D. L'IMPACT DE L'ÉROSION DES PRÉFÉRENCES COMMERCIALES

Pour peu que les préférences accordées soient substantielles, et utilisées, que peut-on attendre de la libéralisation multilatérale dans le cadre des négociations à l'OMC ? La libéralisation réduira la marge de préférence accordée à ces pays. Si certains ont bâti un secteur exportateur puissant sur la base de ces préférences, les pertes de parts de marché à l'exportation peuvent être substantielles. Ce sera le cas à chaque fois qu'un produit représentera une part importante des exportations d'un petit pays très spécialisé accédant à un grand marché.

Les pays ACP, l'Afrique subsaharienne, et le bassin méditerranéen pour le textile-habillement, sont particulièrement concernés.

Il y aura alors deux forces contraires en jeu : les pertes liées au mécanisme précédent, et les gains généraux de la libéralisation. Il n'est dès lors pas certain que la balance penche toujours du bon côté pour l'ensemble des pays et dans l'ensemble des configurations de la négociation.

Étudier ce type de mécanisme est une motivation forte pour travailler sur les droits de douane appliqués au niveau le plus fin possible. Cette motivation est renforcée par le tournant pris par les négociations, certains PMAs s'abritant derrière l'argument de l'érosion des préférences pour bloquer le processus. Il s'agit toutefois d'un sujet sensible, dans la mesure où l'on remet en cause le résultat habituel selon lequel les pays pauvres sont nécessairement ceux ayant le plus à gagner de la réduction de la protection des pays riches.

E. L'AMPLEUR DES GAINS DE LIBÉRALISATION

Plus généralement, quelle est l'ampleur attendue des gains de libéralisation commerciale multilatérale ? Les gains à attendre du cycle de Doha sont-ils comparables à ceux du cycle précédent achevé à Marrakech il y a dix ans ? Ces gains sont-ils également partagés entre les pays riches et les pays pauvres ? Au sein de l'Union européenne et de la France, les gains sont-ils également partagés entre les salariés qualifiés et non qualifiés ? Comment évoluent les revenus des autres catégories, notamment ceux des agriculteurs ? Où sont les intérêts offensifs des pays industrialisés et de l'Union européenne en particulier ? Avec quels effets en matière de redistribution entre les régions au sein de l'Europe ?

F. LA LIBÉRALISATION DANS LE SECTEUR AGRICOLE

La remise en ordre du commerce international agricole à Marrakech, autour de trois piliers (subventions, accès au marché, soutien interne) est-elle de nature à déboucher sur une négociation entraînant cette fois-ci sur une forte libéralisation ? Avec quelles conséquences ? Comment la réforme de la PAC et la prise en compte du Farm bill modifient-elles les conclusions habituelles sur l'impact respectif de la libéralisation sur les États-Unis et l'Europe ? La spécialisation des régions européennes en matière agricole étant très marquée, doit-on s'attendre à des effets très différenciés de cette libéralisation attendue ?

Les pays en développement bénéficiant d'un accès très différencié au marché européen des produits agricoles (ACP versus Amérique latine par exemple), comment la libéralisation va-t-elle affecter les uns et les autres ? Ne va-t-on pas enregistrer des gains très élevés pour les pays en voie de développement à revenu intermédiaire, alors que des pays pauvres gagneront peu ou perdront - au moins à court terme - à cette réorganisation des échanges ?

Comment mesurer correctement le niveau de la protection dans l'agriculture, avant même de parler de libéralisation ? Le cycle précédent a conduit à la tarification (remplacement d'un obstacle non tarifaire par un droit de douane) de nombreux obstacles non tarifaires (calendriers d'importation par exemple) mais cette tarification s'est souvent faite au moyen de droits spécifiques, qu'il est nécessaire de transformer en droits ad valorem avant tout calcul. De même, l'introduction de quotas tarifaires (de quantités pouvant être importées avec des droits de douane moins élevés), qui avait pour but de libéraliser ad minima les marchés, a conduit à une inextricable complexité des instruments, notamment parce que les droits à l'intérieur et à l'extérieur des quotas sont très différents, que les régimes d'administration des quotas sont multiples et que l'allocation bilatérale des quotas (quel pays exportateur bénéficie des quotas ?) est mal renseignée.

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