2. Des réactions insuffisantes des autorités monétaires

Les superviseurs bancaires ont, par certaines de leurs réactions, témoigné dans une certaine mesure leur inquiétude face aux préoccupations qu'engendrent les deux phénomènes ici décrits. Mais, ces réactions ont été insuffisantes.

A la suite du « rapport Delmas-Marsalet » remis au Conseil national du crédit, le Gouverneur de la Banque de France, Président de la Commission bancaire relevait lors de la présentation du rapport 1995 que : « un net accroissement de comportements imprudents a pu être constaté ces dernières années avec le développement d'attitudes individuelles motivées par une logique de conquête ou de défense de parts de marché, au détriment du souci indispensable de rentabilité des opérations. Tel est le cas de certains crédits aux particuliers, notamment dans le domaine du logement, et d'une large fraction des concours aux collectivités locales où le niveau des marges pratiquées est rarement de nature à permettre une couverture minimale du risque dans un domaine où celui-ci n'est pas absent. Il est clair que ce climat explique en partie que la profitabilité du secteur bancaire reste insuffisante. »

Au vu de cette évolution préoccupante, la Commission bancaire a fait réaliser au printemps 1995 une enquête sur les conditions dans lesquelles étaient déterminés les taux débiteurs pour les catégories de prêts à la clientèle les plus usuelles.

Cette enquête a mis en lumière : « dans un contexte d'atonie de la demande de crédit, un indéniable affaiblissement des disciplines internes : certains établissements s'affranchissent dans certains cas des préoccupations élémentaires en matière de prise de garantie, les dérogations aux barèmes internes à chaque établissement ont tendance à se multiplier, alors même ceux-ci ne prennent déjà plus suffisamment en compte la couverture du risque de crédit et la rémunération des fonds propres. Celles-ci sont souvent justifiées par le développement d'une approche globale de la clientèle, de préférence à une approche par produit, alors même que les instruments de gestion et de contrôle, adaptés à une telle démarche, ne sont pas toujours disponibles. »

C'est au regard de ce constat représentatif d'une situation très préoccupante que la Commission bancaire a adressé une mise en garde solennelle à la profession par une lettre du 18 juillet 1995, plus connue sous le nom de « circulaire Trichet » en demandant une information à l'attention des conseils d'administration et des commissaires aux comptes sur les conditions d'octroi des concours à la clientèle. La Commission bancaire a mis en place, par l'instruction n° 95-03, un dispositif de recensement de cette information.

Cette action devait déboucher sur la consécration d'un principe : en théorie aucun crédit ne devrait être consenti à moins de 60 points au-dessus du taux des emprunts d'État.

Notre commission des finances 33 ( * ) avait pu à l'époque évoquer l'existence d'une concurrence destructrice.

« La concurrence au lieu d'être régulatrice devient destructrice. L'agressivité commerciale s'accroît dans un contexte de surcapacité et la vente à perte ne fait que traduire le désarroi des acteurs. En l'absence d'ajustements ou de reprise de la demande de crédit, toute tentative de juguler cette pratique semble malheureusement vouée à l'échec ».

Ce diagnostic reste d'actualité même si l'envol du crédit et l'expansion des autres secteurs du portefeuille d'activité bancaire ont permis de restaurer pleinement la profitabilité des banques et votre rapporteur s'étonne de la persistance d'un problème identifié de longue date.

Il souhaite que l'attention des autorités monétaires se porte à nouveau sur cette question mais que leur vigilance ne se limite pas au problème de construction des marges bancaires. Les conséquences des phénomènes ici exposés sur l'accès des ménages français au crédit et sur la fonction distributive des banques devraient être deux composantes du cahier des charges d'un tel rapport.

Plus généralement, il n'existe pas à la connaissance de votre rapporteur de travaux systématiques sur la tarification et la diffusion du crédit par les banques , en dehors du champ de la normalisation de l'information et du taux de l'usure. Un tel suivi serait pourtant utile , s'agissant d'un marché où les relations commerciales entre les intervenants sont complexes. Il devrait être réalisé au niveau le plus fin qui est le seul représentatif du financement concret du système bancaire. Il permettrait ainsi de disposer d'éléments de comparaison sur les comportements des différents offreurs de crédit.

* 33 « Banques, votre santé nous intéresse », M. Alain Lambert, rapport n° 52, Sénat, session 1996-1997.

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