaierons d'intensifier notre relation avec l'Ukraine. Lundi dernier, l'UE et l'Ukraine ont signé un accord-cadre qui ouvrira la voie à la participation de ce pays aux opérations de la PESD. L'UE a conclu un accord similaire avec la Bulgarie, la Roumanie, l'Islande et la Norvège, et les négociations se poursuivent avec le Canada, la Turquie, la Russie et la Suisse.

« La PESD se révèle progressivement une réussite remarquable pour l'UE. Mais il est évident que le débat général sur l'avenir du Traité constitutionnel de l'UE occupe le devant de la scène. Permettez-moi de dire quelques mots à ce sujet. Je sais que vous portez le plus vif intérêt à cette question et que vous avez pris la décision opportune d'en discuter ce matin. Nous attendons tous avec impatience le résultat du Conseil européen qui commence demain à Bruxelles, mais ne comptez pas sur moi pour anticiper sur l'issue des discussions entre chefs d'Etat et de gouvernement.

« A ce stade, je voudrais souligner qu'il y a toute une série d'activités en matière de PESD qui ne dépendent pas de la ratification du Traité constitutionnel. Le Traité de Nice et les accords conclus par des Conseils européens qui ont eu lieu par la suite fournissent un cadre à la PESD. La clause de solidarité prévue dans le Traité engage les Etats membres à s'entraider en cas d'attaque terroriste, mais prévoit qu'il appartiendra à chacun d'entre eux de juger de la meilleure réaction possible. La défense collective de l'Europe reste, avec ou sans Traité constitutionnel, l'affaire de l'OTAN.

« S'agissant du contrôle parlementaire des questions concernant la politique européenne de sécurité et de défense, nous estimons toujours que la décision d'engager ou non des troupes incombe aux parlements nationaux et aux gouvernements. L'Assemblée de l'UEO, créée par le Traité de Bruxelles modifié, s'est intéressée de plus en plus ces dernières années aux activités quotidiennes de la PESD. Dans cette mesure, et reconnaissant la valeur de la large participation des parlements nationaux et de l'expertise acquise auprès de ces derniers, nous sommes convaincus que cette Assemblée continue de jouer un rôle utile en stimulant le débat et les discussions sur l'Europe et sur les questions liées à la sécurité. De notre côté, nous poursuivrons notre participation aux discussions en cours en impliquant les parlements nationaux dans ces domaines vitaux de la politique.

« En tant que présidence entrante de l'UEO, je conclurai en vous remerciant de m'avoir donné l'occasion de vous informer, vous qui représentez les parlements nationaux de toute l'Europe, sur les ambitions qui sont les nôtres pendant notre présidence de l'UE en ce qui concerne les développements ultérieurs de la PESD. »

À une question portant sur une coopération accrue entre l'Union européenne et l'UEO prévue par le projet de Traité constitutionnel et sur laplace que la Présidence britannique compte accorder à l'Assemblée de l'UEO et à sa mission de contrôle interparlementaire en matière de défense et de sécurité, Sir John HOLMES a répondu, en observant qu'il est encore impossible de dire que le projet de Traité constitutionnel est mort et enterré. On peut simplement affirmer que l'étape suivante sera quelque peu retardée. Mais le texte entrera tôt ou tard en vigueur, ne serait-ce que parce que des règles sont nécessaires pour que l'Europe fonctionne à vingt-cinq.

Sur la coopération entre l'Union et l'UEO en matière de défense, prévue par la Constitution, il paraît difficile de statuer aujourd'hui. En effet, les gouvernements doivent tenir compte du rejet global du projet de Traité exprimé par leurs opinions publiques et ne pas extraire de ce texte les points qui les arrangent. Il convient donc de rester prudent en la matière même si, bien entendu, les projets engagés seront maintenus.

L'Assemblée de l'UEO joue un rôle vital, aux côtés des parlements nationaux, en ce qui concerne le contrôle des questions de sécurité et de défense, aucune autre instance ne saurait la remplacer à ce stade.

Concernant le programme nucléaire iranien, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, qui l'ont négocié, manquent actuellement d'informations fiables, permettant d'affirmer avec certitude qu'il n'a que des visées pacifiques. Si l'Iran ne respecte pas ses engagements, à savoir la suppression du programme d'enrichissement et la signature du protocole de l'Agence, l'affaire pourra être portée devant le Conseil de sécurité des Nations unies.

À propos de l'embargo sur les armes à destination de la Chine, les ministres de la défense européens ont déclaré récemment que sa levée exigeait des discussions approfondies avec les partenaires stratégiques de l'Union. Les modalités d'une éventuelle levée de cet embargo ne seront donc définies qu'ultérieurement.

Enfin, s'agissant des orientations de la politique européenne, Sir John Holmes s'interroge : Quel avenir pourrait avoir la PESD si elle allait à l'encontre de l'opinion exprimée par les peuples ? Le fossé qui existe aujourd'hui entre les citoyens et leurs représentants mérite évidemment d'être pris au sérieux. Il n'en reste pas moins que les accords et traités existants ne peuvent être remis en cause, comme certains l'ont laissé entendre, à tort, pendant les campagnes qui ont précédé les référendums en France et aux Pays-Bas. Puisque l'avenir de l'Union européenne dépend de son influence dans le monde, il dépend aussi de la PESD, et les peuples européens le savent bien.

* (2) Ce discours a été prononcé par Sir John Holmes, Ambassadeur du Royaume-Uni en France.

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