III. UNE ÉCONOMIE DE MARCHÉ VIABLE : LE DYNAMISME ET LES DIFFICULTÉS DE L'ÉCONOMIE TURQUE

1. Une économie de marché viable

L'économie turque a continué de se redresser très vigoureusement en 2004-2005, si bien que, dans son rapport annuel 2005, la Commission européenne indique : « la Turquie peut être considérée comme dotée d'une économie de marché viable, pour autant qu'elle maintienne fermement le cap de sa récente stabilisation et de ses réalisations en matière de réformes. La Turquie devrait être en mesure de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union à moyen terme, à condition qu'elle poursuive fermement sa politique de stabilisation et adopte de nouvelles mesures décisives en terme de réformes structurelles » .

2000

2001

2002

2003

2004

Taux de croissance

7,4 %

- 9,4 %

7,8 %

5,9 %

9,9 %

Taux d'inflation

39,00 %

68,5 %

29,7 %

18,4 %

9,3 %

Solde budgétaire/PNB

- 10,5 %

- 16,5 %

- 13,5 %

- 11,9 %

- 7,1 %

Source : services économiques, Ambassade de France en Turquie

Ces statistiques montrent la nette consolidation macroéconomique du pays après la récession et la crise financière de 2001. Sous l'égide du FMI, qui a accordé au printemps 2005 une nouvelle tranche de financement, les autorités continuent de mettre en oeuvre un programme de réformes structurelles : l'assainissement budgétaire s'est poursuivi, la dynamique de la dette s'est améliorée, l'inflation a continué de baisser et la croissance économique est restée forte. Des progrès considérables ont ainsi été accomplis en ce qui concerne la gestion et le contrôle des finances publiques, au prix d'un véritable assèchement des financements publics.

Le climat des affaires s'est nettement amélioré, notamment grâce à la vaste réforme du secteur bancaire et aux avancées dans la privatisation. En 2005, les privatisations se sont accélérées, en particulier dans des secteurs stratégiques et industriels lourds (télécommunication, raffinage pétrolier, sidérurgie). Sur le plan monétaire, la banque centrale est dirigée par un gouverneur indépendant depuis 2001 et les taux d'intervention ont baissé de manière importante depuis 2002 : lors d'une conférence au CEPII (centre d'études prospectives et d'informations internationales), Süreyya Serdengeçti, actuel Gouverneur de la Banque centrale, a ainsi relevé qu'en 2002, les taux d'intérêt se sont élevés à 72 % et qu'ils sont redescendus à 7,9 % en octobre 2005. Pour lui, l'une des difficultés reste la faible maturité des bons du trésor : pour la première fois, la Turquie a cependant pu, courant 2005, émettre des bons du trésor sur cinq ans !

Il faut par ailleurs noter la faiblesse persistante de la perception de l'impôt, l'inégalité devant le niveau de prélèvement entre citoyens et entre entreprises, ainsi que l'ampleur toujours problématique de l'économie informelle. Si le niveau de la richesse nationale par habitant s'élève à seulement 27 % de la moyenne communautaire (dans une Union à 15), cette statistique doit être largement relativisée, puisque l'économie grise est parfois estimée à 50 % du PIB total. Ce secteur informel est composé de plusieurs dizaines de milliers d'entreprises, souvent sous-traitantes d'entreprises établies.

De plus, la balance des opérations courantes et la balance commerciale sont nettement déficitaires, à la fois en raison de l'augmentation des importations consécutive à la hausse de la consommation intérieure et en raison de la faiblesse persistante des investissements directs étrangers en Turquie, qui représentent moins de 1 % du PNB depuis 2002. Cette faiblesse des investissements directs étrangers est une caractéristique importante de l'économie turque ; elle peut s'expliquer à la fois par l'image instable et très cyclique de cette économie, mais aussi par la faible volonté des entrepreneurs turcs d'ouvrir leur capital aux sociétés étrangères.

L'économie turque est en effet caractérisée à la fois par un tissu dense de PME-PMI, qui, à partir de la région d'Istanbul et de l'Ouest, se développe également au Sud du plateau anatolien (Konya, Adana, Antalya, Mersin...), et par la présence de grands conglomérats, qui restent sous l'influence de leurs familles fondatrices. Les six conglomérats familiaux majeurs regroupent environ 550 entreprises et pèsent 13 % du PNB turc en 2004. Ces conglomérats très dynamiques ont souvent été un allié obligé pour les groupes internationaux qui ont voulu s'implanter sur le marché turc. Les grands groupes turcs ont d'ailleurs créé la TUSIAD, homologue du MEDEF, qui est très active et efficace pour promouvoir le processus de réformes politiques, économiques et institutionnelles en Turquie.

Outre ces conglomérats familiaux, le poids du fonds de pension des personnels des forces armées, OYAK, est déterminant dans l'économie turque. Cet organisme de droit privé, lié au ministère de la défense, créé en 1961 et exempté de l'impôt sur les sociétés, a développé un puissant conglomérat : 7,9 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2004 et plus de 18 000 employés. OYAK a développé des partenariats avec de grandes entreprises étrangères souhaitant accéder au marché turc : par exemple, AXA dans les assurances et Renault pour l'automobile. Pour la sixième année consécutive, Renault est ainsi en tête des ventes de véhicules particuliers en Turquie, avec 19 % de part de marché et presque 85 000 véhicules vendus en 2004. Axa Oyak est de son côté le deuxième assureur en Turquie.

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