b) Quelles causalités ?

La diversité des taux de recours au crédit pourrait s'expliquer par les niveaux respectifs des taux d'épargne dans les différents pays. Le faible appel au crédit en France serait ainsi l e résultat du fort taux d'épargne des ménages français .

De fait, il existe , semble-t-il une corrélation négative assez marquée entre taux d'épargne et taux de recours au crédit . Les ménages belges, français, italiens et allemands épargnent beaucoup (plus de 15 % de leur revenu disponible) et font peu appel au crédit (le taux annuel de recours au crédit s'établissant à moins de 3 % de leur revenu), alors que les ménages espagnols, portugais et britanniques, semblent au contraire associer faiblesse de leur épargne et fort recours au crédit 8 ( * ) .

Cette corrélation viendrait confirmer l'intuition selon laquelle plus les ménages réservent une part élevée de leur revenu pour épargner , plus leur demande de crédits est modérée . Inversement, plus le taux d'épargne est faible, plus le revenu disponible des ménages est consacré à la consommation et moins les ménages disposeraient de ressources propres pour financer leurs investissements, ce qui les contraindrait à recourir au crédit.

Il reste cependant à comprendre pourquoi les taux d'épargne varient si nettement entre pays.

Les modèles économiques, qui éprouvent déjà les difficultés à expliquer les variations du taux d'épargne, ne suffisent pas dans cette entreprise.

De fait, la préférence pour l'épargne semble déterminée par une série de paramètres qui dessinent un environnement structurel complexe .

Les anticipations de revenu et d'inflation doivent sans doute être complétées par la prise en compte des structures démographiques , des incitations fiscales , des préférences patrimoniales 9 ( * ) , et des conditions d'endettement 10 ( * ) .

En effet, la corrélation négative entre taux d'épargne et taux de recours au crédit peut jouer en sens inverse : le fort taux d'épargne français pourrait provenir d'un faible recours au crédit et ce, par deux mécanismes différents, l'un spécifique est mécanique, l'autre plus général et économique :

- En Comptabilité nationale , l' épargne est calculée comme le solde du revenu des ménages et de leur consommation . Si l'essentiel de la consommation des ménages est financé à partir de leur revenu disponible brut, une partie d'entre elle est financée par recours aux crédits. Ceux-ci ne sont pas comptabilisés en flux positifs au dénominateur du ratio (le revenu des ménages) 11 ( * ) . Ainsi, comptablement , plus la consommation est financée par du crédit , plus le taux d'épargne des ménages est faible .

- Par ailleurs, plus globalement , plus le recours au crédit est important, moins la contrainte financière pèse sur les ménages , et moins ils ont à réserver une part de leur revenu courant pour financer leurs dépenses futures .

Enfin, on doit observer que l'assertion selon laquelle le crédit est une épargne anticipée n'est pas vérifiée au niveau macroéconomique. L'importance relative du taux de recours au crédit ne se retrouve pas dans la hiérarchie des taux d'épargne 12 ( * ) .

Du fait du poids de la consommation des ménages dans les déterminants de la croissance (en 2003, la consommation des ménages représentait 70,3 % du PIB), des politiques visant à dynamiser la consommation sont régulièrement recommandées ou entreprises.

Les différentes corrélations exposées ci-dessus montrent que, dans tous les cas, ces politiques se traduisent par une diminution du taux d'épargne . Ainsi, elles peuvent sembler entrer en contradiction avec les différentes mesures prises , par ailleurs, pour favoriser l'effort d'épargne des ménages français.

On doit relever que, même si les politiques de relance de la consommation sont généralement conjoncturelles et ponctuelles alors que les politiques en faveur de l'épargne sont plus permanentes , la cohérence de ces différentes politiques mériterait d'être évaluée .

* 8 Les ménages finlandais et surtout néerlandais font cependant exception, ces derniers cumulant des taux d'épargne et de recours au crédit élevés.

* 9 Par exemple, le goût des Français pour les placements liquides ou semi-liquides que traduit l'importance du taux de détention des livrets d'épargne ou de l'assurance-vie peut s'expliquer par des raisons fiscales et justifier une moindre appétence pour le crédit. En effet, ces placements sont facilement mobilisables pour des acquisitions importantes et, par ailleurs, ne sont en général pas financés par emprunt, du moins en France, à l'inverse d'autres actifs, dont, évidemment les immeubles.

* 10 Ainsi que le montre l'étude précitée du Service des Études économiques et de la prospective sur la contribution de l'immobilier à la croissance.

* 11 Seules les charges d'intérêt liées aux emprunts viennent en déduction du revenu.

* 12 L'impact du crédit sur la croissance qui élève le revenu en est sûrement une des causes, avec l'influence positive du crédit sur la demande.

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