B. L'UTILISATION DIVERSIFIÉE ET PRAGMATIQUE DE CE NOUVEL INSTRUMENT JURIDIQUE

1. Le succès de cette nouvelle formule de partenariat

Ainsi que l'a affirmé M. Philippe Buquet, directeur de l'Espace des Arts de Chalon-sur-Saône : « il est probable que ce statut permettra, dans un certain nombre d'endroits, de pérenniser les projets artistiques et culturels. Il constitue donc une alternative fiable . » Il s'est également félicité du dialogue entre collectivités publiques que favorise l'EPCC, puisqu'il impose une concertation préalable.

De fait, l'EPCC suscite beaucoup l'intérêt des collectivités territoriales et des professionnels. Plus d'une quinzaine d'établissements ont d'ores et déjà été créés - dont la liste figure dans le tableau annexé au présent rapport - et un nombre au moins égal est en cours de création. Aucun chiffre exhaustif n'est toutefois disponible sur le sujet, dans la mesure où des réflexions sont en cours dans un certain nombre de collectivités et où leur nombre augmente mois après mois.

2. Le pragmatisme et la créativité des acteurs

Si l'EPCC a été conçu spécifiquement pour le secteur culturel, ce dernier n'en couvre pas moins un champ vaste et diversifié :

- de par la palette des activités concernées : patrimoine, spectacle vivant, enseignement artistique, musées... ;

- de par la singularité de chaque établissement concerné : nombre variable de collectivités publiques parties prenantes, statuts et tailles différents, etc.

La loi, quant à elle, offre un cadre suffisamment souple pour que chacun puisse à la fois s'y couler et l'adapter à ses besoins propres .

Votre rapporteur a tenu à entendre des représentants de pratiquement tous les EPCC existants et il a été frappé de constater à quel point la réalité était allée au-delà de ce que le législateur avait imaginé.

C'est ainsi par exemple que l'on avait initialement pensé que chaque EPCC accueillerait un certain type d'activité, par transformation d'une structure existante ; or, un certain nombre de collectivités territoriales ont choisi de regrouper plusieurs structures au sein d'un établissement unique.


• Ainsi Arteca, le centre de ressources de la culture en Lorraine, est un EPCC transversal, qui tend à mutualiser des services intéressant l'ensemble des domaines de la culture ; c'est un « outil au service des outils » (emploi, formation, développement économique, financements publics, analyse et production de données, en particulier sur les pratiques culturelles et artistiques de la population, animation d'espaces de débat, secrétariat des commissions régionales des professions du spectacle (COREPS) et des conférences régionales de la culture...). Ainsi que l'a affirmé son directeur, M. Didier Salzgeber, à votre rapporteur, les obligations juridiques croissantes et les routines administratives s'exercent au détriment de la réflexion politique : « Arteca est donc précieux pour permettre des allers-retours entre la connaissance et l'action ». Cet établissement n'en est pas moins de taille assez modeste : il emploie 7 personnes et gère un budget d'environ 800 000 euros. L'Etat et la région en sont les deux partenaires, à égalité, et de nouvelles collectivités territoriales pourraient y adhérer.


• L'EPCC du Pont-du-Gard  constitue un autre exemple intéressant de ce point de vue. Créé en avril 2003 sous forme d'EPIC, il gère le pont, les 55 hectares qui l'entourent, 5 musées, des parkings et une activité de visites guidées. Il emploie plus de 80 salariés, auxquels s'ajoutent une trentaine de travailleurs saisonniers. Son budget s'élève à plus de 9 millions d'euros (dont plus d'un tiers de recettes propres et près de deux tiers de subventions du département) ; 3 communes apportent une participation mineure et l'Etat intervient en investissement. Son directeur, M. Bernard Pouverel, a indiqué que l'établissement venait en outre de créer une filiale, société de droit privé (société anonyme à actionnaire unique : SACU) afin de reprendre l'activité de restauration du site, jusqu'ici confiée à un occupant du domaine public.


• L'EPCC « Chemins du patrimoine en Finistère » réunit, quant à lui, cinq sites patrimoniaux répartis sur le département et d'autres sites pourraient y adhérer prochainement, de même que des structures de spectacle vivant. D'après son directeur général, M. Robert Vesque, cette « expérimentation » a permis de créer un nouveau dynamisme dans le domaine patrimonial et le développement du travail en équipe.


• A Saint-Herblain, l'EPCC « Onyx La Carrière » est né de la fusion de deux salles de spectacles et repose sur une double activité : création et diffusion de spectacles vivants, d'une part ; prestation de services en direction de producteurs indépendants, d'associations privées et de services municipaux, d'autre part. Son directeur, M. Paul Morizeau, fait valoir que le statut d'EPCC a permis d'harmoniser le fonctionnement des deux structures, de réaliser des économies d'échelle et d'optimiser l'organisation, dans un souci de transparence. La fusion a, selon lui, finalement été vécue de manière positive car elle s'est accompagnée d'une valorisation du travail des personnels municipaux.


• L'EPCC d'Issoudun regroupe, quant à lui, plusieurs structures de nature très différentes : un musée, un monument historique, la Cité de la musique, une salle de spectacles, un centre des congrès (comprenant des salles de congrès, 3 salles de cinéma, un espace public numérique) et bientôt une chaîne de télévision locale. L'EPCC gère en fait toute la politique culturelle de la ville d'Issoudun (14 000 habitants) et de l'établissement public de coopération intercommunale (23 000 habitants), à l'exception de la médiathèque et d'opérations spécifiques. Son budget dépasse le million d'euros ; il est financé exclusivement par la commune et la communauté de communes. Pour son président, M. André Laignel, par ailleurs maire de la ville, l'EPCC permet de mener et de mettre en valeur un vrai projet culturel global et cohérent ; de créer des synergies et des coopérations entre les différentes structures (pour la gestion des personnels par exemple, ce qui permet des économies), de décloisonner les arts et les disciplines ; d'organiser une formation aux métiers de la culture ; enfin, de mener un projet concernant les archives régionales du film.


• La création d'ARCADI (Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Ile-de-France) résulte de la volonté du conseil régional d'Ile-de-France de fusionner deux associations existantes : Ifob (opéra et ballet) et Thécif (théâtre, cinéma et chanson).


• L'EPCC d'Angers, créé en 2004, est constitué à la fois d'une scène dramatique et d'un centre chorégraphique. Il suscite, lui aussi, des inquiétudes au sein du milieu de la culture.

Certains avancent de sévères critiques à l'égard de ce qu'ils considèrent comme une dérive du système, risquant notamment de privilégier les objectifs commerciaux ou de gestion au détriment du projet artistique et culturel. Ils craignent également que ce type d'organisation et de valorisation du service public n'entraîne son démembrement. Ceci pose aussi la question de l'articulation de la notion de « service public de la culture » avec la liberté artistique, question essentielle qui sera développée ci-après.

Les promoteurs de ce type d'EPCC font valoir à l'inverse qu'une telle organisation permet à la fois une mutualisation pertinente de services et moyens, le développement de synergies et une meilleure lisibilité de l'action culturelle.

La créativité des acteurs s'est aussi traduite dans le fonctionnement concret de l'établissement.

S'agissant par exemple de la désignation du président de l'EPCC, dont la loi prévoit l'élection, une formule originale a été retenue à Rouen, avec une présidence alternant tous les trois ans entre le président de la région et le maire, le vice-président devenant alors président à l'issue d'une période de trois ans. Bien entendu, cet accord a été ensuite validé par le conseil d'administration.

Les personnes publiques partenaires dans cet EPCC ont, par ailleurs, validé en commun un cahier des charges assorti d'un cadre budgétaire et d'un projet pluriannuel d'investissement .

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