Rapport d'information n° 309 (2005-2006) de M. Alain MILON , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 12 avril 2006

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N° 309

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 avril 2006

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur l'état d'application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique ,

Par M. Alain MILON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Bioéthique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'élaboration de la législation française relative à la bioéthique a suivi un cheminement lent et complexe, dû à l'acuité des problèmes juridiques, moraux et éthiques que pose cette matière délicate.

Les trois premières lois de juillet 1994 qui en ont forgé le socle ont été longuement débattues et sont plus lentement encore entrées en vigueur en raison de la publication tardive des décrets nécessaires à leur application intégrale.

Situation assez rare pour être soulignée, ces lois prévoyaient, dans leur dispositif même, un calendrier de réexamen pour adapter les mesures votées à l'évolution attendue des connaissances scientifiques et, le cas échéant, des mentalités. Cette révision devait avoir lieu dans un délai de cinq ans après leur promulgation, soit en 1999. Or, elle n'a pu être entreprise qu'en juin 2001, date du dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale du second projet de loi relatif à la bioéthique.

Les aléas du calendrier parlementaire n'ont permis l'examen de ce texte que par une seule assemblée, avant les échéances électorales de 2002, qui ont conduit une nouvelle majorité au pouvoir.

Jean-François Mattei, ministre chargé de la santé dans le premier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a donc repris à son compte le texte voté par l'Assemblée nationale, le 22 janvier 2002. L'examen par le Sénat des dispositions du projet de loi a finalement eu lieu en janvier 2003 et a débouché sur un dispositif profondément remanié.

A ce stade, un équilibre a pu être trouvé au-delà des clivages partisans sur des sujets majeurs : le clonage, la recherche sur l'embryon, la brevetabilité du vivant, l'aide médicale à la procréation (AMP) et le don d'organes. De fait, la poursuite de la navette n'a pas ensuite apporté de nouveaux éléments essentiels à cet ensemble de mesures.

Malgré tout, les secondes lectures - en décembre 2003 à l'Assemblée nationale puis au Sénat en juin 2004 - se sont échelonnées sur une très longue période. Au total, le dialogue entre les deux chambres aura donc duré trois ans.

Après l'aboutissement du long processus législatif et la publication de la loi le 6 août 2004, on aurait pu penser que les pouvoirs publics auraient à coeur de permettre l'application rapide de mesures très attendues par les chercheurs, par le corps médical, mais aussi par les personnes en attente d'une AMP ou d'une greffe.

Tel n'a pas été le cas. Quel est l'état exact de l'application de la loi ? Quelles sont les raisons du retard pris dans la parution des textes réglementaires ? La recherche française s'est-elle trouvée pénalisée par cette situation ? C'est à ces questions que le présent rapport se propose de répondre.

I. LES LOIS BIOÉTHIQUE : LE CHOIX DE PROCÉDER PAR ÉTAPES

Les avancées de la génétique et de la médecine de la reproduction ont conduit le législateur à répondre, depuis une quinzaine d'années, à de nouvelles interrogations d'ordre éthique et juridique. Il convenait, en effet, de doter la France d'un cadre législatif qui concilie le respect de la dignité de la personne humaine et les exigences du progrès scientifique et thérapeutique. Cet arsenal juridique s'est construit progressivement, dans le souci de rassembler largement les citoyens et les professionnels autour de principes consensuels et symboliques forts.

A. 1994 : LE SOCLE FONDATEUR

1. La fixation de grands principes

Le bloc législatif de 1994 comprend trois textes : la loi n° 94-548 du 1 er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. C'est ce dernier texte qui est aujourd'hui communément appelé « loi de bioéthique ».

Le législateur de 1994 avait souhaité définir les règles d'ordre juridique et moral applicables aux activités scientifiques et médicales touchant au corps humain et à la procréation.

En matière de don et d'utilisation d'organes et de produits du corps humain, l'objectif visé était de protéger à la fois le donneur et le receveur par :

- l'affirmation du caractère non marchand des activités de prélèvement et de transplantation à l'abri des pratiques mercantiles en instaurant la gratuité et l'anonymat du don ;

- l'établissement du consentement libre et éclairé du donneur ;

- l'égalité d'accès au don pour les receveurs en attente ;

- la garantie de la sécurité sanitaire des transplantations.

Dans un contexte de raréfaction des greffons et après le scandale du sang contaminé, il s'agissait de rétablir une relation de confiance forte entre les praticiens de la transplantation et la population.

Pour les dispositions relatives à l' assistance médicale à la procréation (AMP) et au diagnostic prénatal, le législateur a mis en place un encadrement juridique strict reposant sur :

- une approche médicalisée de la procréation à partir d'une définition fondée sur l'évolution possible des techniques ;

- l'intérêt de l'enfant à naître plutôt que sur le droit à l'enfant, en posant des conditions d'ordre médical et social à la mise en oeuvre d'une AMP ;

- le caractère subsidiaire de l'AMP avec tiers donneur ;

- enfin, la protection de l'embryon.

2. Une application lente et imparfaite

La loi de bioéthique avait confié à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) le soin de procéder à l'évaluation de son application avant la révision du texte par le Parlement, prévue cinq ans après son entrée en vigueur. L'office a effectué ce bilan en février 1999 1 ( * ) , alors qu'il était déjà évident que la seconde étape de la législation sur la bioéthique n'interviendrait pas dans les délais impartis. En outre, il a choisi d'élargir le champ de son évaluation à l'ensemble du socle législatif de juillet 1994.

a) La publication tardive des textes d'application

Le constat de l'Opecst est sans appel : près de cinq ans après sa promulgation, la loi du 29 juillet 1994 n'était pas encore intégralement applicable du fait des retards pris dans la parution des textes réglementaires nécessaires.


Etat d'application de la loi du 29 juillet 1994 : le constat de l'Opecst

S'agissant de la partie «  greffes » de la loi, plusieurs décrets essentiels pour sa mise en oeuvre (autorisation des établissements, registre des refus, règles de sécurité sanitaire) ont subi un retard variant entre 32 et 39 mois . L'installation du registre des refus n'a été effective qu'au début de l'été 1998. Restent par ailleurs en souffrance les dispositions relatives au remboursement des frais engagés par les donneurs et la réglementation applicable aux activités de greffe de tissus et cellules, d'une part, de conservation, transformation, distribution, cession, importation et exportation de tissus et cellules, d'autre part.

Il convient en outre de souligner le blocage qui affecte la mise en oeuvre des dispositions relatives aux thérapies génique et cellulaire , primitivement renvoyées au pouvoir réglementaire par la loi de 1994 puis insérées dans la loi du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire. Plus de 32 mois après la promulgation de ce texte, les procédures d'autorisation des établissements ou organismes, d'autorisation des produits de thérapies génique et cellulaire et les protocoles d'essai de thérapie génique sont toujours suspendus à la parution des décrets d'application.

Dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation et du diagnostic prénatal, les retards ont été beaucoup moins sensibles pour ce qui touche à l'organisation et au fonctionnement des structures d'AMP, les difficultés venant ici davantage des conditions dans lesquelles ont été délivrés les autorisations et les agréments. Sur deux points essentiels, cependant, la loi n'a pu être mise en oeuvre que très tardivement :

- les conditions d'autorisation des études menées sur l'embryon ont été fixées par le décret du 27 mai 1997 ;

- la pratique du diagnostic préimplantatoire ne débutera que dans le courant de l'année 1999 : le décret fixant les conditions d'autorisation des établissements n'a été publié que le 24 mars 1998 et l'évaluation des praticiens admis à le mettre en oeuvre pose des problèmes délicats tenant au faible nombre d'experts français en cette matière. Quant à la procédure d'accueil d'un embryon par un couple tiers , elle n'a pu recevoir, faute de texte, aucun commencement d'application.

En ce qui concerne, enfin, les dispositions relatives à la médecine prédictive, à l'identification génétique et à la recherche génétique, le décret du 6 février 1997 a bien fixé les conditions d'agrément des personnes habilitées à pratiquer les tests, mais la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social a ensuite renvoyé les conditions de prescription et de réalisation des tests à un texte réglementaire qui n'est pas encore paru et toute évaluation de la loi est donc sur ce point impossible.

Source : Rapport n° 232 (1999-2000) précité

Les auteurs du rapport ont, à l'époque, invoqué plusieurs raisons techniques aux retards constatés, notamment pour la partie de la loi relative aux dons d'organes :

- la nécessité de recourir à une expertise médico-scientifique et de former les personnels pour appliquer au mieux les dispositions qui touchaient à des activités encore mal connues. Par ailleurs, l'élaboration de règles de bonne pratique devait parfois précéder la parution du décret d'application ;

- la complexité de certaines dispositions, en particulier celles concernant les régimes juridiques différents qui s'appliquent aux cellules à usage thérapeutique (cellules sanguines, cellules souches hématopoïétiques, cellules à autre destination que la thérapie cellulaire, thérapie génique, moelle osseuse) ;

- la difficulté d'interprétation des règles touchant au consentement applicable aux prélèvements post mortem ;

- le nombre élevé de textes d'application à élaborer (trente-deux au total) avec les moyens limités en personnel de la Direction générale de la santé (DGS).

Le temps passant, les lois de 1994 ont été également victimes de la perspective de nouvelles dispositions législatives. Ainsi, la parution des décrets relatifs à la vigilance et au régime des cellules a été retardée jusqu'à l'adoption de la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

b) Les difficultés de mise en oeuvre

En outre, l'application de certaines mesures s'est heurtée à des difficultés juridiques et pratiques.

Ainsi, le champ d'application du principe du consentement au don d'organes (préalable en règle générale, présumé pour une personne décédée) n'a pas été suffisamment clairement précisé dans la loi, ce qui a engendré des difficultés d'interprétation en fonction du type de prélèvements (à visée scientifique ou thérapeutique). Par ailleurs, les actions d'information du public sur la réglementation applicable en la matière ont été trop limitées pour garantir une application juste du principe du consentement présumé.

Par ailleurs, la loi du 29 juillet 1994 n'est pas allée jusqu'à conférer un véritable statut juridique à l'embryon . Des lacunes sont donc apparues en matière d'autopsie et de recherche.

Enfin, la pénurie de greffons a parfois conduit à des prélèvements d'organes ne présentant pas toutes les garanties sur le plan fonctionnel et sanitaire. Ces situations ont pu porter atteinte au principe de sécurité sanitaire inscrit dans la loi et faire douter de l'efficacité du système mis en place.

L'application intégrale des lois de juillet 1994 a donc été longue et, sur certains points, chaotique. Il est, en conséquence, rapidement apparu aux pouvoirs publics et aux scientifiques, que le second volet de la législation relative à bioéthique ne pourrait être voté en 1999, comme le texte de 1994 le prévoyait initialement.

B. 2004 : UN TEXTE DE COMPROMIS ENTRE RESPECT DE L'INDIVIDU ET BESOINS DE LA RECHERCHE

Il faudra in fine attendre dix ans pour que soit votée définitivement la seconde loi dite « de bioéthique » du 6 août 2004, fruit d'un long travail de concertation et d'étude mené, notamment, sous l'égide du Conseil d'Etat, du comité consultatif national d'éthique (CCNE) et de la commission nationale consultative des droits de l'Homme.

L'objectif affiché était de remédier aux lacunes des lois de 1994 et de prendre en compte les récents progrès scientifiques en apportant des réponses à cinq séries de questions :

- l'usage des tests génétiques et leurs applications ;

- le don d'organes et les greffes ;

- les problèmes liés au consentement des personnes en matière de don d'organes, de tissus et de cellules ;

- les questions touchant à l'AMP, du double point de vue de l'évolution des techniques, de l'accueil et de la conservation des embryons ;

- les problèmes posés par le clonage et sa pratique.

1. L'actualisation des lois de juillet 1994

a) Une organisation institutionnelle et juridique remodelée

L'apport majeur du texte en matière institutionnelle réside dans la création de l'agence de la biomédecine (ABM), chargée des missions antérieurement dévolues à l'établissement français des greffes (EFG) dans le domaine du prélèvement et de la greffe d'organes, de cellules et de tissus, notamment la gestion de la liste d'attente et de l'attribution des greffons, et de compétences dans les domaines de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaine : autorisation des recherches sur l'embryon et les cellules embryonnaires, autorisation du diagnostic préimplantatoire, mais aussi agrément des praticiens réalisant des activités d'assistance à la procréation, de diagnostic prénatal et préimplantatoire et des examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales.

Il s'agit donc d'un champ d'activité plus large que celui confié par le projet de loi initial à l'agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine (Apegh), remplacée par l'ABM lors de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, le CCNE devient une autorité indépendante et des espaces de réflexion éthique sont créés au niveau régional.

Enfin, la loi de 2004 met en place un cadre juridique clair, cohérent et adapté aux évolutions technologiques et médicales dans le domaine des thérapies cellulaire et génique. Les cellules, qui relevaient antérieurement de régimes juridiques différents (régime des produits de thérapie cellulaire, des cellules non destinées à la thérapie cellulaire, des cellules d'origine médullaire), sont regroupées dans un cadre unique : celui des produits cellulaires à finalité thérapeutique qui ne comportent que des cellules d'origine humaine. En outre, le statut de médicament est conféré aux produits cellulaires d'origine animale et aux produits de thérapie génique.

b) La priorité donnée à l'information et au consentement de la personne

La loi du 6 août 2004 conforte également les principes régissant le don et l'utilisation d'éléments et de produits du corps humain, posés par la loi du 29 juillet 1994.

Les enjeux bioéthiques dans ce domaine concernent la sécurité sanitaire d'une part, et la protection et le respect de la personne, d'autre part. La sécurité sanitaire avait été largement prise en compte en 1994 et améliorée par la loi du 1 er juillet 1998 précitée. Les nouveautés portent donc essentiellement sur trois points : l'application de la législation de 1994 aux activités d'exportation et d'importation d'organes, la clarification des régimes de consentement avec la généralisation du consentement présumé et l' élargissement du champ des donneurs vivants .

Pour Axel Kahn, directeur de l'institut Cochin 2 ( * ) , « l'une des innovations majeures de la loi relative à la bioéthique est d'avoir élargi le champ des donneurs vivants autorisés pour les transplantations d'organes et de moelle osseuse. Cette initiative est positive du point de vue médical, dans la mesure où elle permet de développer les activités de greffes, mais elle pose un problème sur le plan éthique . En effet, les donneurs vivants potentiels peuvent être victimes de pressions familiales, qui les empêchent de prendre une décision sereinement. »

En outre, le texte sécurise le régime juridique des examens et identifications des caractéristiques génétiques des individus.

Le principal enjeu éthique de la médecine génétique se rapporte aux problèmes de discrimination en raison des caractéristiques génétiques, notamment dans les domaines de l'emploi et de l'assurance. Il a été traité par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. En conséquence, la loi du 6 août 2004 se concentre sur les modalités du consentement et de l'information de la personne relatives à ces examens et règle la question de l'identification par empreinte génétique post mortem , dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Par ailleurs, a été introduite une disposition relative à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave détectée chez une personne, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées.

2. Les apports du texte de 2004

C'est sur le thème de l'embryologie et de la reproduction que sont intervenues les réformes les plus profondes opérées par la loi du 6 août 2004. Il s'agit notamment de :

- l'interdiction du clonage à fin de reproduction, défini comme une « intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée » , et la création d'un crime contre l'espèce humaine pour caractériser l'acte de celui qui s'y livrerait ;

- l'interdiction du clonage à visée thérapeutique, différencié du clonage reproductif en ce qu'il n'est pas un crime contre l'espèce humaine mais un délit ;

- l' ouverture limitée de la recherche sur les embryons par l'adoption d'un moratoire de cinq ans.

Conformément au principe posé dans la convention d'Oviedo relative à la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, adoptée en 1997 dans le cadre du Conseil de l'Europe, le projet consacre l'interdiction de toute conception d'embryon à fin de recherche. En revanche, les recherches - très encadrées - sont autorisées sur les seuls embryons surnuméraires sans projet parental et sous conditions : finalité médicale de la recherche, pas de méthode alternative d'efficacité comparable, consentement exprès des deux membres du couple, protocoles dûment autorisés par l'ABM, interdiction d'implanter des embryons qui ont fait l'objet de recherches. Cette autorisation est ouverte pour une période de cinq ans à compter de la publication du décret d'application, à l'issue de laquelle il conviendra de reconsidérer la question ;

- les extensions de l'indication de diagnostic préimplantatoire (DPI) et en particulier son utilisation strictement encadrée lorsqu'il a pour objectif d'apporter un espoir de traitement à un aîné atteint d'une maladie ;

- l'élargissement de l'indication d'AMP aux couples sous le risque d'une infection par une maladie grave et la facilitation du recours à un tiers donneur. 2,2 % des naissances sont aujourd'hui le résultat d'une AMP soit 16.000 naissances par an ;

- enfin, la transposition partielle de la directive 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la brevetabilité des gènes humains, pour répondre à la fois à la réglementation communautaire et aux exigences éthiques de la France.

II. DES MESURES ATTENDUES DONT L'APPLICATION EFFECTIVE N'A POURTANT PAS CONSTITUÉ UNE PRIORITÉ

Comme celui de 1994, le législateur de 2004 a inscrit le principe de la révision de la loi au plus tard cinq ans après sa promulgation, soit en 2009, après son évaluation par l'Opecst dans les quatre ans. Toutefois, le retard d'ores et déjà pris dans la publication des textes réglementaires rend très probable la répétition du scénario qui a précédé la révision des lois de juillet 1994 et inquiète déjà les chercheurs français.

A. L'ENTRÉE EN VIGUEUR TRÈS PROGRESSIVE DES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 6 AOÛT 2004

1. Les mesures immédiatement applicables

Sur les quarante articles qui constituent la loi, vingt-quatre ne nécessitent pas de texte de nature réglementaire et sont donc devenus directement applicables.

a) Les articles d'application directe

Les articles entrés en vigueur dès le 6 août 2004 ont trait pour l'essentiel :

- aux règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques d'une personne (article 4) ;

- au don et à l'utilisation des éléments du corps humain : fixation du régime du prélèvement, de la distribution et de l'utilisation du sang et de ses composants (article 8), mise en place d'une information obligatoire sur les modalités de consentement au don d'organes à fin de greffe dans le cadre de l'appel de préparation à la défense (article 10), principe de la participation de tous les établissements de santé à l'activité de prélèvement d'organes ou de tissus (article 11), sollicitation des comités de protection des personnes en cas de constitution d'une collection d'échantillons biologiques et de changement de finalité d'utilisation à des fins scientifiques d'éléments du corps humain (article 13), dispositions pénales relatives au non-respect des dispositions régissant le prélèvement d'organes, de tissus, de cellules ou de produits du corps humain (articles 15 et 16) ;

- à l'encadrement des conditions de brevetabilité d'une invention constituant l'application technique d'une fonction d'un élément du corps humain et d'exploitation de ces brevets (articles 17 et 18) ;

- aux dispositions pénales relatives aux conditions de constitution, de distribution, de cession, d'importation ou d'exportation de préparations de thérapie génique ou de thérapie cellulaire xénogénétique (article 20) ;

- à l'interdiction du clonage reproductif, défini comme une intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée (article 21) ;

- à la qualification du clonage reproductif et de l'eugénisme comme « crime contre l'espèce humaine » et à la fixation des sanctions applicables aux infractions en matière d'éthique biomédicale, dont le délit de clonage à des fins thérapeutiques ou de recherche (articles 28 et 29) ;

- à la possibilité de dissoudre un mouvement sectaire en cas de condamnation pénale pour infraction contre l'espèce humaine (articles 30 et 31) ;

- à l'inscription dans le code de la santé publique des dispositions concernant le régime pénal applicable en cas d'infraction à l'interdiction du clonage reproductif, de l'eugénisme et de la recherche sur l'embryon (article 32).

En outre, bien que figurant au sein d'articles du texte requérant l'intervention de textes réglementaires, certaines dispositions ont pu entrer immédiatement en vigueur. C'est le cas, par exemple, de la prise en charge intégrale des frais de prélèvement et de collecte par les établissements de santé (article 7), du caractère de priorité nationale de la greffe et du prélèvement d'organes et du principe d'équité dans la répartition et l'attribution des greffons (article 9).

b) Les dispositions transitoires

Les dispositions transitoires appliquées dès la promulgation de la loi concernent :

- la prorogation des mandats des membres des comités d'experts chargés d'autoriser les prélèvements de moelle osseuse sur les mineurs jusqu'à l'installation de nouveaux comités d'experts (article 33) ;

- le régime transitoire applicable aux autorisations délivrées aux établissements de santé pour effectuer des prélèvements de moelle osseuse ou de cellules hématopoïétiques et l'établissement d'équivalences pour les autorisations accordées sous la précédente réglementation pour les produits de thérapies cellulaire et génique (articles 34 et 35) ;

- le régime transitoire prévu pour la mise en conformité des organismes se livrant à des activités de conservation et de cession d'éléments du corps humain à des fins de recherche avec les obligations posées par la loi du 6 août 2004 (article 36) ;

- enfin, la prorogation pour deux ans des autorisations et des agréments délivrés pour la réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne et les pratiques de diagnostic prénatal (DPN), de diagnostic préimplantatoire (DPI) et d'AMP (article 38).

c) Les mesures à effet différé

Enfin, la loi du 6 août 2004 comprend plusieurs articles dont l' effectivité interviendra postérieurement à sa promulgation, sans pour autant nécessiter de textes réglementaires. Il s'agit essentiellement de mesures relatives à l'évaluation de la législation .

Ainsi, l'article 22 prévoit que, un an au plus tard après la promulgation de la loi, le Gouvernement devra déposer au Parlement un rapport sur les initiatives qu'il aura prises pour élaborer une législation internationale réprimant le clonage reproductif.

De la même manière, l'ABM et l'Opesct sont chargés d'établir un rapport évaluant les résultats respectifs des recherches sur les cellules souches embryonnaires et adultes et ce, six mois avant la fin de la période de cinq ans pendant laquelle la recherche sur l'embryon est autorisée à titre dérogatoire (article 26).

2. Les décrets publiés : une accélération récente

L'application effective des autres dispositions de la loi requiert la publication de quarante-quatre textes réglementaires , dont vingt-quatre décrets et vingt arrêtés.

A ce jour, treize décrets seulement ont été publiés , mais qui ont permis de mettre en oeuvre la loi du 6 août 2004 sans ses aspects essentiels.

a) La mise en place de la nouvelle organisation institutionnelle

Au printemps 2005, soit plus de six mois après la promulgation de la loi, est parue au Journal officiel la première série de textes réglementaires d'application concernant le CCNE et la nouvelle ABM. Leur publication a permis la création effective de l'agence le 10 mai 2005, dès nomination de sa directrice.


Mesures réglementaires prises pour l'application des dispositions institutionnelles

Article 1 - Art. L. 1412-5 du code de la santé publique

Objet : Conditions de désignation des membres du CCNE et modalités de saisine, d'organisation et de fonctionnement.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-390 du 28 avril 2005 relatif au Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Article 2 - Art. L. 1418-3 du code de la santé publique

Objet : Nomination du président du conseil d'administration et du directeur général de l'ABM (décret), et des autres membres du conseil d'administration (arrêté).

- Décret du 9 mai 2005 portant nomination de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine.

- Décret du 30 mai 2005 nommant le président du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine.

Article 2 - Art. L. 1418-4 du code de la santé publique

Objet : Nomination du président et des membres du conseil d'orientation de l'ABM.

- Arrêté du 21 juin 2005 portant nomination au conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine.

Article 2 - Art. L. 1418-6 du code de la santé publique

Objet : Règles de fonctionnement du conseil d'orientation, des groupes d'experts ou de toute autre commission siégeant auprès de l'ABM garantissant l'indépendance de leurs membres et l'absence de conflits d'intérêts.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-420 du 4 mai 2005 relatif à l'Agence de la biomédecine et modifiant le code de la santé publique.

Article 2 - Art. L. 1418-8 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre VIII (biomédecine).

Décret en Conseil d'Etat n° 2005-420 du 4 mai 2005 précité.

Article 2 Objet : Transfert des compétences, biens, moyens, droits et obligations de l'Etablissement français des greffes (EFG) à l'ABM.

Décret en Conseil d'Etat n° 2004-420 du 4 mai 2005 précité.

Article 3

Objet : Transfert des fichiers existants des donneurs volontaires de cellules hématopoïétiques à l'ABM.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-1342 du 27 octobre 2005 relatif à l'indemnisation du transfert du fichier des donneurs tenu par l'association France greffe de moelle à l'Agence de la biomédecine.

Article 3

Objet : Transfert des droits et obligations afférents à la constitution et à la gestion du fichier des donneurs de l'association France greffe de moelle à l'ABM.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-1391 du 8 novembre 2005 relatif au transfert à l'Agence de la biomédecine du fichier des donneurs tenu par l'association France greffe de moelle.

b) Les décrets pris en matière de greffe

Une seconde série de textes réglementaires a ensuite été publiée au dernier semestre de l'année 2005 . Il s'agit des décrets nécessaires à l'application des dispositions relatives aux greffes et prélèvements d'organes et de produits du corps humain, essentielle dans un contexte de pénurie de greffons. Le fonctionnement de l'ABM constituait un préalable à l'applicabilité de ces dispositions.

Les deux décrets relatifs aux prélèvements sur les donneurs vivants et aux prélèvements sur les donneurs à coeur arrêté, notamment l'assouplissement des règles de sélection clinique et biologique des donneurs, devraient permettre de mieux répondre aux besoins des patients en attente de greffons.

Mesures réglementaires prises
pour l'application des dispositions relatives aux greffes

Article 7 - Art. L. 1211-9 du code de la santé publique

Objet : Conditions dans lesquelles les médecins assurent l'information, modalités de la prise en charge prévue, liste des produits du corps humain.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-1618 du 21 décembre 2005 relatif aux règles de sécurité sanitaire portant sur le prélèvement et l'utilisation des éléments et produits du corps humain et modifiant le code de la santé publique .

Article 8 - Art. L. 1221-12 du code de la santé publique

Objet : Produits sanguins labiles et pâtes plasmatiques.

- Décret n° 2006-215 du 22 février 2006 relatif à l'importation des produits sanguins labiles et des pâtes plasmatiques.

Ce décret n'est pas prévu formellement par la loi.

Article 9 - Art. L. 1231-4 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application des dispositions du chapitre.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-443 du 10 mai 2005 relatif aux prélèvements d'organes et de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse et modifiant le code de la santé publique .

Article 9 - Art. L. 1235-5 du code de la santé publique

Objet : Approbation des règles de bonnes pratiques qui s'appliquent au prélèvement, à la préparation, à la conservation, au transport et à l'utilisation des organes du corps humain.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-949 du 2 août 2005 relatif aux conditions de prélèvement des organes, des tissus et des cellules et modifiant le livre II de la première partie du code de la santé publique (dispositions réglementaires).

Article 12 - Art. L. 1245-8 du code de la santé publique

Objet : Adaptations, pour les hôpitaux des armées, des procédures d'autorisation applicables aux établissements de santé.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-364 du 18 avril 2005 relatif à l'adaptation, pour les hôpitaux des armées, des procédures d'autorisation prévues pour les établissements de santé, en application des articles L. 1235-7, L. 1245-8, L. 4211-11 et L. 5121-21 du code de la santé publique.

Article 19 - Art. L. 4211-11 du code de la santé publique

Objet : Adaptations, pour les hôpitaux des armées, des procédures d'autorisation applicables aux établissements de santé.

- Décret en Conseil d'Etat n° 2005-364 du 18 avril 2005 précité.

Il convient de rappeler, à cet égard, que les textes relatifs aux greffes qui n'ont pas encore été publiés correspondent, pour la majorité d'entre eux, à des dispositions déjà existantes et non modifiées par la loi du 6 août 2004 mais qui doivent faire l'objet d'une actualisation.

c) Les dispositions réglementaires sur la recherche sur l'embryon

Dans l'attente de l'ouverture du moratoire de cinq ans sur la recherche sur l'embryon, le dispositif transitoire prévu par l'article 37 de la loi a été mis en place dès septembre 2004 avec la publication du décret n° 2004-1024 du 28 septembre 2004 relatif à l'importation à des fins de recherche de cellules souches embryonnaires, aux protocoles d'étude et de recherche et à la conservation de ces cellules.

Il s'agissait notamment de permettre aux chercheurs français de postuler à l'appel d'offres européen prévu pour le financement de ces recherches, dont la clôture était fixée à l'automne 2004.

Le décret a lui-même été complété par trois arrêtés :

- l'arrêté du 28 septembre 2004 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article 5 du décret n° 2004-1024 du 28 septembre 2004 précité ;

- l'arrêté du 28 octobre 2004 portant nomination au comité ad hoc créé par l'article 37 de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique ;

- l'arrêté du 22 mars 2005 portant autorisation d'importation de cellules souches embryonnaires humaines à des fins scientifiques en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

Ce dispositif transitoire a ainsi été accordé à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) par trois arrêtés du 16 février 2005, ce qui lui a permis de commencer ses recherches grâce à l'importation de lignées de cellules embryonnaires étrangères.

Dans le cadre de ce système transitoire, l'agence a déjà traité quarante-cinq dossiers d'autorisation, dont dix-sept concernent des implantations de cellules souches, dix la conservation de cellules et dix-huit l'importation de cellules souches embryonnaires. Dix-huit protocoles de recherches ont été autorisés grâce aux lignées de cellules fournies par six pays étrangers. Cinq de ces lignées concernaient des cellules malades issues de DPI.

Selon l'agence, 80 % des cellules souches embryonnaires importées par la France proviennent des Etats-Unis et d'Israël . Pour le reste, il a été fait appel à la Grande-Bretagne, à l'Australie, à la Belgique et à la Suède. Le coût de l'importation d'une lignée de cellules souches embryonnaires serait d'environ 2.000 à 3.000 euros, soit un coût qui correspond strictement à celui des procédures et n'engendre pas de bénéfice pour les vendeurs. 3 ( * )

Ce système temporaire a pris fin avec la parution du très attendu décret en Conseil d'Etat n° 2006-121 du 6 février 2006 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et modifiant le code de la santé publique. Ce décret autorise la recherche sur des lignées de cellules françaises et en fixe les conditions d'autorisation et de mise en oeuvre.

B. DES MESURES ENCORE EN ATTENTE

La grande majorité des décrets encore en attente devrait être publiée avant la fin du premier semestre 2006 , le retard pris dans l'élaboration et la parution de ces textes s'expliquant par « leur technicité, les nombreuses consultations auxquelles ils doivent donner lieu et l'impact d'autres dispositions législatives ou réglementaires » 4 ( * ) .


Mesures réglementaires prévues par la loi
et non encore publiées

Article 2 - Art. L. 1418-3 du code de la santé publique

Objet : Nomination des membres du conseil d'administration de l'ABM ( arrêté ).

Article 3

Objet : Droit d'option des personnels de droit privé de l'association France greffe de moelle transféré à l'ABM entre contrat de droit privé ou contrat de droit public ( voie réglementaire ).

Article 5 - Art. L. 1131-1 du code de la santé publique

Objet : Modalités de recueil, de transmission, de conservation et d'accès aux informations dans le cadre d'une information médicale à caractère familial ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 5 - Art. L. 1131-3 du code de la santé publique

Objet : Conditions d'agrément des praticiens habilités à procéder à des examens des caractéristiques génétiques par l'ABM ( voie réglementaire ).

Article 5 - Art. L. 1131-3 du code de la santé publique

Objet : Conditions d'agrément des personnes qui procèdent à des examens des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques ( voie réglementaire ).

Article 7 - Art. L. 1211-2 du code de la santé publique

Objet : Pathologies et situations justifiant la réalisation des autopsies médicales ( arrêté ).

Article 8 - Art. L. 1221-4 du code de la santé publique

Objet : Conditions d'application de l'article ( décret ).

Article 12 - Art. L. 1241-7 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 12 - Art. L. 1242-1 du code de la santé publique

Objet : Liste des catégories de cellules pouvant être prélevées à fin d'administration autologue ( arrêté ).

Article 12 - Art. L. 1243-3 du code de la santé publique

Objet : Délai pendant lequel le ministre chargé de la recherche et, le cas échéant, le directeur de l'ARH peuvent s'opposer à l'exercice des activités déclarées ( voie réglementaire ).

Article 12 - Art. L. 1243-6 du code de la santé publique

Objet : Liste des tissus et préparations de thérapie cellulaire pouvant être utilisés par les médecins et les chirurgiens-dentistes en dehors des établissements de santé ( arrêté ).

Article 12 - Art. L. 1243-9 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 12 - Art. L. 1245-6 du code de la santé publique

Objet : Approbation des règles de bonnes pratiques qui s'appliquent au prélèvement, à la conservation, à la préparation, au transport et à l'utilisation des tissus, cellules et des préparations de thérapie cellulaire ( arrêté ).

Article 12 - Art. L. 1245-7 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 19 - Art. L. 4211-8 du code de la santé publique

Objet : Conditions de délivrance, de modification, de renouvellement, de suspension et de retrait de l'autorisation de préparation, de conservation et d'exportation des préparations de thérapie génique ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 19 - Art. L. 4211-9 du code de la santé publique

Objet : Conditions de délivrance, de modification, de renouvellement, de suspension et de retrait de l'autorisation de préparation, de conservation et d'exportation des préparations de thérapie cellulaire xénogénique ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 19 - Art. L. 4211-10 du code de la santé publique

Objet : Nature des titres et diplômes pouvant être exigés pour justifier la formation scientifique adaptée ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 19 - Art. L. 5121-5 du code de la santé publique

Objet : Fixation des bonnes pratiques pour les préparations de thérapie génique et les préparations de thérapie cellulaire xénogénique ( arrêté ).

Article 19 - Art. L. 5121-21 du code de la santé publique

Objet : Adaptations, pour les hôpitaux des armées, des procédures d'autorisation applicables aux établissements de santé ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 23 - Art. L. 2131-2 du code de la santé publique

Objet : Modalités de présentation d'un rapport annuel d'activité par tout établissement ou laboratoire autorisé à pratiquer des activités de diagnostic prénatal à l'ARH et à l'ABM ( arrêté ).

Article 24 - Art. L. 2141-1 du code de la santé publique

Objet : Liste de toutes les techniques assimilables à de l'AMP ( arrêté ).

Article 24 - Art. L. 2141-12 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre (assistance médicale à la procréation, dispositions générales) ( décret en Conseil d'Etat ).

Article 24 - Art. L. 2142-1-1 du code de la santé publique

Objet : Conditions d'agrément des praticiens habilités à procéder aux activités cliniques et biologiques d'AMP par l'ABM ( voie réglementaire ).

Article 24 - Art. L. 2142-2 du code de la santé publique

Objet : Modalités de présentation d'un rapport annuel d'activité par tout établissement ou laboratoire autorisé à pratiquer des activités d'AMP à l'ARH et à l'ABM ( arrêté ).

Article 24 - Art. L. 2142-4 du code de la santé publique

Objet : Modalités d'application du chapitre ( décret en Conseil d'Etat ).

Par ailleurs, la directive 2004-23/CE relative aux tissus et aux cellules et les deux directives techniques correspondantes encore en cours de discussion à Bruxelles devraient avoir un impact considérable sur le contenu des décrets d'application de l'article 12 relatifs à la révision des conditions d'autorisation des établissements préparant les tissus et les conditions d'autorisation de leurs procédés de préparation, au prélèvement de cellules et à l'importation et l'exportation d'organes, de tissus et de cellules. A l'occasion de leur publication, plusieurs dispositions communautaires devront, en effet, être transposées en droit interne : l'obligation de prévoir une personne responsable de ces activités ainsi qu'un médecin chargé de la veille médicale et scientifique dans les établissements concernés, la mise en place d'inspections obligatoires des établissements tous les deux ans, ainsi que les nouvelles modalités de distribution et de délivrance des produits et d'autorisation des procédés.

Il a donc été jugé préférable d'attendre la fin des négociations entre les experts des Etats membres de l'Union européenne sur la rédaction définitive de ces directives, afin de connaître la teneur des modifications à apporter à la réglementation existante dans le cadre de cette transposition. Selon les informations dont dispose votre commission, ces négociations se sont achevées à la fin du mois de février 2006, ce qui permet d'envisager une publication prochaine des décrets correspondants.

Par ailleurs, le décret relatif aux médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique prévu à l'article 19 de la loi ne peut être élaboré sans prendre en compte les dispositions du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM ), voté par le Sénat en première lecture le 22 mars 2006 et actuellement en cours d'examen, qui transpose la directive 2001-18/CE relative à la dissémination des OGM. L'adoption définitive de ce texte nécessitera de revoir et de compléter les dispositions actuellement en vigueur sur un certain nombre de points, notamment les éléments spécifiques à prévoir dans le dossier de demande d'autorisation pour les établissements préparant des médicaments de thérapie génique et xénogénique, la mise en oeuvre d'une procédure d'information et de consultation du public, le recueil de l'avis du nouveau conseil des biotechnologies, la mise en place d'un suivi post-autorisation avec un signalement de tout risque pouvant porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine, une durée d'autorisation de mise sur le marché limitée, etc.

Il est donc apparu souhaitable là aussi d'attendre l'intervention de la législation relative aux OGM pour modifier la procédure d'autorisation de ce type de médicaments. Toutefois, la situation actuelle ne peut être qualifiée de « vide juridique » , puisque l'autorisation de préparation de thérapie génique est déjà encadrée par le décret du 1 er octobre 2001 relatif aux produits de thérapie génique et cellulaire et par celui du 6 novembre 1995 pris pour l'application du titre III de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifiés, en ce qui concerne les médicaments à usage humain.

En outre, votre commission observe que les connaissances en matière de médicaments de thérapie génique sont encore - et pour longtemps - au stade de la recherche fondamentale ou de la recherche clinique. La nouvelle législation sur les OGM devant prochainement intervenir, il sera alors encore largement temps de préparer les dispositions relatives à la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique, après les avoir soumises aux différents partenaires concernés.

Enfin, les dispositions relatives aux examens des caractéristiques génétiques et à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave font l'objet de deux décrets d'application en cours d'élaboration, le second soulevant cependant des difficultés pratiques et juridiques qui doivent être encore expertisées.

L'extension des dispositions de la loi aux territoires d'outre-mer , prévue à l'article 39 de la loi par une ordonnance qui n'a pu intervenir dans le délai imparti, sera opérée dans le cadre des opérations de mise à jour du code de la santé publique en cours de réalisation. 5 ( * )

En définitive, selon les services du ministère de la santé et des solidarités 6 ( * ) , l'ensemble des textes réglementaires devrait être publié avant le mois de septembre 2006 , permettant ainsi une application complète de la loi.

On ne peut toutefois que regretter le retard pris sur le calendrier initial de publication des textes réglementaires. En effet, les informations données par le Gouvernement au mois de mars 2005 faisaient état de la parution, d'ici l'automne 2005, des décrets relatifs aux conditions d'examen des caractéristiques génétiques des personnes, au régime juridique des produits de thérapie génique et des préparations de thérapie cellulaire xénogénique et à la recherche sur l'embryon, dont le seul le dernier est aujourd'hui publié.

C. LES RAISONS DU RETARD

1. Des services débordés

La mise en oeuvre de la loi du 6 août 2004, comme celle des lois de juillet 1994, s'est trouvée contrariée par plusieurs obstacles, et d'abord par l'engorgement des services chargés de la rédaction des textes réglementaires d'application.

En effet, avant de procéder à la publication de plusieurs de ces textes, les services du ministère chargé de la santé ont souhaité recueillir l'avis des acteurs concernés , jusqu'à une dizaine d'organismes différents pour la mise en place de l'ABM par exemple, et ont étroitement collaboré, sur certains points, avec les services du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Après la phase de consultation, le travail de rédaction des textes d'application est rendu complexe par la difficulté technique de nombreuses dispositions et l'évolution de l'environnement juridique, notamment des normes fixées par les institutions européennes et par l'application de nouveaux textes législatifs intervenant dans le domaine sanitaire.

Or, les services du ministère en charge de la santé souffrent d'un manque certain de moyens en personnel , compte tenu des compétences à exercer et de leur extension croissante.

A cet égard, la Cour des Comptes a ainsi un constat sévère de l'organisation de la DGS dans son rapport public pour 2004 7 ( * ) :

« Une part importante de l'activité de la DGS consiste en l'élaboration de règles de droit qu'elle prépare seule ou avec d'autres directions. La profusion de textes engorge la DGS et limite sa capacité à se mobiliser sur d'autres tâches. Début septembre 2004, pour les seuls textes dont la direction est chef de file et qui ne sont pas destinés à transposer des directives européennes, l'encours de décrets à produire représentait au moins quatre années de travail :

« - soixante décrets d'application étaient nécessaires pour la mise en oeuvre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ; la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique appelait quant à elle vingt-quatre décrets ; quatre décrets devaient aussi être pris pour l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

« - la rédaction de huit décrets était encore en cours au titre de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé ; pour sept autres, elle n'avait pas encore débuté ;

« - au titre de lois (ou ordonnances) plus anciennes ou de décisions ponctuelles, la rédaction de dix-neuf autres décrets était par ailleurs prévue ;

« Par ailleurs, la DGS participait à la rédaction de dix décrets d'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

« Les délais de production des textes juridiques fragilisent le cadre juridique de la politique de santé publique et de l'action des acteurs du système de santé. Des instances et dispositifs en principe supprimés sont, de fait, toujours en vigueur, ceux qui devaient les remplacer n'ayant pas encore été mis en place. »

Elle formulait plusieurs propositions pour améliorer la productivité de la DGS : « La gestion des ressources humaines doit être améliorée. (...) Les tâches de gestion doivent être externalisées afin de concentrer les moyens de la direction sur la conception et l'évaluation des politiques. »

Votre commission souhaite que ces recommandations soient effectivement mises en oeuvre. Elle se réjouit, en tout état de cause, des progrès récents réalisés en matière de publication des textes réglementaires relatifs à la loi du 6 août 2004 depuis le constat sans appel dressé par Pierre-Louis Fagniez pour la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, il y a un an 8 ( * ) .

Celui-ci constatait alors : « Au 30 novembre 2004, le taux d'exécution de la loi, défini comme la proportion entre le nombre de décrets publiés et le nombre de ceux prévus par la loi, était ainsi de 4 %, selon les informations communiquées par le Secrétariat général du Gouvernement. Ce taux est malheureusement identique au 23 mars 2005, puisque aucun nouveau texte réglementaire n'a depuis lors été publié.

« Sur les seize articles de la loi nécessitant la parution d'un ou plusieurs textes réglementaires pour leur application, un seul article est donc aujourd'hui applicable. En d'autres termes, plus de sept mois après la publication de la loi, la quasi-totalité (93 %) de ces articles sont inapplicables du fait de l'absence de texte réglementaire . La situation est donc très insatisfaisante ».

La DGS a, en effet, renforcé ses efforts sur la rédaction des textes qui lui incombent - plus de cent cinquante sur l'ensemble des textes à appliquer -, puisque le niveau de sa production réglementaire a plus que doublé entre 2004 et 2005 , passant de dix-neuf à quarante-cinq décrets publiés, et que cet effort devrait se poursuivre en 2006 avec un objectif de parution supérieur de 10 % par rapport aux chiffres de 2005.

2. D'autres textes prioritaires ou « La priorité accordée à d'autres lois ? »

En outre, il apparaît clairement qu' une priorité a été donnée à la rédaction et à la publication des textes d'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et, subsidiairement, à ceux de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Les services de la direction de la sécurité sociale (DSS) et ceux de la DGS ont donc été principalement mobilisés par cette tâche.

A cet égard, votre commission approuve largement l'esprit des recommandations formulées par Pierre-Louis Fagniez dans son rapport précité : « Il serait très opportun, en amont, que le Gouvernement veille à mieux organiser le travail parlementaire , afin d'éviter, en aval, un effet d'engorgement au stade de la rédaction des décrets. Comment en effet s'étonner de ce retard dans la mise en application de la loi alors que trois textes majeurs dans le domaine de la santé, représentant au total plus de 400 pages au Recueil des lois, ont été promulgués pratiquement la même semaine au Journal officiel ? Dans le même sens, il serait également souhaitable que le travail de rédaction des textes réglementaires soit engagé avant même la promulgation de la loi, au moins pour les articles votés conformes par les deux assemblées.

(...) « Il serait très opportun de définir des niveaux de priorités et des objectifs chiffrés de publication des principaux textes d'application et de suivre très régulièrement leur état d'avancement ou encore de proposer, par exemple sur le site Internet du ministère, une présentation didactique de la loi destinée au grand public et aux professionnels. Pour certains textes particulièrement complexes, la DGS pourrait par ailleurs utilement s'appuyer sur des missions d'expertise technique, par exemple de l'Igas. »

Votre commission souhaite donc que, à l'occasion de la discussion et de la mise en oeuvre des prochains textes relatifs au secteur sanitaire, le Gouvernement prenne en compte les demandes du Parlement, afin d'assurer une application plus rapide des lois qu'il a votées.

III. LES PERSPECTIVES D'UNE TROISIÈME LOI DE BIOÉTHIQUE

Si le retard pris dans le processus législatif, puis dans l'application effective de la loi du 6 août 2004, a pénalisé les équipes de chercheurs français, la poursuite et l'accélération des progrès scientifiques dans le domaine de l'embryologie fourniront au législateur de nouvelles questions à trancher lors de la discussion de la prochaine révision de la loi de bioéthique.

A. RÉPONDRE AUX DIFFICULTÉS DE LA RECHERCHE FRANÇAISE

1. Rattraper le retard pris en matière de recherche sur l'embryon

Les chercheurs avec lesquels votre rapporteur a pu s'entretenir sont formels sur ce point : la recherche française a pâti de l'application tardive des lois de juillet 1994, puis de celle d'août 2004.

Pour le docteur Jacques Hatzfeld, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), « la recherche française a perdu dix ans ». Selon le professeur Axel Kahn, ce constat peut être plus nuancé : « Les équipes de chercheurs français ont pris du retard en matière de recherche sur l'embryon, très active dans de nombreux pays, en raison de la publication tardive des décrets. Ce retard doit toutefois être relativisé, dans la mesure où la France est en pointe pour la recherche sur les cellules animales. » 9 ( * )

Il est aujourd'hui certain que la seconde révision des lois de bioéthique ne pourra intervenir en 2009, comme prévu initialement, afin de disposer des résultats des recherches menées sur les cellules souches embryonnaires avant que le Parlement ne se prononce.

A ce jour, l'état des recherches serait le suivant : « Les équipes de recherche ont progressé dans la maîtrise du passage des cellules souches embryonnaires à des cellules souches différenciées qui peuvent devenir des matériaux thérapeutiques. Toutefois, des difficultés demeurent , notamment le risque de dégénérescence des cellules souches embryonnaires en tumeurs et la tolérance immunitaire incertaine du patient à la greffe de cellules extérieures aux membres de sa famille.

« Ces difficultés, moins importantes que ce que les scientifiques ont imaginé, peuvent être surmontées. En particulier, l'assimilation des cellules souches embryonnaires par des organes s'améliore, comme le prouvent les derniers essais sur les coeurs de rats et de moutons avec des cellules souches embryonnaires de souris. L'intérêt thérapeutique sera réel quand il sera possible de dériver quelques centaines de lignées de cellules souches embryonnaires correctement sélectionnées. A cet égard, les études en cours sur la différenciation de ces cellules constituent un matériel de recherche irremplaçable. » 10 ( * )

2. Assurer aux laboratoires de recherche des moyens humains et budgétaires suffisants

A ce retard s'ajoutent des difficultés matérielles qui nuisent au bon déroulement des activités de recherche sur le territoire français.

La première d'entre elles concerne le manque de moyens humains , devenu crucial depuis quelques années avec la nécessité de remplacer les nombreux chercheurs et enseignants-chercheurs qui partent à la retraite.

Ainsi que l'observaient Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade, rapporteurs de la commission spéciale pour le projet de loi de programme sur la recherche, « non seulement la part des chercheurs dans la population active en Europe, de 6 pour mille, est inférieure à celle des Etats-Unis (8 pour mille) ou du Japon (10 pour mille), mais de plus notre communauté scientifique connaît un phénomène de vieillissement : 51 % des chercheurs français ont plus de cinquante ans .

« Dans le même temps, la désaffection pour les études scientifiques perdure. C'est ainsi qu'en France, le nombre d'inscriptions en sciences à l'université baisse et que les perspectives pour les mathématiques sont également inquiétantes. Enfin, beaucoup de ces diplômés abandonnent le secteur scientifique pour des carrières plus lucratives. » 11 ( * )

D'après les données de l'Observatoire des sciences et des techniques (OST), les seuls départs à la retraite vont conduire à un renouvellement du potentiel humain de la recherche de 29,6 % pour la période 2001-2010. Pourtant, les postes de titulaires offerts par les laboratoires de recherche publics sont encore très insuffisants.

De fait, les chercheurs rencontrés par votre rapporteur se sont émus de ce que de nombreux doctorants en sciences du vivant quittent la France pour travailler à l'étranger , notamment dans les laboratoires des universités américaines.

Votre commission a pu constater cette réalité à l'occasion de sa rencontre avec l'équipe de biologie des cellules souches humaines du laboratoire d'oncologie virale du CNRS à Villejuif, dirigé par le docteur Jacques Hatzfeld. Avec le départ à la retraite des deux directeurs de recherche, qui ne seront pas remplacés, l'unité fermera à la fin du premier semestre de 2006. Les jeunes chercheurs de l'équipe ne se sont vu proposer aucun poste de titulaires dans le cadre du CNRS et, de ce fait, plusieurs d'entre eux partiront travailler à l'étranger, aux Etats-Unis et à Singapour notamment, dans les semaines à venir.

En outre, les difficultés financières demeurent pour de nombreuses équipes, même si des efforts considérables ont été faits en la matière lors de deux dernières lois de finances . Le budget 2005 a ainsi accru d'environ un milliard d'euros les sommes engagées en faveur de la recherche et la loi de finances pour 2006 a prévu une nouvelle augmentation de même ampleur. Mais ces sommes ne sont pas, loin s'en faut, intégralement consacrées à la recherche académique.

Enfin, il apparaît que la lourdeur des démarches administratives - même si elles ont pour vocation d'assurer le respect de la législation sanitaire par les laboratoires - constitue un frein à l'efficacité de la recherche, le temps de travail des équipes étant trop souvent obéré par des tâches bureaucratiques.

Les chercheurs s'étonnent également de trouver une administration si tatillonne au moment de l'examen de leurs dossiers, alors que les activités des laboratoires sont déjà strictement encadrées et surveillées. Ainsi, alors que les équipes françaises attendent leurs autorisations de recherche pendant parfois près d'un an, après avoir été confrontés à de multiples tracasseries administratives, la Food and Drug Administration (FDA) américaine traite en quelques semaines des dossiers de demande d'autorisation de recherche de plusieurs milliers de pages et les deux laboratoires britannique qui ont demandé une autorisation de recherche sur le clonage l'ont obtenue de leur administration en moins de six mois.

Il conviendrait donc de renforcer les services chargés d'expertiser ces dossiers à l'ABM afin de permettre aux équipes françaises qui le souhaitent, et qui réunissent les conditions nécessaires de compétence et de sécurité, de travailler rapidement sur des lignées de cellules souches embryonnaires, dès lors que la recherche est enfin autorisée.

B. LES PROCHAINS THÈMES À ENVISAGER

1. Si le clonage devient réalité...

L'article 21 de la loi du 6 août 2004 interdit formellement le clonage reproductif, qualifié, comme l'eugénisme, de crime contre l'espèce humaine, et prévoit des sanctions pénales lourdes en cas de transgression (trente ans de réclusion criminelle et 7,5 millions d'euros d'amende aux termes de l'article 214-2 du code pénal). Il est toutefois vraisemblable que les progrès qui seront éventuellement réalisés dans ce domaine par des équipes de chercheurs étrangers redonneront au débat sur le clonage une nouvelle actualité, notamment pour ce qui concerne le clonage thérapeutique, c'est à dire le transfert nucléaire, également interdit par la loi de 2004.

Certes, après la révélation de la supercherie du professeur coréen Hwang Woo-Suk, la recherche semble aujourd'hui à nouveau au point mort.

Après avoir déjà réussi le clonage d'une vache en 1999 et d'un lévrier afghan en 2005 , le professeur Hwang Woo-Suk avait en effet annoncé, dans un article publié dans la revue Science en mai 2005, avoir obtenu onze lignées de cellules souches embryonnaires à partir de cellules humaines. Néanmoins, le doute a rapidement plané sur la véracité de cette révélation. L'université de Corée du Sud a chargé un comité d'experts d'étudier les travaux et les expériences du professeur. Rendues publiques le 29 décembre 2005, les conclusions sont sans appel : « Nous avons découvert que Hwang et son équipe n'ont aucune donnée scientifique pour prouver qu'ils ont bien produit des lignées de cellules souches correspondant spécifiquement à l'ADN d'une personne. »

Lors des auditions organisées par votre commission, le professeur Axel Kahn a ainsi indiqué, concernant le clonage thérapeutique, que « depuis la discussion de la loi relative à la bioéthique par le Parlement, les connaissances scientifiques n'ont pas évolué : aucun clone embryonnaire n'a été créé et la recherche demeure très dispendieuse en ovocytes humains . Le professeur Hwang Woo-Suk a ainsi prélevé plus de 2.000 ovocytes sur une centaine de femmes, en faisant parfois usage de pressions pour mener à bien ses recherches . (...) Les études britanniques n'ont pas encore abouti. C'est également le cas en Chine et aux Etats-Unis. Les embryons qui ont été créés ont tous dégénéré. En outre, ces recherches posent le problème de l'utilisation massive d'ovocytes. Par ailleurs, aucune expérience de clonage n'a encore fonctionné sur un primate.

« La fraude du professeur Hwang Woo-Suk n'élimine pas le problème essentiel posé par le clonage : celui du nombre très élevé d'ovocytes nécessaires pour aboutir à un résultat, et la nécessaire protection des femmes donneuses qui doit en découler. » 12 ( * )

Si la création de clones humains viables et utilisés à des fins thérapeutiques devait devenir réalité, il ne pourra être fait l'économie d'une réflexion sur cette question en France, mais aussi au niveau international.

A cet égard, votre commission estime que la législation internationale dans le domaine de la bioéthique devra être renforcée . Elle trouve regrettable que la France, qui n'a toujours pas ratifié la convention d'Oviedo, ne soit pas le moteur d'une réflexion en ce sens.

2. Des évolutions souhaitables dans le domaine de l'embryologie et de la procréation

a) Confirmer l'autorisation de recherche sur l'embryon ?

L'autorisation des recherches sur l'embryon suscite aujourd'hui de nombreux espoirs. Elle devrait en effet permettre d'améliorer les thérapies pour cet âge de la vie, qui reste jusqu'à présent le seul à ne pas être étudié, mais elle constitue également un atout pour la recherche fondamentale, notamment génétique 13 ( * ) , et une promesse thérapeutique pour les années à venir. Les cellules souches embryonnaires peuvent en effet être multipliées facilement en culture et la maîtrise de leur différenciation a fait de réels progrès.

Face à ce constat, votre rapporteur fait sienne la réflexion du professeur Axel Kahn : « La loi du 6 août 2004 n'est pas adaptée à la réalité de la recherche. En effet, la fixation d'un moratoire de cinq ans à l'interdiction des recherches sur l'embryon ne constitue pas une durée suffisante pour obtenir des résultats probants . En outre, il est difficile d'établir une séparation stricte entre la recherche fondamentale sur la différenciation des cellules et la recherche thérapeutique. » 14 ( * )

Il souhaite donc que la troisième loi de bioéthique autorise officiellement, en continuant à les encadrer comme elles le sont aujourd'hui, les recherches sur les cellules souches embryonnaires, et ce même si les résultats obtenus à l'issue du moratoire ne sont pas encore probants.

Cette autorisation devra s'accompagner d'une définition plus précise de l'embryon qui, rappelons-le, n'a pas de véritable statut juridique en France, mais aussi de l'inscription dans le Code civil de la notion de « pré-embryon » , plus appropriée pour qualifier embryons surnuméraires dont seront dérivées les lignées de cellules embryonnaires. De cette façon, la recherche pourrait être interdite sur le seul embryon, c'est-à-dire passé le stade de l'implantation.

Considéré en droit civil, comme une « personne conditionnelle », c'est-à-dire susceptible de bénéficier d'une protection juridique proche de celle reconnue aux individus, à condition de naître vivant et viable, la dimension biologique de l'embryon a été prise en compte par la loi Veil de 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et par les lois de bioéthique de 1994. Dans le débat actuel, il n'est perçu ni comme une personne ni comme une chose, puisque les atteintes à l'embryon sont tolérées uniquement dans l'intérêt médical d'autrui, mais comme un être vivant que le droit pourrait consacrer comme « personne humaine potentielle » . Se pose alors la question de la condition juridique des embryons surnuméraires qui ne feront pas tous l'objet d'un projet parental, et qui ne peuvent donc pas être considérés comme des êtres humains en devenir. Au stade préimplantatoire, ils pourraient donc être définis comme des pré-embryons.

La séparation sémantique entre les deux termes existe déjà dans de nombreux pays, notamment en Grande-Bretagne. Pour Etienne-Emile Beaulieu, professeur honoraire au Collège de France, l'Académie des Sciences devrait définir l'embryon comme celui qui est définitivement unique. Or, le pré-embryon n'a, s'il est implanté, qu'une chance sur dix de devenir un embryon et seulement une chance sur deux de donner une lignée cellulaire pour la recherche.

La recherche sur les cellules souches embryonnaires ne devra toutefois pas se faire au détriment de celle sur les cellules souches adultes , dont la compatibilité immunologique est parfaite et le risque de transformation maligne bien moindre. Les essais cliniques menés jusqu'à présent sont encourageants, notamment ceux portant sur les maladies du coeur et du foie, même si l'utilisation des cellules souches adultes à des fins thérapeutiques n'est pas exempte de difficultés, dans la mesure où leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires. De fait, ces recherches ne devraient pas donner de résultats probants avant au moins deux ans.

b) Relancer le débat sur l'autorisation de l'implantation post mortem et du double don de gamètes ?

Votre rapporteur souhaite également que la prochaine révision de la législation sur la bioéthique soit l'occasion de poser la question de l'implantation post mortem d'embryons pour permettre à une femme dont le conjoint est décédé de porter son enfant.

Dans le droit actuel, cette faculté n'est pas ouverte. Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 août 2004, « font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en oeuvre l'assistance médicale à la procréation. »

Le transfert post mortem d'embryon, s'il était autorisé à l'avenir, devra intervenir après un examen médical et psychologique approfondi de la future mère, afin de s'assurer que l'enfant naîtra dans un climat favorable à son épanouissement, et s'accompagner ensuite d'un suivi prolongé.

Par ailleurs, votre rapporteur est favorable à ce que soit étudiée l'éventuelle autorisation du double don de gamètes pour les couples dont les deux membres sont atteints d'une maladie pouvant être transmise à l'enfant.

A l'heure actuelle, celui-ci est interdit par le même article 24 qui dispose que l'embryon « ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des membres du couple ». Or, cette restriction peut sembler singulière dès lors que la possibilité existe déjà pour un couple d'accueillir un embryon surnuméraire issu d'une autre union, donc dénué de tout lien biologique avec les parents bénéficiaires du don 15 ( * ) .

Enfin, il souhaite qu'une réflexion intervienne dans le domaine du statut du foetus , notamment pour permettre aux parents qui le souhaitent d'offrir une sépulture à leur foetus après un avortement médical.

3. Poursuivre le développement des activités de prélèvement et de greffe

Enfin, la prochaine loi de bioéthique devra poursuivre les efforts entrepris depuis 1994 en matière d'incitation au don d'organes et de développement de l'activité de greffe.

En France, 8.000 malades sont aujourd'hui en attente d'une greffe , dont 6.000 pour un rein. Le « plan greffe 2000-2003 » a permis de passer de quinze à vingt-deux greffes par million d'habitants, ce qui place aujourd'hui la France en deuxième position derrière l'Espagne. 4.228 greffes ont été réalisées en 2005 contre seulement 2.800 en 1995, dont 2.500 greffes de reins (1.600 en 1995), 1.024 greffes de foie (environ 600 en 1995), 339 greffes de coeur, qui demeurent stables, et 205 greffes de poumons (92 en 1995), soit autant que de nouvelles inscriptions en liste d'attente pour cet organe. Les résultats sont également très satisfaisants en matière de greffes de sang de cordon.

Cette progression devrait se confirmer dans les années à venir grâce à la mise en place de l'ABM. Des progrès restent toutefois à accomplir, notamment en matière de prélèvement post mortem sur donneur en état de « coeur non battant » , qui demeure peu fréquent en France. Or, ce type de prélèvement peut être considéré comme moins délicat à opérer qu'un prélèvement sur donneur vivant, en raison des pressions éventuelles que l'entourage pourrait exercer sur le donneur potentiel.

Le prélèvement d'organes relève, en effet, de trois techniques: le prélèvement sur des personnes en état de mort cérébrale, largement majoritaire en France ; le prélèvement sur donneurs vivants, qui représente seulement 6 % du total alors qu'il constitue 50 % des greffes en Norvège ; enfin, le prélèvement en état de « coeur non battant ».

La France a longtemps été le seul pays à interdire les prélèvements sur « coeur non battant », alors qu'ils représentent jusqu'à la moitié des greffes en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux Pays Bas. Désormais, neuf sites pilotes sont aujourd'hui conventionnés pour permettre le développement de cette activité.

Il conviendra pour ce faire de renforcer les moyens des équipes de greffe, idéalement par la mise en place d'un second « plan greffe ». Le « plan greffe 2000-2003 » avait en effet permis la création, pour cette activité, de 140 emplois équivalent-temps plein dans les hôpitaux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Première table ronde sur le thème de l'application de la loi relative à la bioéthique, en présence de M. Pierre-Louis FAGNIEZ, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique, du professeur Axel KAHN, directeur de l'Institut Cochin, Mme Marie-Hélène MOUNEYRAT, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de M. Bernard LOTY, directeur médical et scientifique et du professeur François THÉPOT, adjoint à la direction médicale et scientifique, de l'Agence de la biomédecine (ABM)

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée du mercredi 8 février 2006 , sous la présidence de M. Bernard Seillier, président , la commission a tenu une première table ronde sur le thème de l'application de la loi relative à la bioéthique, en présence de M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique , du professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin , Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique et du professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique, de l'Agence de la biomédecine (ABM).

M. Bernard Seillier, président , a indiqué que la commission avait souhaité faire le point de l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique et du volet de la loi du 9 août 2004 de santé publique sur les recherches biomédicales à l'initiative de Mme Marie-Thérèse Hermange, qui représente le Sénat au CCNE.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la commission des affaires sociales doit régulièrement être informée de l'évolution des questions relatives à la bioéthique et des réflexions récentes du CCNE, notamment celles concernant la patrimonialité du corps humain au regard de la recherche sur les cellules souches.

Le professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin , a estimé que l'une des innovations majeures de la loi relative à la bioéthique est d'avoir élargi le champ des donneurs vivants autorisés pour les transplantations d'organes et de moelle osseuse. Cette initiative est positive du point de vue médical, dans la mesure où elle permet de développer les activités de greffes, mais elle pose un problème sur le plan éthique. En effet, les donneurs vivants potentiels peuvent être victimes de pressions familiales, qui les empêchent de prendre une décision sereinement.

Concernant l'autorisation de recherche sur l'embryon, il s'est réjoui de la récente publication du décret, qui a souffert d'un important retard. Cette ouverture offre un intérêt scientifique certain et est prometteuse d'un point de vue thérapeutique. Les équipes de recherche ont progressé dans la maîtrise du passage des cellules souches embryonnaires à des cellules souches différenciées qui peuvent devenir des matériaux thérapeutiques. Toutefois, des difficultés demeurent, notamment le risque de dégénérescence des cellules souches embryonnaires en tumeurs et la tolérance immunitaire incertaine du patient à la greffe de cellules extérieures aux membres de sa famille. Il a considéré que ces difficultés, moins importantes que ce que les scientifiques ont imaginé, peuvent être surmontées. En particulier, l'assimilation des cellules souches embryonnaires par des organes s'améliore, comme le prouvent les derniers essais sur les coeurs de rats et de moutons avec des cellules souches embryonnaires de souris. L'intérêt thérapeutique sera réel quand il sera possible de dériver quelques centaines de cellules souches embryonnaires correctement sélectionnées. A cet égard, les études en cours sur la différenciation de ces cellules constituent un matériel de recherche irremplaçable. Il a estimé que la loi du 6 août 2004 n'est pas adaptée à la réalité de la recherche. En effet, la fixation d'un moratoire de cinq ans à l'interdiction des recherches sur l'embryon ne constitue pas une durée suffisante pour obtenir des résultats probants. En outre, il est difficile d'établir une séparation stricte entre la recherche fondamentale sur la différenciation des cellules et la recherche thérapeutique.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que des dizaines d'essais cliniques sont menés à l'heure actuelle sur des cellules souches adultes, en particulier pour les maladies du coeur et du foie. Elles ne donneront toutefois pas de résultat avant deux ans.

Concernant le clonage thérapeutique, il a indiqué que, depuis la discussion de la loi relative à la bioéthique par le Parlement, les connaissances scientifiques n'ont pas évolué : aucun clone embryonnaire n'a été créé et la recherche demeure très dispendieuse en ovocytes humains. Le professeur Hwang Woo-Suk a ainsi prélevé plus de 2.000 ovocytes sur une centaine de femmes, en faisant parfois usage de pressions pour mener à bien ses recherches .

M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique , s'est réjoui du contrôle régulier par le Parlement sur l'application des lois votées grâce à l'initiative du député Jean-Luc Warsmann. Lui-même, en tant que rapporteur de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, s'est penché sur l'état de publication des décrets au mois de mars 2005. Des quarante articles de la loi, vingt-cinq sont d'application directe. Sur les quinze articles qui nécessitent la prise d'un décret, un seul, celui relatif à l'importation de cellules souches embryonnaires, était paru en mars 2005, soit un taux de publication de seulement 4 %. A sa demande, la Cour des comptes a étudié les moyens dont la direction générale de la santé (DGS) dispose pour la rédaction des décrets. Ces moyens sont apparus nettement insuffisants compte tenu du nombre important de textes réglementaires à publier dans le cadre des lois du 6 août 2004 relative à la bioéthique, du 9 août 2004 de santé publique et du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance maladie. Il s'est réjoui, à ce titre, que le rythme de parution des textes se soit largement accéléré au cours de l'année 2005 avec la sortie des décrets relatifs à la création de l'agence de la biomédecine au printemps et à la recherche sur l'embryon ces derniers jours. Il a souhaité que les textes permettant l'extension du diagnostic préimplantatoire (DPI) voient le jour avant la fin de l'année 2006.

M. Pierre-Louis Fagniez a réfuté les allégations du professeur Axel Kahn selon lesquelles le législateur aurait élargi la liste des donneurs vivants uniquement par humanisme pour les patients en attente d'une greffe. Il a reconnu que les donneurs potentiels peuvent faire l'objet de pressions et a indiqué que le registre institué par la loi relative à la bioéthique permet de leur garantir un meilleur suivi. L'objectif de la loi est d'offrir aux équipes médicales des moyens supplémentaires pour trouver le donneur le mieux compatible, physiquement et psychiquement. Les médecins n'ont d'ailleurs pas abusé de cette nouvelle possibilité, puisque le nombre de greffes de donneurs vivants en France - 200 chaque année - n'augmente pas.

Il a estimé que la prochaine révision de la loi, prévue en 2009 posera la question sensible du clonage non reproductif, même si aucun progrès n'a été enregistré à ce jour.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique , s'est déclarée préoccupée par l'élargissement du cercle des donneurs vivants autorisés, notamment lorsqu'il s'agit d'enfants, y compris conçus après un DPI sur lesquels des pressions pourraient être enregistrées. Elle a fait état de situations délicates rencontrées par des comités d'experts pédiatres en matière de dons d'organes par des mineurs. Elle a rappelé que la Grande-Bretagne autorise le don d'enfant à parent, ce qui pose un problème éthique délicat. Elle a estimé que, dans une situation de pénurie d'organes, l'obligation de recueillir le témoignage de la famille sur la volonté du défunt aboutit très souvent à un refus de prélèvement, malgré les modifications introduites par la loi du 6 août 2004 et en violation avec le principe général du consentement présumé.

Elle a regretté le retard pris dans le réexamen de la loi de 1994 et dans la publication des décrets de la loi de 2004. Elle a estimé que la découverte de la supercherie du professeur Hwang Woo-Suk va redonner espoir aux équipes françaises, qui pensaient pâtir de la publication tardive des textes réglementaires. Elle a estimé qu'il convient d'attendre les résultats des recherches sur l'embryon et sur les cellules souches adultes avant de réfléchir à une modification de la législation sur le clonage thérapeutique.

Elle a fait état du dernier avis du CCNE sur les questions de filiation qui propose de maintenir le principe de l'anonymat entre le donneur et le receveur tout en proposant une évolution du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) pour permettre un accès aux données non identifiantes dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP).

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a souhaité que la révision de la loi en 2009 autorise la réimplantation post mortem, ainsi que le double don de gamètes, dans la mesure où la possibilité existe déjà pour un couple d'accueillir l'embryon surnuméraire issu d'une autre union. Elle a indiqué que les prochains avis du CCNE concerneront la commercialisation des lignées de cellules souches, la vaccination ciblée contre la tuberculose, les problèmes posés par la biométrie et les nanobiotechnologies, en coopération respectivement avec la Grande Bretagne et le Canada, ainsi que les inégalités dans l'accès aux soins et la médecine carcérale.

M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique à l'Agence de la biomédecine, a indiqué que les dispositions réglementaires relatives à l'information des jeunes de seize à vingt-cinq ans sur le don d'organes ont nécessité une longue concertation avec l'ordre des médecins pour élaborer un système efficace et sont en cours de rédaction. Il a estimé que le principe du consentement présumé du donneur décédé applicable en France fonctionne convenablement, car les praticiens ont acquis l'habitude d'associer les familles à la décision de prélèvement, même si le taux de refus demeure de 30 %.

Il a considéré que l'ABM a été mise en place dans de bonnes conditions car les directions anciennes de l'établissement français des greffes (EFG) ont été conservées et se sont vu simplement adjoindre de nouvelles missions et des moyens supplémentaires. L'activité de l'agence a débuté par les rapports d'activité des centres de prélèvements d'organes et par la codification des bonnes pratiques des équipes médicales chargées des prélèvements et des greffes. Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place sur les différentes stratégies d'AMP et le registre de l'association France greffe de moelle a été intégré sans difficulté à l'ABM.

Il a estimé que le critère du nombre de malades en attente d'une greffe n'est pas pertinent pour juger de l'activité de l'agence, car il dépend de variables multiples et de comparaisons internationales. Ainsi les pays qui n'ont qu'une faible activité en matière de greffe, comme la Pologne et la République tchèque, n'ont en conséquence pas de liste d'attente. En France, 8.000 malades sont en attente d'une greffe, dont 6.000 pour un rein. Le « plan greffe 2000-2003 » a permis de passer de 15 à 22 greffes par million d'habitants, ce qui place aujourd'hui la France en deuxième position derrière l'Espagne. 4.228 greffes ont été réalisées en 2005 contre seulement 2.800 en 1995, dont 2.500 greffes de reins (1.600 en 1995), 1.024 greffes de foie (environ 600 en 1995), 339 greffes de coeur, qui demeurent stables, et 205 greffes de poumons (92 en 1995). Les résultats sont également très satisfaisants en matière de greffes de sang de cordon. Cette progression est le fruit du dynamisme des équipes de greffes, dont certaines ont bénéficié d'un audit externe et des groupes de travail de l'ABM. Concernant les greffes de poumons, leur nombre a été équivalent en 2005 à celui des nouveaux inscrits sur la liste d'attente.

M. Bernard Loty a indiqué que le prélèvement d'organes peut procéder de trois techniques : les prélèvements sur des personnes en état de mort cérébrale, largement majoritaires en France, mais avec des inégalités entre les régions ; les prélèvements sur donneurs vivants, qui représentent seulement 6 % du total ; enfin, les prélèvements en état de « coeur non battant ». Dans la plupart des pays européens, les prélèvements sur donneur vivant sont plus nombreux : ils représentent ainsi jusqu'à 50 % des greffes en Norvège. Un comité des donneurs vivants a été mis en place en 2005 et a permis une légère amélioration de la situation en France : 214 prélèvements ont été effectués en 2004 et 263 en 2005, essentiellement des reins mais aucun foie, même si l'élargissement des donneurs vivants autorisés ne s'est pas encore fait sentir. Concernant les prélèvements sur « coeur non battant », que la France était le seul pays à interdire, alors qu'ils représentent 50 % des greffes en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Pays Bas, neuf sites-pilotes sont aujourd'hui conventionnés. Les équipes bénéficient d'une formation, mais leurs moyens sont encore insuffisants. Il a indiqué, à cet égard, que le « plan greffe 2000-2003 » a permis la création de 140 emplois équivalent-temps plein dans les hôpitaux, qui ont été pérennisés par la tarification à l'activité (T2A). Il a souhaité la mise en oeuvre d'un second plan greffe et la création de nouveaux postes.

Le professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique de l'Agence de la biomédecine , a précisé que l'ABM dispose de compétences en matière d'AMP, de diagnostic prénatal et de recherches sur l'embryon. 2,2 % des naissances sont aujourd'hui le résultat d'une AMP soit 16.000 naissances par an. Il ne s'agit donc plus d'une méthode marginale, ce qui appelle des exigences de qualité, de sécurité et d'information. L'ABM souhaite développer un suivi de ces enfants à long terme sans pour autant les stigmatiser. Par ailleurs, il a indiqué que 800.000 femmes ont bénéficié d'un diagnostic prénatal.

Il a fait valoir que l'agence a déjà traité 45 dossiers d'autorisation, dont dix-sept sur des implantations de cellules souches, dix sur la conservation de cellules et dix-huit sur l'importation de cellules souches embryonnaires. Dix-huit protocoles de recherches ont été autorisés grâce aux lignées de cellules fournies par six pays étrangers. Cinq de ces lignées concernaient des cellules malades issues de DPI.

M. Alain Milon a demandé que soit précisé le nombre de donneurs en mort cérébrale et à « coeur non battant ». Il a demandé si l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'ABM a eu des conséquences sur la gestion de la liste d'attente des malades.

Rappelant que le décret du 28 septembre 2004 a autorisé l'importation des cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherches, il s'est interrogé sur la provenance de ces cellules souches et sur le contrôle du circuit d'importation. Il a également demandé quels sont les résultats les plus récents de la recherche sur les cellules souches adultes.

M. Bernard Loty a rappelé que la France autorise depuis peu les prélèvements sur « coeur non battant ». Aucun n'a donc été effectué à ce jour, d'autant que la technique requiert un matériel coûteux.

Il a indiqué que l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'agence s'est parfaitement déroulée et n'a pas eu de conséquence sur les malades en attente d'une greffe.

Le professeur Axel Kahn a reconnu que les équipes de chercheurs français ont pris du retard en matière de recherche sur l'embryon, très active dans de nombreux pays, en raison de la publication tardive des décrets. Ce retard doit toutefois être relativisé, dans la mesure où la France est en pointe pour la recherche sur les cellules animales. Il a estimé que l'ouverture des recherches sur l'embryon permettra d'améliorer les thérapies pour cet âge de la vie qui était jusqu'à présent le seul à ne pas être étudié. Elle constitue un atout pour la recherche fondamentale et une promesse thérapeutique pour les années à venir. Les cellules souches embryonnaires sont en effet nombreuses, elles peuvent être multipliées facilement en culture et la maîtrise de leur différenciation a fait de réels progrès. Malgré tout, elles demeurent encore tumeurigènes en cas de greffe. Au contraire, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose aucun problème éthique : leur compatibilité immunologique est parfaite, le risque de transformation maligne bien moindre et les essais cliniques menés jusqu'à présent sont encourageants. Leur utilisation n'est toutefois pas exempte de difficultés, dans la mesure où leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires.

Le professeur François Thépot a précisé que 80 % des cellules souches embryonnaires importées par la France proviennent des Etats-Unis et d'Israël. Pour le reste, il a été fait appel à la Grande-Bretagne, à l'Australie, à la Belgique et à la Suède. Le contrôle de leur importation est identique à celui qui s'applique à l'importation des autres cellules.

Le professeur Axel Kahn a estimé que la fraude du professeur Hwang Woo-Suk n'élimine pas le problème essentiel posé par le clonage : celui du nombre très élevé d'ovocytes nécessaires pour aboutir à un résultat, et la nécessaire protection des femmes donneuses qui doit en découler.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a considéré que le suivi des enfants nés par AMP est essentiel, même s'il comporte des risques de stigmatisation. Elle a souhaité que la prochaine révision de la loi bioéthique en 2009 pose les questions de la réanimation néonatale et de la patrimonialité du corps humain. Elle a indiqué à cet égard que le coût de l'importation d'une lignée de cellules souches embryonnaires revient à environ 2.000 ou 3.000 euros, soit un coût qui correspond strictement à celui des procédures et n'engendre pas de bénéfice pour les vendeurs. Elle a enfin regretté que la France n'ait pas encore ratifié la convention d'Oviedo.

Mme Bernadette Dupont a demandé si le CCNE réfléchit à la prise en charge de l'autisme et si les cellules souches embryonnaires sur lesquelles des recherches sont menées sont issues des diagnostics prénatals.

M. François Autain a considéré que le retard dans la publication des décrets est commun à l'ensemble des textes législatifs. Il a regretté que les délais de parution annoncés par le Gouvernement soient toujours inférieurs à la réalité. Il a demandé qui est responsable de ce retard et a estimé qu'il convient d'augmenter le nombre de fonctionnaires de la DGS.

M. Bernard Seillier, président , lui a fait valoir que M. Didier Houssin pourra répondre à ses questions à l'occasion de la seconde table ronde de la matinée.

M. François Autain a déploré que la révision de la loi en 2009 intervienne avant que le législateur ne connaisse les conclusions des rapports de l'ABM et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur la recherche embryonnaire. Il a demandé si les résultats des recherches britanniques sur le clonage thérapeutique sont connus. Il a estimé que le système du consentement présumé du défunt se révèle in fine être celui de la famille, qui refuse souvent, alors que le système proposé par le Sénat d'une mention écrite des volontés dans le dossier médical aurait été plus efficace.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si le clonage thérapeutique peut être défini comme un clonage reproductif interrompu.

M. Guy Fischer a rappelé qu'à l'époque de la discussion du texte au Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen s'était prononcé en faveur de l'autorisation du clonage thérapeutique. Il a demandé si la T2A permet aux hôpitaux de dégager des moyens suffisants pour leur activité de greffe.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que les études britanniques n'ont pas encore abouti. C'est également le cas en Chine et aux Etats-Unis. Les embryons qui ont été créés ont tous dégénérés. En outre, ces recherches posent le problème de l'utilisation massive d'ovocytes. Il a ajouté qu'aucune expérience de clonage n'a encore fonctionné sur un primate.

Il a estimé que la seule différence entre le clonage reproductif et le clonage thérapeutique réside dans leur finalité : la création d'un enfant pour l'un, le progrès scientifique pour l'autre.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a précisé que la saisine du CCNE concernant l'autisme porte sur les apports des prises en charge psychanalytique et médicale.

M. Bernard Loty a estimé que la T2A est insuffisante pour répondre aux besoins des équipes médicales chargées du prélèvement et de la greffe d'organes. Il a souhaité que la prochaine loi relative à la bioéthique simplifie le dispositif législatif et réglementaire actuel, qui n'est pas compris par les professionnels de santé. Il a estimé que la loi doit se contenter de fixer les grands principes et que le nombre de décrets doit être limité.

Seconde table ronde sur le thème de l'application des lois relatives à la bioéthique et à la santé publique, en présence de M. Didier Houssin, directeur général de la santé, Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) et du professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor

La commission a ensuite tenu une seconde table ronde sur le thème de l'application des lois relatives à la bioéthique et à la santé publique, en présence de M. Didier Houssin, directeur général de la santé , Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) et du professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor .

A M. Didier Houssin, directeur général de la santé, M. Alain Milon a fait observer que plusieurs dispositions essentielles de la loi relative à la bioéthique ne sont pas applicables à ce jour, en raison de l'absence de publication des mesures réglementaires nécessaires. Il s'agit, en particulier, des modifications du régime juridique des tests génétiques et des thérapies géniques et xénogéniques ainsi que de la plupart des décrets relatifs, d'une part, aux greffes et prélèvements d'organes, d'autre part, au régime des recherches scientifiques pouvant être menées sur l'embryon.

Il s'est interrogé sur les raisons d'un tel retard, alors même que ces textes sont attendus avec impatience par les chercheurs, les professionnels de santé et, plus encore, par les patients en demande d'une greffe et a demandé pour quand on peut raisonnablement espérer la publication de ces mesures réglementaires.

La même situation est déplorée pour la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, puisque au 1 er janvier 2006, seule une trentaine de mesures réglementaires sur les 108 prévues étaient publiées, pour l'essentiel d'ailleurs des mesures de second ordre. Il s'est demandé quelles sont les raisons expliquant, là encore, ce délai anormal : de toutes les réformes engagées ces dernières années dans le domaine de la santé, il s'agit incontestablement de celle qui enregistre le plus grand retard dans son application. Il a déploré les conséquences préjudiciables de cette situation pour les recherches biomédicales et pour l'évaluation des soins courants : aucune des mesures réglementaires prévues aux articles 88 à 97 de la loi n'est parue à ce jour, alors que ces textes étaient attendus pour le mois de novembre 2005.

M. Alain Milon s'est ensuite adressé à Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem, et au professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor, pour aborder le sujet des conséquences de ces retards administratifs sur les recherches biomédicales et sur l'évaluation des soins. Il s'est enquis des dispositions de la loi de santé publique d'ores et déjà applicables et des avancées qu'elles ont permis aux chercheurs de réaliser.

M. Alain Milon a souhaité connaître les souhaits des scientifiques et des laboratoires sur le contenu des textes réglementaires en attente de publication et s'est demandé si la prochaine loi relative à la bioéthique ne devrait pas à nouveau modifier ces dispositions, et si oui, dans quel sens.

Il s'est interrogé enfin sur la possibilité de procéder, aussi bien avant qu'après autorisation de mise sur le marché d'une molécule, à des essais comparatifs entre un produit de santé et une autre stratégie thérapeutique.

M. Didier Houssin a tout d'abord fait le point sur l'applicabilité des dispositions de la loi relative à la bioéthique. Sur quarante articles, vingt-quatre étaient d'application directe, notamment les règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques d'une personne, mais aussi certaines dispositions relatives au don et à l'utilisation des éléments du corps humain, la protection juridique des inventions biotechnologiques et l'interdiction du clonage reproductif.

Pour le reste, cette loi requiert la publication de vingt-sept décrets, dont douze l'ont déjà été, et ce dans des domaines comme le Comité consultatif national d'éthique, l'agence de la biomédecine et la recherche sur l'embryon et la réglementation des greffes avec, en particulier dans ce domaine, les prélèvements sur les donneurs vivants et les prélèvements sur les donneurs à coeur arrêté.

Il a également mentionné le décret qui a été publié afin d'assouplir les règles de sélection clinique et biologique des donneurs. Ce texte devrait permettre, dans le contexte actuel de pénurie de greffons, d'améliorer l'accès des patients à la greffe. Les dernières mesures réglementaires en attente de publication dans le domaine des greffes correspondent, pour la plupart, à des dispositions déjà existantes et non modifiées sur le fond par la loi bioéthique. Il convient simplement de les actualiser.

La grande majorité des quinze décrets manquants à ce jour devraient être publiés avant la fin du premier semestre 2006. Ces retards trouvent leur origine dans la complexité des questions traitées et dans la nécessité de conduire de nombreuses consultations. En outre, la rédaction des décrets relatifs, d'une part, à la révision des conditions d'autorisation des établissements préparant les tissus, d'autre part, au prélèvement de cellules et à l'importation et l'exportation d'organes, de tissus et de cellules, est rendue difficile en raison des exigences du droit communautaire. De nombreuses dispositions de la directive 2004/23/CE relative aux tissus et aux cellules, ainsi que deux autres directives techniques actuellement en cours de discussion, devront être transposées en droit interne. Il convient d'intégrer ces obligations nouvelles dans les décrets en préparation, notamment celle prévoyant l'intervention d'une personne responsable des activités, ainsi qu'un médecin chargé de la veille médicale et scientifique, celle relative à l'inspection des établissements tous les deux ans, ainsi que les nouvelles modalités de distribution et de délivrance des produits et l'autorisation des procédés.

M. Didier Houssin a indiqué qu'il a été jugé préférable, dans ces conditions, d'attendre la fin des négociations entre les experts des Etats-membres, prévue pour la fin du mois de février 2006, afin de connaître la teneur des modifications à apporter aux mesures réglementaires en cours d'élaboration.

Il a précisé, en particulier, que la rédaction du décret relatif aux médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique nécessite de prendre en compte les dispositions de la nouvelle loi relative aux organismes génétiquement modifiés qui transposera la directive 2001/18/CE relative à la dissémination des organismes génétiquement modifiés. Ce texte législatif permettra en effet de revoir et de compléter notre droit sur plusieurs points : les éléments spécifiques à prévoir dans le dossier de demande d'autorisation, la mise en oeuvre d'une procédure d'information et de consultation du public, le recueil de l'avis du nouveau conseil des biotechnologies, la mise en place d'un suivi post-autorisation avec signalement de tout risque pouvant porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine, et la durée d'autorisation de mise sur le marché.

Il est donc apparu souhaitable d'attendre ce nouveau cadre législatif pour modifier la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique, d'autant plus qu'il n'y a pas de vide juridique, puisque l'autorisation de préparation de thérapie génique est encadrée par deux décrets (décret du 1 er octobre 2001 relatif aux produits de thérapie génique et cellulaire et décret du 6 novembre 1995 pour la partie OGM de la procédure) et qu'il n'y aura pas, dans un futur proche, de médicaments de thérapie génique.

M. Didier Houssin a précisé que, compte tenu de l'élaboration de la loi relative aux OGM, il sera bientôt possible de présenter la première version des dispositions réglementaires attendues dans le domaine de la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique. Les projets de texte préparés en ce sens pourraient être soumis à l'avis des différents partenaires concernés au début du mois de mars 2006.

Les dispositions relatives aux examens des caractéristiques génétiques et à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave font également l'objet de deux décrets d'application en cours d'élaboration. L'extension des dispositions de la loi relative à la bioéthique aux territoires d'outre-mer sera réalisée dans le cadre de la mise à jour prévue du code de santé publique.

D'une façon générale, il a souligné qu'il a veillé, depuis sa prise de fonction, à ce que la direction générale de la santé réalise un effort important pour accélérer la rédaction des textes qui lui incombent et pour résorber le stock des décrets en retard. Celui ci a été ramené en un an, de 200 à 150 décrets en souffrance grâce au doublement de la production réglementaire de la direction entre 2004 et 2005, qui est passée de 19 à 45 décrets publiés. Cette action prioritaire sera poursuivie en 2006, avec un objectif de croissance de 10 % par rapport à 2005.

M. Didier Houssin a ensuite évoqué la situation de la loi relative à la politique de santé publique : celle-ci comporte 158 articles, dont soixante-neuf d'application directe, parmi lesquels l'interdiction des distributeurs automatiques de boissons et aliments payants dans les établissements scolaires, l'extension de l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale de signaler aux autorités sanitaires les risques dont ils auraient connaissance, l'information en milieu scolaire des risques sanitaires liés à l'usage de stupéfiants et l'octroi aux maires de compétences en matière de contrôle des règles d'hygiène de l'habitat.

Pour le reste, l'application de cette loi requiert la publication de soixante-deux décrets simples ou décrets en Conseil d'Etat. Parmi les vingt et une mesures réglementaires déjà publiées, il a mentionné le décret modifiant les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, celui organisant l'Institut national du cancer et les deux décrets relatifs respectivement aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et à l'approbation du référentiel national pour les actions à mener en matière de réduction des risques.

M. Didier Houssin a souligné que la partie que la loi consacre à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de santé publique au niveau national et régional est désormais quasiment opérationnelle : les décrets relatifs à la Conférence nationale de santé et au Comité national de santé publique ont été publiés ; la Conférence nationale de santé sera installée au premier semestre 2006 et le Comité national de santé publique se réunira une première fois au printemps 2006. Les décrets relatifs aux groupements régionaux de santé publique, ainsi qu'aux conférences régionales de santé, ont été publiés eux aussi. Toutes les conférences régionales de santé devraient être mises en place début mars 2006, ce qui leur permettra d'être consultées sur les projets de plans régionaux de santé publique avant que ces derniers ne soient arrêtés par les préfets de région.

Il a indiqué que la publication du projet de décret sur les recherches biomédicales interviendra elle aussi prochainement, comme d'ailleurs celui relatif aux modalités d'application des dispositions de lutte contre le saturnisme. Plusieurs autres projets de mesures réglementaires sont actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, et notamment ceux relatifs à la formation continue des médecins, des chirurgiens dentistes et des pharmaciens, celui concernant l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et des pédicures podologues, celui relatif aux mesures de publicité de l'acte portant déclaration d'utilité publique des captages d'eau, ainsi que celui définissant les conditions de réalisation des analyses de biologie médicale par des laboratoires installés en Europe. Il a précisé enfin que le projet de décret concernant la réglementation applicable aux psychothérapeutes est actuellement soumis à la consultation des professionnels.

En définitive, M. Didier Houssin a considéré que la publication prochaine de tous ces textes devrait permettre une mise en oeuvre effective beaucoup plus large des dispositions de la loi de santé publique.

Après avoir souligné l'évolution inquiétante du nombre d'essais cliniques réalisés en France au cours de la dernière année (- 25 % entre 1995 et 2005), Mme Catherine Lassale s'est interrogée sur le lien qu'il pourrait y avoir entre cette diminution très importante, qui s'est même accélérée en fin de période (- 15 % entre 2004 et 2005), et le cadre juridique des recherches médicales dans notre pays. Elle a souligné que le LEEM souhaite vivement une plus grande harmonisation européenne, notamment dans les domaines des autorisations d'essais cliniques, des missions du comité de protection des personnes (CPP), de la limitation des déclarations immédiates des effets indésirables graves et inattendus et de la notification des résultats et des possibilités de recours.

Elle a rappelé les étapes successives de la mise en oeuvre, en France, des dispositions de la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 relative aux essais cliniques. La date limite pour la transposition par les Etats-membres de ce texte en droit interne était fixée au 1er mai 2004. Celle-ci a été réalisée dans notre pays par la loi relative à la politique de santé publique votée le 9 août 2004, mais certaines de ses dispositions ne sont toujours pas applicables, dans l'attente de la publication, prévue pour 2006, du décret d'application « Recherche biomédicale » et de plusieurs arrêtés.

L'état des lieux de la transposition de cette directive s'établit aujourd'hui en Europe de la façon suivante : onze pays ont intégralement transposé ces dispositions (la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, l'Allemagne, la Finlande, la Grèce, la Lituanie, la Hongrie, la Norvège et la Suède). Dans cinq autres pays, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la République tchèque, sa transposition a été menée à bien, malgré l'absence de certaines mesures réglementaires d'application. Et dans quatre pays, les Pays Bas, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, la transposition en droit interne est encore en cours.

Mme Catherine Lassale a souligné le rôle décisif de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), au cours de la phase pilote de mise en oeuvre des dispositions de cette directive. En 2005, quatre-vingt-un laboratoires y ont également participé, dans le cadre de 417 dossiers d'autorisations d'essais cliniques sur un total de 1.045.

D'importants travaux sont en cours, tant à l'Afssaps, notamment au niveau des groupes « avis aux demandeurs » et « bonnes pratiques cliniques », qu'à la direction générale de la santé (DGS) et dans les Comités de protection des personnes.

Les industriels souhaitent ardemment la publication rapide du décret et des arrêtés en souffrance. Ils en attendent la mise en place de délais attractifs tant pour les demandes d'avis aux CPP (trente-cinq jours) que pour les demandes d'autorisation d'essais cliniques à l'Afssaps, dont ils espèrent qu'ils pourraient être de trente jours, ou de soixante jours avec des possibilités de dérogation par arrêté.

Plusieurs points nécessitent des explications complémentaires : les modalités de déclaration à l'Afssaps des demandes d'amendement à un protocole de recherche, les modalités de transfert de la demande à un autre CPP en cas de dépassement du plafond de demandes et en cas de retrait d'agrément, les modalités de désignation d'un nouveau comité en cas de réexamen de la demande, l'indemnisation des patients et les modalités de déclaration des collections d'échantillons biologiques à l'Afssaps.

Le professeur François Lemaire a estimé qu'il convient d'examiner avec compréhension le problème du retard dans la publication des mesures réglementaires d'application des lois récemment votées. Ces textes législatifs majeurs représentent en effet un changement considérable et interviennent après un très long statu quo. Il est donc normal qu'ils nécessitent un travail réglementaire important et une préparation approfondie.

Il a également indiqué qu'à l'instar du LEEM, les différents organismes publics dans le domaine de la recherche ont décidé de se rassembler pour constituer une coordination institutionnelle destinée à assurer leur représentation auprès des pouvoirs publics. Cet organisme, dont la création remonte à quelques jours à peine, leur permettra d'être consulté par les autorités sanitaires.

Il a souhaité que des études soient réalisées pour promouvoir les bonnes pratiques à faible coût. Il s'est inquiété, en particulier, de la catégorie des recherches sur les soins courants. La rédaction du décret les concernant, à l'élaboration duquel le professeur Francis Giraud a été associé, représente une avancée importante, dans la mesure où la direction générale de la santé a admis la sélection au hasard, ou « randomisation », des patients. Or, la directive européenne sur les essais cliniques interdit cette pratique. Un amendement à ce sujet avait été intégré dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a malheureusement été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier social. Cette disposition sera vraisemblablement reprise sous la forme d'un nouvel amendement au projet de loi sur la recherche, en cours d'examen, et pourrait s'accompagner d'un second amendement sur la question des modalités de financement des recherches sur les soins courants.

Il a considéré que la mise en oeuvre de la loi de santé publique nécessite un effort important de pédagogie, en particulier au niveau des CPP, et a jugé que la combinaison de textes envisagée en France pour la promotion tout à la fois des soins courants et des études post-AMM constituerait un ensemble de dispositions de bon niveau et probablement unique en Europe.

Après avoir reconnu l'ampleur des bouleversements législatifs intervenus au cours de la présente législature dans le domaine de la recherche et de la santé publique, M. Alain Milon a considéré à son tour que le retard dans l'apparition des mesures réglementaires doit être appréhendé avec une certaine tolérance, et non dans un esprit de critique systématique. Il a estimé que les chercheurs doivent désormais bénéficier d'une bonne lisibilité, ce qui suppose une pause au niveau législatif.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité connaître la position du ministère de la santé sur l'opportunité de ratifier la convention d'Oviedo. Elle a insisté sur la question de la commercialisation de cellules souches et elle s'est demandé si le principe qu'aucun élément du corps humain n'est brevetable ou commercialisable ne tend pas à être contourné dans la pratique, notamment en ce qui concerne les dérivés du sang humain.

M. Didier Houssin a indiqué que le ministère de la santé est très favorable à la ratification de la convention d'Oviedo.

Mme Catherine Lassale a déclaré ne pas partager le sentiment qu'il y ait actuellement un problème avec la brevetabilité ou la commercialisation des éléments du corps humain, tout en indiquant que ces questions devront faire l'objet, à l'avenir, d'une réflexion au niveau européen. Elle est revenue sur la question des soins courants en indiquant que les industriels sont très favorables à la comparaison des statistiques thérapeutiques, tout en s'inquiétant qu'en l'état actuel des choses la directive européenne exclue la sélection au hasard des patients.

M. Didier Houssin a souhaité que soient adoptés, dans le cadre du projet de loi sur la recherche, les deux amendements déjà évoqués sur les soins courants.

Après s'être félicité de la diminution du stock de décrets en retard de publication, M. François Autain a constaté que beaucoup reste à faire et s'est demandé si la direction générale de la santé dispose des moyens suffisants pour accomplir ce travail de longue haleine. Dans le cas très précis de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, il a regretté que le décret prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique prive d'application une disposition importante sur l'information du public des conflits d'intérêts entre les chercheurs et l'industrie pharmaceutique.

M. Didier Houssin a confirmé l'importance qu'il accorde à la résolution de ce problème de décrets en retard. L'effort de rattrapage a été réalisé sans moyens supplémentaires, grâce à une mobilisation importante de ses collaborateurs, mais avec l'appui temporaire de deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). A l'intérieur de la DGS, plusieurs personnes ont été spécialement chargées de trouver les moyens d'accélérer la rédaction des décrets et d'identifier les blocages administratifs.

En réponse à François Autain, il a pris l'engagement personnel de faire aboutir le dossier du décret d'application prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la ratification de la convention d'Oviedo devrait elle aussi revêtir le même caractère prioritaire. Elle a souhaité savoir s'il existe, dans les laboratoires privés, parallèlement à la recherche dans les organismes publics, une recherche encadrée sur les embryons et les cellules souches.

Mme Catherine Lassale a indiqué qu'à sa connaissance, tel n'est pas le cas.

Mme Marie-Thérèse Hermange a observé que la convention d'Oviedo qui prohibe la recherche sur les embryons humains, s'inscrit en contradiction avec les demandes « d'ouverture limitée » de la recherche en ce domaine.

M. Didier Houssin a reconnu que le droit a parfois du mal à s'adapter aux impératifs de la recherche.

M. Bernard Seillier, président , a souhaité avoir des précisions sur la coordination des institutionnels, dont le professeur François Lemaire a annoncé la création récente.

EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 12 avril 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu le rapport d'information de M. Alain Milon sur l'état d'application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique .

M. Alain Milon, rapporteur , a tout d'abord exposé les grandes lignes de son rapport d'information (cf. exposé général).

M. Guy Fischer a estimé que le législateur de 2004 n'a pas été suffisamment ambitieux sur plusieurs sujets, ce qu'avait dénoncé l'opposition à l'époque et que confirment les auditions menées dans le cadre de la préparation du rapport d'évaluation de l'application de la loi. Faisant état de la visite du laboratoire du CNRS à Villejuif, il a jugé préoccupant le départ pour l'étranger de nombreux chercheurs et a dénoncé l'insuffisance des créations de postes dans le secteur public de la recherche. Enfin, il s'est dit favorable à l'autorisation définitive de la recherche sur l'embryon et à l'introduction, dans le code civil, d'un statut juridique clair de l'embryon et du pré-embryon.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est également inquiétée de l'expatriation des chercheurs français et a jugé regrettable le retard pris dans la parution des textes réglementaires d'application de la loi du 6 août 2004. Elle a rappelé que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, au nom de laquelle elle avait rapporté l'avis sur le texte de 2004, n'avait pu dégager de position commune sur les thèmes de l'AMP et de l'implantation post mortem d'embryon. Elle s'est toutefois déclarée, à titre personnel, opposée à l'autorisation de cette dernière et a souhaité connaître le sentiment du rapporteur sur ce sujet.

M. Alain Vasselle a estimé que le Parlement ne se consacre pas suffisamment à sa mission de contrôle de l'application des lois qu'il vote. Il a regretté qu'aucune sanction ne soit prévue à l'encontre du Gouvernement lorsque le délai de parution des textes réglementaires d'application est trop long et a suggéré que les ministères responsables d'un tel retard ne puissent pas déposer de nouveau texte sur le bureau des assemblées avant que les précédents ne soient entièrement applicables.

Il a considéré que les efforts doivent être poursuivis en matière de réforme de l'Etat, notamment en redéployant les personnels du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie vers celui de la santé et des solidarités, de façon à donner à ce dernier les moyens d'assurer l'ensemble de ses tâches.

Il a demandé quelles sont les dispositions de la loi de programme sur la recherche susceptibles de limiter la « fuite des cerveaux » et a estimé que la question de la recherche sur l'embryon pose le problème délicat de la conciliation entre le respect de la vie humaine et les espoirs de découverte de nouvelles thérapies.

Mme Marie-Thérèse Hermange a rappelé qu'elle avait elle-même demandé, en septembre dernier, à la commission que soit réalisé un bilan de l'application réglementaire de la loi du 6 août 2004, incluant un état des lieux de la recherche sur les cellules souches adultes et embryonnaires. Elle a estimé, à ce titre, que l'autorisation d'importer ces cellules de l'étranger constitue un moyen de contourner l'interdiction de recherche sur l'embryon posée par la législation française.

Elle a souhaité que la prochaine révision de la loi de bioéthique s'intéresse aux problèmes posés par l'AMP, notamment celui de l'anonymat du don de gamètes qui empêche les enfants nés grâce à un tiers donneur de connaître leurs origines et celui des trop nombreux « ratés » de cette technique de procréation : à titre d'exemple, à l'hôpital parisien Bichat, le suivi de soixante-huit couples qui ont bénéficié d'une AMP montre que seize grossesses ont été obtenues, mais six naissances seulement menées à terme, dont trois enfants présentent des problèmes neurologiques ; les dix morts foetales recensées étaient dues à un retard de croissance de l'embryon.

Elle a enfin rappelé que la recherche sur les embryons congelés pose des difficultés techniques et a dénoncé la pratique consistant à se débarrasser des embryons considérés comme ne pouvant être implantés, alors que 2 % à 3 % d'entre eux pourraient devenir des enfants viables.

M. Nicolas About, président , a fait observer que les interruptions de grossesse pour raison médicale présentent le même pourcentage d'erreur potentielle. Il a indiqué que les recherches sur les cellules souches adultes sont plus difficiles à mener que celles sur les cellules souches embryonnaires, dans la mesure où les scientifiques doivent les faire régresser avant de les utiliser. Enfin, il a jugé sensible le débat sur l'anonymat des dons de gamètes et a demandé quelles sont exactement les difficultés posées par la recherche sur les embryons congelés.

M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé que la possibilité d'autoriser le double don de gamètes a été évoquée par Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), lors des tables rondes organisées par la commission, le 8 février dernier. Cette faculté pourrait constituer une solution pour les couples dont les deux membres sont atteints d'une maladie potentiellement transmissible à l'embryon.

Il a indiqué que les 100.000 embryons actuellement congelés en France seront détruits au bout de cinq ans s'ils ne font plus l'objet d'un projet parental et a considéré qu'il serait préférable de les utiliser en priorité au profit de la recherche. Le choix se fait donc entre la recherche et la destruction et non entre la vie et la recherche.

Mme Jeannine Rozier a estimé que les débats relatifs à la bioéthique doivent s'affranchir des clivages partisans et des polémiques et que chacun doit pouvoir forger sa conviction en fonction de son éthique personnelle.

M. André Lardeux s'est déclaré défavorable à l'autorisation du transfert post mortem d'embryons et réticent à la poursuite des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Il a estimé que, compte tenu des difficultés matérielles des laboratoires, la recherche française doit se consacrer aux travaux sur les cellules souches adultes, qui ne posent pas de problème éthique. Il a considéré que la séparation sémantique entre l'embryon et le pré-embryon ne résout pas les questions philosophiques et morales relatives à la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

M. Alain Milon, rapporteur , a indiqué que le terme de pré-embryon se rapporte à un ensemble de deux cellules indifférenciées et non implantées, ce qui correspond mieux à la définition des cellules souches embryonnaires que celui d'embryon.

Rappelant la supercherie du professeur coréen Hwang Woo-Suk, M. Louis Souvet a estimé qu'il convient de mieux contrôler en amont la véracité des publications scientifiques.

M. Alain Milon, rapporteur , a précisé que le professeur Hwang avait fourni des preuves falsifiées à la revue Science avant la publication de son article.

M. Alain Gournac a souhaité que le présent rapport ne reste pas lettre morte et a considéré que le Gouvernement doit s'expliquer sur le retard pris dans la publication des décrets et s'engager à redresser la situation.

M. Jean-Pierre Michel a salué le travail effectué par la commission en matière de contrôle et d'évaluation. Il a estimé que les élus, qui ne sont pas des scientifiques, doivent intervenir dans le débat sur la bioéthique de façon à ce que la législation n'ait pas pour seul objectif de fournir à la recherche les moyens d'aller toujours plus loin, parfois au détriment de l'homme et de son environnement.

Il s'est déclaré sceptique sur la possibilité de définir précisément l'embryon et de fixer le début de la vie et a affirmé deux convictions : la connaissance de ses origines est l'acquis fondamental qui distingue l'homme de l'animal et il n'existe pas de droit à l'enfant. En conséquence, il a dénoncé les AMP réalisées sur des femmes qui ne sont plus en âge d'être naturellement mères et s'est déclaré hostile à l'implantation post mortem d'embryons.

Mme Isabelle Debré a considéré que, plus que la connaissance de ses origines, c'est sa conscience qui différencie l'homme de l'animal. Elle a souhaité la définition d'un statut juridique du foetus, ce qui permettrait aux parents qui le souhaitent de disposer du corps de leur enfant mort, même avant six mois de gestation, pour lui donner une sépulture et rendre moins difficile le travail de deuil. A l'heure actuelle, cette faculté n'est pas ouverte lorsque la grossesse s'est interrompue avant cette date.

Mme Marie-Thérèse Hermange a indiqué que le CCNE travaille actuellement sur la commercialisation des cellules souches, rappelant que si l'embryon est considéré comme un élément du corps humain, il ne peut être commercialisé. Elle a demandé si le consentement des parents de l'embryon surnuméraire utilisé à des fins de recherche est nécessaire à chaque étape de cette recherche.

M. Nicolas About, président , a précisé que le consentement du couple n'est recueilli qu'au moment de la décision d'utiliser ou non l'embryon pour la recherche, cinq ans après sa conception. Les parents disposent ensuite de trois mois pour revenir sur leur décision.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si les cellules souches peuvent faire l'objet d'un brevet.

M. Nicolas About, président , a rappelé que les éléments du corps humain ne peuvent être brevetés, seuls, les techniques et résultats de recherche étant susceptibles de l'être.

En réponse aux interventions des commissaires, M. Alain Milon, rapporteur , a estimé que la prochaine révision de la loi de bioéthique devra oser aborder de nouveaux sujets de débat, en tenant compte de l'évolution des mentalités et des progrès scientifiques. Il a maintenu son souhait que la recherche sur les cellules souches embryonnaires soit autorisée et le pré-embryon défini à cette occasion.

Il a rappelé que si les chercheurs français ont pris du retard sur la recherche sur l'embryon, ils sont en pointe en matière de recherche sur les cellules animales, ce qui relativise les propos alarmistes tenus par certains d'entre eux.

Il a reconnu que l'implantation post mortem d'embryons pose de réelles questions d'ordre éthique, mais a fait valoir que l'autorisation pourrait être subordonnée à un examen médical et psychologique approfondi de la future mère, destiné à s'assurer de la qualité et de l'équilibre de l'environnement de l'enfant à naître.

Il a considéré que, même si les lieux de recueillement pour les enfants qui ne sont pas nés se multiplient, le foetus doit pouvoir être enterré dignement, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une interruption volontaire de grossesse.

ANNEXE 1 - ÉTAT D'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE DU 6 AOÛT 2004

Objet

Article de loi

Date prévisible de parution

JO

D

Conditions d'autorisations d'importation, de recherche et de conservation des cellules souches embryonnaires dans l'attente de la création de l'ABM

art. 37

Décret n° 2004-1024 du 28 septembre 2004

30/09/04

DCE

Application aux hôpitaux des armées des procédures d'autorisation prévues pour les établissements de santé

art. 5 12 19

Décret n° 2005-364 du 18 avril 2005

21/04/05

DCE

Fonctionnement et composition du Comité Consultatif National Ethique

art. 1er

Décret n° 2005 -390 du 28 avril 2005

29/04/05

DCE

Constitution de l'Agence de la biomédecine (ABM) et transfert des compétences,..., de l'Etablissement Français de Greffe

art.. 2

Décret n° 2005-420 du 4 mai 2005

05/05/05

D

Nomination du Directeur Général de l'ABM

art.. 2

Décret du 09 mai 2005

10/05/05

DCE

Modalités de prélèvements d'organes et de cellules hématopoïétiques issus de la moelle osseuse (donneurs vivants)

art. 9

Décret n° 2005-443 du 10 mai 2005

11/05/05

D

Nomination du Président du Conseil d'Administration de l'ABM

art.. 2

Décret du 30 mai 2005

31/05/05

DCE

Conditions dans lesquelles le prélèvement d'organes et de tissus est autorisé (prélèvements à coeur arrêté)

art. 9 et 12

Décret n° 2005-949 du 2 août 2005

06/08/05

DCE

Conditions d'indemnisation du transfert a l'ABM du fichier des donneurs tenu par l'association France Greffe de Moelle

art. 3

Décret n° 2005-1342 du 27 octobre 2005

30/10/05

DCE

Transfert a l'ABM du fichier des donneurs tenu par l'association France Greffe de Moelle

art. 3

Décret n° 2005-1391 du 8 novembre 2005

09/11/05

DCE

Révision des règles de sécurité sanitaire applicables aux organes, tissus et cellules

art. 7

Décret n° 2005-1618 du 21 décembre 2005

23/12/05

DCE

Conditions d'autorisation et de mise en oeuvre des recherches menées sur l'embryon

art. 25

Décret n° 2006-121 du 6 février 2006

- 55 -

07/02/06

DCE

Révision des dispositions réglementaires en matière de don de gamètes

art. 12

avril 2006

DCE

Actualisation des dispositions réglementaires relatives aux conditions d'autorisation de mise sur le marché des Produits Thérapeutiques Annexes

art. 14

avril 2006

DCE

Révision des dispositions réglementaires en matière de Diagnostic Prénatal

art. 23

avril 2006

au Conseil d'Etat

DCE

Révision des dispositions réglementaires en matière d'Assistance Médicale à la Procréation et de don de gamètes

art. 24

avril 2006

au Conseil d'Etat

DCE

Conditions dans lesquelles le prélèvement de cellules est autorisé, y compris tissus/ cellules embryonnaires ou foetaux

art. 12 et 27

mai 2006

DCE

Collections d'échantillons biologiques

art. 6

mai 2006

DCE

Examen des caractéristiques génétiques: hors parentèle

art. 5

juin 2006

DCE

Conditions de délivrance, de modification, de renouvellement, de suspension et de retrait des autorisations d'import et d'export des organes, des tissus et des cellules

art. 9, 12, 19

juin 2006

DCE

Examen des caractéristiques génétiques

art. 5

juillet 2006

DCE

Conditions dans lesquelles les médecins délivrent aux jeunes de 16 à 25 ans une information sur le don d'éléments et de produits du corps humain

art. 7

juillet 2006

DCE

Modalités de prise en charge des frais de prélèvement

art. 7

juillet 2006

DCE

Actualisation des dispositions réglementaires relatives à la biovigilance

art. 7

juillet 2006

D

Modalités de saisine de l'ABM par les associations agréées de malades

art.. 2

juillet 2006

DCE

Révision des dispositions réglementaires relatives aux conditions d'autorisation des établissements préparant les tissus

art. 12

août 2006

DCE

Mise en oeuvre des dispositions réglementaires relatives aux autorisations d'établissements préparant des médicaments de thérapie génique et de thérapie xénogénique

art. 19

septembre 2006

En cours de rédaction (lie a la transposition de la directive OGM)

Source : ministère de la santé et des solidarités

ANNEXE 2 - LES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

Tables rondes sur l'application de la loi relative à la bioéthique

- M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique ;

- Pr. Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin ;

- Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ;

- Pr. François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique de l'Agence de la biomédecine (ABM) ;

- M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique de l'Agence de la biomédecine (ABM) ;

- M. Didier Houssin, directeur général de la santé ;

- Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) ;

- Pr. François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor.

Réunion de travail du 1 er mars 2006

- M. Pierre Savatier, directeur de recherche à l'Inserm, professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon ;

- M. le Professeur Etienne-Emile Baulieu, directeur de recherche à l'Inserm, directeur de l'Institut fédératif de recherche de l'hôpital Bicêtre ;

- M. et Mme les Professeurs Jacques et Antoinette Hatzfeld, directeurs de recherche au CNRS, laboratoire de biologie des cellules souches de Villejuif ;

- M. Marc Peschanski, directeur de recherche à l'Inserm, directeur du centre d'études des cellules souches du Généthon.

Déplacement du 5 avril 2006

Laboratoire de biologie des cellules souches somatiques humaines du Centre national de la recherche scientifique à Villejuif, dirigés par les Professeurs Jacques et Antoinette Hatzfeld.

* 1 L'application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. Alain Claeys et Claude Huriet. Rapport de l'Opecst n° 1407 (AN) et n° 232 (Sénat), 1999-2000.

* 2 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, p. 36.

* 3 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. interventions de François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique de l'ABM et de Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du CCNE, p. 40 et 41.

* 4 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application des lois du 6 août 2004 relative à la bioéthique et du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Cf. intervention de Didier Houssin, directeur général de la santé, p. 44.

* 5 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application des lois du 6 août 2004 relative à la bioéthique et du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Cf. intervention de Didier Houssin, directeur général de la santé, p. 45.

* 6 Cf. annexe n° 1 du présent rapport, p. 55.

* 7 Cour des Comptes. Rapport public pour l'année 2004. Février 2005.

* 8 Application de la loi relative à la bioéthique. Pierre-Louis Fagniez. Rapport n° 2206 de l'Assemblée nationale. Mars 2005.

* 9 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. intervention d'Axel Kahn, p. 40.

* 10 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. intervention d'Axel Kahn, p. 36.

* 11 Projet de loi de programme sur la recherche. Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade au nom de la commission spéciale. Rapport Sénat n° 121 (2005-2006).

* 12 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. intervention d'Axel Kahn, p. 36, 40 et 41.

* 13 La fonction d'un tiers des gènes est encore inconnue selon Jacques Hatzfeld, directeur de recherche au laboratoire du CNRS de Villejuif.

* 14 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, p. 36.

* 15 Table ronde organisée par la commission des Affaires sociales le 8 février 2006 sur l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cf. intervention de Marie-Hélène Mouneyrat, p. 38.

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