CONCLUSION

En conclusion, les importantes réformes législatives décidées par la Turquie depuis 2001 ont abouti à des changements structurels majeurs dans le système juridique et économique , même si le rythme de changements s'est ralenti en 2005. La liberté d'expression et la liberté religieuse nous semblent cependant constituer deux des domaines où les progrès doivent être approfondis. Au-delà du nécessaire complément législatif aux réformes, la priorité doit dorénavant être donnée à leur mise en oeuvre complète par l'ensemble des autorités publiques, à tout niveau et dans toutes les régions de Turquie. Ce travail nécessite du temps, de la patience et de la pédagogie, car modifier les comportements et les mentalités ne s'impose pas de l'extérieur, mais doit se conquérir par la conviction et l'expérience.

Notre mission en Turquie, à quelques jours de l'ouverture programmée des négociations avec l'Union européenne, nous a permis de confirmer que les progrès en vue du respect des critères de Copenhague sont importants et constants .

Nous avons également pu mesurer les conséquences que pouvaient entraîner certaines déclarations ou certaines positions prises dans notre pays ou dans d'autres pays membres de l'Union européenne. Les Turcs nous répètent à l'envi que leur modèle républicain est celui de la France, notamment du point de vue de la laïcité ou de l'organisation administrative et institutionnelle. Leur déception est d'autant plus profonde devant les « petites phrases » péremptoires, les comportements et les suffisances manifestés par certains visiteurs officiels français que le dialogue politique franco-turc, comparé à l'empressement de la plupart de nos partenaires européens, est extrêmement faible. Au-delà de telle ou telle position vis-à-vis de la candidature turque à l'Union européenne, il s'agit ici tout simplement de se parler et d'avoir des relations normales avec un pays d'une telle importance historique, culturelle, démographique, économique et géostratégique.

Le 3 octobre 2005, les États membres de l'Union européenne ont décidé à l'unanimité d'ouvrir des négociations avec la Turquie ; ces négociations doivent être menées de manière rigoureuse et honnête. Il ne s'agit plus pour la Turquie de réaliser telle ou telle condition à une date précise, dans l'attente qu'une énième porte s'ouvre ; il s'agit d'ouvrir chaque dossier l'un après l'autre et de prendre le temps de résoudre les problèmes, en commun, sans couperet mélodramatique.

Rappelons d'ailleurs que le terme de « négociation » est assez impropre, puisque les négociations ne portent pas sur la substance même de l'acquis communautaire, que tout État candidat s'engage à transposer intégralement dans son droit national, mais sur d'éventuelles périodes de transition.

Le chemin que suit la Turquie depuis 2001, c'est l'Union européenne qui en est le l'aiguillon et le gardien et ce chemin est aussi important que le but à atteindre. D'ailleurs, nul ne peut dire ce que seront devenus la Turquie et l'Union européenne dans dix ou quinze ans ; l'objectif doit fondamentalement être apprécié au regard de l'importance géostratégique de ce pays, en se projetant dans le monde éclaté et multipolaire du XXI ème siècle. Durant cette période, l'acquis communautaire aura continué de croître, notamment dans le secteur de la coopération policière et judiciaire, et la Turquie aura réalisé la substance des transferts de souveraineté que l'adhésion suppose.

La Turquie et l'Union européenne décideront alors ensemble, sans que l'une n'impose sa position à l'autre, la nature et l'ampleur du lien qui les unit, car nous sommes persuadés que la Turquie et l'Union européenne ont en tout état de cause un avenir et un destin communs.

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