EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 9 mai 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a entendu une communication de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, sur la valorisation de la recherche dans les universités.

En introduction, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a souhaité rappeler le cadre de sa réflexion : d'une part, une compétition internationale accrue du fait du dynamisme d'un nombre croissant de pays en matière de recherche et développement ; d'autre part, un contexte national récemment marqué par le vote de la loi de programme pour la recherche et la mise en place des pôles de compétitivité.

Il a ensuite rappelé les différentes étapes du contrôle qu'il avait mené en application de l'article 57 de la LOLF, à savoir l'envoi d'un questionnaire à l'ensemble des 84 universités, trois déplacements à l'étranger (Israël, Canada, Finlande), ainsi qu'une série d'auditions avec notamment des responsables de la valorisation dans les universités.

Il a également expliqué que le champ du contrôle avait été limité aux universités pour des raisons de compétence, mais également en raison de leur situation particulière au regard de la valorisation de la recherche : d'une part, une recherche universitaire dont la visibilité était quelque peu masquée par le prestige de la recherche menée par d'autres organismes nationaux ; d'autre part, des universités dont les principales priorités ont été, au cours de ces deux dernières décennies, l'accueil d'un nombre croissant d'étudiants et la gestion de plus en plus problématique de la formation de ce public.

Avant d'examiner les différents thèmes abordés, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a insisté sur le fait que les propositions du rapport s'inscrivaient dans le cadre actuel de fonctionnement des universités. Il a souligné que ce cadre ne réunissait pas les conditions optimales au développement de la valorisation, problématique qui touchait inévitablement, en ce qui concernait les universités, aux questions de gouvernance et d'autonomie de celles-ci. Il a précisé que ces réformes dépassaient le champ du présent contrôle.

Il a indiqué, ensuite, que le développement de la valorisation nécessitait une ambition particulière des gouvernements en la matière, que ce soit sur un plan politique ou financier.

Il a relevé l'importance du contexte en soulignant le rôle joué par certains événements conjoncturels dans des pays comme Israël (arrivée massive d'immigrants de l'ex-Union soviétique avec une formation scientifique), le Canada (conditions budgétaires favorables à la fin des années 90) ou la Finlande (succès de l'entreprise Nokia assurant à elle seule 30 % de la recherche et développement du pays) dans la mise en place de politiques volontaristes en matière de valorisation. Toutefois, il a également observé que, malgré leur réussite, ces pays connaissaient aujourd'hui en matière de valorisation des mutations et des remises en cause, notamment au Canada, et cela, afin de mieux adapter leur système.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a ensuite présenté les thèmes du rapport et les différentes propositions afférentes.

S'agissant de l'organisation de la valorisation dans les universités, il a noté que vingt universités avaient fait le choix d'un service d'activités industrielles et commerciales (SAIC), possibilité offerte par la loi du 12 juillet 1999, huit universités le choix d'une filiale, le reste des université ayant majoritairement mis en place des services internes ou des cellules de valorisation, tout en poursuivant leur réflexion sur une éventuelle structuration particulière.

Il a, également, évoqué le projet de mutualisation des services de valorisation sur la base de l'appel à projets lancé par l'Agence nationale pour la recherche (ANR), en mettant en avant la grande diversité des projets et la dépendance, pour la plupart d'entre eux, par rapport au financement promis par les collectivités territoriales.

S'agissant des ressources humaines affectées à la valorisation, il a constaté que, bien souvent, les structures de valorisation étant récentes et plus ou moins embryonnaires, le personnel affecté à la valorisation s'occupait plus de la gestion des dossiers transmis par les laboratoires, que de la mise en oeuvre d'une véritable politique de valorisation.

Il a tenu à relever l'importance du travail effectué par les directeurs de laboratoire, en soulignant qu'il n'était pas question de remettre en cause cet acquis, mais bien au contraire de le dynamiser et de le compléter. Il a insisté sur la nécessité d'avoir la capacité d'embaucher des spécialistes sur des compétences relativement pointues, ce qui posait des questions quant à la marge de manoeuvre autorisée par les grilles salariales lorsque ces recrutements ne se faisaient pas exclusivement à l'intérieur d'une structure privée de valorisation.

S'agissant de la protection des résultats, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a déploré le retard dans la mise en oeuvre de certaines dispositions du plan Innovation concernant le dépôt de brevet. D'une part, il a regretté que la prime « environnement » n'ait pas été appliquée. D'autre part, il a considéré que la prime au dépôt de brevet dont le décret a été publié en septembre 2005, n'était pas satisfaisante dans sa configuration actuelle, dans la mesure où elle obligeait les établissements à assumer des dépenses sur des brevets pour lesquels ils n'avaient aucune visibilité ni retour financier, et cela, avec des moyens financiers relativement limités. Il a noté que cette situation pouvait obérer la capacité déjà faible, des établissements, à développer une politique de protection des résultats.

Il s'est prononcé d'une part, en faveur d'une prime versée au moment de l'activation du brevet, et d'autre part, d'un financement supplémentaire dans les contrats quadriennaux au titre de la protection intellectuelle après évaluation de la politique de valorisation de l'établissement.

Enfin, il a souligné, en se fondant sur l'exemple du Canada, qu'un bon procédé consistait à éviter des conflits d'intérêt entre les personnes qui instruisent le brevet et celles qui le déposent et le financent.

S'agissant des questions de fiscalité et de comptabilité, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a relevé que la gestion quotidienne des services de valorisation était entravée par un certain nombre de problèmes, qui pouvaient en apparence paraître anodins, mais qui revêtaient pour les personnels concernés une importance certaine. Ainsi en était-il du remboursement des frais de mission dans le cadre des services de valorisation non organisés sous une forme juridique de droit privé, ou du mécanisme de fonds de concours, s'agissant des services d'activités industrielles et commerciales.

Il a précisé, s'agissant des frais de mission, que la réussite de la valorisation de la recherche était liée à la capacité des personnes à s'inscrire dans des réseaux et à participer à ces réseaux, le remboursement au forfait pouvant alors apparaître, dans ces conditions, insuffisant.

Après avoir rappelé que le mécanisme du fonds de concours avait été mis en place pour des raisons fiscales liées, notamment, au calcul des charges déductibles de l'impôt sur les sociétés, il a estimé, que compte tenu de l'exonération d'impôt sur les sociétés dont bénéficiaient désormais les universités dans le cadre des activités relevant de leurs missions (exonération décidée par la loi de programme pour la recherche), ce mécanisme pouvait être supprimé.

Enfin, il a mentionné la nécessité d'harmoniser complètement les régimes de TVA entre les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) dont font partie les universités et les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) tels que le CNRS, un problème semblant subsister au niveau du traitement des subventions versées par l'ANR. Les EPST peuvent en effet mieux récupérer la TVA sur les achats réalisés sur ces crédits, ce qui a un impact sur le choix des gestionnaires des unités mixtes de recherche.

S'agissant de la sensibilisation de l'ensemble des acteurs à la valorisation de la recherche, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a souligné que si les mentalités évoluaient, la culture de la valorisation n'était pas encore partagée par tous. Il a mentionné l'exemple d'un professeur israélien rencontré lors de son déplacement à l'institut Weizmann, lui ayant expliqué indiquer systématiquement à ses étudiants de ne jamais perdre de vue que leurs recherches pouvaient avoir une application concrète. Il a, ainsi, estimé qu'une démarche organisée et systématique de sensibilisation à l'égard des étudiants et des professeurs en France devrait être mise en place.

Il a également souhaité préciser que, si cette sensibilisation pouvait être plus facilement conçue pour les sciences dites exactes, elle ne devait pas être négligée dans le domaine des sciences humaines et sociales qui pouvaient, également, faire l'objet d'une valorisation. Il a noté, qu'en ce domaine, la valorisation appelait une approche quelque peu différente, les critères tels que le dépôt de brevet ou la création d'entreprises n'étant pas représentatifs. Il a fait référence au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), visité lors de son déplacement au Canada, qui avait instauré un système efficace de valorisation dans le domaine des sciences sociales en associant, en amont, des partenaires privés. Il a observé que le réseau « Rush «, qui essayait de se structurer, en France, dans le domaine des sciences humaines et sociales, pouvait, éventuellement, s'inspirer de cet exemple.

Enfin, s'agissant de l'évaluation de la valorisation, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a souligné la nécessité de continuer le travail de réflexion concernant les indicateurs, notamment dans le cadre de la LOLF, en précisant d'une part que la valorisation pouvait avoir un impact beaucoup plus large que celui mesuré par le nombre de brevets déposés, et d'autre part, qu'il convenait de réfléchir davantage à des critères qualitatifs, et non plus seulement quantitatifs.

En conclusion, il a insisté sur l'importance de l'innovation en tant que garantie de la croissance économique et, par conséquent, sur la nécessité de développer une ambition particulière en matière de valorisation de la recherche.

Un large débat s'est ensuite instauré.

Après avoir remercié M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, pour la grande qualité de sa présentation, M. Jean Arthuis, président, a noté que le tableau brossé par le rapporteur spécial était contrasté, faisant état d'avancées positives mais également de certains blocages et problèmes, soulignant que la dimension de la valorisation n'était pas pleinement intégrée par l'ensemble des acteurs. Il a souhaité savoir quelles universités avaient marqué favorablement le rapporteur spécial et quel était le taux de réponse aux questionnaires adressés aux différentes universités.

En réponse, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a estimé que ses entretiens avec les responsables de valorisation des universités, en particulier de Paris VI, Strasbourg 1, Grenoble 1 et Rennes 1, avaient été très instructifs. Il a en outre indiqué que 89 % des universités avaient répondu au questionnaire qui leur avait été adressé.

M. Maurice Blin, en sa qualité de « co-rapporteur spécial » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », a estimé que le sujet de la valorisation était un sujet difficile, mais crucial pour l'avenir de notre pays. Il a rappelé que la mission des universités avait principalement été, ces dernières années, l'accueil d'un nombre croissant d'étudiants, le tout avec un budget inférieur à la moyenne européenne. Il a observé que la relation entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée restait quelque peu problématique en France. Il a noté que les unités mixtes de recherche étaient bien appréciées par les universités. Il a souligné, enfin, que la diffusion de la culture de la valorisation prendrait un certain temps.

Concernant le caractère sensible de la relation entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée en France, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a cité l'exemple d'une chercheuse française qui était partie au début des années 80 créer son entreprise au Canada, car elle n'était pas du tout soutenue dans son université d'origine. Il a toutefois estimé que, fort heureusement, ces situations se raréfiaient, car les mentalités évoluaient.

En réponse à M. François Trucy souhaitant connaître la définition précise du terme « valorisation », M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a cité la définition du Comité national d'évaluation selon laquelle valoriser c'était « rendre utilisables ou commercialisables les résultats, les connaissances et les compétences de la recherche ». Il a indiqué, à ce titre, qu'il existait plusieurs procédés de valorisation tels que la recherche partenariale, le dépôt de brevet ou la création d'entreprise. Il a souligné qu'il convenait de s'interroger sur la méthode de valorisation et sur l'opportunité d'utiliser tel ou tel procédé. Ainsi a-t-il mentionné l'exemple d'Israël, où, plutôt que d'encourager systématiquement la création d'entreprise, ce qui nécessitait du temps et soulevait des problèmes quant à la constitution d'une équipe dirigeante ou à l'obtention de financements, il était envisagé de s'adresser directement à des PME innovantes, ce qui créait une certaine dynamique d'ensemble.

S'agissant de la sensibilisation à la valorisation sur laquelle M. François Trucy souhaitait avoir des précisions, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a indiqué qu'il s'agissait, en s'appuyant sur une équipe professionnelle, d'expliquer aux acteurs de la recherche les enjeux de la valorisation tout en respectant et en prenant en compte le travail déjà réalisé au niveau de chaque laboratoire.

M. Maurice Blin a observé que les conditions de la recherche avaient évolué et que dorénavant l'émulation, la concurrence et la recherche de crédits étaient considérées comme des facteurs de vertu et de dynamisme.

Après s'être interrogé sur les possibilités de stimuler les universités en matière de valorisation afin qu'elles aient davantage de moyens dans ce domaine, M. Aymeri de Montesquiou a insisté sur l'importance de la coopération internationale et les moyens d'attirer les meilleurs étudiants et professeurs étrangers. Il a également souhaité avoir des précisions sur l'impact de la valorisation.

En réponse, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial , a estimé que l'accueil d'étudiants et de professeurs étrangers hautement qualifiés dépendait, en grande partie, des marges de manoeuvre, notamment financières, des universités. Il a rappelé ainsi, comme il l'avait souligné en introduction, que la valorisation de la recherche touchait à des problèmes de fond concernant le fonctionnement de l'université en France. A titre d'exemple, il a mentionné la simplicité du système israélien, où le financement des universités était assuré par une seule ligne budgétaire au sein du budget de l'Etat, les crédits étant affectés sur la base de critères de performance et utilisés selon une politique décidée par l'université.

S'agissant de l'impact sociétal de la valorisation, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a indiqué qu'il convenait d'avoir une vue plus large que les seuls critères habituellement retenus pour mesurer la valorisation. Il a, à cet égard, cité le cas de la Finlande, où l'expression « impact socio-économique de la recherche « était préférée à celle de valorisation, car ayant un spectre plus large.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président , a observé que si des éléments positifs avaient été mis en avant au cours de ce contrôle, les marges de progression étaient sensibles.

La commission, après avoir pris acte de cette communication, a décidé à l'unanimité d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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