II. UN PAYS AU CoeUR D'UNE REGION ENDEMIQUEMENT INSTABLE

Le Pakistan entretient des relations tendues avec ses deux principaux voisins. A l'Est, la confrontation avec l'Inde, engendrée par la partition du Cachemire, devient pour plusieurs décennies l'axe de la politique extérieure d'Islamabad. A l'Ouest, les relations avec l'Afghanistan d'Hamid Karzaï sont empreintes de méfiance et de récriminations réciproques.

A. LES SÉQUELLES DE LA PARTITION DE 1947 NE DÉTERMINENT PLUS COMPLETEMENT, COMME CE FUT LONGTEMPS LE CAS, LES RELATIONS AVEC L'INDE

L'évolution respective des deux pays - trois en incluant le Bangladesh - issus de l'Empire des Indes est contrastée : alors que l' Inde , forte d'atouts spécifiques, a gagné, sur la scène internationale, le statut de candidat crédible au Conseil de sécurité de l'ONU et d'allié privilégié des Etats-Unis, la vision du monde qu'a le Pakistan reste marquée par les violences qui ont ponctué son histoire. L'hostilité à l'égard de l'Inde a longtemps cimenté l' unité d'un pays, dont les provinces , sont très diverses et naturellement peu disposées à se soumettre aux directives du pouvoir central. Aussi le fort ressentiment envers l'Inde détermine-t-il, et parfois sur-détermine-t-il, la vie politique pakistanaise. Mais la différence croissante de poids démographique, économique et politique et les revers subis par le Pakistan chaque fois qu'il s'est militairement opposé à l'Inde incitent ses dirigeants à faire preuve aujourd'hui de plus de retenue et de modération.

La différence entre les deux pays ne porte pas seulement sur leur taille et l'importance de leur population. L'Inde, appuyée sur une civilisation séculaire, offrait à ses habitants la légitimité d'une nation reconnue avant même qu'elle ne se dote d'un Etat. Le Pakistan, « maison commune des musulmans » du sous-continent, devait se construire en même temps une identité et un Etat. Or, les quatre grandes provinces de l'ancien Empire britannique qu'il rassemblait : Balouchistan, Pendjab, Province du Nord-Ouest, et Sind, pour s'en tenir au Pakistan d'après 1971, avaient peu de liens entre elles, hormis la religion musulmane, et guère de désir de vivre ensemble : ni la conception germanique de Herder, ni celle, française, exprimée par Renan, ne caractérisait ce pays où tout était à construire.

La question du Cachemire, dont la partition découle d'un accident du destin, alors que sa population était, en 1947, majoritairement de confession islamique et d'ethnie pachtoune, a cristallisé le sentiment d'injustice éprouvé par le Pakistan et l'hostilité populaire à l'égard de l'Inde.

Dans son discours fondateur de janvier 2002, le Général Moucharraf a rappelé que le « Cachemire coule dans nos veines », mais il a aussitôt modéré son propos en soulignant « qu'aucun territoire contesté ne peut servir de base au jihad ».

Cette déclaration rompait avec le comportement passé du Pakistan. Celui-ci avait appuyé la guérilla cachemirie, et commencé, à partir des années 1990, à infiltrer dans cette zone des jihadistes, puis de talibans réfugiés d'Afghanistan.

Des quatre guerres qui ont opposé le Pakistan à l'Inde depuis leur séparation (1947-1948, 1962, 1965, 1971), les trois premières sont nées de la question du Cachemire. Durant l'été 1999, le bref affrontement entre des militants cachemiris, soutenus par l'armée pakistanaise, et infiltrés au-delà de la ligne de contrôle à Kargil, et les forces indiennes, n'a été qualifié que de « crise ». Elle n'en a pas moins entraîné la condamnation internationale du Pakistan. Le coup d'Etat d'octobre 1999, qui a porté au pouvoir le Général Moucharraf, chef d'état-major des armées, est la conséquence directe de l'humiliant échec subi par le Pakistan à Kargil.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page