3. Une procédure qui concilie efficacité et équité

Une individualisation de la sanction préservée

La composition pénale possède une qualité évidente en s'efforçant de privilégier une individualisation des sanctions .

Comme l'a souligné le président de la conférence nationale des procureurs généraux, M. André Ride, la composition pénale, en raison du large éventail des mesures qu'elle autorise, constitue en soi un moyen de personnaliser la réponse pénale.

Au-delà de cette diversité, de nombreuses juridictions définissent pour chaque infraction une fourchette de peines qui permet de graduer la réponse pénale adaptée au profil du mis en cause et à la gravité du trouble à l'ordre public 50 ( * ) .

De plus, dans certains tribunaux, la situation patrimoniale et la personnalité de l'auteur des faits sont des éléments déterminants de la proposition de composition pénale. Le cas original du tribunal de Nantes mérite d'être mis en exergue. Le délégué procède à une enquête rapide pour chaque affaire afin de mieux appréhender la situation familiale, sociale et professionnelle du mis en cause. A l'issue de ses investigations, il propose une peine de composition pénale au parquet qui choisira ou non de la retenir.

En outre, au stade de la notification de la proposition de composition pénale, les délégués du procureur disposent, dans nombre de juridictions, d'une marge de manoeuvre non négligeable pour éviter des erreurs d'appréciation manifestes dans le contenu de la proposition de composition pénale. Ainsi à Reims ou à Paris, le délégué a toujours la possibilité d'aller consulter le magistrat du parquet requérant pour lui exposer ses difficultés, s'il se heurte à une inadéquation évidente entre la sanction proposée et le profil du mis en cause (par exemple, une amende trop élevée au regard des ressources de l'intéressé). A Bobigny, le délégué du procureur vérifie toujours si la proposition du parquet semble réaliste. A Lyon, le délégué dispose d'une certaine autonomie pour proposer d'adapter la proposition de peine tant à la personnalité du mis en cause qu'aux capacités contributives de celui-ci, sous réserve de l'aval du parquet.

Une exécution très satisfaisante

Tous les magistrats et les délégués du procureur entendus par la mission se sont félicités de l'efficacité de la composition pénale en termes d'exécution . Le taux d'exécution oscille en effet entre 70 et 90 %, soit un niveau très nettement supérieur à celui observé pour les autres mesures pénales. En outre, la part des personnes qui reviennent devant le juge en audience correctionnelle est très faible.

A Nantes, le montant des amendes versées au Trésor public en 2004 s'est élevé à 22.695 euros sur 34.680 euros, soit un taux d'exécution de 75 % bien supérieur au taux de recouvrement habituel en matière correctionnelle et contraventionnelle souvent inférieur de 30 %. Cette situation est comparable dans toutes les juridictions qui appliquent la composition pénale.

Les défauts d'exécution constatés concernent surtout le non-paiement de l'amende. Ils sont principalement imputables à la situation financière précaire du mis en cause ou au désintérêt manifesté par les parties pour le dossier. En effet, depuis la loi du 9 mars 2004, les victimes peuvent recourir à la procédure d'injonction de payer pour demander le recouvrement des dommages et intérêts que l'auteur des faits s'est engagé à leur verser.

De plus, le délai d'exécution des mesures de composition pénale est en général assez bref . La durée de traitement d'une composition pénale (de la date de la première convocation à la date de clôture) est en moyenne largement inférieure à six mois 51 ( * ) . L'objectif de célérité affiché par le législateur semble donc atteint.

L'implication du délégué du procureur apparaît déterminante dans ce succès. Dans le cadre de l'entretien préalable et des rendez-vous de suivi de l'exécution, la sanction proposée est expliquée et donc nécessairement mieux comprise et susceptible d'être mieux acceptée, ce qui constitue à terme le gage d'une meilleure exécution. Il arrive d'ailleurs souvent que le paiement des amendes ou la remise d'un document administratif s'effectue au stade de l'entretien de proposition de composition pénale, avant même que la mesure soit validée. En cas de non-respect des engagements, la plupart des délégués du procureur prennent le temps de relancer le mis en cause par courrier ou par téléphone.

Enfin, la procédure autorise une certaine souplesse dans les modalités d'exécution de la sanction. Ainsi, il est possible de fractionner le paiement de l'amende dans la limite d'un an ou d'aménager la suspension du permis.

A Nantes, dans près de la moitié des dossiers, la mesure de composition pénale fait l'objet d'un aménagement de peine. Toutefois, comme l'a indiqué un délégué du procureur à Toulon, qui n'admet pas l'échelonnement du règlement de l'amende au-delà de cinq mois, les aménagements restent contenus dans certaines limites « afin de conserver à la peine son caractère de contrainte ».

Une intéressante proposition pour faciliter le paiement des amendes et améliorer l'exécution des compositions pénales a été mise en avant à plusieurs reprises au cours des travaux de la mission.

Actuellement, les amendes d'un montant inférieur à 750 euros ne peuvent être acquittées autrement que par timbre fiscal 52 ( * ) . Or, de nombreuses juridictions souhaiteraient élargir aux chèques et à la carte bancaire les modes de règlement des amendes afin d'obtenir une exécution plus rapide. Au TGI de Bobigny, la trésorerie générale a accepté d'installer le matériel informatique nécessaire pour permettre un paiement par carte bancaire au sein du tribunal. Cette expérience marque un progrès mais résulte d'un accord entre le parquet et la trésorerie générale. De nombreuses juridictions se heurtent à un refus du Trésor public de faire évoluer ses pratiques. Une modification de la réglementation est donc vivement souhaitée.

Lors de son audition devant votre commission le 21 juin dernier, le garde des sceaux a indiqué qu'un décret destiné à faciliter les moyens de paiement électronique serait publié prochainement 53 ( * ) . Si depuis lors, le décret n° 2005-1099 du 2 septembre 2005 a rendu effective la réduction de 20 % du montant de toute amende acquittée volontairement dans un délai d'un mois 54 ( * ) , il ne comporte en revanche, et il faut le regretter, aucune disposition relative à l'assouplissement des modalités de règlement des amendes d'un faible montant .

* 50 A Bourg-en-Bresse, les appels téléphoniques malveillants sont punis d'une amende de composition pénale comprise entre 200 et 400 euros, les filouteries au carburant d'une amende comprise entre 20 et 200 euros (directive générale de mise en oeuvre de la procédure de composition pénale du parquet).

* 51 A Nantes, cette durée s'élève à cinq mois en moyenne. A Reims, elle est de trois mois.

* 52 Art. R.15-33-51 du code de procédure pénale.

* 53 Voir bulletin des commissions n° 30 (session ordinaire 2004-2005), page 5.765.

* 54 Cette réduction concerne d'ailleurs toutes les amendes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page