TRAVAUX DE LA COMMISSION

Première table ronde sur le thème de l'application de la loi relative à la bioéthique, en présence de M. Pierre-Louis FAGNIEZ, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique, du professeur Axel KAHN, directeur de l'Institut Cochin, Mme Marie-Hélène MOUNEYRAT, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de M. Bernard LOTY, directeur médical et scientifique et du professeur François THÉPOT, adjoint à la direction médicale et scientifique, de l'Agence de la biomédecine (ABM)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée du mercredi 8 février 2006 , sous la présidence de M. Bernard Seillier, président , la commission a tenu une première table ronde sur le thème de l'application de la loi relative à la bioéthique, en présence de M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique , du professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin , Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique et du professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique, de l'Agence de la biomédecine (ABM).

M. Bernard Seillier, président , a indiqué que la commission avait souhaité faire le point de l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique et du volet de la loi du 9 août 2004 de santé publique sur les recherches biomédicales à l'initiative de Mme Marie-Thérèse Hermange, qui représente le Sénat au CCNE.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la commission des affaires sociales doit régulièrement être informée de l'évolution des questions relatives à la bioéthique et des réflexions récentes du CCNE, notamment celles concernant la patrimonialité du corps humain au regard de la recherche sur les cellules souches.

Le professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin , a estimé que l'une des innovations majeures de la loi relative à la bioéthique est d'avoir élargi le champ des donneurs vivants autorisés pour les transplantations d'organes et de moelle osseuse. Cette initiative est positive du point de vue médical, dans la mesure où elle permet de développer les activités de greffes, mais elle pose un problème sur le plan éthique. En effet, les donneurs vivants potentiels peuvent être victimes de pressions familiales, qui les empêchent de prendre une décision sereinement.

Concernant l'autorisation de recherche sur l'embryon, il s'est réjoui de la récente publication du décret, qui a souffert d'un important retard. Cette ouverture offre un intérêt scientifique certain et est prometteuse d'un point de vue thérapeutique. Les équipes de recherche ont progressé dans la maîtrise du passage des cellules souches embryonnaires à des cellules souches différenciées qui peuvent devenir des matériaux thérapeutiques. Toutefois, des difficultés demeurent, notamment le risque de dégénérescence des cellules souches embryonnaires en tumeurs et la tolérance immunitaire incertaine du patient à la greffe de cellules extérieures aux membres de sa famille. Il a considéré que ces difficultés, moins importantes que ce que les scientifiques ont imaginé, peuvent être surmontées. En particulier, l'assimilation des cellules souches embryonnaires par des organes s'améliore, comme le prouvent les derniers essais sur les coeurs de rats et de moutons avec des cellules souches embryonnaires de souris. L'intérêt thérapeutique sera réel quand il sera possible de dériver quelques centaines de cellules souches embryonnaires correctement sélectionnées. A cet égard, les études en cours sur la différenciation de ces cellules constituent un matériel de recherche irremplaçable. Il a estimé que la loi du 6 août 2004 n'est pas adaptée à la réalité de la recherche. En effet, la fixation d'un moratoire de cinq ans à l'interdiction des recherches sur l'embryon ne constitue pas une durée suffisante pour obtenir des résultats probants. En outre, il est difficile d'établir une séparation stricte entre la recherche fondamentale sur la différenciation des cellules et la recherche thérapeutique.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que des dizaines d'essais cliniques sont menés à l'heure actuelle sur des cellules souches adultes, en particulier pour les maladies du coeur et du foie. Elles ne donneront toutefois pas de résultat avant deux ans.

Concernant le clonage thérapeutique, il a indiqué que, depuis la discussion de la loi relative à la bioéthique par le Parlement, les connaissances scientifiques n'ont pas évolué : aucun clone embryonnaire n'a été créé et la recherche demeure très dispendieuse en ovocytes humains. Le professeur Hwang Woo-Suk a ainsi prélevé plus de 2.000 ovocytes sur une centaine de femmes, en faisant parfois usage de pressions pour mener à bien ses recherches .

M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique , s'est réjoui du contrôle régulier par le Parlement sur l'application des lois votées grâce à l'initiative du député Jean-Luc Warsmann. Lui-même, en tant que rapporteur de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, s'est penché sur l'état de publication des décrets au mois de mars 2005. Des quarante articles de la loi, vingt-cinq sont d'application directe. Sur les quinze articles qui nécessitent la prise d'un décret, un seul, celui relatif à l'importation de cellules souches embryonnaires, était paru en mars 2005, soit un taux de publication de seulement 4 %. A sa demande, la Cour des comptes a étudié les moyens dont la direction générale de la santé (DGS) dispose pour la rédaction des décrets. Ces moyens sont apparus nettement insuffisants compte tenu du nombre important de textes réglementaires à publier dans le cadre des lois du 6 août 2004 relative à la bioéthique, du 9 août 2004 de santé publique et du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance maladie. Il s'est réjoui, à ce titre, que le rythme de parution des textes se soit largement accéléré au cours de l'année 2005 avec la sortie des décrets relatifs à la création de l'agence de la biomédecine au printemps et à la recherche sur l'embryon ces derniers jours. Il a souhaité que les textes permettant l'extension du diagnostic préimplantatoire (DPI) voient le jour avant la fin de l'année 2006.

M. Pierre-Louis Fagniez a réfuté les allégations du professeur Axel Kahn selon lesquelles le législateur aurait élargi la liste des donneurs vivants uniquement par humanisme pour les patients en attente d'une greffe. Il a reconnu que les donneurs potentiels peuvent faire l'objet de pressions et a indiqué que le registre institué par la loi relative à la bioéthique permet de leur garantir un meilleur suivi. L'objectif de la loi est d'offrir aux équipes médicales des moyens supplémentaires pour trouver le donneur le mieux compatible, physiquement et psychiquement. Les médecins n'ont d'ailleurs pas abusé de cette nouvelle possibilité, puisque le nombre de greffes de donneurs vivants en France - 200 chaque année - n'augmente pas.

Il a estimé que la prochaine révision de la loi, prévue en 2009 posera la question sensible du clonage non reproductif, même si aucun progrès n'a été enregistré à ce jour.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique , s'est déclarée préoccupée par l'élargissement du cercle des donneurs vivants autorisés, notamment lorsqu'il s'agit d'enfants, y compris conçus après un DPI sur lesquels des pressions pourraient être enregistrées. Elle a fait état de situations délicates rencontrées par des comités d'experts pédiatres en matière de dons d'organes par des mineurs. Elle a rappelé que la Grande-Bretagne autorise le don d'enfant à parent, ce qui pose un problème éthique délicat. Elle a estimé que, dans une situation de pénurie d'organes, l'obligation de recueillir le témoignage de la famille sur la volonté du défunt aboutit très souvent à un refus de prélèvement, malgré les modifications introduites par la loi du 6 août 2004 et en violation avec le principe général du consentement présumé.

Elle a regretté le retard pris dans le réexamen de la loi de 1994 et dans la publication des décrets de la loi de 2004. Elle a estimé que la découverte de la supercherie du professeur Hwang Woo-Suk va redonner espoir aux équipes françaises, qui pensaient pâtir de la publication tardive des textes réglementaires. Elle a estimé qu'il convient d'attendre les résultats des recherches sur l'embryon et sur les cellules souches adultes avant de réfléchir à une modification de la législation sur le clonage thérapeutique.

Elle a fait état du dernier avis du CCNE sur les questions de filiation qui propose de maintenir le principe de l'anonymat entre le donneur et le receveur tout en proposant une évolution du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) pour permettre un accès aux données non identifiantes dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP).

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a souhaité que la révision de la loi en 2009 autorise la réimplantation post mortem, ainsi que le double don de gamètes, dans la mesure où la possibilité existe déjà pour un couple d'accueillir l'embryon surnuméraire issu d'une autre union. Elle a indiqué que les prochains avis du CCNE concerneront la commercialisation des lignées de cellules souches, la vaccination ciblée contre la tuberculose, les problèmes posés par la biométrie et les nanobiotechnologies, en coopération respectivement avec la Grande Bretagne et le Canada, ainsi que les inégalités dans l'accès aux soins et la médecine carcérale.

M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique à l'Agence de la biomédecine, a indiqué que les dispositions réglementaires relatives à l'information des jeunes de seize à vingt-cinq ans sur le don d'organes ont nécessité une longue concertation avec l'ordre des médecins pour élaborer un système efficace et sont en cours de rédaction. Il a estimé que le principe du consentement présumé du donneur décédé applicable en France fonctionne convenablement, car les praticiens ont acquis l'habitude d'associer les familles à la décision de prélèvement, même si le taux de refus demeure de 30 %.

Il a considéré que l'ABM a été mise en place dans de bonnes conditions car les directions anciennes de l'établissement français des greffes (EFG) ont été conservées et se sont vu simplement adjoindre de nouvelles missions et des moyens supplémentaires. L'activité de l'agence a débuté par les rapports d'activité des centres de prélèvements d'organes et par la codification des bonnes pratiques des équipes médicales chargées des prélèvements et des greffes. Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place sur les différentes stratégies d'AMP et le registre de l'association France greffe de moelle a été intégré sans difficulté à l'ABM.

Il a estimé que le critère du nombre de malades en attente d'une greffe n'est pas pertinent pour juger de l'activité de l'agence, car il dépend de variables multiples et de comparaisons internationales. Ainsi les pays qui n'ont qu'une faible activité en matière de greffe, comme la Pologne et la République tchèque, n'ont en conséquence pas de liste d'attente. En France, 8.000 malades sont en attente d'une greffe, dont 6.000 pour un rein. Le « plan greffe 2000-2003 » a permis de passer de 15 à 22 greffes par million d'habitants, ce qui place aujourd'hui la France en deuxième position derrière l'Espagne. 4.228 greffes ont été réalisées en 2005 contre seulement 2.800 en 1995, dont 2.500 greffes de reins (1.600 en 1995), 1.024 greffes de foie (environ 600 en 1995), 339 greffes de coeur, qui demeurent stables, et 205 greffes de poumons (92 en 1995). Les résultats sont également très satisfaisants en matière de greffes de sang de cordon. Cette progression est le fruit du dynamisme des équipes de greffes, dont certaines ont bénéficié d'un audit externe et des groupes de travail de l'ABM. Concernant les greffes de poumons, leur nombre a été équivalent en 2005 à celui des nouveaux inscrits sur la liste d'attente.

M. Bernard Loty a indiqué que le prélèvement d'organes peut procéder de trois techniques : les prélèvements sur des personnes en état de mort cérébrale, largement majoritaires en France, mais avec des inégalités entre les régions ; les prélèvements sur donneurs vivants, qui représentent seulement 6 % du total ; enfin, les prélèvements en état de « coeur non battant ». Dans la plupart des pays européens, les prélèvements sur donneur vivant sont plus nombreux : ils représentent ainsi jusqu'à 50 % des greffes en Norvège. Un comité des donneurs vivants a été mis en place en 2005 et a permis une légère amélioration de la situation en France : 214 prélèvements ont été effectués en 2004 et 263 en 2005, essentiellement des reins mais aucun foie, même si l'élargissement des donneurs vivants autorisés ne s'est pas encore fait sentir. Concernant les prélèvements sur « coeur non battant », que la France était le seul pays à interdire, alors qu'ils représentent 50 % des greffes en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Pays Bas, neuf sites-pilotes sont aujourd'hui conventionnés. Les équipes bénéficient d'une formation, mais leurs moyens sont encore insuffisants. Il a indiqué, à cet égard, que le « plan greffe 2000-2003 » a permis la création de 140 emplois équivalent-temps plein dans les hôpitaux, qui ont été pérennisés par la tarification à l'activité (T2A). Il a souhaité la mise en oeuvre d'un second plan greffe et la création de nouveaux postes.

Le professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique de l'Agence de la biomédecine , a précisé que l'ABM dispose de compétences en matière d'AMP, de diagnostic prénatal et de recherches sur l'embryon. 2,2 % des naissances sont aujourd'hui le résultat d'une AMP soit 16.000 naissances par an. Il ne s'agit donc plus d'une méthode marginale, ce qui appelle des exigences de qualité, de sécurité et d'information. L'ABM souhaite développer un suivi de ces enfants à long terme sans pour autant les stigmatiser. Par ailleurs, il a indiqué que 800.000 femmes ont bénéficié d'un diagnostic prénatal.

Il a fait valoir que l'agence a déjà traité 45 dossiers d'autorisation, dont dix-sept sur des implantations de cellules souches, dix sur la conservation de cellules et dix-huit sur l'importation de cellules souches embryonnaires. Dix-huit protocoles de recherches ont été autorisés grâce aux lignées de cellules fournies par six pays étrangers. Cinq de ces lignées concernaient des cellules malades issues de DPI.

M. Alain Milon a demandé que soit précisé le nombre de donneurs en mort cérébrale et à « coeur non battant ». Il a demandé si l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'ABM a eu des conséquences sur la gestion de la liste d'attente des malades.

Rappelant que le décret du 28 septembre 2004 a autorisé l'importation des cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherches, il s'est interrogé sur la provenance de ces cellules souches et sur le contrôle du circuit d'importation. Il a également demandé quels sont les résultats les plus récents de la recherche sur les cellules souches adultes.

M. Bernard Loty a rappelé que la France autorise depuis peu les prélèvements sur « coeur non battant ». Aucun n'a donc été effectué à ce jour, d'autant que la technique requiert un matériel coûteux.

Il a indiqué que l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'agence s'est parfaitement déroulée et n'a pas eu de conséquence sur les malades en attente d'une greffe.

Le professeur Axel Kahn a reconnu que les équipes de chercheurs français ont pris du retard en matière de recherche sur l'embryon, très active dans de nombreux pays, en raison de la publication tardive des décrets. Ce retard doit toutefois être relativisé, dans la mesure où la France est en pointe pour la recherche sur les cellules animales. Il a estimé que l'ouverture des recherches sur l'embryon permettra d'améliorer les thérapies pour cet âge de la vie qui était jusqu'à présent le seul à ne pas être étudié. Elle constitue un atout pour la recherche fondamentale et une promesse thérapeutique pour les années à venir. Les cellules souches embryonnaires sont en effet nombreuses, elles peuvent être multipliées facilement en culture et la maîtrise de leur différenciation a fait de réels progrès. Malgré tout, elles demeurent encore tumeurigènes en cas de greffe. Au contraire, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose aucun problème éthique : leur compatibilité immunologique est parfaite, le risque de transformation maligne bien moindre et les essais cliniques menés jusqu'à présent sont encourageants. Leur utilisation n'est toutefois pas exempte de difficultés, dans la mesure où leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires.

Le professeur François Thépot a précisé que 80 % des cellules souches embryonnaires importées par la France proviennent des Etats-Unis et d'Israël. Pour le reste, il a été fait appel à la Grande-Bretagne, à l'Australie, à la Belgique et à la Suède. Le contrôle de leur importation est identique à celui qui s'applique à l'importation des autres cellules.

Le professeur Axel Kahn a estimé que la fraude du professeur Hwang Woo-Suk n'élimine pas le problème essentiel posé par le clonage : celui du nombre très élevé d'ovocytes nécessaires pour aboutir à un résultat, et la nécessaire protection des femmes donneuses qui doit en découler.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a considéré que le suivi des enfants nés par AMP est essentiel, même s'il comporte des risques de stigmatisation. Elle a souhaité que la prochaine révision de la loi bioéthique en 2009 pose les questions de la réanimation néonatale et de la patrimonialité du corps humain. Elle a indiqué à cet égard que le coût de l'importation d'une lignée de cellules souches embryonnaires revient à environ 2.000 ou 3.000 euros, soit un coût qui correspond strictement à celui des procédures et n'engendre pas de bénéfice pour les vendeurs. Elle a enfin regretté que la France n'ait pas encore ratifié la convention d'Oviedo.

Mme Bernadette Dupont a demandé si le CCNE réfléchit à la prise en charge de l'autisme et si les cellules souches embryonnaires sur lesquelles des recherches sont menées sont issues des diagnostics prénatals.

M. François Autain a considéré que le retard dans la publication des décrets est commun à l'ensemble des textes législatifs. Il a regretté que les délais de parution annoncés par le Gouvernement soient toujours inférieurs à la réalité. Il a demandé qui est responsable de ce retard et a estimé qu'il convient d'augmenter le nombre de fonctionnaires de la DGS.

M. Bernard Seillier, président , lui a fait valoir que M. Didier Houssin pourra répondre à ses questions à l'occasion de la seconde table ronde de la matinée.

M. François Autain a déploré que la révision de la loi en 2009 intervienne avant que le législateur ne connaisse les conclusions des rapports de l'ABM et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la recherche embryonnaire. Il a demandé si les résultats des recherches britanniques sur le clonage thérapeutique sont connus. Il a estimé que le système du consentement présumé du défunt se révèle in fine être celui de la famille, qui refuse souvent, alors que le système proposé par le Sénat d'une mention écrite des volontés dans le dossier médical aurait été plus efficace.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si le clonage thérapeutique peut être défini comme un clonage reproductif interrompu.

M. Guy Fischer a rappelé qu'à l'époque de la discussion du texte au Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen s'était prononcé en faveur de l'autorisation du clonage thérapeutique. Il a demandé si la T2A permet aux hôpitaux de dégager des moyens suffisants pour leur activité de greffe.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que les études britanniques n'ont pas encore abouti. C'est également le cas en Chine et aux Etats-Unis. Les embryons qui ont été créés ont tous dégénérés. En outre, ces recherches posent le problème de l'utilisation massive d'ovocytes. Il a ajouté qu'aucune expérience de clonage n'a encore fonctionné sur un primate.

Il a estimé que la seule différence entre le clonage reproductif et le clonage thérapeutique réside dans leur finalité : la création d'un enfant pour l'un, le progrès scientifique pour l'autre.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a précisé que la saisine du CCNE concernant l'autisme porte sur les apports des prises en charge psychanalytique et médicale.

M. Bernard Loty a estimé que la T2A est insuffisante pour répondre aux besoins des équipes médicales chargées du prélèvement et de la greffe d'organes. Il a souhaité que la prochaine loi relative à la bioéthique simplifie le dispositif législatif et réglementaire actuel, qui n'est pas compris par les professionnels de santé. Il a estimé que la loi doit se contenter de fixer les grands principes et que le nombre de décrets doit être limité.

Seconde table ronde sur le thème de l'application des lois relatives à la bioéthique et à la santé publique, en présence de M. Didier Houssin, directeur général de la santé, Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) et du professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor

La commission a ensuite tenu une seconde table ronde sur le thème de l'application des lois relatives à la bioéthique et à la santé publique, en présence de M. Didier Houssin, directeur général de la santé , Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) et du professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor .

A M. Didier Houssin, directeur général de la santé, M. Alain Milon a fait observer que plusieurs dispositions essentielles de la loi relative à la bioéthique ne sont pas applicables à ce jour, en raison de l'absence de publication des mesures réglementaires nécessaires. Il s'agit, en particulier, des modifications du régime juridique des tests génétiques et des thérapies géniques et xénogéniques ainsi que de la plupart des décrets relatifs, d'une part, aux greffes et prélèvements d'organes, d'autre part, au régime des recherches scientifiques pouvant être menées sur l'embryon.

Il s'est interrogé sur les raisons d'un tel retard, alors même que ces textes sont attendus avec impatience par les chercheurs, les professionnels de santé et, plus encore, par les patients en demande d'une greffe et a demandé pour quand on peut raisonnablement espérer la publication de ces mesures réglementaires.

La même situation est déplorée pour la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, puisque au 1 er janvier 2006, seule une trentaine de mesures réglementaires sur les 108 prévues étaient publiées, pour l'essentiel d'ailleurs des mesures de second ordre. Il s'est demandé quelles sont les raisons expliquant, là encore, ce délai anormal : de toutes les réformes engagées ces dernières années dans le domaine de la santé, il s'agit incontestablement de celle qui enregistre le plus grand retard dans son application. Il a déploré les conséquences préjudiciables de cette situation pour les recherches biomédicales et pour l'évaluation des soins courants : aucune des mesures réglementaires prévues aux articles 88 à 97 de la loi n'est parue à ce jour, alors que ces textes étaient attendus pour le mois de novembre 2005.

M. Alain Milon s'est ensuite adressé à Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem, et au professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor, pour aborder le sujet des conséquences de ces retards administratifs sur les recherches biomédicales et sur l'évaluation des soins. Il s'est enquis des dispositions de la loi de santé publique d'ores et déjà applicables et des avancées qu'elles ont permis aux chercheurs de réaliser.

M. Alain Milon a souhaité connaître les souhaits des scientifiques et des laboratoires sur le contenu des textes réglementaires en attente de publication et s'est demandé si la prochaine loi relative à la bioéthique ne devrait pas à nouveau modifier ces dispositions, et si oui, dans quel sens.

Il s'est interrogé enfin sur la possibilité de procéder, aussi bien avant qu'après autorisation de mise sur le marché d'une molécule, à des essais comparatifs entre un produit de santé et une autre stratégie thérapeutique.

M. Didier Houssin a tout d'abord fait le point sur l'applicabilité des dispositions de la loi relative à la bioéthique. Sur quarante articles, vingt-quatre étaient d'application directe, notamment les règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques d'une personne, mais aussi certaines dispositions relatives au don et à l'utilisation des éléments du corps humain, la protection juridique des inventions biotechnologiques et l'interdiction du clonage reproductif.

Pour le reste, cette loi requiert la publication de vingt-sept décrets, dont douze l'ont déjà été, et ce dans des domaines comme le Comité consultatif national d'éthique, l'agence de la biomédecine et la recherche sur l'embryon et la réglementation des greffes avec, en particulier dans ce domaine, les prélèvements sur les donneurs vivants et les prélèvements sur les donneurs à coeur arrêté.

Il a également mentionné le décret qui a été publié afin d'assouplir les règles de sélection clinique et biologique des donneurs. Ce texte devrait permettre, dans le contexte actuel de pénurie de greffons, d'améliorer l'accès des patients à la greffe. Les dernières mesures réglementaires en attente de publication dans le domaine des greffes correspondent, pour la plupart, à des dispositions déjà existantes et non modifiées sur le fond par la loi bioéthique. Il convient simplement de les actualiser.

La grande majorité des quinze décrets manquants à ce jour devraient être publiés avant la fin du premier semestre 2006. Ces retards trouvent leur origine dans la complexité des questions traitées et dans la nécessité de conduire de nombreuses consultations. En outre, la rédaction des décrets relatifs, d'une part, à la révision des conditions d'autorisation des établissements préparant les tissus, d'autre part, au prélèvement de cellules et à l'importation et l'exportation d'organes, de tissus et de cellules, est rendue difficile en raison des exigences du droit communautaire. De nombreuses dispositions de la directive 2004/23/CE relative aux tissus et aux cellules, ainsi que deux autres directives techniques actuellement en cours de discussion, devront être transposées en droit interne. Il convient d'intégrer ces obligations nouvelles dans les décrets en préparation, notamment celle prévoyant l'intervention d'une personne responsable des activités, ainsi qu'un médecin chargé de la veille médicale et scientifique, celle relative à l'inspection des établissements tous les deux ans, ainsi que les nouvelles modalités de distribution et de délivrance des produits et l'autorisation des procédés.

M. Didier Houssin a indiqué qu'il a été jugé préférable, dans ces conditions, d'attendre la fin des négociations entre les experts des Etats-membres, prévue pour la fin du mois de février 2006, afin de connaître la teneur des modifications à apporter aux mesures réglementaires en cours d'élaboration.

Il a précisé, en particulier, que la rédaction du décret relatif aux médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique nécessite de prendre en compte les dispositions de la nouvelle loi relative aux organismes génétiquement modifiés qui transposera la directive 2001/18/CE relative à la dissémination des organismes génétiquement modifiés. Ce texte législatif permettra en effet de revoir et de compléter notre droit sur plusieurs points : les éléments spécifiques à prévoir dans le dossier de demande d'autorisation, la mise en oeuvre d'une procédure d'information et de consultation du public, le recueil de l'avis du nouveau conseil des biotechnologies, la mise en place d'un suivi post-autorisation avec signalement de tout risque pouvant porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine, et la durée d'autorisation de mise sur le marché.

Il est donc apparu souhaitable d'attendre ce nouveau cadre législatif pour modifier la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique, d'autant plus qu'il n'y a pas de vide juridique, puisque l'autorisation de préparation de thérapie génique est encadrée par deux décrets (décret du 1 er octobre 2001 relatif aux produits de thérapie génique et cellulaire et décret du 6 novembre 1995 pour la partie OGM de la procédure) et qu'il n'y aura pas, dans un futur proche, de médicaments de thérapie génique.

M. Didier Houssin a précisé que, compte tenu de l'élaboration de la loi relative aux OGM, il sera bientôt possible de présenter la première version des dispositions réglementaires attendues dans le domaine de la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique. Les projets de texte préparés en ce sens pourraient être soumis à l'avis des différents partenaires concernés au début du mois de mars 2006.

Les dispositions relatives aux examens des caractéristiques génétiques et à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave font également l'objet de deux décrets d'application en cours d'élaboration. L'extension des dispositions de la loi relative à la bioéthique aux territoires d'outre-mer sera réalisée dans le cadre de la mise à jour prévue du code de santé publique.

D'une façon générale, il a souligné qu'il a veillé, depuis sa prise de fonction, à ce que la direction générale de la santé réalise un effort important pour accélérer la rédaction des textes qui lui incombent et pour résorber le stock des décrets en retard. Celui ci a été ramené en un an, de 200 à 150 décrets en souffrance grâce au doublement de la production réglementaire de la direction entre 2004 et 2005, qui est passée de 19 à 45 décrets publiés. Cette action prioritaire sera poursuivie en 2006, avec un objectif de croissance de 10 % par rapport à 2005.

M. Didier Houssin a ensuite évoqué la situation de la loi relative à la politique de santé publique : celle-ci comporte 158 articles, dont soixante-neuf d'application directe, parmi lesquels l'interdiction des distributeurs automatiques de boissons et aliments payants dans les établissements scolaires, l'extension de l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale de signaler aux autorités sanitaires les risques dont ils auraient connaissance, l'information en milieu scolaire des risques sanitaires liés à l'usage de stupéfiants et l'octroi aux maires de compétences en matière de contrôle des règles d'hygiène de l'habitat.

Pour le reste, l'application de cette loi requiert la publication de soixante-deux décrets simples ou décrets en Conseil d'Etat. Parmi les vingt et une mesures réglementaires déjà publiées, il a mentionné le décret modifiant les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, celui organisant l'Institut national du cancer et les deux décrets relatifs respectivement aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et à l'approbation du référentiel national pour les actions à mener en matière de réduction des risques.

M. Didier Houssin a souligné que la partie que la loi consacre à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de santé publique au niveau national et régional est désormais quasiment opérationnelle : les décrets relatifs à la Conférence nationale de santé et au Comité national de santé publique ont été publiés ; la Conférence nationale de santé sera installée au premier semestre 2006 et le Comité national de santé publique se réunira une première fois au printemps 2006. Les décrets relatifs aux groupements régionaux de santé publique, ainsi qu'aux conférences régionales de santé, ont été publiés eux aussi. Toutes les conférences régionales de santé devraient être mises en place début mars 2006, ce qui leur permettra d'être consultées sur les projets de plans régionaux de santé publique avant que ces derniers ne soient arrêtés par les préfets de région.

Il a indiqué que la publication du projet de décret sur les recherches biomédicales interviendra elle aussi prochainement, comme d'ailleurs celui relatif aux modalités d'application des dispositions de lutte contre le saturnisme. Plusieurs autres projets de mesures réglementaires sont actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, et notamment ceux relatifs à la formation continue des médecins, des chirurgiens dentistes et des pharmaciens, celui concernant l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et des pédicures podologues, celui relatif aux mesures de publicité de l'acte portant déclaration d'utilité publique des captages d'eau, ainsi que celui définissant les conditions de réalisation des analyses de biologie médicale par des laboratoires installés en Europe. Il a précisé enfin que le projet de décret concernant la réglementation applicable aux psychothérapeutes est actuellement soumis à la consultation des professionnels.

En définitive, M. Didier Houssin a considéré que la publication prochaine de tous ces textes devrait permettre une mise en oeuvre effective beaucoup plus large des dispositions de la loi de santé publique.

Après avoir souligné l'évolution inquiétante du nombre d'essais cliniques réalisés en France au cours de la dernière année (- 25 % entre 1995 et 2005), Mme Catherine Lassale s'est interrogée sur le lien qu'il pourrait y avoir entre cette diminution très importante, qui s'est même accélérée en fin de période (- 15 % entre 2004 et 2005), et le cadre juridique des recherches médicales dans notre pays. Elle a souligné que le LEEM souhaite vivement une plus grande harmonisation européenne, notamment dans les domaines des autorisations d'essais cliniques, des missions du comité de protection des personnes (CPP), de la limitation des déclarations immédiates des effets indésirables graves et inattendus et de la notification des résultats et des possibilités de recours.

Elle a rappelé les étapes successives de la mise en oeuvre, en France, des dispositions de la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 relative aux essais cliniques. La date limite pour la transposition par les Etats-membres de ce texte en droit interne était fixée au 1er mai 2004. Celle-ci a été réalisée dans notre pays par la loi relative à la politique de santé publique votée le 9 août 2004, mais certaines de ses dispositions ne sont toujours pas applicables, dans l'attente de la publication, prévue pour 2006, du décret d'application « Recherche biomédicale » et de plusieurs arrêtés.

L'état des lieux de la transposition de cette directive s'établit aujourd'hui en Europe de la façon suivante : onze pays ont intégralement transposé ces dispositions (la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, l'Allemagne, la Finlande, la Grèce, la Lituanie, la Hongrie, la Norvège et la Suède). Dans cinq autres pays, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la République tchèque, sa transposition a été menée à bien, malgré l'absence de certaines mesures réglementaires d'application. Et dans quatre pays, les Pays Bas, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, la transposition en droit interne est encore en cours.

Mme Catherine Lassale a souligné le rôle décisif de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), au cours de la phase pilote de mise en oeuvre des dispositions de cette directive. En 2005, quatre-vingt-un laboratoires y ont également participé, dans le cadre de 417 dossiers d'autorisations d'essais cliniques sur un total de 1.045.

D'importants travaux sont en cours, tant à l'Afssaps, notamment au niveau des groupes « avis aux demandeurs » et « bonnes pratiques cliniques », qu'à la direction générale de la santé (DGS) et dans les Comités de protection des personnes.

Les industriels souhaitent ardemment la publication rapide du décret et des arrêtés en souffrance. Ils en attendent la mise en place de délais attractifs tant pour les demandes d'avis aux CPP (trente-cinq jours) que pour les demandes d'autorisation d'essais cliniques à l'Afssaps, dont ils espèrent qu'ils pourraient être de trente jours, ou de soixante jours avec des possibilités de dérogation par arrêté.

Plusieurs points nécessitent des explications complémentaires : les modalités de déclaration à l'Afssaps des demandes d'amendement à un protocole de recherche, les modalités de transfert de la demande à un autre CPP en cas de dépassement du plafond de demandes et en cas de retrait d'agrément, les modalités de désignation d'un nouveau comité en cas de réexamen de la demande, l'indemnisation des patients et les modalités de déclaration des collections d'échantillons biologiques à l'Afssaps.

Le professeur François Lemaire a estimé qu'il convient d'examiner avec compréhension le problème du retard dans la publication des mesures réglementaires d'application des lois récemment votées. Ces textes législatifs majeurs représentent en effet un changement considérable et interviennent après un très long statu quo. Il est donc normal qu'ils nécessitent un travail réglementaire important et une préparation approfondie.

Il a également indiqué qu'à l'instar du LEEM, les différents organismes publics dans le domaine de la recherche ont décidé de se rassembler pour constituer une coordination institutionnelle destinée à assurer leur représentation auprès des pouvoirs publics. Cet organisme, dont la création remonte à quelques jours à peine, leur permettra d'être consulté par les autorités sanitaires.

Il a souhaité que des études soient réalisées pour promouvoir les bonnes pratiques à faible coût. Il s'est inquiété, en particulier, de la catégorie des recherches sur les soins courants. La rédaction du décret les concernant, à l'élaboration duquel le professeur Francis Giraud a été associé, représente une avancée importante, dans la mesure où la direction générale de la santé a admis la sélection au hasard, ou « randomisation », des patients. Or, la directive européenne sur les essais cliniques interdit cette pratique. Un amendement à ce sujet avait été intégré dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a malheureusement été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier social. Cette disposition sera vraisemblablement reprise sous la forme d'un nouvel amendement au projet de loi sur la recherche, en cours d'examen, et pourrait s'accompagner d'un second amendement sur la question des modalités de financement des recherches sur les soins courants.

Il a considéré que la mise en oeuvre de la loi de santé publique nécessite un effort important de pédagogie, en particulier au niveau des CPP, et a jugé que la combinaison de textes envisagée en France pour la promotion tout à la fois des soins courants et des études post-AMM constituerait un ensemble de dispositions de bon niveau et probablement unique en Europe.

Après avoir reconnu l'ampleur des bouleversements législatifs intervenus au cours de la présente législature dans le domaine de la recherche et de la santé publique, M. Alain Milon a considéré à son tour que le retard dans l'apparition des mesures réglementaires doit être appréhendé avec une certaine tolérance, et non dans un esprit de critique systématique. Il a estimé que les chercheurs doivent désormais bénéficier d'une bonne lisibilité, ce qui suppose une pause au niveau législatif.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité connaître la position du ministère de la santé sur l'opportunité de ratifier la convention d'Oviedo. Elle a insisté sur la question de la commercialisation de cellules souches et elle s'est demandé si le principe qu'aucun élément du corps humain n'est brevetable ou commercialisable ne tend pas à être contourné dans la pratique, notamment en ce qui concerne les dérivés du sang humain.

M. Didier Houssin a indiqué que le ministère de la santé est très favorable à la ratification de la convention d'Oviedo.

Mme Catherine Lassale a déclaré ne pas partager le sentiment qu'il y ait actuellement un problème avec la brevetabilité ou la commercialisation des éléments du corps humain, tout en indiquant que ces questions devront faire l'objet, à l'avenir, d'une réflexion au niveau européen. Elle est revenue sur la question des soins courants en indiquant que les industriels sont très favorables à la comparaison des statistiques thérapeutiques, tout en s'inquiétant qu'en l'état actuel des choses la directive européenne exclue la sélection au hasard des patients.

M. Didier Houssin a souhaité que soient adoptés, dans le cadre du projet de loi sur la recherche, les deux amendements déjà évoqués sur les soins courants.

Après s'être félicité de la diminution du stock de décrets en retard de publication, M. François Autain a constaté que beaucoup reste à faire et s'est demandé si la direction générale de la santé dispose des moyens suffisants pour accomplir ce travail de longue haleine. Dans le cas très précis de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, il a regretté que le décret prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique prive d'application une disposition importante sur l'information du public des conflits d'intérêts entre les chercheurs et l'industrie pharmaceutique.

M. Didier Houssin a confirmé l'importance qu'il accorde à la résolution de ce problème de décrets en retard. L'effort de rattrapage a été réalisé sans moyens supplémentaires, grâce à une mobilisation importante de ses collaborateurs, mais avec l'appui temporaire de deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). A l'intérieur de la DGS, plusieurs personnes ont été spécialement chargées de trouver les moyens d'accélérer la rédaction des décrets et d'identifier les blocages administratifs.

En réponse à François Autain, il a pris l'engagement personnel de faire aboutir le dossier du décret d'application prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la ratification de la convention d'Oviedo devrait elle aussi revêtir le même caractère prioritaire. Elle a souhaité savoir s'il existe, dans les laboratoires privés, parallèlement à la recherche dans les organismes publics, une recherche encadrée sur les embryons et les cellules souches.

Mme Catherine Lassale a indiqué qu'à sa connaissance, tel n'est pas le cas.

Mme Marie-Thérèse Hermange a observé que la convention d'Oviedo qui prohibe la recherche sur les embryons humains, s'inscrit en contradiction avec les demandes « d'ouverture limitée » de la recherche en ce domaine.

M. Didier Houssin a reconnu que le droit a parfois du mal à s'adapter aux impératifs de la recherche.

M. Bernard Seillier, président , a souhaité avoir des précisions sur la coordination des institutionnels, dont le professeur François Lemaire a annoncé la création récente.

EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 12 avril 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu le rapport d'information de M. Alain Milon sur l'état d'application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique .

M. Alain Milon, rapporteur , a tout d'abord exposé les grandes lignes de son rapport d'information (cf. exposé général).

M. Guy Fischer a estimé que le législateur de 2004 n'a pas été suffisamment ambitieux sur plusieurs sujets, ce qu'avait dénoncé l'opposition à l'époque et que confirment les auditions menées dans le cadre de la préparation du rapport d'évaluation de l'application de la loi. Faisant état de la visite du laboratoire du CNRS à Villejuif, il a jugé préoccupant le départ pour l'étranger de nombreux chercheurs et a dénoncé l'insuffisance des créations de postes dans le secteur public de la recherche. Enfin, il s'est dit favorable à l'autorisation définitive de la recherche sur l'embryon et à l'introduction, dans le code civil, d'un statut juridique clair de l'embryon et du pré-embryon.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est également inquiétée de l'expatriation des chercheurs français et a jugé regrettable le retard pris dans la parution des textes réglementaires d'application de la loi du 6 août 2004. Elle a rappelé que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, au nom de laquelle elle avait rapporté l'avis sur le texte de 2004, n'avait pu dégager de position commune sur les thèmes de l'AMP et de l'implantation post mortem d'embryon. Elle s'est toutefois déclarée, à titre personnel, opposée à l'autorisation de cette dernière et a souhaité connaître le sentiment du rapporteur sur ce sujet.

M. Alain Vasselle a estimé que le Parlement ne se consacre pas suffisamment à sa mission de contrôle de l'application des lois qu'il vote. Il a regretté qu'aucune sanction ne soit prévue à l'encontre du Gouvernement lorsque le délai de parution des textes réglementaires d'application est trop long et a suggéré que les ministères responsables d'un tel retard ne puissent pas déposer de nouveau texte sur le bureau des assemblées avant que les précédents ne soient entièrement applicables.

Il a considéré que les efforts doivent être poursuivis en matière de réforme de l'Etat, notamment en redéployant les personnels du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie vers celui de la santé et des solidarités, de façon à donner à ce dernier les moyens d'assurer l'ensemble de ses tâches.

Il a demandé quelles sont les dispositions de la loi de programme sur la recherche susceptibles de limiter la « fuite des cerveaux » et a estimé que la question de la recherche sur l'embryon pose le problème délicat de la conciliation entre le respect de la vie humaine et les espoirs de découverte de nouvelles thérapies.

Mme Marie-Thérèse Hermange a rappelé qu'elle avait elle-même demandé, en septembre dernier, à la commission que soit réalisé un bilan de l'application réglementaire de la loi du 6 août 2004, incluant un état des lieux de la recherche sur les cellules souches adultes et embryonnaires. Elle a estimé, à ce titre, que l'autorisation d'importer ces cellules de l'étranger constitue un moyen de contourner l'interdiction de recherche sur l'embryon posée par la législation française.

Elle a souhaité que la prochaine révision de la loi de bioéthique s'intéresse aux problèmes posés par l'AMP, notamment celui de l'anonymat du don de gamètes qui empêche les enfants nés grâce à un tiers donneur de connaître leurs origines et celui des trop nombreux « ratés » de cette technique de procréation : à titre d'exemple, à l'hôpital parisien Bichat, le suivi de soixante-huit couples qui ont bénéficié d'une AMP montre que seize grossesses ont été obtenues, mais six naissances seulement menées à terme, dont trois enfants présentent des problèmes neurologiques ; les dix morts foetales recensées étaient dues à un retard de croissance de l'embryon.

Elle a enfin rappelé que la recherche sur les embryons congelés pose des difficultés techniques et a dénoncé la pratique consistant à se débarrasser des embryons considérés comme ne pouvant être implantés, alors que 2 % à 3 % d'entre eux pourraient devenir des enfants viables.

M. Nicolas About, président , a fait observer que les interruptions de grossesse pour raison médicale présentent le même pourcentage d'erreur potentielle. Il a indiqué que les recherches sur les cellules souches adultes sont plus difficiles à mener que celles sur les cellules souches embryonnaires, dans la mesure où les scientifiques doivent les faire régresser avant de les utiliser. Enfin, il a jugé sensible le débat sur l'anonymat des dons de gamètes et a demandé quelles sont exactement les difficultés posées par la recherche sur les embryons congelés.

M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé que la possibilité d'autoriser le double don de gamètes a été évoquée par Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), lors des tables rondes organisées par la commission, le 8 février dernier. Cette faculté pourrait constituer une solution pour les couples dont les deux membres sont atteints d'une maladie potentiellement transmissible à l'embryon.

Il a indiqué que les 100.000 embryons actuellement congelés en France seront détruits au bout de cinq ans s'ils ne font plus l'objet d'un projet parental et a considéré qu'il serait préférable de les utiliser en priorité au profit de la recherche. Le choix se fait donc entre la recherche et la destruction et non entre la vie et la recherche.

Mme Jeannine Rozier a estimé que les débats relatifs à la bioéthique doivent s'affranchir des clivages partisans et des polémiques et que chacun doit pouvoir forger sa conviction en fonction de son éthique personnelle.

M. André Lardeux s'est déclaré défavorable à l'autorisation du transfert post mortem d'embryons et réticent à la poursuite des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Il a estimé que, compte tenu des difficultés matérielles des laboratoires, la recherche française doit se consacrer aux travaux sur les cellules souches adultes, qui ne posent pas de problème éthique. Il a considéré que la séparation sémantique entre l'embryon et le pré-embryon ne résout pas les questions philosophiques et morales relatives à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

M. Alain Milon, rapporteur , a indiqué que le terme de pré-embryon se rapporte à un ensemble de deux cellules indifférenciées et non implantées, ce qui correspond mieux à la définition des cellules souches embryonnaires que celui d'embryon.

Rappelant la supercherie du professeur coréen Hwang Woo-Suk, M. Louis Souvet a estimé qu'il convient de mieux contrôler en amont la véracité des publications scientifiques.

M. Alain Milon, rapporteur , a précisé que le professeur Hwang avait fourni des preuves falsifiées à la revue Science avant la publication de son article.

M. Alain Gournac a souhaité que le présent rapport ne reste pas lettre morte et a considéré que le Gouvernement doit s'expliquer sur le retard pris dans la publication des décrets et s'engager à redresser la situation.

M. Jean-Pierre Michel a salué le travail effectué par la commission en matière de contrôle et d'évaluation. Il a estimé que les élus, qui ne sont pas des scientifiques, doivent intervenir dans le débat sur la bioéthique de façon à ce que la législation n'ait pas pour seul objectif de fournir à la recherche les moyens d'aller toujours plus loin, parfois au détriment de l'homme et de son environnement.

Il s'est déclaré sceptique sur la possibilité de définir précisément l'embryon et de fixer le début de la vie et a affirmé deux convictions : la connaissance de ses origines est l'acquis fondamental qui distingue l'homme de l'animal et il n'existe pas de droit à l'enfant. En conséquence, il a dénoncé les AMP réalisées sur des femmes qui ne sont plus en âge d'être naturellement mères et s'est déclaré hostile à l'implantation post mortem d'embryons.

Mme Isabelle Debré a considéré que, plus que la connaissance de ses origines, c'est sa conscience qui différencie l'homme de l'animal. Elle a souhaité la définition d'un statut juridique du foetus, ce qui permettrait aux parents qui le souhaitent de disposer du corps de leur enfant mort, même avant six mois de gestation, pour lui donner une sépulture et rendre moins difficile le travail de deuil. A l'heure actuelle, cette faculté n'est pas ouverte lorsque la grossesse s'est interrompue avant cette date.

Mme Marie-Thérèse Hermange a indiqué que le CCNE travaille actuellement sur la commercialisation des cellules souches, rappelant que si l'embryon est considéré comme un élément du corps humain, il ne peut être commercialisé. Elle a demandé si le consentement des parents de l'embryon surnuméraire utilisé à des fins de recherche est nécessaire à chaque étape de cette recherche.

M. Nicolas About, président , a précisé que le consentement du couple n'est recueilli qu'au moment de la décision d'utiliser ou non l'embryon pour la recherche, cinq ans après sa conception. Les parents disposent ensuite de trois mois pour revenir sur leur décision.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si les cellules souches peuvent faire l'objet d'un brevet.

M. Nicolas About, président , a rappelé que les éléments du corps humain ne peuvent être brevetés, seuls, les techniques et résultats de recherche étant susceptibles de l'être.

En réponse aux interventions des commissaires, M. Alain Milon, rapporteur , a estimé que la prochaine révision de la loi de bioéthique devra oser aborder de nouveaux sujets de débat, en tenant compte de l'évolution des mentalités et des progrès scientifiques. Il a maintenu son souhait que la recherche sur les cellules souches embryonnaires soit autorisée et le pré-embryon défini à cette occasion.

Il a rappelé que si les chercheurs français ont pris du retard sur la recherche sur l'embryon, ils sont en pointe en matière de recherche sur les cellules animales, ce qui relativise les propos alarmistes tenus par certains d'entre eux.

Il a reconnu que l'implantation post mortem d'embryons pose de réelles questions d'ordre éthique, mais a fait valoir que l'autorisation pourrait être subordonnée à un examen médical et psychologique approfondi de la future mère, destiné à s'assurer de la qualité et de l'équilibre de l'environnement de l'enfant à naître.

Il a considéré que, même si les lieux de recueillement pour les enfants qui ne sont pas nés se multiplient, le foetus doit pouvoir être enterré dignement, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une interruption volontaire de grossesse.

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