C. LA PLACE CROISSANTE DE LA MONOPARENTALITÉ ET DE LA RECOMPOSITION FAMILIALE

La délégation a organisé une audition consacrée à une présentation statistique de la monoparentalité et de la recomposition familiale, réalisée par Mme Nicole Roth, sous-directrice de l'observation de la solidarité à la DREES, Mme Elisabeth Algava, ancienne chargée d'études à la DREES, et M. Laurent Toulemon, directeur de recherches à l'INED.

Cette présentation s'appuie notamment sur deux études déjà citées, la première sur la monoparentalité 14 ( * ) , et la seconde sur les familles recomposées 15 ( * ) .

1. Les familles monoparentales

a) Le doublement du nombre de familles monoparentales depuis 1962

En 1999, le nombre de familles monoparentales s'établit à 1,5 million, soit une augmentation de 27,2 % par rapport à 1990 .

Le tableau ci-après retrace l'évolution du nombre de familles monoparentales lors des recensements successifs, depuis 1962 :

Évolution des familles monoparentales depuis 1962

Champ : Familles monoparentales avec enfants de moins de 25 ans en France métropolitaine.

Lecture : en 1968, selon le recensement de la population, il y avait en France métropolitaine 722 000 familles monoparentales comprenant au moins un enfant de moins de 25 ans. Dans 20 % des cas, il s'agissait d'un père et de ses enfants, dans 80 % des cas d'une mère et de ses enfants.

Source : recensement de la population, INSEE.

Le nombre de familles monoparentales est passé de 680.000 en 1962 à près de 1,5 million en 1999 . Il a donc plus que doublé en 37 ans.

Le nombre total de familles comprenant un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans étant resté stable, la proportion de familles monoparentales a sensiblement augmenté, de 10,2 % en 1982 à 13,2 % en 1990 et 16,7 % en 1999, alors qu'elle était restée relativement stable entre 1968 (9,4 %) et 1982 (10,2 %). Ces chiffres traduisent une position moyenne de la France en Europe (14 % en 1996).

Les familles monoparentales en Europe

Une enquête, déjà ancienne puisque datant de 1996, avait été réalisée, dans le cadre du Panel communautaire de ménages (PCM), sur le thème des familles monoparentales, dans tous les pays de l'Union européenne, sauf la Suède, soit 14 Etats membres. La coordination de l'enquête avait été effectuée par Eurostat. Le ministère de l'emploi et de la solidarité en avait présenté les résultats en 2000 16 ( * ) .

En 1996, 12 % des ménages européens comptant des enfants de moins de 25 ans étaient des familles monoparentales. Cette proportion était nettement plus faible en Espagne (5 %), en Italie, en Grèce (7 %) et au Portugal (8 %), ainsi qu'aux Pays-Bas et en Autriche (10 %). Elle était en revanche beaucoup plus élevée en Belgique, au Danemark (14 %) et surtout en Finlande (19 %) et au Royaume-Uni (22 %).

L'opposition d'une Europe du Nord à forte monoparentalité à une Europe du Sud aux familles traditionnelles est toutefois nuancée par la prise en compte des familles hébergées. Dans cette étude en effet, les familles monoparentales peuvent être soit isolées (le ménage se réduit à la famille), soit hébergées (le ménage comprend plusieurs familles, dont une famille monoparentale). Or, 2 % des ménages européens hébergent une famille monoparentale, portant à 14 % la proportion de ménages concernés par la monoparentalité. Les familles monoparentales hébergées sont précisément nombreuses au sud de l'Europe, ce qui resserre considérablement les écarts constatés entre pays. Ainsi, en Espagne, 4 % des ménages avec enfants hébergent une famille monoparentale. Dans les pays du Sud, ne pas en tenir compte reviendrait à négliger entre 25 % et 40 % du phénomène.

La forte surreprésentation des femmes parmi les parents isolés est particulièrement marquée au Portugal (94 %). Inversement, le Danemark, le Luxembourg ou la Finlande comptent une proportion plus grande d'hommes dans cette situation (19 % à 20 %). En Espagne, en Italie ou en Grèce, les hommes parents isolés sont également plus nombreux, mais sont plus souvent hébergés que les femmes.

Dans les pays où les familles monoparentales hébergées sont nombreuses, ces dernières sont plus souvent constituées par des jeunes.

Aux différences d'âge et de sexe correspondent des situations matrimoniales variables. En moyenne, 21 % des parents sans conjoint sont célibataires, 22 % sont veufs et 57 % divorcés ou séparés. Quand les moins de 30 ans sont nombreux, la part des célibataires est plus grande, dépassant 25 %. Elle culmine au Danemark avec 34 %. Dans les pays où les jeunes sont moins présents parmi les familles monoparentales, les veufs sont plus nombreux : c'est le cas au Portugal, en Italie, en Grèce et en Espagne où leur part s'échelonne entre 38 % et 47 %.

La croissance du nombre de familles monoparentales, qui s'est accélérée depuis le début des années 1980, a essentiellement porté sur les mères de familles monoparentales : après avoir représenté autour de 20 % des foyers monoparentaux dans les années 1960 et 1970, la proportion de pères parents isolés s'est stabilisée autour de 14 % depuis 1982.

Cette diminution de la proportion d'hommes parmi les parents de famille monoparentale s'explique par la diminution constante du veuvage et par l' importance croissante des séparations . Dans 85 % des cas de divorce, la garde des enfants est en effet confiée à la mère et, lorsque la monoparentalité se produit dès la naissance de l'enfant, elle concerne quasi exclusivement les mères.

En outre, les femmes séparées, surtout quand elles ont des enfants, se remettent moins souvent en couple que les hommes 17 ( * ) .

L'absence de conjoint concerne 13,8 millions de personnes. 6,4 millions d'entre elles ont moins de 40 ans et sont majoritairement des hommes, soit 55 %. Entre 40 et 60 ans, les hommes n'ayant jamais vécu en couple sont toujours plus nombreux que les femmes dans la même situation. En revanche, vivre sans conjoint après une rupture est nettement plus fréquent chez les femmes que chez les hommes . Au-delà de 60 ans, la solitude concerne 4,3 millions de personnes, dont 75 % sont des femmes. À ces âges en effet, dans plus de la moitié des cas, la solitude est due au décès du dernier conjoint.

Le quart des adultes, soit 10,9 millions de personnes, a connu la rupture d'une vie de couple. En 1999, 38 % d'entre eux avaient « refait leur vie », c'est-à-dire avaient fondé un nouveau couple après la rupture du premier.

La probabilité de trouver un nouveau conjoint est très variable, selon l'âge, le sexe, les circonstances, l'ancienneté de la première rupture, le niveau social. Ainsi, un homme a 23 % de chances de plus qu'une femme de revivre en couple. En outre, les mères sont pénalisées. En effet, pour les femmes, le fait d'être mère d'un enfant âgé de moins de 10 ans au moment de la rupture réduit de 7 % la probabilité de retrouver un conjoint, alors que cet effet n'est pas significatif pour les hommes. Sans doute faut-il y voir les conséquences de la garde des enfants, confiée à la mère dans la grande majorité des cas. Au contraire, les hommes qui, au moment de leur première rupture, étaient pères de plus de deux enfants ont davantage tendance à se remettre en couple que les autres. Comme le note l'INSEE, avoir une descendance nombreuse « rend la présence d'un nouveau conjoint plus nécessaire ».

* 14 Études et résultats n° 218, février 2003.

* 15 Enquête « Étude de l'histoire familiale » (EHF), réalisée en même temps que le recensement de 1999.

* 16 Christine Chambaz Les familles monoparentales en Europe : des réalités multiples, DREES, Études et résultats n° 66, juin 2000.

* 17 Francine Cassan, Magali Mazuy, François Clanché, Refaire sa vie de couple est plus fréquent pour les hommes, INSEE Première n° 797, juillet 2001.

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