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Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié (Tome 2 : Annexes)

 

Rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation n° 404 (2005-2006) de M. Patrice GÉLARD, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, déposé le 15 juin 2006

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N° 3166

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 404

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Annexe au procès-verbal de la séance

le 15 juin 2006

du 15 juin 2006

 

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DE LA LÉGISLATION

 

RAPPORT

sur

LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES,

par

M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

Tome II : Annexes

L'Office parlementaire d'évaluation de la législation est composé de : M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, président ; M. Philippe Houillon, député, premier vice-président ; MM. Patrice Gélard, Jean-Claude Peyronnet, sénateurs, MM. Bernard Derosier, Christian Philip, députés, vice-présidents ; M. Philippe Arnaud, sénateur, M. Jacques Brunhes, député, secrétaires.

Membres de droit : MM. Alain Dufaut, Yann Gaillard, Daniel Goulet, Alain Gournac, Yannick Texier, sénateurs, Mmes Brigitte Le Brethon, Marguerite Lamour, MM. Marc Le Fur, Jérôme Bignon, Alfred Trassy-Paillogues, députés ;

Membres désignés par les groupes : M. Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, M. Yannick Bodin, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Claude Merceron, sénateurs ; MM. Julien Dray, Gaëtan Gorce, Michel Lefait, Xavier de Roux, François Sauvadet, Jean-Luc Warsmann, députés.

Autorités administratives indépendantes.

ÉTUDE DRESSANT UN BILAN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES, RÉALISÉE PAR MME MARIE-ANNE FRISON-ROCHE

LIGNES DIRECTRICES DU BILAN DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Les Autorités administratives indépendantes comme nouvelle façon de gouverner.

L'Etat est requis non seulement pour des raisons, proprement politiques, de légitimité, mais encore pour des raisons triviales d'efficacité par l'usage de la puissance publique. Mais comme l'usage de la puissance publique doit être également impartial, informé et accepté, les Autorités administratives indépendantes sont une nouvelle forme d'action publique, et si elles attaquent une conception traditionnelle de l'Etat, elles confortent l'idée même d'Etat.

Les Autorités administratives indépendantes, forme crédible de l'action publique.

Les Autorités administratives indépendantes sont très variées, en raison même de la diversité des situations sur lesquelles porte leur action, mais elles ont des points communs, qui les constituent comme forme crédible de l'action publique. C'est pourquoi il est essentiel qu'elles bénéficient du soutien de l'Etat, et si elles sont déliées d'un rapport hiérarchique à l'exécutif, elles appartiennent néanmoins pleinement à l'Etat, lequel ne se limite au Gouvernement.

La crédibilité fragile et complexe des Autorités administratives indépendantes.

Les Autorités administratives indépendantes tout à la fois tirent leur force et leur faiblesse de cette rupture avec l'exécutif. Elles en sont fragilisées parce qu'elles sont sorties du circuit de légitimité politique qui mène au Gouvernement, en tant que celui-ci est responsable politique devant le Parlement. La crédibilité des Autorités administratives indépendantes doit être construite, elle est fragile car elle est chaque jour en cause et doit chaque jour se donner à voir1(*). Cette crédibilité est constituée par l'exercice adéquat des pouvoirs conférés pour concrétiser les diverses missions que leur a confié le Parlement. C'est à cette aune que de toujours plus nombreux pouvoirs leur sont conférés.

Adéquation des Autorités administratives indépendantes à l'aune de leurs missions, confiées par le législateur.

Ce lien téléologique conduit le législateur à dessiner non seulement les pouvoirs mais encore les contours mêmes des Autorités administratives indépendantes à l'aune des missions. Cette considération d'efficacité est première pour organiser les compétences au sein des Autorités, pour mesurer les moyens humains et financiers requis pour la bonne exécution des missions. C'est pourquoi les compétences techniques présentes dans les Autorités administratives indépendantes, au sein de leur collègue ou de leur service, doivent être favorisées. Elle doit demeurer la considération première pour envisager des fusions des Autorités ou améliorer l'interrégulation, et les relations entre les Autorités administratives indépendantes et les autres institutions, telles que l'administration traditionnelle ou les juridictions. Le lien avec les juridictions est aujourd'hui étroit, d'une part parce que les Autorités administratives indépendantes se sont juridictionnalisées, notamment par l'influence de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, d'autre part parce que les décisions sont de plus en plus soumises au contrôle du juge, la dualité entre ordre des juridictions judiciaires et ordre des juridictions administratives étant une sorte de fatalité historique française dont chacun s'accommode désormais.

L'indépendance, premier socle de crédibilité.

Par tautologie, les Autorités administratives indépendantes doivent être indépendantes, c'est-à-dire bénéficier d'une indépendance qui se donne à voir. Pour cela, les règles de nominations, de révocation, de renouvellement des mandats, mais aussi des règles dont le lien est moins direct telle que la collégialité ou la motivation, permettent d'asseoir une indépendance effective. A cette aune, l'indépendance budgétaire est cruciale, la LOLF interférant d'une façon dommageable. Des perspectives plus ou moins radicales se font jour, allant de la sortie des Autorités administratives indépendantes de la LOLF, à leur regroupement dans un programme spécifique, à un aménagement permettant la sanctuarisation d'un budget demeurant dans le budget général.

Le renforcement dialectique entre indépendance et reddition des comptes.

Mais il ne peut y avoir de véritable indépendance, dans son effectivité et dans son caractère supportable, que si l'organisme qui en bénéficie, alors même qu'elle agit au nom de l'Etat et dispose de pouvoirs considérables tant dans leur ampleur que dans leur effet, rend des comptes. Il ne s'agit pas de reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre. En effet, les Autorités administratives indépendantes ne doivent être ni contrôlées, ni être irresponsables. Il convient qu'elles justifient de leur efficacité, de leur compétence et du bon usage qu'elles font de leurs pouvoirs au regard des missions que le Parlement leur a confiées. Il s'agit de renforcer l'accountability, ce que l'on peut viser par l'expression « reddition des comptes ».

Dans le sens d'une plus grande indépendance associée à une plus grande reddition des comptes.

L'indépendance et la reddition des comptes ne fonctionnent pas en vases communicants, elles se renforcent mutuellement. La première reddition des comptes s'opère par le contrôle que les juridictions exercent sur les décisions des Autorités administratives indépendantes. Les modes plus politiques de reddition des comptes sont moins accessibles, alors qu'ils sont fondamentaux. Le Parlement doit accroître sa place en la matière. En amont, pourquoi ne pas organiser des auditions devant lui des personnalités nommées au sein des Autorités administratives indépendantes avant leur prise de fonction ? En aval, pourquoi ne pas renforcer l'effectivité d'une reddition pour l'instant plus formelle que réelle, en accroissant l'intérêt et l'implication des parlementaires en la matière ?

Les Autorités administratives indépendantes et le législateur pédagogue.

Le bilan des Autorités administratives indépendantes est certes difficile à faire conceptuellement, mais il est sans doute encore plus difficile à faire matériellement, en raison du très grand nombre d'Autorités et de la très grande diversité de très multiples règles. L'observation triviale peut conduire à des conclusions normatives. Pour que le système des Autorités administratives indépendantes soit légitime et efficace, il faut qu'il soit lisible. Dans ce sens, une loi-cadre aura une utilité. Elle pourrait expliciter le coeur des règles communes aux Autorités administratives indépendantes, prendre la forme d'une loi organique. On pourrait encore songer à un Code des Autorités administratives indépendantes.

INTRODUCTION METHODOLOGIQUE

Travailler sur les autorités administratives indépendantes se heurte dès le départ à l'obstacle de la définition même de la catégorie.

Cette difficulté est réelle et sera abordée en tant que telle dans cette étude2(*). Il faut néanmoins procéder par provision, condition même pour débuter une recherche.

La première catégorisation des Autorités administratives indépendantes est celle dressée par le Conseil d'Etat dans son rapport d'activité pour l'année 2001. La juridiction administrative a dénombré trente-quatre Autorités administratives indépendantes, réparties en trois catégories :

· Treize organismes sont des Autorités administratives indépendantes par détermination législative ou jurisprudentielle :

Ø La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Ø Le Médiateur de la République

Ø Le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

Ø Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

Ø La Commission de contrôle des campagnes électorales et des financements politiques (CCFP)

Ø La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

Ø La Commission des opérations de bourse (COB)

Ø L'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

Ø La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

Ø Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)

Ø L'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

Ø Le Défenseur des enfants

Ø La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

· Dix-sept organismes doivent être qualifiés d'Autorités administratives indépendantes en raison de leurs caractéristiques, conformément aux critères définis par le Conseil d'Etat dans son rapport (c'est-à-dire essentiellement en considération de pouvoirs contraignants, généraux ou particuliers, exercés par l'Autorité administrative en question :

Ø La Commission centrale permanente

Ø La Commission paritaire des publications et agences de presse

Ø Le Conseil supérieur de l'agence France-Presse

Ø La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République

Ø La Commission des sondages

Ø La Commission des infractions fiscales

Ø Le Bureau central de tarification (BCT)

Ø Le Médiateur du cinéma

Ø La Commission bancaire

Ø Le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

Ø La Commission des participations et des transferts

Ø Le Conseil de la concurrence

Ø La Commission de contrôle des assurances

Ø La Commission de contrôle des institutions et des unions régies par le livre IX du Code du travail et l'article 1050 du Code rural (ou : Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance)

Ø La Commission nationale d'équipement commercial (CNEC)

Ø Le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF)

Ø La Commission de la régulation de l'électricité (CRE)

· Quatre organismes paraissent, après hésitation, devoir être qualifiés d'Autorité administrative indépendante :

Ø La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

Ø La Commission de la sécurité des consommateurs

Ø La Commission pour la transparence financière de la vie politique

Ø Le Conseil des marchés financiers

Cette question d'une liste des Autorités administratives indépendantes à laquelle on pourrait se fier, soucie d'ailleurs le Parlement puisqu'une question écrite a été posée par Monsieur le député Léonce Deprez à ce sujet le 24 mai 2005. La réponse formulée par le Gouvernement, tenant compte de l'évolution du droit positif depuis la reddition du rapport d'activité du Conseil d'Etat, a pris la forme d'une liste établie par ordre alphabétique, sans chercher donc comme l'avait fait le Conseil d'Etat à établir des classifications dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. Cela donne :

Ø L'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

Ø L'Autorité des marchés financiers (AMF) qui regroupe la Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers.

Ø L'Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP), qui remplace l'Autorité de régulation des télécommunications.

Ø Le Bureau central de tarification

Ø Le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

Ø Le Comité national consultatif d'éthique

Ø Le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE)

Ø La Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

Ø La Commission bancaire

Ø La Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles

Ø La Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

Ø La Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP), qui réunit la Commission de contrôle des assurances et de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance)

Ø La Commission des infractions fiscales

Ø La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Ø La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République

Ø La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

Ø La Commission nationale du débat public (CNDP)

Ø La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

Ø La Commission nationale d'équipement commercial (CNEC)

Ø La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

Ø La Commission paritaire des publications et agences de presses

Ø La Commission des participations et des transferts

Ø La Commission de régulation de l'énergie (CRE), anciennement Commission de régulation de l'électricité.

Ø La Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)

Ø La Commission des sondages

Ø La Commission pour la transparence financière de la vie politique

Ø Le Conseil de la Concurrence

Ø Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)

Ø Le Conseil supérieur de l'Agence France-Presse

Ø Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)

Ø Le Défenseur des enfants

Ø La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

Ø La Haute Autorité de santé

Ø Le Médiateur de la République

Ø Le Médiateur du Cinéma3(*)

Dans la présente étude, la liste des autorités étudiées a été plus vaste, non seulement pour tenir compte des évolutions mais encore par la considération de possible transformation en autorité administrative indépendante de certaines autorités jusqu'à présent écartées des listes établies. La liste de travail est donc la suivante :

Ø Autorité de contrôle des nuisances sonores et aéroportuaires (ACNUSA)

Ø Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)

Ø Agence européenne de la sécurité maritime (AESM)

Ø Agence européenne de la sécurité des réseaux et de l'information

Ø l'Agence européenne des médicaments

Ø Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail

Ø Agence européenne pour l'environnement

Ø Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

Ø Autorités des marchés financiers (AMF)

Ø Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Ø Autorité européenne de sécurité des aliments

Ø Bureau central de la tarification (BCT)

Ø Bureau de vérification de la publicité (BVP)

Ø Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

Ø Commission de contrôle des assurances, des mutuelles, et des institutions de prévoyance (CCAMIP), devenue l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM)

Ø Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI)

Ø Centre européen pour le développement de la formation professionnelle

Ø Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière

Ø Comité consultatif national d'éthique (CCNE)

Ø Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel

Ø Commission bancaire

Ø Commission centrale permanente

Ø Commission consultative du secret de la défense nationale

Ø Commission de sécurité des consommateurs

Ø Commission des clauses abusives

Ø Commission des infractions fiscales

Ø Commission des sondages

Ø Commission nationale de contrôle de la campagne électorale

Ø Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité

Ø Commission nationale de déontologie de la sécurité

Ø Commission nationale d'équipement commercial

Ø Commission nationale des comptes de campagne

Ø Commission nationale informatique et libertés (CNIL)

Ø Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP)

Ø Commission pour la transparence financière de la vie politique

Ø Conseil de la concurrence

Ø Conseil supérieur de l'Agence France Presse

Ø Contrôleur européen de la protection des données

Ø Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), devenu l'Agence française de lutte contre le dopage

Ø Commission des participations et des transferts

Ø Commission de régulation de l'énergie (CRE)

Ø Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

Ø Le défenseur des enfants

Ø Fondation européenne pour la formation

Ø Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail

Ø Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

Ø Haut conseil au commissariat aux comptes

Ø Haut Conseil à l'intégration

Ø Haute autorité de Santé (HAS)

Ø Le Médiateur de la République

Ø Le Médiateur de l'Union européenne

Ø Le médiateur du cinéma

Ø Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes

Ø Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

Ø Observatoire européen des phénomènes raciste et xénophobes (OEPRX)

Une méthode tendant vers une synthèse, en surmontant le nombre très important d'Autorités administratives indépendantes.

Dresser un bilan des Autorités administratives indépendantes rencontre des difficultés spécifiques. Tout d'abord, la grande multiplicité des Autorités administratives indépendantes oblige à embrasser de très nombreux organismes, plus d'une cinquantaine4(*). L'exercice de synthèse est difficile non pas en soi mais parce qu'à force de rendre le trait commun, on est conduit à le grossir et l'on risque de déformer la réalité à force de ne retenir que certains éléments. Le risque est alors en premier lieu celui de la déformation de la réalité, alors qu'un bilan vise avant tout à restituer celle-ci, en second lieu celui de l'abstraction, ce qui peut rendre le bilan inutile.

Une méthode tendant à rendre disponible des dispositifs très épars.

Les Autorités administratives indépendantes sont difficiles à saisir dans leur ensemble. Cela ne tient pas tant à la complexité de leur organisation, de leur mission, etc., car cette remarque exacte s'applique aussi à toutes sortes d'autres sujets. La difficulté méthodologique tient plutôt dans le fait, impliqué par la notion d'Autorité administrative indépendante, que ces Autorités sont appréhendées par l'objet de leur mission, ce qui segmente la connaissance. Par exemple, les spécialistes de la finance n'ignorent rien de l'Autorité des Marchés Financiers, les opérateurs énergétiques connaissent parfaitement la Commission de Régulation de l'Énergie, les services de protection sociale évoquent naturellement le Défenseur des enfants, les médecins se réfèrent à la Haute Autorité de la Santé ou au Conseil Consultatif National d'Éthique, mais personne ne les connaît, même d'une façon élémentaire, dans leur ensemble5(*). C'est pourquoi une deuxième partie de l'étude consiste dans une série de tableaux sur chacune des Autorités administratives indépendantes, tableau le plus souvent validé par l'Autorité concernée.

Premier élément de méthode : rendre maniables les données techniques.

Cette connaissance sectorielle des Autorités administratives indépendantes associée à la multiplicité des données pertinentes et au grand nombre des Autorités rend à la fois indispensable et difficile le maniement croisé de l'ensemble de ces données. C'est pourquoi ce rapport est accompagné d'un cédérom sur lequel il est possible de consulter soit l'ensemble des données propres à chaque Autorité, soit l'état pour une donnée précise (par exemple, règle de renouvellement des mandats, ou existence et modalité d'un règlement des différends, ou mode de désignation du président, etc.). Cela permet de conforter ou d'illustrer sur des points plus particuliers les propos nécessairement généraux de la présente étude. Celui-ci a donc pour objet de dégager les lignes d'intelligibilité qui apparaissent au fur et à mesure que le droit bâti par le Parlement se nourrit, se renforce mais aussi se complique, en confrontant ces données techniques et les principes généraux du droit et de la politique. Une bibliographie est donnée en annexe des présents développements pour aller dans une perspective soit plus vaste encore (bibliographie générale sur les Autorités administratives indépendantes), soit plus précise (bibliographie constituée Autorité par Autorité).

Deuxième élément de méthode : analyser successivement les techniques juridiques, dans une perspective de cercles concentriques.

Pour essayer d'éviter l'écueil, l'étude est constituée de plusieurs parties articulées entre elles. Tout d'abord, ce présent rapport général, le plus succinct qu'il est possible pour demeurer intelligible, cherche à répondre point par point aux questions précisément posées par l'Office Parlementaire d'Évaluation de la législation lui-même, et selon l'articulation arrêtée par celui-ci. Établir un bilan suppose cette complétude et l'analyse successive des questions porte dans un premier cercle sur les Autorités administratives indépendantes en elles-mêmes, lorsqu'il s'agit d'aborder les thèmes de la personnalité morale, des garanties d'indépendances des membres, des pouvoirs exercés, ou du régime budgétaire, mais encore porte dans un deuxième cercle sur les Autorités administratives indépendantes dans leurs rapports avec d'autres organismes ou institutions, telles que l'administration traditionnelle, les juridictions ou les citoyens. Le troisième cercle concerne l'insertion des Autorités administratives indépendantes dans le système politique général en France, à travers les raisons de leur création. A travers ces synthèses sur des points particuliers, des idées-forces ressortent6(*), notamment au travers de cercles concentriques qui permettent de restituer le véritable fonctionnement des Autorités.

Troisième élément de méthode : saisir le fonctionnement effectif des Autorités administratives indépendantes, dans la distance entre le fait et le droit.

Précisément, pour opérer un bilan d'une série d'organismes, et les constituer éventuellement en catégorie juridique plus construite qu'actuellement, par exemple à travers une loi-cadre les concernant7(*) ou bien à travers la constitution au sein de la LOLF d'un programme qui leur serait à la fois commun et propre8(*), il faut se baser non seulement sur les dispositifs juridiques qui les encadrent les unes après les autres mais encore sur la façon dont la réalité les concrétise, ou les enterre, ou les transforme. Cette distance entre le fait et le droit sera évoquée à de nombreuses reprises dans les développements qui suivent9(*). Cela n'a pas de sens d'informer le législateur sur les textes qu'il a lui-même adoptés, un bilan n'est pas une compilation, en revanche restituer la pratique et les répercussions politiques et sociales de l'application des textes peut être précieux10(*). A cette fin, de nombreux entretiens ont été menés en parallèle à l'étude technique, aussi bien auprès des présidents des Autorités administratives indépendantes que de ceux qui sont concernés par leur action. Les entretiens qui ont donné lieu à compte rendu et dont le contenu a été validé expressément par la personnalité interrogée11(*) seront fournis en annexe au rapport. Certains n'ont pas donné lieu à compte rendu, ce qui est parfois le gage le plus sûr d'avoir la mesure exacte de cette distance entre le fait et le droit.

Remerciements.

Il convient ici pour l'auteur du présent rapport de remercier très vivement l'équipe qui l'a entouré dans les différentes démarches, contacts et travaux nécessaires à cette étude. Mes remerciements vont à Jean-Yves Ollier, Philippe Delelis, Jean-Gabriel Sorbara et Grégory Maître12(*). En outre, ce rapport a été soumis à leur sagacité, sa qualité doit beaucoup à la relecture qu'ils ont bien voulu en faire.

CHAPITRE I - CONDITIONS DE CRÉATION ET COEXISTENCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Un panorama des Autorités administratives indépendantes donne une première impression de grande dispersion, d'une diversité sans raison profonde. Cette présentation péjorative, dès l'instant qu'on veut bien lier législation, volonté générale et raison, tient précisément au manque d'intelligibilité du mouvement général de créations successives de multiples Autorités administratives indépendantes en France depuis une trentaine d'années. L'intelligibilité n'est pas qu'une satisfaction personnelle pour qui veut comprendre et pour qui veut être compris, elle constitue désormais un droit des personnes, à la charge du législateur. Cet objectif à valeur constitutionnelle13(*) veut que l'on cherche à mieux comprendre pourquoi les Autorités administratives indépendantes ont été créées en France, intelligibilité en amont. Il convient également d'améliorer l'intelligibilité en aval, par l'évocation d'un éventuel cadre général pour les Autorités administratives indépendantes, et par des regroupements au sein de cette catégorie que certains considèrent encore comme hasardeuse.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE CRÉATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

Par truisme, les Autorités administratives indépendantes sont créées en France par le législateur. La difficulté peut venir du fait qu'en créant une telle Autorité, le législateur ne prend pas nécessairement la précaution de la qualifier expressément de telle14(*). Cette catégorie des Autorités administratives indépendantes est d'ailleurs elle-même formelle, puisque l'objet sur lequel porte la mission confiée à l'Autorité ou bien les pouvoirs conférés ne sont pas présents dans la définition : littéralement, appartient à la catégorie toute personne ou organisme qui appartient à la sphère administrative mais qui n'est pas inséré dans la hiérarchie administrative, le ministre ne pouvant lui adresser des ordres15(*). Il est souvent relevé que dans ce cadre formel, le législateur a agi souvent au coup par coup et si ce n'est sans raison à tout le moins avec des raisons si diverses et si circonstancielles que la rationalité générale n'en est pas satisfaite. La perspective de construire aujourd'hui un cadre général qui ferait ressortir ex post la rationalité de la création des Autorités administratives indépendantes, voire en la reconstruisant, doit être de ce fait sérieusement examinée.

1. Raisons et circonstances de création des autorités administratives indépendantes

1.0. Les circonstances visent le contexte qui a suffisamment contraint le législateur pour adopter la forme d'Autorité administrative indépendante plutôt qu'une autre forme, par exemple service d'administration centrale. Il y a de la passivité dans la perspective. Les circonstances peuvent suffire comme raisons, la raison est alors d'obtempérer, raison forte parce que les circonstances sont donc très puissantes, mais raison faible parce qu'il s'agit de suivre. Mais il peut y avoir des raisons autres que les circonstances, elles sont en cela plus fortes.

1.1.1. Justification d'une réflexion sur les circonstances et les raisons de créer des Autorités administratives indépendantes. Il est essentiel de réfléchir sur ce qui a amené à créer des Autorités administratives indépendantes. Tout d'abord, suivant l'enracinement plus ou moins fort dans des raisons plus ou moins solides, le mouvement de création en série d'Autorités administratives indépendantes apparaît plus ou moins réversible : si les raisons étaient faibles, alors le pouvoir politique pourrait revenir en arrière16(*). Par ailleurs, la distinction des différentes raisons permettait l'esquisse d'une mise en catégorie des différentes Autorités administratives indépendantes. Par exemple, la raison de l'ouverture à la concurrence est fortement différente de la raison d'une expertise indépendante ou d'un besoin de médiation sociale, de sorte qu'il apparaît que la Commission de Régulation de l'Énergie, le Comité Consultatif National d'Éthique ou le Médiateur de la République, autorités qui reflètent respectivement ces trois fortes raisons, n'appartiennent pas forcément à la même sorte d'Autorité. La réflexion sur les raisons est le prélude à la construction de la catégorie17(*). De la même façon, les raisons d'instituer telle ou telle Autorité influent sur les contours des pouvoirs qui doivent leur être conférés. Ainsi, s'il s'agit d'une raison d'expertise indépendante, alors des pouvoirs de contrainte ne sont pas justifiés, alors que s'il s'agit d'une raison de surveillance rapprochée, ceux-ci s'imposent. Là encore, les raisons décident un tableau des pouvoirs et fondent leur diversité en raison des missions des diverses Autorités administratives indépendantes, missions qui sont elles-mêmes le reflet des raisons que le Parlement a eues de les instituer les unes après les autres.

1.1.2. De la circonstance européenne à la Raison européenne. Il est souvent affirmé que la création des Autorités administratives indépendantes en France résulte d'une obligation formulée par le droit communautaire en ce sens. On peut trouver des exemples en ce sens, notamment la création de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) en 199618(*), ou celle de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) en 200019(*), ou encore celle de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité en 2004. Ce fait est souvent corrélé avec l'idée que les Autorités administratives indépendantes ne correspondent pas à la culture politique française, qu'elles ont été dictées par un système européen pénétré d'idées politiques anglo-américaines renvoyant à une culture politique dans laquelle l'idée d'agence est familière. En outre, s'il en est simplement ainsi, alors les difficultés de la construction européenne doivent conduire à refluer avec elle ces raisons étrangères de concevoir des Autorités qui ne répondent pas de leur activité devant un ministre responsable politiquement20(*). Mais cet ordre venu d'en haut, venu d'ailleurs, ne correspond en toutes hypothèses qu'à un petit nombre d'Autorités administratives indépendantes. Ainsi, la Commission des Opérations de Bourse (COB) a été créée dès 1967, sans aucune contrainte européenne. De la même façon la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a été créée en 1978 sans qu'on puisse relever l'existence de contraintes européennes. Dans ces deux exemples, les affirmations communautaires dans le sens d'une autorité nationale indépendantes sont venues ultérieurement. L'Europe n'est donc pas une simple circonstance, elle exprime une raison, relayée, voire devancée, par le législateur français. Dès lors, la création des Autorités administratives indépendantes est souvent déconnectée de l'évolution du droit européen dans sa relation hiérarchique avec les Etats-membres.

1.1.3. De l'influence à l'importation de mécanismes étrangers. Il s'agit ici d'un phénomène d'influence et non de contrainte, la France s'étant inspirée d'institutions nord-américaines (notamment par la création en 1967 de la Commission des Opérations de Bourse -COB- sur le modèle de la Securities and Exchange Commission -SEC-) ou d'institutions anglaises (par exemple par la création en 1996 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications -ART- sur le modèle de l'Office of Telecommunications -OFTEL21(*)).

L'observation vaut particulièrement pour les régulateurs économiques, pour lesquels les organismes internationaux, soit spécialisés comme l'Organisation internationale des Commissions de valeurs mobilières (OICV), soit plus généraux, comme l'OCDE ou la Banque Mondiale, prônent l'adoption de ce type d'institution.

C'est notamment à cette aune que l'OCDE apprécie dans les rapports sur différents pays la maturité des institutions économiques dans les secteurs régulés. Il ne faut d'ailleurs pas opposer contrainte et influence car le modèle dit anglo-saxon peut circuler à travers les textes de droit européen, notamment dans les modèles évoqués par la soft Law communautaire (livres verts, communications, etc.). En outre, lorsque les Autorités françaises sont fortement insérées dans des réseaux internationaux22(*), cela présuppose quasiment l'adoption d'un tel statut23(*). La question essentielle est de se demander si cela implique une importation du système politique complet ou non.

1.1.4. De l'importation de mécanismes à l'implantation de systèmes politiques étrangers. En effet, les régulateurs nord-américains d'une part fonctionnent dans un système dans lequel les juridictions ont une grande part et d'autre part s'insèrent dans le système de Check and Balance. L'on peut soutenir que si on importe les uns sans importer les autres, les Autorités administratives indépendantes sont en décalage dans un système politique au sein duquel les juridictions ne constituent pas même un pouvoir et où les pouvoirs ne se tiennent pas les uns les autres. Cela peut conduire à une efficacité moindre que celle atteinte dans le système d'origine et un manque de légitimité ici qui ne manquait pas là. Certes, l'on peut considérer que par le fait d'Autorités administratives indépendantes, un pouvoir accru est donné aux juges qui désormais contrôlent leurs décisions24(*), de la même façon que leur présence entre le Gouvernement et le Parlement établit de fait une prise des uns sur les autres. Se produit alors un effet de ciseau : soit on ne transforme pas la société politique française pour la transformer en société sur le modèle des Etats-Unis, ce qui enraye le bon fonctionnement des Autorités administratives indépendantes, soit on importe le contact qui les fait vivre, ce qui entraîne un bouleversement politique fondamental, bien que rampant et mécanique.

1.1.5. Autorité administrative indépendante et ouverture à la concurrence. Une première raison de créer une Autorité administrative indépendante est l'ouverture à la concurrence d'un secteur naguère monopolistique. L'idée est alors que la déclaration d'une possible concurrence ne suffit pas à faire naître celle-ci, qu'il faut une sorte de forçage de l'organisation économique pour favoriser les nouveaux entrants. Cela correspond aux hypothèses des télécommunications, énergie, poste, transport ferroviaire. La concurrence étant à construire et non seulement à surveiller, on estime que les autorités de concurrence ne peuvent suffire, un régulateur est construit tout exprès sous la forme d'une Autorité administrative indépendante25(*).

1.1.6. Autorité administrative indépendante et défiance politique à l'égard du Gouvernement. Si cela éclaire la raison pour laquelle on préfère un régulateur à l'autorité générale de concurrence, cela n'explique pas pourquoi les services des ministères techniquement concernés ne suffisent pas, par exemple le Ministère de l'Économie et des Finances pour les marchés financiers, le Ministère de l'Industrie pour l'énergie et les télécommunications, le Ministère des Affaires sociales pour la lutte contre les discriminations, le Ministère des Sports pour la lutte contre le dopage, le Ministère de la justice pour la protection des enfants, etc. La raison alors avancée, raison que non seulement l'on évoque souvent mais encore que l'on évoque pour toutes les sortes d'Autorités administratives indépendantes, tient dans une défiance à l'égard de l'Etat traditionnel, jugé incapable d'opérer les missions dont il s'agit, aussi bien la construction de la concurrence que la protection des enfants26(*). La défiance s'exprime tout d'abord à l'égard du Gouvernement, soit parce que les services centraux des Ministères sont trop éloignés des réalités qu'il faut directement saisir, soit parce que le Gouvernement est mis en conflit d'intérêts parce qu'il existe une entreprise publique dans un secteur ouvert à la concurrence. La défiance peut être plus particulière, lorsque l'Etat a créé, par la loi du 29 juillet 1982, la Haute Autorité de l'Audiovisuel pour nommer les présidents des sociétés de radio et de télévision, fonction que le CSA conserve en héritage. Mais la défiance peut être aussi plus générale, lorsqu'elle s'exprime notamment à l'égard des juridictions ou du Ministère public auxquelles on retire la protection des valeurs fondamentales et des personnes27(*). La création des Autorités administratives indépendantes est alors un acte politique du législateur de défiance à l'égard des autres pouvoirs ou autorités.

1.1.7. Autorité administrative indépendante et médiation sociale. Bien qu'il ne soit pas usuel de rapprocher des Autorités administratives indépendantes comme celles qui ont en charge de concrétiser une ouverture à la concurrence au détriment d'une entreprise publique naguère monopolistique, comme l'ARCEP ou la CRE, et celles qui ont en charge de sauvegarder ou de restaurer la qualité des relations sociales, comme le Médiateur de la République, les deux types d'Autorités administratives indépendantes relèvent d'un même mécanisme de défiance à l'égard d'un Etat centralisé et hiérarchisé. En effet, traditionnellement l'Etat, ses organismes et ses politiques publiques, ont pour mission de veiller à la cohésion sociale et à la qualité des relations entre les parties prenantes de la société. Le fait qu'il faille un médiateur dans la République, ou une Commission d'Accès aux Documents Administratifs, illustre la conviction du Parlement que les outils traditionnels de l'Etat ne réussissent plus à assurer une telle fonction de paix sociale. Cela peut être vrai alors même que les moyens nécessaires sont peu élevés, parce que l'Etat ne peut pas produire une doctrine unifiée, comme on peut l'observer à propos du Haut Conseil à l'intégration28(*).

1.1.8. La question centrale d'une défiance dont le principe est combattu ou dont les conséquences sont tirées. Cette raison que l'on prête au législateur, et que l'on retrouve souvent exprimée dans les travaux préparatoires, raison qui ne trouve pas sa source dans une injonction extérieure issue du droit communautaire ou international, doit conduire le Parlement à la réflexion suivante. Faut-il prendre acte de cette défiance, soit parce qu'elle serait fondée (le Gouvernement ne pourrait s'empêcher de jouer de son pouvoir de régulation pour favoriser l'opérateur public, ce qui lui permet de résoudre des difficultés budgétaires plus générales), soit, alors même qu'elle serait injustifiée, parce qu'elle est exprimée par l'opinion publique ou par la catégorie de personnes concernées (les parents pour la protection des enfants, les investisseurs pour le fonctionnement du marché financier, etc.). Ce faisant, la création des Autorités administratives indépendantes à la fois restaure la confiance, à l'égard d'un organisme « tout neuf » et sans lien avec un système mal-aimé, mais elle achève en même temps d'accréditer l'idée que ce dernier ne mérite plus considération. L'autre attitude peut consister à dire que le système ordinaire, par exemple celui des juridictions et du Ministère public pour protéger le citoyen, devrait être renforcé et soutenu, plutôt qu'affaibli encore29(*).

En la matière, la prédiction que le Parlement fait de l'affaiblissement de l'Etat traditionnel centralisé et hiérarchisé est auto réalisatrice30(*). La raison et la volonté politique se mêlent alors, et c'est politiquement que le Parlement doit prendre une direction.

1.1.9. Autorité administrative indépendante et qualité de constance. Sur un autre terrain, moins politique, une raison profonde est apparue, souvent mise en lumière à propos des banques centrales indépendantes mais qui vaut pour beaucoup d'Autorités administratives indépendantes. Certaines actions de l'Etat doivent s'inscrire dans la durée, ce qui suppose une constance de l'action politique, soit parce que les politiques publiques en cause ne peuvent porter leurs fruits que sur plusieurs années, par exemple en matière de discrimination, soit parce que les investissements ou les positionnements pris par les opérateurs supposent une règle constante. Or, les Gouvernements, et peut-être les Parlements, sont soumis à des contraintes politiques, électorales notamment, qui ne leur permettent pas cette constante. Une Autorité administrative indépendante, parce qu'elle n'est pas rattachée au mécanisme électif, échappe à cet aléa, à ces « incohérences temporelles », ces revirements budgétaires, ces modifications inattendues de statut ou de règles. Cette raison est donc très forte dès l'instant que l'action s'inscrit dans le temps et requiert une participation à long terme des personnes. La confiance et la stabilité sont ainsi pourvues.

1.1.10. Autorité administrative indépendante et régulation sectorielle. Une autre raison est le lien très fort entre les Autorités administratives indépendantes et les régulations sectorielles. L'idée est alors qu'il faut « gouverner » un secteur particulier, particulier économiquement, industriellement, techniquement, souvent doté de professions propres - par exemple en matière bancaire. La technicité du secteur, par exemple le secteur énergétique ou le secteur financier, crée une asymétrie d'information entre les entreprises régulées et l'autorité publique qui les supervise ou les régule, ce qui justifie alors une Autorité plus mobile, proche des entreprises concernées. Si l'Autorité se détache des services centralisés de l'Etat, c'est pour se rapprocher des entreprises, qu'ils s'agissent de mieux les surveiller, de mieux les sanctionner ou de mieux coopérer avec elles. Cette considération de la régulation du secteur est le plus souvent admise. En revanche, les Autorités administratives indépendantes qui ne sont pas cantonnées dans un secteur voient leur existence plus difficilement admise, car elles se réfèrent moins à un secteur et à une technique, empiétant donc plus nettement sur la représentation même de l'Etat traditionnel, en ce que celui-ci renvoie à une action générale. Ainsi, le projet de loi sur une autorité indépendante en matière ferroviaire31(*), autorité qui exerce ses pouvoirs sur un secteur particulier, donne moins de prise à la discussion, voire à la polémique, que la création en 2004 de la HALDE, celle-ci ayant pour objet l'ensemble de la société.

1.1.11. Autorité administrative indépendante et expertise crédible. Une autre raison de créer des Autorités administratives indépendantes répond au besoin de l'Etat de disposer d'un coeur permanent d'expertise et d'expression de sensibilités à propos de difficultés constantes ou récurrentes. L'exemple le plus net est le Comité National d'Éthique. Ce type d'autorité tout à la fois ne requiert pas l'attribution de pouvoirs, ce qui explique qu'avant que le législateur n'en dispose autrement en 2004 le Conseil d'Etat n'avait pas classé le Comité d'Éthique dans les Autorités administratives indépendantes, et l'autorité d'un tel organisme, établie par le croisement de son expertise, de la diversité des opinions des personnes que le composent et sa capacité à en faire la synthèse, de son magistère moral, peut dépasser l'influence exercée par d'autres Autorités. De la même façon, le Haut Conseil à l'intégration a tout d'abord été constitué pour rendre un rapport annuel sur l'intégration, avant de voir sa mission élargie, rendant des avis et animant le débat public. Cette dimension expertale est présente à divers degrés dans toutes les Autorités administratives indépendantes. Ainsi, le Conseil de la concurrence se plaint de son manque de moyens, essentiellement parce que cela le prive d'un outil interne d'expertise32(*). Ce besoin d'expertise justifie que certaines Autorités, comme l'Autorité des Marchés Financiers, se soient spontanément dotées d'un « conseil scientifique », généralement composé d'universitaires. De la même façon, la HALDE dispose d'un conseil consultatif, qui a vocation à éclairer le collège33(*). Cette expertise requise peut d'ailleurs tenir non pas à l'Autorité elle-même mais au bénéfice que les professionnels concernés peuvent eux-mêmes lui apporter. Cela concerne plus particulièrement les régulations des secteurs économiques, à propos desquels l'expertise est davantage dans les entreprises contrôlées que dans l'administration qui les supervise. Cette asymétrie d'information justifie que l'organisme de contrôle soit plus proche du secteur, l'établissement d'une agence indépendante spécialisée proche des entreprises réduisant cette asymétrie. Plus encore, ce besoin d'expertise crédible justifie que dans les Autorités les plus récentes, par exemple la Haute Autorité de la Santé, des exigences de compétence technique soient formulées par la loi concernant les membres du collègue.

1.1.12. Peut-on unifier ou hiérarchiser les raisons de créer des autorités administratives indépendantes ? La disparité des Autorités administratives indépendantes tient beaucoup dans la diversité des raisons de leur création et il paraît difficile de les réduire à une seule série de raisons. Mais il pourrait être utile pour le législateur de hiérarchiser ces raisons de créer de telles Autorités administratives indépendantes, pour avoir une meilleure idée des marges de choix politique dont il dispose pour décider d'en créer ou non, ou bien d'en faire fusionner parce qu'il apparaîtrait que deux Autorités administratives indépendantes répondent en réalité à une seule justification. Plus précisément, on peut considérer qu'il existe une « mauvaise raison » de créer une Autorité administrative indépendante, ou à tout le moins une « raison contingente » : le désir du Gouvernement de se défausser pour ne pas avoir à supporter des choix requis ou subir l'impopularité de certaines décisions nécessaires. C'est alors une délégation de responsabilité, dont le politique ne sort pas grandi. Au-delà, peut apparaître une raison plus solide, plus avouable aussi, tenant à la nécessité de proximité avec les acteurs ou les bénéficiaires. Le législateur peut alors estimer que la technique des Autorités administratives indépendantes est plus adéquate mais l'on pourrait aussi estimer qu'il convient mieux d'améliorer l'administration traditionnelle tout entière dans ses rapports avec les administrés34(*). Au-dessus encore, figurent des raisons plus intrinsèques, comme l'ouverture à la concurrence, qui s'impose au regard des critères européens dès l'instant que demeurent dans le secteur des entreprises publiques. Se dérober à la création d'une Autorité administrative indépendante exposerait la France à une condamnation. Enfin, si l'on devait mettre dans cette hiérarchie des raisons la plus prégnante, il s'agirait de l'impératif de crédibilité : lorsque la création d'une Autorité administrative indépendante est le moyen le plus efficace d'offrir de la crédibilité à l'action publique, alors le législateur doit rationnellement y procéder, alors même qu'il n'aurait pas reçu un ordre extérieur d'y procéder.

1.1.13. L'avenir des circonstances et des raisons de créer des autorités administratives indépendantes. A partir de là, il est pertinent de mesurer dès maintenant la pérennité de ces raisons, et les mauvaises peuvent avoir parfois vocation à durer plus longtemps que les bonnes. Ainsi, pour prendre parmi les bonnes, lorsque l'ouverture à la concurrence des secteurs monopolistiques aura été accomplie, alors les Autorités administratives indépendantes créées pour la favoriser devront être supprimées par le législateur. De la même façon, si les conditions d'un certain courage politique reviennent, alors le Gouvernement pourra lui-même faire ce qu'il externalise pour l'instant dans des Autorités administratives indépendantes. Puisque dans le contexte français, le critère principal est celui de la crédibilité (car le critère de l'expertise peut être satisfait par l'administration traditionnelle), alors les Autorités administratives indépendantes continueront dans l'avenir à se développer tant qu'elles concentreront plus que d'autres formes d'organisation le crédit que les destinataires des décisions font à ceux qui les prennent.

2. Qui peut créer des autorités administratives indépendantes ?

1.1.14. La création des Autorités administratives indépendantes entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire. Dans la mesure où la catégorie des Autorités administratives indépendantes n'existe guère en tant que telle, il est difficile d'affirmer d'une façon très générale s'il s'agit d'une compétence exclusive du législateur ou si le pouvoir réglementaire peut créer une Autorité administrative indépendante. Cela tient au fait que pour l'instant, c'est davantage la mission des Autorités administratives indépendantes qui prévaut sur leur forme.

1.1.15. La compétence exclusive en considération du type de missions confié aux Autorités administratives indépendantes. Dès lors, il n'existe de compétence exclusive du législateur que si la mission de l'Autorité administrative indépendante croise la liste de l'article 34 de la Constitution. Pour prendre un exemple, de nombreuses Autorités administratives indépendantes ont en charge ou croisent les garanties fondamentales des citoyens et les libertés publiques35(*), ce qui interdit au pouvoir réglementaire de créer des Autorités administratives indépendantes en la matière et réserve au législateur le soin, la charge, d'organiser entièrement l'Autorité. Comme on le sait, la distinction littéralement opérée par la Constitution quant aux matières dans lesquelles le législateur peut se contenter de fixer les principes généraux a été effacée par la jurisprudence, ce qui conduit à réserver la même pleine compétence législative, lorsque sont en cause des matières, telles que l'enseignement ou le régime de propriété, concernées par certaines Autorités administratives indépendantes, tel que le Comité National d'Évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE).

1.1.16. La compétence exclusive en considération du type de pouvoirs attribué aux Autorités administratives indépendantes. En outre, l'article 34 réserve au Parlement l'attribution de certains pouvoirs dont sont fréquemment dotées les Autorités administratives indépendantes. En premier lieu, si une Autorité dispose du pouvoir réglementaire, celui-ci ne peut être conféré que par une loi36(*), en ce qu'une telle délégation porte atteinte à la compétence du Premier Ministre de diriger l'action du Gouvernement, compétence exclusive du législateur qui subit elle-même des restrictions dans une telle délégation du pouvoir réglementaire37(*). En outre, si l'Autorité doit être dotée d'un pouvoir de sanction, le principe de la légalité des délits et des peines, assis tout à la fois sur l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et sur l'article 34 de la Constitution, seul le législateur peut prévoir et organiser de tels pouvoirs, en visant les sanctions encourues mais aussi nécessairement les mesures destinées à préserver les droits et libertés constitutionnellement garanties dont les personnes doivent pouvoir se prétendre à l'encontre de l'Autorité.

1.1.17. La perspective d'un exercice exclusif par le Parlement du pouvoir de création. A première vue, si l'on n'est pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution, l'on pourrait concevoir des Autorités administratives indépendantes directement créées par le pouvoir réglementaire. Cette solution juridiquement accessible présente pourtant deux dangers. En premier lieu, en raison de l'extension par la jurisprudence du nombre de principes fondamentaux pour lesquels l'exercice du seul pouvoir législatif est requis si le texte y porte atteinte (par exemple la diminution du principe du contradictoire), un risque d'inconstitutionnalité existe si la création est l'oeuvre seule du pouvoir réglementaire. En deuxième lieu, dans la mesure où les Autorités sont des organismes juridiques se soustrayant à de nombreuses règles, dans leur principe par leur rupture avec la hiérarchie de l'exécutif, et dans leur disposition technique par exemple par la dispense du contrôle financier, il est plus prudent que le législateur en toutes matières soit celui qui porte les Autorités administratives sur les font baptismaux. Cela serait même concevable si l'Autorité concernait le domaine du pouvoir réglementaire, sauf au Gouvernement à intervenir pendant la procédure législative38(*).

1.1.18. Les compétences des pouvoirs législatif et exécutif au regard de la nature des Autorités administratives indépendantes. En troisième lieu, les Autorités administratives indépendantes doivent à la fois être les plus indépendantes possibles du Gouvernement, ce qui rend paradoxal le fait que leur source ne soit que réglementaire. Leur problème récurrent de légitimité39(*) rend très opportune leur création et la définition de leurs principes généraux d'organisation par le Parlement. En quatrième lieu, la légitimité de l'indépendance des Autorités administratives indépendantes tient dans leur capacité à rendre des comptes40(*) (au sens d'accountability), et c'est devant le Parlement que cette reddition a vocation à s'opérer41(*). Le système conduit donc à poser que toutes les Autorités administratives indépendantes ont vocation au-delà des prescriptions littérales de la Constitution, à être créées par le Parlement, même si une création d'une Autorité administrative indépendante par le pouvoir réglementaire n'est pas juridiquement exclue, à la triple condition que la mission de l'Autorité ne croise pas la liste de l'article 34, que l'Autorité ne doit pas dotée des pouvoirs que seul le législateur peut conférer, et que son organisation ne limite pas un principe fondamental infra-légal et supra-décrétal.

1.1.19. Le partage de la tâche entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Cela dit, rien n'oblige le législateur à prévoir dans tous les détails l'organisation et le fonctionnement des Autorités administratives indépendantes. Tout a été dit sur l'inflation législative et la prise en charge par la loi de fines prescriptions que le pouvoir réglementaire pourrait dessiner. Cette remarque générale n'est pas propre aux Autorités administratives indépendantes mais elle vaut également pour elles. On remarquera que la pratique des ordonnances permet au pouvoir réglementaire d'interférer sur le droit des Autorités administratives indépendantes. C'est ainsi l'ordonnance du 8 septembre 2005 qui a conféré la qualité même d'Autorité administrative indépendante au Haut Conseil du commissariat aux comptes (Art. L. 821-1 du Code de commerce). Il est difficile de considérer que cet acte de qualification équivaut à un acte de création, mais enfin c'est bien ainsi que ce conseil est advenu Autorité administrative indépendante. Ainsi, les décrets pourraient préciser les règles d'organisation et fonctionnement des Autorités administratives indépendantes, dès l'instant que nous ne sommes pas dans le domaine exclusif de la loi. Dans cette perspective, une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes42(*) pourrait avoir le bon effet de contraindre le pouvoir réglementaire dans l'exercice de son pouvoir.

1.1.20. La création des règles d'organisation des Autorités administratives indépendantes par elles-mêmes. Que ce soit sur l'indication de la loi43(*) ou sur sa seule incitation44(*), les Autorités administratives indépendantes adoptent des règlements intérieurs. Ces règlements intérieurs ont notamment pour objet d'accroître la sécurité des personnes concernées et l'impartialité des décisions de l'autorité. Par exemple, l'article 13 du règlement intérieur de la CNIL dispose que « dans le mois qui suit son entrée en fonctions, chaque membre de la commission informe le président des intérêts directs ou indirects qu'il détient, des fonctions qu'il exerce et de tout mandat qu'il détient au sein d'une personne morale ». Il doit faire de même en cours de mandat. De même, les articles 5 et 8 du règlement intérieur du Conseil de la concurrence organisent une véritable procédure orale contradictoire alors que l'article L. 463-7 du Code de commerce se borne à indiquer que les parties peuvent être entendues par le Conseil.

Le plus souvent cependant, il s'agit pour l'autorité d'organiser la procédure de prise de décision tout en respectant les principes généraux fixés par la loi. A cet égard, le règlement intérieur de l'ARCEP, qui suit pas à pas le code des postes et télécommunications, est caractéristique.

Une place particulière doit être cependant faite au règlement général de l'Autorité des marchés financiers, homologué par arrêté du 12 octobre 2004. Ce règlement très précis procède à l'identification de certaines infractions comme les abus de marché par opérations d'initiés et manipulations de marché qui en font le véritable texte de référence des opérateurs45(*).

3. Perspective d'un cadre général pour les autorités administratives indépendantes

1.1.21. Diversité des opinions quant à l'opportunité d'un cadre général pour les Autorités administratives indépendantes. La perspective d'un cadre général législatif pour les Autorités administratives indépendantes est relativement peu étudiée en doctrine. Lorsqu'elle a été évoquée à l'occasion des entretiens menés, les réponses ont été diverses, certains estimant la démarche inutile, d'autres l'estimant opportune.

1.1.22. De l'hypothèse de la diversité totale. On peut considérer tout d'abord qu'en raison de la multiplicité des raisons qui ont justifié la création des Autorités administratives indépendantes et au regard de l'extrême diversité des régimes, dans leur architecture de base et dans les détails, nous avons affaire à un amoncellement plus qu'à une catégorie46(*). Les Autorités elles-mêmes revendiquent souvent leur spécificité les unes par rapport aux autres47(*). Cela tient au pragmatisme de la législation, une Autorité étant créée pour répondre à une difficulté précise, ce qui conduit les textes à la dessiner d'une façon particulière (par exemple, dans sa composition). Dès lors, concevoir un cadre général porterait atteinte à ce pragmatisme justifiant cette extrême diversité.

1.1.23. De l'observation d'un rapprochement des régimes à travers les textes successifs. Mais si l'on peut trouver des Autorités administratives indépendantes sans ressemblances les unes par rapport aux autres, on remarque des faits de proximité. La première proximité est d'ordre historique, dont le point de basculement est constitué par la création de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (l'ART, à laquelle succéda l'ARCEP en 2005). A partir de là, les Autorités administratives indépendantes furent créées à partir de ce modèle, notamment la Commission de Régulation de l'Électricité (la CRE) en 2000. On observe des mouvements communs, par exemple un phénomène d'accroissement des pouvoirs48(*), soit par la création de nouvelles Autorités puissantes (par exemple la HALDE), soit par l'attribution a posteriori de nouveaux pouvoirs de contrainte et de sanction à des Autorités antérieurement créées, voire conçues, sans ses pouvoirs (par exemple la CNIL par le jeu de la loi du 6 août 2004 pour le pouvoir de sanction, ou le CSA par celui de la loi de juin 2004 pour le pouvoir de règlement des différends). De la même façon, les garanties de procédure, certes souvent par la contrainte extérieure de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, reprise par la jurisprudence49(*), se généralisent et harmonisent les processus de prises de décision individuelle par les Autorités administratives indépendantes. On observe encore un mouvement, excédant d'ailleurs la France, vers une organisation interne de l'Autorité autour d'un Président, qui notamment représente l'Autorité, d'un collège, qui exerce collectivement les principes pouvoirs de décisions, et d'un directeur général (parfois désigné sous le vocable « secrétaire général »), qui dirige les services. Cette articulation entre un président, un directeur général et un collège se retrouve ainsi aussi bien pour l'AMF, que pour l'ARCEP, la CRE, la HALDE ou la CNIL. Ainsi, procédure et pouvoir de fait, par le seul jeu du régime, créent à rebours une catégorie propre. Il convient de se demander si la catégorie ne doit pas en outre être consolidée a priori.

1.1.24. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : la lisibilité. Le droit ne doit pas nécessairement être simple, mais il doit être compréhensible. Si le droit est simple, selon l'idéal du Code civil, il est de ce seul fait compréhensible. Si la complexité des situations sur lesquelles il porte, la diversité de ces complexités et les interférences entre ces diverses complexités50(*) éloignent la possibilité d'un droit simple, alors il convient de concevoir un droit complexe et néanmoins intelligible. L'intelligibilité de la loi et du droit est désormais un principe à valeur constitutionnelle et certains y voient un droit de l'homme. Or, le droit des Autorités administratives indépendantes constitue une sorte de maquis où l'on s'épuise à devoir reconnaître quel organisme est une Autorité administrative indépendante et lequel ne l'est pas, où l'on ne peut se reposer sur des règles communes, par exemple dans la durée des mandats des membres du collège51(*). Il est donc de l'office du législateur de réduire les différences lorsqu'elles n'ont pas de raisons fortes. Un cadre général y contribuerait.

1.1.25. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : économie de l'art législatif. En outre, le législateur peine lui-même à assurer le travail législatif qu'on lui demande. Tout a été dit contre « l'inflation législative ». Suggérer une loi-cadre rajouterait à la liste ... Mais une loi-cadre peut réaliser une économie, puisque si certaines règles générales étaient posées pour l'ensemble des Autorités administratives indépendantes, cela délesterait d'autant les nouvelles lois créant des Autorités52(*), qui s'y référeraient et pourraient concentrer la production législative particulière sur les dérogations au principe et sur ce qui devrait être spécifique à cette Autorité là.

1.1.26. Les raisons de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : plénitude des silences et uniformisation mécanique. En outre, le droit se construit lentement, dans le temps requis pour que la pratique et la jurisprudence complètent les silences de la loi. L'éparpillement des textes régissant les Autorités administratives indépendantes constitue les silences de la loi en vide, toujours en attente de la jurisprudence ou de la réforme. En outre, lorsqu'une jurisprudence est prise pour une Autorité, l'extension à d'autres est incertaine. Ainsi, si l'on prend la jurisprudence ayant exigé que dans les procédures de sanction menées par le régulateur financier, à l'époque la COB, le rapporteur soit absent de la phase de jugement53(*), la règle a été étendue à certaines Autorités (par exemple le Conseil de la concurrence), et pas à d'autres (par exemple pas au Conseil des Marchés Financiers54(*)). Un cadre général, notamment sur les principes procéduraux transformerait les silences des lois particulières à telle ou telle autorité en silence plein. Dès l'instant que le silence de la loi particulière vaudrait renvoi à la loi générale, les règles qui seraient visées dans cette loi-cadre auraient mécaniquement tendance à régir davantage d'Autorités administratives indépendantes que dans le système actuel, conduisant ainsi à une unification de la catégorie.

1.1.27. La difficulté de construire un cadre général pour les autorités administratives indépendantes : poser une définition cristallisant la catégorie juridique. Mais précisément le bât blesse dans la désignation de la catégorie elle-même. En effet, pour faire une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, il convient d'en avoir une perception claire. Or, il est très fréquemment souligné que la catégorie manque de contours, l'établissement d'une liste étant l'exercice périlleux auquel s'est livré le Conseil d'Etat. Dès lors, le remède serait pire que le mal, puisqu'il ne serait pas possible de fixer un cadre visant des organismes dont on ne saurait dire qu'ils appartiennent à la catégorie. Le souci demeure, puisqu'un parlementaire a posé une question en ce sens au Gouvernement. La solution peut être tout d'abord la discipline du législateur s'astreignant alors qu'il crée un organisme à le qualifier expressément d'Autorité administrative indépendante. La sécurité juridique de cette précision peut être donnée a posteriori, comme cela vient d'être fait et pour le Comité Consultatif National d'Éthique qualifié d'autorité indépendante par la loi du 6 août 2004 (L. 1412-2 CSP), et pour le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes, par l'ordonnance du 8 septembre 2005. Dans le silence du législateur, il conviendrait que la loi-cadre pose elle-même une définition, qui pourrait être celle du Conseil d'Etat, à savoir le cumul d'une indépendance organique à l'égard du pouvoir exécutif, et l'attribution de pouvoirs de contrainte, définition à laquelle viendraient s'ajouter des organismes qualifiés d'Autorités administratives indépendantes par la volonté du législateur, même s'ils ne rencontrent pas cette définition (ce qui demeure par exemple le cas pour le Comité Consultatif National d'Éthique, non pourvu de pouvoir de contrainte).

1.1.28. Le contenu possible d'une loi-cadre et son coeur tautologique : l'indépendance. Si l'on supposait qu'une loi-cadre soit opportune, on ne peut songer à son principe sans se prononcer sur son objet, lequel doit correspondre à une juste mesure entre ce qui rend les Autorités administratives indépendantes étrangères les unes aux autres et ce qui les rend communes. Par exemple, l'attribution de tel ou tel pouvoir ne gagnerait pas à être visé par une telle loi-cadre car même si l'on observe un rapprochement des Autorités administratives indépendantes vers toujours plus de pouvoir, cette attribution dépend très étroitement de la mission confiée à l'Autorité et de l'objet sur lequel elle exerce son action. En revanche, tautologiquement, les Autorités administratives indépendantes ont toutes en commun l'impératif d'indépendance55(*). Celle-ci sera abordée en tant que telle dans la suite de la présente étude56(*), il s'agit ici de relever qu'elle aurait vocation à être le coeur du droit commun des Autorités administratives indépendantes. Une telle loi-cadre remplit d'ailleurs une fonction pédagogique importante, car il est frappant que lors d'un sondage commandé par la CNIL, cette qualité, qui lui paraît par ailleurs essentielle, est assez peu nettement perçue57(*). Le législateur pourrait concevoir d'une façon unifiée les règles garantissant l'indépendance de l'Autorité, non seulement à l'égard de l'exécutif, mais encore à des professionnels concernés ou des entreprises en cause, à travers les règles budgétaires, de nomination, d'incompatibilité, etc. En outre, il serait concevable d'organiser l'exercice d'un pouvoir, par exemple celui de sanctionner ou de régler les différends, notamment sous l'angle procédural, dès l'instant que la loi particulière l'aurait attribué à l'Autorité visée. En toutes hypothèses, cette loi-cadre, dont la normativité n'est pas par nature aussi forte que la législation ordinaire du fait de la généralité de ses dispositions, devra néanmoins avoir un degré de précision suffisant pour satisfaire la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point58(*).

1.1.29. La forme possible d'une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. En raison de l'importance des Autorités administratives indépendantes, non seulement par leurs missions, mais par le fait qu'elles constituent une forme institutionnelle très spécifique de l'action de l'Etat, tout en en constituant un modèle avancé59(*), l'on pourrait concevoir de leur consacrer une loi organique. Certes, un obstacle de taille est constitué par l'exigence d'une prévision de la Constitution dans ce sens, en visant le fait qu'une loi organique organisera telle ou telle dimension de l'organisation de l'Etat. A supposer qu'une telle révision soit à portée, et pourquoi pas puisque l'on a donné, par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, une assise constitutionnelle au pouvoir règlementaire des collectivités territoriales, une telle loi organique sur les Autorités administratives indépendantes se rattacherait alors à l'article premier de la Constitution, sur l'organisation de l'Etat. Une telle démarche, certes très lourde, ancrerait le dispositif dans la Constitution, en montrerait l'importance, et assoirait la sécurité juridique de la catégorie.

1.1.30. Pourquoi ne pas penser à un Code des Autorités administratives indépendantes ? Puisque la question de la lisibilité, de la compréhension et de la cohérence institutionnelle des Autorités administratives indépendantes, est essentielle60(*), on pourrait songer, en prenant le temps nécessaire pour le faire, à établir un Code des Autorités administratives indépendantes. Si on se limite à l'impératif de lisibilité, il pourrait s'agir d'une codification à droit constant. Si l'ambition est plus forte et vise également la cohérence et la modification des règles pour accroître l'indépendance, la reddition des comptes (au sens d'accountability), et pour aligner le régime des Autorités administratives sur un modèle commun, quand il n'y a pas de raison pour s'en éloigner, il devrait s'agir d'une codification traditionnelle, c'est-à-dire par réécriture du droit.

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE COEXISTENCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

2.0. Préalable : le recouvrement des compétences comme défaut ou comme qualité du système. La coexistence des Autorités administratives indépendantes conduit à poser en préalable une question essentielle de conception du système juridique : les recouvrements d'intervention d'organismes sur un même objet, pour une même mission constituent-ils un défaut du système ou une qualité du système ? Dans une conception traditionnelle d'un système juridique conçu à l'image d'un jardin à la française61(*), il convient que chaque Autorité de l'Etat ait en charge une mission spécifique, le recouvrement avec l'action d'une autre créant du désordre, du gaspillage et de l'incertitude. L'effort du législateur doit donc conduire à remplir les lacunes du système et à lui épargner les recouvrements de compétence. Cela vaut à la fois pour l'action des Autorités administratives indépendantes et pour les recours contre leurs décisions, tiraillés entre l'ordre des juridictions judiciaires et l'ordre des juridictions administratives62(*). Mais l'on pourrait aussi considérer en premier lieu que les lacunes du contrôle des activités et des structures par les organes de l'Etat correspondent à l'espace de liberté des organisations et des actions63(*). En second lieu, les recouvrements de compétence peuvent permettre de redoubler les contrôles, l'existence d'un organe compétent pouvant inciter les autres dotés des mêmes compétences à les exercer (stimulation institutionnelle) et de mieux agir à plusieurs. Il semble que le législateur adhère plutôt à la première conception, démontrée lorsqu'il opéra des fusions entre Autorités administratives indépendantes, par exemple entre la COB et le CMF pour créer l'Autorité des Marchés Financiers, ou entre l'Agence du médicament, l'Agence française du sang et le Comité de sécurité transfusionnelle pour créer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, principalement en raison de l'interférence des compétences.

4. Difficultés suscitées par les articulations de compétences entre les autorités administratives indépendantes

2.1.2. Les difficultés d'articulation des compétences entre les Autorités administratives indépendantes proprement dites, du fait de l'évolution technique. Le législateur français, qui n'adhère pas à l'idée a priori de confier à plusieurs organismes la même tâche, a pris soin de ne pas confier une même tâche à deux entités. Le recouvrement s'est donc souvent opéré a posteriori, du fait de l'évolution des techniques. On peut prendre deux exemples de cette évolution qui fait naître des perspectives ignorées à l'époque où l'Autorité avait été instituée. La convergence en matière de télécommunications et d'audiovisuel rend moins évidente la distinction précédente entre le contenant et le contenu, ce qui remet en discussion la distinction entre l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (le contenant) et Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (le contenu). La loi du 3 juin 2004 transposant l'ensemble des directives européennes sur les télécommunications, a pris en compte cette convergence en élargissant la compétence du régulateur en matière de télécommunications au domaine plus large des communications électroniques, extension de compétence que la loi du 20 mai 2005 a entérinée en même temps qu'elle intégrait la régulation postale, à travers l'appellation d'Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes - ARCEP. Un second exemple peut être pris en matière financière et bancaire, perspective moins souvent évoquée que la précédente. On distinguait aisément la régulation financière et la régulation bancaire, la première gardant le principe de transparence et d'égalité des investisseurs dans un secteur, la seconde gardant le principe de gestion des risques, ce qui justifie une régulation moins publique et portant sur les établissements de crédit. Aujourd'hui les établissements financiers sont des opérateurs cruciaux dans le secteur financier, ce qui entraîne un recouvrement nouveau de compétence entre notamment l'Autorité des Marchés Financiers et la Commission Bancaire.

2.1.3. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes de médiation sociale et les organes d'intervention et de protection publique. Le recouvrement entre compétences des Autorités administratives indépendantes et compétences d'organisation des organismes traditionnels par l'Etat est plus problématique car la situation est alors pérenne. C'est notamment le cas des Autorités administratives indépendantes exerçant une fonction sociale à la fois particulière quant à l'objectif et générale quant à l'assiette de son action, à savoir la société tout entière. Il est vrai que les Autorités concernées présentent ces recouvrements comme autant de « complémentarités »64(*). Ce recouvrement, ou cette complémentarité, peut être très large. C'est le cas notamment du Médiateur de la République, surtout lorsqu'il définit lui-même sa fonction au-delà du lien entre les administrés et l'administration, ce qui recouvrirait alors d'une autre façon la mission de la CADA, mais l'exprime à travers l'impératif de traitement juste des personnes dans leurs relations sociales65(*), ce qui en fait un « défenseur des libertés »66(*). Le Défenseur des enfants joue un rôle de médiation et d'explication des droits et intérêts des enfants, notamment par rapport des autorités publiques, comme l'école ou l'hôpital67(*). On peut citer aussi le Haut Conseil à l'intégration qui se définit « comme un relais entre la société civile et l'autorité publique »68(*). C'est encore le cas de la HALDE, dont certes l'objectif est précis, à savoir la lutte contre les discriminations, mais dont l'assiette recouvre celle de la police et du ministère public, puisque les comportements visés sont par ailleurs prohibés par le droit pénal. Nous revenons ici à la question essentielle posée précédemment69(*), à savoir s'il faut prendre acte de la faiblesse des dispositifs généraux de l'intervention de l'Etat en créant des structures ponctuelles plus efficaces mais contribuant à affaiblir encore les dispositifs ordinaires, alors qu'on pourrait concevoir de renforcer le système général.

2.1.4. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes de régulation sectorielle et le Conseil de la concurrence. Le recouvrement peut encore venir de la pluralité des objectifs donnés aux Autorités administratives indépendantes70(*), l'un des objectifs recouvrant un objectif d'autres institutions. Une hypothèse plus particulière concerne les Autorités administratives indépendantes qui ont mission de favoriser l'ouverture à la concurrence de secteurs naguère monopolistiques, ce qui rencontre nécessairement la compétence du Conseil de la concurrence. La France a choisi de ne pas confier aux autorités sectorielles un pouvoir autonome d'application du droit de la concurrence, mais a opté pour un système d'articulation, notamment d'articulation procédurale et technique71(*). On aurait pu concevoir de déléguer aux Autorités sectorielles un pouvoir autonome de sanction des comportements anticoncurrentiels, en exclusive ou en cumul des pouvoirs généraux du Conseil de la concurrence. Le droit français a préféré pour l'instant organiser par la loi de manière de plus en plus fine, par exemple dans les rapports entre la CRE et le Conseil, l'ARCEP et le Conseil, le CSA et le Conseil, etc. Mais des recouvrements peuvent être moins organisés, parce que moins conçus, par exemple dans l'interférence entre la régulation bancaire et la régulation concurrentielle.

2.1.5. Le recouvrement des compétences entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions. La question des rapports entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions d'une part, et l'administration traditionnelle d'autre, sera vue ultérieurement. Il demeure que certains y voient un recouvrement des compétences, notamment parce que l'Autorité a un pouvoir de sanction, ce qui la superpose aux juridictions répressives, ou parce qu'elle exerce un office de règlement des différents, ce qui la superpose aux juridictions civiles. Les personnalités du monde judiciaire considèrent d'ailleurs fréquemment que la création des Autorités administratives indépendantes, dans leur ensemble, est un signe de défiance à l'égard des juridictions ordinaires bien plus qu'à l'égard de l'Etat centralisé72(*). Le recouvrement sera d'autant plus net que l'Autorité exerce, comme le fait une juridiction, un contrôle ex post de comportement, sans exercer de pouvoir ex ante (tel des certifications, agrément, etc.) pas plus que ne le fait une juridiction, ce qui est notamment le cas du Conseil de la concurrence.

5. Perspective d'association et de regroupement des autorités administratives indépendantes

2.1.1. Une solution définitive : faire disparaître des autorités administratives indépendantes. Une solution très radicale peut consister dans la suppression des Autorités administratives indépendantes. La France, qui n'a pas de tradition d'agences publiques déconcentrées, s'en était bien passée jusque dans les années 1970. Certes, certains estiment que cela serait même une bonne solution sur le papier, mais que le « mal est fait »73(*).D'autres pensent que rien n'est irréversible74(*). Cette affirmation d'absence d'irréversibilité, dont la position des opinions publiques nationales sur l'Europe vient de nous donner un exemple, justifie deux positions. Tout d'abord, si l'on considère que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes sont illégitimes politiquement, en disharmonie avec le système politique et juridique français, la suppression des Autorités administratives indépendantes est concevable. Resterait à en mesurer le coût politique, qui pourrait se répartir entre une réaction directe de l'opinion publique concernant les Autorités administratives indépendantes de médiation sociale ou de protection des libertés publiques, et une réaction plus circonscrites des opérateurs économiques et des investisseurs concernant les Autorités administratives indépendantes veillant sur l'équilibre d'un secteur. Ensuite, si l'on considère le mouvement de création d'Autorités administratives indépendantes comme non irréversible et si l'on estime dans le même temps que ce mouvement est plus bénéfique que néfaste, alors le législateur doit se soucier de mieux assurer l'efficacité, la légitimité et l'acceptation sociale des Autorités administratives indépendantes75(*).

2.1.2. Première solution radicale : arrêter de créer des autorités administratives indépendantes nouvelles. Si l'on ne veut pas un mouvement de destruction des Autorités administratives indépendantes, pour réinjecter les compétences soit à l'administration traditionnelle, soit aux juridictions, il est souvent évoqué la nécessité de cesser d'en créer de nouvelles76(*). On constatera que le législateur ne suit pas ce conseil. Indépendamment du projet de loi précité en matière ferroviaire, chaque jour est proposée la création d'une nouvelle Autorité. En outre, des textes européens peuvent contraindre à une telle création. On remarquera qu'il n'est pas inconcevable que l'arrêt de la création d'Autorités administratives indépendantes nationales incite à la création, pour l'instant peu envisagée, d'Autorités administratives indépendantes européennes77(*). Enfin, cette position n'empêchera pas, sauf à revenir à la solution précédente de suppression des Autorités administratives indépendantes, de devoir revenir sur l'organisation législative des Autorités qui existent déjà, sans doute dans le sens d'une expansion de leurs compétences.

2.1.3. Seconde solution radicale : fusionner des autorités administratives indépendantes entre elles. Ce qui est plus encore souvent évoqué est la fusion d'Autorités administratives indépendantes. Plusieurs raisons sont évoquées en ce sens.

2.1.3.1. Fusionner pour rendre plus repérables les autorités nationales et les rendre ainsi insérables dans des réseaux supranationaux. Tout d'abord, l'intelligibilité78(*) en serait accrue, car moins on a d'Autorités et plus elles sont repérables et compréhensibles. Cet argument prend une nouvelle force lorsqu'en outre il faut mettre en place un réseau européen ou international d'Autorités nationales de régulation, ce que la diversité, voire la pulvérisation, des Autorités entrave. C'est ce qui justifia la fusion entre la COB et le CMF, pour qu'une autorité nationale puisse s'insérer dans le réseau européen construit par le Plan de modernisation du droit financier entamé en Europe en 2000 (processus Lamfallusy79(*)).

2.1.3.2. Fusionner par économie de moyens. Le deuxième argument pour proposer la fusion des autorités repose sur l'économie de moyens car une Autorité coûte moins cher que deux80(*). A la fois cet argument est le moins contestable, il fut avancé notamment pour justifier que la loi du 20 mai 2005 ne crée pas une autorité de régulation postale autonome81(*), et il peut être relativisé. De deux façons. Tout d'abord, les sommes en jeu dans l'organisation et le fonctionnement des Autorités administratives indépendantes sont très faibles à l'échelle du budget de l'Etat, aucun budget d'une Autorité administrative indépendante reposant sur le budget général de l'Etat ne dépassant 20 Millions d'Euros82(*). Ensuite, les économies de moyens, car effectivement nulle ne doit être négligée, peuvent être recherchées par d'autres voies. Mais il doit alors être possible de les réaliser directement, par exemple par des locaux occupés en commun, ou des services logistiques communs, sans pour autant opérer des fusions. Ainsi, si l'on reprend l'exemple du régulateur postal, il est difficile de comprendre pourquoi cette fonction de régulation a été confiée à l'autorité administrative en charge des communications électroniques, alors même que les économies des deux secteurs ne sont guère analogues ni corrélées, et qu'il n'est pas acquis que la régulation postale soit une régulation de l'accès, alors qu'elle est de ce type concernant le secteur des télécommunications.

2.1.3.3. Fusionner pour ajuster l'autorité au secteur sur lequel s'exerce sa mission. Une raison plus conceptuelle et plus politique concerne l'adéquation entre les contours de l'Autorité et sa mission. En effet, l'on peut estimer que les autorités d'administratives indépendantes doivent avoir des contours qui correspondent à l'objet sur lequel portent leurs actions. C'est bien ainsi que le législateur a historiquement procédé, dans une méthode tautologique : pour réguler les télécommunications, il a établi en 1996 une Autorité de Régulation des Télécommunications, ayant compétence sur l'ensemble de ce secteur, et rien que sur ce secteur. Si l'on adopte cette conception de base, celle qui relie les contours de l'Autorité administrative indépendante, alors si le secteur évolue, il faut que celle-ci change sa dimension et au besoin fusionne. Ce fut le cas précisément pour la transformation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications en Autorité exerçant ses pouvoirs en matière de Communications Électroniques, extension de ses compétences en raison de la convergence. La Grande-Bretagne est allée plus loin en fusionnant le régulateur des télécommunications et le régulateur des médias, à travers l'OFCOM. On retrouve la même question à propos de l'éventuelle fusion entre la CADA et la CNIL, là aussi sur le modèle anglais, modèle là aussi repoussé83(*). La question se pose plus encore en matière de finances, banques et assurance. Il apparaît en effet que l'activité de ces trois secteurs s'interpénètre de plus en plus, à la fois par les produits, les produits d'assurance devenant des produits financiers, les instruments financiers étant fabriqués par les banques, les entreprises intermédiaires, souvent en conglomérat, agissant sur les trois secteurs. La conséquence, tirée par la Grande-Bretagne à travers la Financial Services Authority, serait alors de fusionner les autorités du marché financier et du marché de l'assurance, sur le motif que les produits fusionnent, voire de fusionner les autorités bancaires et l'autorité du marché financier, sur le motif que les banques sont des opérateurs cruciaux sur le marché financier. Le législateur français, qui en avait eu l'occasion par la Loi de sécurité financière de 2003, n'y a pas procédé. Faut-il l'encourager à le faire ? Peut-être sur la première perspective, car l'Autorité des marchés d'assurance (AMA) qui est en train d'être construite, l'est sur le modèle de l'Autorité des marchés financiers (AMF). En revanche, les autorités administratives indépendantes en charge de la régulation bancaire pratiquent celle-ci dans une optique prudentielle, dans la perspective de la solidité du système bancaire, ce qui est une autre fin que celle poursuivie par la régulation des marchés financiers84(*). En outre, la régulation financière joue la transparence alors que la régulation bancaire prend souvent la voie du secret85(*). Ces éléments éloignent la perspective de fusion, et ce d'autant plus que des conventions de partenariat existent entre ces Autorités86(*). S'il y a une fusion envisageable, cela pourrait être à l'intérieur de la régulation bancaire, entre la Commission Bancaire et le CECEI, qui ont le même objectif prudentiel, la première en aval, le second en amont, fonction qui serait exercée en continu par une autorité unique de régulation prudentielle bancaire.

2.1.3.4. Fusionner pour ajuster l'autorité à sa mission. Les développements qui précèdent ont visé des Autorités Administratives Indépendantes ayant en charge un secteur, ce qui rend aisée l'assertion d'ajustement des contours de l'Autorité au secteur sur lequel porte sa mission. Mais de nombreuses Autorités Administratives Indépendantes ne sont pas en charge d'un secteur, mais d'une mission qui s'exerce sur l'ensemble de la société. C'est d'ailleurs ce qui rend difficile leur rapport avec les organismes publics généraux ayant le même champ d'action, comme les juridictions87(*). La « localisation » (y compris dans la LOLF88(*)) de ces autorités non accrochées à un secteur est plus difficile, mais en raison aussi de cet absence de liens sectoriels, les fusions paraissent plus aisées. Il en est particulièrement ainsi de la lutte contre les discriminations. Sans même revenir sur l'articulation difficile du fait que les champs sont trop proches, entre la HALDE et les juridictions89(*), si l'on estime que le Médiateur de la République est en charge de la justesse des rapports sociaux, alors la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité auraient pu lui revenir. De la même façon, si l'on envisage de créer une Autorité Administrative Indépendante pour travailler sur la question des banlieues, si cela rejoint la même idée, alors il faudrait procéder par adjonction - de mission et de moyens - et non par création. Cette perspective montre d'ailleurs les limites de ces Autorités Administratives Indépendantes créées pour jouer un rôle de médiation sociale, car en adjoignant des fonctions nouvelles mais proches, on en arrive à reconstituer de proche en proche l'Etat social.

2.1.3.5. L'exercice accessible de l'adjonction, l'exercice périlleux de la fusion proprement dite. En toutes hypothèses, l'adjonction d'une nouvelle mission (comme la transformation de l'ART pour devenir l'ARCEP et prendre en charge la régulation postale) est un exercice moins périlleux que la fusion proprement dite, car celle-ci oblige à réconcilier dialectiquement deux cultures, deux corps de professionnels, ce qui est plus difficile que l'embauche et l'ajout. Certes, la fusion entre la COB et le CMF semble réussie, mais il peut arriver que sous le couvert d'une seule Autorité, les deux anciennes persistent90(*), ou que la fusion se passe mal ou lentement. L'erreur de reconstruction, perte d'apprentissage et de crédibilité, est difficilement rattrapable. La solution procédurale est moins engageante et, de ce fait, moins risquée.

2.1.4. La solution minimale : l'interrégulation par les relations entre les Autorités administratives indépendantes. L'idée est alors de construire un maillage entre les Autorités administratives indépendantes, de sorte qu'elles, et le système général, ne soient pas isolées, sans pour autant les faire fusionner. L'idée est alors d'organiser une « interrégulation »91(*). Ce concept d'interrégulation a également pertinence dans les relations entre les Autorités nationales et l'Europe. On trouve de nombreux signes de ce maillage, de type procédural, dont on trouve déjà de nombreux signes dans les lois récentes comme dans les lois nouvelles92(*). Cette interrégulation procédurale sera particulièrement forte lorsque les objets se croisent, c'est-à-dire lorsque le Conseil de la concurrence intervient dans un secteur régulé par ailleurs par une Autorité spéciale, ou lorsque l'existence d'un marché financier de l'électricité conduit l'Autorité des Marchés Financiers et la Commission de Régulation de l'Énergie à travailler étroitement ensemble.

On mesure que l'interrégulation n'a donc pas pour cause nécessaire la proximité d'activité ou la ressemblance des Autorités en cause. En outre, des problèmes institutionnels communs, notamment liées à leur trait commun d'indépendance, peuvent être discutés en commun93(*).

Le fait que par ailleurs mécaniquement les Autorités nouvelles tendent à être faites sur un modèle assez semblable facilite ces relations : plus les Autorités seront semblables et moins il sera nécessaire de les fusionner. Ainsi, la loi d'adaptation du droit de l'assurance au droit communautaire conduit à transformer la CCAMIP (Commission de contrôle des Assurances, des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance) en Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles, l'ACAM, qui devient ainsi plus nettement le pendant de l'Autorité des Marchés Financiers, l'AMF.

2.1.5. Les raisons d'intensifier l'interrégulation procédurale entre les Autorités administratives indépendantes. Ces liaisons entre Autorités ne cessent de s'intensifier94(*), au point que l'on peut y voir une solution alternative à la fusion95(*). En outre, cette interrégulation permet de pallier dans le système déconcentré des multiples Autorités administratives indépendantes ce qui en est, selon certaines, la faiblesse, à savoir l'absence du mécanisme de l'interministériel, dont l'Etat centralisé est quant à lui doté. Cette interrégulation procédurale sert trois objectifs. En premier lieu, il s'agit de faire bénéficier une institution, soit autre Autorité, soit Gouvernement ou juridiction, d'une expertise spécifique96(*).

C'est à ce titre que désormais le droit français veille à ce que l'expertise du régulateur bancaire97(*) et celle du régulateur de l'audiovisuel98(*) bénéficient au Ministre de l'Économie et des Finances lorsque celui-ci opère un contrôle des concentrations sur des entreprises de ces secteurs99(*). En deuxième lieu, il s'agit de faire participer à travers une Autorité une partie de la société parfois exclue des cercles de décision, ce qui vaut d'autant plus que l'objet de l'Autorité est précisément le lien social, comme l'est le Médiateur de la République. Ainsi, les contacts de celui-ci avec les autres régulateurs permettent que cette dimension soit présente y compris dans les régulations plus économiques. La troisième raison, essentielle, tient à la nécessité lorsqu'une Autorité est saisie d'un cas qu'elle analyse à l'aune de sa propre mission (par exemple la solidité du système bancaire) qu'une autre puisse efficacement faire valoir une autre perspective à l'aune de sa mission à elle (par exemple le dynamisme concurrentiel). L'échange d'informations est alors spécialement nécessaire. Ce maillage procédural permet si ce n'est de résoudre à tout le moins d'atténuer la difficulté issue d'une nécessaire spécialisation des Autorités, ce qui les rend efficaces et contrôlables, mais les rend aussi inadéquates en tant qu'une vision globale devient de ce fait hors de leur portée.

2.1.6. La solution minimale : procéduraliser les relations entre les autorités administratives indépendantes. Les moyens de le faire. Ce maillage procédural, à la fois construit sur de multiples raisons et qui est moins risqué qu'un redécoupage des Autorités administratives indépendantes, peut prendre tout d'abord la forme de « participation croisée » dans les collèges (comme il en existe entre l'AMF et le CECEI100(*)), ou de « groupes de liaison » (comme il en existe entre

l'ARCEP et le CSA)101(*), ou de « groupes intersectoriels » (comme ceux auxquels participe le CECEI102(*)). Il peut s'agir ensuite de procédures de consultation préalable, d'avis103(*) sollicitable ou de droit, voire de décisions communes, ou à tout le moins corrélées dans certaines hypothèses104(*).

2.1.7. Ces principes pourraient prendre place dans la loi-cadre dont la perspective a été évoquée105(*).

6. Perspectives européennes

2.1.8. L'hypothèse de la disparition des autorités administratives indépendantes françaises au profit d'autorités européennes. Le rapport rédigé en 2003 à la demande du Ministre des affaires européennes, sous la direction de Christian Stoffaës, Vers une régulation européenne des réseaux, a exprimé sa préférence pour la constitution d'Autorités spécialisées européennes. L'objet de cette recherche était certes limité à des Autorités exerçant des tâches de régulation économique, ce qui justifierait que l'ambition d'un marché européen, portée par les textes et organes européens soit mieux servie par une Autorité de régulation européenne. L'on peut estimer que l'idée vaudrait encore pour les Autorités en charge du lien social, si l'on veut bien considérer que l'Europe pourrait ainsi partager, voire construire, des valeurs sociales communes, notamment à travers un modèle social commun.

2.1.8.1. L'obstacle quasi-constitutionnel du principe de subsidiarité. Cependant, en premier lieu, la première jurisprudence communautaire a estimé que le principe de subsidiarité ne permettait que la création d'Autorités administratives indépendantes non dotées de pouvoir normatif. On retrouve la même idée que celle qui éloigne en droit français les Autorités Administratives Indépendantes de l'attribution du pouvoir normatif, c'est-à-dire la séparation verticale des pouvoirs. Mais cet obstacle n'est pas insurmontable, pour deux raisons. En premier lieu, certains estiment que la portée de cette jurisprudence ne va pas jusqu'à interdire des agences européennes effectives. En second lieu et surtout, on peut concevoir des Autorités Administratives Indépendantes puissantes dotées de seuls pouvoirs administratifs ou techniques.

2.1.8.2. La création observée d'agences européennes, embryons de régulateurs. La preuve en est la création effective d'un certain nombre d'agences européennes. Certaines ont en charge la collecte d'informations, au besoin forcée, leur traitement, tâche souvent assortie d'un devoir d'alerte des autorités en cas d'informations qui le requièrent. Le meilleur exemple en est l'Agence Européenne de sécurité sanitaire. Mais d'autres ont des pouvoirs de normalisation et de sécurité des réseaux, par exemple l'Agence de sécurité des réseaux de télécommunications. Ces Autorités sont encore davantage des observatoires que des Autorités Administratives Indépendantes106(*). Mais le pouvoir de normalisation technique est tout à la fois très proche du pouvoir normatif général et peut s'avérer le plus puissant et le plus structurant pour un secteur. Dès lors, plutôt que de nier cette puissance en l'estimant non juridique, il conviendrait davantage d'en prendre acte, d'en déduire la nécessité de l'organiser sur un mode plus juridique, par exemple à travers des voies de recours.

2.1.8.3. Les obstacles factuels à la création d'autorités administratives indépendantes européennes. Si l'on peut penser que des Autorités Administratives Indépendantes européennes n'ont pas vocation à se substituer à des autorités nationales, cela tient plutôt à d'autres considérations. La première est très circonstancielle, à savoir la faiblesse pour l'instant des institutions européennes, peu en mesure d'étendre les pouvoirs européens par rapport aux pouvoirs nationaux. La deuxième est plus constante et vise le peu de désir des gouvernements et parlements nationaux de concéder ce nouveau transfert de souveraineté, chacun ayant pu mesurer la puissance effective des Autorités Administratives Indépendantes, et la dépossession que des créations européennes impliquent donc. La troisième raison factuelle est plus rationnelle et tient à la place de l'information et du rapport avec les personnes concernées par l'action des Autorités.

2.1.8.4. L'impératif de proximité. En effet, quel que soit le domaine d'intervention, régulation économique d'un secteur ou médiation sociale, l'Autorité doit avoir des informations les plus exactes possibles sur l'objet sur lequel porte son action. Plus elle en est éloignée et plus cet office essentiel de captation d'information est difficile. C'est bien pourquoi le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants ont développé des bureaux régionaux ou départementaux. C'est aussi parce que la DGCCRF a une telle implantation que cette administration demeure à côté du Conseil de la concurrence. La création d'une autorité européenne se substituant aux autorités nationales éloigne d'autant plus de l'information. En outre, les Autorités Administratives Indépendantes correspondent à une évolution générale de l'Etat et de la puissance publique dans laquelle la normativité ne s'exerce effectivement que si les personnes concernées acceptent, ou à tout le moins comprennent, l'injonction qui leur est faite, la raison du comportement qu'on leur demande d'adopter, l'intérêt qu'elles auront à le faire. Le référendum refusant la Constitution européenne a montré que l'éloignement des institutions européennes leur était fatal. C'est la raison essentielle pour laquelle on ne songe guère, et qu'il ne faut guère songer, à la création d'Autorités Administratives Indépendantes européennes se substituant aux Autorités nationales.

2.1.8.5. La conscience du législateur français des impératifs européens. Ce n'est pas une raison pour adopter une conception autarcique des législations nationales. Il est essentiel que chaque législateur s'instruise des autres législations nationales et prenne en considération les positions des institutions européennes, non pas seulement d'une façon passive par la transposition des « paquets » de textes communautaires qui affectent l'organisation institutionnelle des régulations économiques ou sociales107(*), mais en participant directement à cette élaboration européenne.

2.1.9. L'hypothèse de la co-existence des autorités nationales et d'autorités européennes. D'ailleurs, le choix n'est pas tant entre l'existence d'Autorités administratives indépendantes européennes ou celle d'Autorités administratives indépendantes nationales, les unes étant l'alternative des autres. Il s'agit plutôt de savoir si la présence des unes dispenserait de la présence des autres. La réponse est certainement négative. En effet, à l'époque où l'on évoquait la perspective d'une Autorité européenne des marchés financiers (« la COB européenne), il n'était pas question de supprimer les autorités nationales de marché financier, mais de les mettre en hiérarchie.

2.1.9.1. L'exemple des autorités de concurrence. L'hypothèse doit être gardée à l'esprit car c'est celle qui a été retenue en matière d'Autorités de concurrence. Dans le mouvement de « modernisation du droit de la concurrence », un règlement communautaire décisif a organisé une mise en réseau des autorités nationales, sous le bienveillant pouvoir de la Commission Européenne, au coeur de ce réseau, centralisant les informations et pouvant jouer pour les entreprises le rôle de guichet unique. Les premiers résultats de cette mise en réseau semblent très satisfaisants, tout à la fois dans l'amélioration de la cohérence des solutions nationales entre elles et l'effet d'apprentissage des nouveaux pays de l'Union européenne108(*). Le législateur national a sa part dans le dispositif en organisant les Autorités Administratives Indépendantes pour les rendre aptes à un tel dispositif et leur donner mission de le faire. Ainsi, la loi du 1er août 2003 sur La sécurité financière a mis en exergue dans la mission de la nouvelle Autorité des Marchés Financiers la participation à la régulation européenne109(*). Est-ce que cela est transposable dans d'autres secteurs, économiques ou sociaux ?

2.1.10. La difficulté de transposer le système à d'autres autorités. La transposition pourrait donc être prônée à d'autres secteurs. Mais indépendamment des facteurs politiques précités110(*), la transposition se heurte à la considération suivante. La Commission Européenne peut aisément être au sommet du réseau des autorités nationales car nul ne conteste le fait que la Commission est une Autorité de concurrence. Elle peut donc prendre une place éminente. Mais dès l'instant que l'on quitte le domaine du droit de la concurrence, la Commission perd cette qualité, mais devrait s'imposer comme Autorité première et hiérarchique de lutte contre les discriminations ou de régulation financière, ce qui requérrait des conditions politiques qui ne sont pas actuellement réunies. C'est pourquoi la nouvelle organisation européenne des Autorités de concurrence, si réussie soit-elle, ne peut pas constituer un modèle. En revanche, l'organisation institutionnelle née du « Plan de modernisation » de la régulation financière pourrait servir de modèle aux législateurs nationaux.

2.1.11. L'hypothèse de liens européens entre autorités administratives indépendantes nationales. Ce n'est pas parce que la perspective d'une autorité administrative indépendante européenne, ou une construction hiérarchique entre les institutions européennes et les Autorités des Etats membres, ne sont pas actuellement des perspectives tangibles que l'Europe ne doit pas intérioriser dans la construction des autorités nationales par le législateur, lequel doit faire en sorte que des réseaux d'Autorités administratives indépendantes nationales se construisent au niveau européen.

2.1.11.1. Le « modèle Lamfallusy » pour la régulation financière. Le plan de modernisation du droit financier a été lancé en 2000, et sa dimension institutionnelle a été construite à partir des conclusions d'un rapport né des travaux d'une commission d'expert présidée par Alexandre Lamfallusy. Il s'agit d'établir plusieurs échelons d'élaboration des normes, chaque échelon faisant intervenir différentes autorités politiques ou technocratiques, le réseau des régulateurs financiers indépendants nationaux (CESR) y jouant un rôle crucial. Si l'on estime que ce dessin européen est pertinent, alors le législateur national doit l'intégrer dans sa conception de l'Autorité nationale, car il faut d'une part et d'une façon générale qu'il la façonne d'une façon analogue à celle des autres Autorités nationales et d'autre part et d'une façon particulière qu'il lui donne mission de participer efficacement à ce réseau. Prenons des exemples, l'une de réussite acquise, l'autre de constructions nationales encore à faire. Au titre du premier, on soulignera que si la COB et le CMF ont fusionné dans l'AMF, c'est pour que les autres membres du réseau puissent n'avoir qu'un seul interlocuteur en France, dans le même temps que la participation à la régulation européenne était un objectif donné à l'AMF, sans pour autant remettre en cause son statut d'Autorité administrative indépendante nationale111(*). Parallèlement, les pouvoirs des autorités nationales sont devenus de plus en plus analogues.

2.1.11.2. Le cas des Autorités Administratives Indépendantes nationales en matière énergétique. Le second exemple concerne les autorités administratives indépendantes énergétiques, notamment celles constituées pour la régulation de l'électricité. Les manques d'une régulation européenne ont été soulignés, notamment parce qu'il y a interdépendance dans le transport, que seule une bonne articulation en la matière peut permettre l'établissement d'un marché européen unifié en matière énergétique, ce qui était le but même de la libéralisation entamée en 1996, et que les défauts de l'articulation européenne des réseaux nationaux produisent des crises techniques, dont le black out est le paroxysme. On avait suggéré la création d'une autorité européenne pour l'articulation entre réseaux de transport nationaux, mais cela n'a pas été cristallisé. La coopération se fait d'une façon informelle à travers des fora de régulateurs. L'action des Autorités administratives indépendantes nationales ne peut pas même être articulée du fait que celles-ci ont des missions et des pouvoirs très dissemblables les unes des autres. Le marché énergétique européen ne s'est guère construit depuis 1996. Les législateurs nationaux devraient favoriser donc la mise en réseau de leurs régulateurs nationaux, s'ils veulent qu'une construction européenne se passe, et sans qu'il soit nécessaire de déléguer à l'Europe le pouvoir et le risque d'établir un régulateur européen, remplaçant ou coiffant les autorités nationales.

L'hypothèse de liens supranationaux entre autorités administratives indépendantes nationales. Les Autorités administratives indépendantes nationales doivent être conçues par le législateur de sorte qu'elles agissent dans une perspective qui dépasse les frontières nationales. C'est notamment le cas faute d'une coopération plus structurée pour les Autorités administratives indépendantes nationales qui construisent des marchés. En effet, d'une façon spontanée, les Autorités administratives indépendantes nationales de télécommunications ont constitué un « forum », qui adopte des « positions communes », activité doctrinale dont la portée est de fait normative puisque la Commission Européennes les prend en considération. De la même façon, les « forum de Florence » (pour l'électricité) et « forum de Madrid » (pour le gaz), permettent la rencontre régulière non seulement des Autorités nationales mais encore des « parties prenantes » (entreprises, administration traditionnelle, experts, professeurs, etc.). Plus formellement et par exemple, la Commission de Régulation de l'Énergie est membre du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER). De même, le Conseil de la concurrence est de droit membre du réseau des autorités européennes de concurrence (European Competition Network), mais également du réseau international (International Competition Network). L'ARCEP est membre du Comité des communications électroniques (COCOM) qui assiste la Commission112(*). Les modèles d'intégration les plus forts apparaissent en concurrence et en finance113(*). Ces réseaux sont aussi très importants pour les régulateurs de lien social. On peut citer par exemple l'appartenance du Défenseur des enfants à l'ENOC (European Network of Ombudsmen for Children) ou l'insertion du Médiateur de la République au sein du Réseau européens des Médiateurs, ou encore l'insertion de la CNIL dans groupe dit « de l'article 29 » (par référence à la directive communautaire de 1995) des autorités indépendantes en charge de la protection des données, ou bien l'appartenance de la HALDE au réseau des Autorités spécialisées de l'Union européenne sur les discriminations. Il arrive souvent que les Autorités françaises aient un rôle de leader dans ces réseaux114(*), voire soient à l'origine de leur constitution115(*). Deux raisons spécifiques justifient la constitution de tels réseaux. En premier lieu, cela permet de conserver ou de construire une identité sociale européenne, à travers des adhésions nationales à un modèle commun. En second lieu, cela justifie mieux l'existence de ces Autorités par rapport aux organes traditionnels de l'Etat, notamment les polices, services sociaux, ministère public ou juridictions, car la coopération entre ceux-ci est particulièrement lourde et lente, du fait que la voie demeure de nature diplomatique, alors que la coopération entre les Autorités administratives indépendantes nationales à fins sociales, comme l'égalité entre hommes et femmes, la protection des enfants, lutte contre les discriminations, etc., est beaucoup plus aisée, parce qu'elle est de nature technocratique.

2.1.12. Le rôle du législateur national dans la réussite des réseaux européens d'autorités administratives indépendantes nationales. Certes, l'on peut considérer que toutes ces constructions européennes fonctionnent précisément parce qu'elles sont plus ou moins informelles. Sans remettre en cause les avantages de l'autorégulation116(*), l'on peut considérer que les systèmes sont plus sûrs lorsqu'ils sont formels. En outre, il faut que le législateur donne aux Autorités administratives indépendantes nationales la mission générale d'une telle coopération, faute de quoi le juge pourrait reprocher à l'Autorité un excès de pouvoir si les liens sont trop intégrés, intégration que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes elles-mêmes veulent plus ou moins117(*). De la même façon, il faut que les budgets des Autorités intègrent le coût d'une telle activité. Cela ne fut notamment pas le cas pour le Comité d'Éthique, faute d'un budget suffisant pour le faire, ce qui était dommageable au moment où l'Europe doit se fixer une philosophie, si ce n'est une politique, en matière de bioéthique.

CHAPITRE II - ÉVOLUTION DE LA NOTION D'AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

3.0. Il peut paraître paradoxal de ne pas avoir évoqué et travaillé la notion même d'Autorités administratives indépendantes de prime abord, dès le premier chapitre de cette étude. La méthode universitaire consistant à définir d'abord, à dégager les critères ensuite, puis dans un troisième temps à discuter les mesures appropriées, y aurait naturellement conduit. Mais la doctrine s'est tant employée à trouver l'introuvable définition des Autorités administratives indépendantes118(*) que la méthode pragmatique peut ici être tentée. Elle consiste à partir de ce qui constitue la spécificité des Autorités administratives indépendantes, à savoir qu'elles sont à la fois administratives et indépendantes119(*), cette indépendance étant mesurée dans son rapport avec le pouvoir exécutif, ce qui fait difficulté puisque l'Autorité est pourtant administrative. Cette façon de définir les Autorités administratives indépendantes, définition non conceptuelle, relevant de la monstration et non de la démonstration, est moins forte qu'on ne pourrait le penser. La tautologie à l'instant exprimée n'est pas suffisante. En effet, comme l'a souligné le Conseil d'Etat, il faut encore ajouter un critère pour distinguer ces organismes des dizaines de diverses commissions de réflexion et d'expertise. Le Conseil a choisi le critère du pouvoir de contrainte, sous une forme ou sous une autre (pouvoir réglementaire, pouvoir de sanction, pouvoir d'attribution d'autorisation, pouvoir de régler les différends). En outre, elle comprend un effet pervers : les dispositifs législatifs surabondent en dispositifs pour protéger les Autorités administratives indépendantes contre l'intrusion du Gouvernement mais d'une part les rapprochent relativement peu du Parlement et d'autre part les protègent relativement peu de la mission des entreprises ou groupes de pression concernés par leur action. Si l'on suit néanmoins cette approche de la notion d'Autorité administrative indépendante à travers principalement son rapport avec le Gouvernement, la notion apparaît alors par contraste avec l'administration traditionnelle, en ce que celle-ci n'est pas indépendante, puisque insérée dans la hiérarchie de l'exécutif, ce qui la rend à la disposition d'un ministre et du Gouvernement.

SECTION 3 : LES SPÉCIFICITES DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES PAR RAPPORT À L'ADMINISTRATION TRADITIONNELLE

3.1.0. La notion d'Autorité administrative indépendante se dégage donc en creux de la notion d'Autorité administrative dépendante. La compréhension des Autorités administratives indépendantes passe donc par l'idée d'une rupture. Le législateur doit alors assumer cette rupture, considérer que le modèle traditionnel est inefficace ou dépassé pour justifier cette rupture. Mais l'on pourrait aussi concevoir que les Autorités administratives indépendantes sont le bastion avancé d'une nouvelle façon de gouverner, ce qui rend leur insertion dans le système moins difficile, puisque le modèle des Autorités administratives indépendantes devient « exemplaire », ce qui est tout différent.

1. L'hypothèse des autorités administratives indépendantes en rupture avec l'administration traditionnelle

La rupture tautologique avec l'administration traditionnelle du fait de l'indépendance à l'égard du Gouvernement. Il y a rupture politique entre les Autorités administratives indépendantes et le système traditionnel d'une façon évidente en ce que les Autorités administratives indépendantes n'obéissent pas au Gouvernement. Ce qui est donc certainement atteint, c'est l'unicité de l'Etat. Faut-il aller plus loin dans le diagnostic ? En effet, si l'on atteint ce principe d'unicité, la conception générale de l'Etat est-elle atteinte ? Cela dépend de la conception politique du bien commun que l'on adopte. En effet, si l'on estime que le bien commun suppose une autorité unifiée faisant les arbitrages entre tous les intérêts particuliers et toutes les perspectives particulières, alors l'indépendance à l'égard du Gouvernement est une rupture politique majeure. Des points de tension apparaissent dans des discussions techniques qui renvoient à cette rupture : ainsi, le principe selon lequel la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des fautes lourdes commises par les Autorités administratives indépendantes120(*) est discuté par cette imputation des conséquences d'une action que l'Etat ne peut pas contrôler.

La rupture méthodologique avec l'administration traditionnelle du fait de la transparence et de la consultation. La plupart des Autorités administratives indépendantes fonctionnent selon le principe de transparence et de consultation, laquelle peut être jusqu'à l'hypothèse de « co-régulation ». Cela n'est pas vrai pour toutes, l'efficacité de l'action de certaines d'entre elles pouvant justifier le secret, requis par nature par la Commission consultative du secret défense, et utilisé pour résoudre des conflits ou pour prévenir des crises, par exemple dans l'action de la Commission Bancaire, articulé avec la menace de publicité d'une difficulté. Il demeure que beaucoup d'Autorités se soumettent et revendiquent un fonctionnement transparent et en contact étroit avec les groupes sociaux ou entreprises concernées.

La rupture politique avec l'administration traditionnelle du regroupement des pouvoirs : l'autorité administrative indépendante comme Petit Etat. Les notions se dessinent aussi à partir des régimes. C'est d'ailleurs souvent sous cet angle que les Autorités administratives indépendantes sont de prime abord présentées : par leur extraordinaire, voire insupportable, cumul de tous les pouvoirs. Dès l'instant que l'on affirme, plus particulièrement pour certaines Autorités administratives indépendantes, notamment les Autorités en charge de la régulation d'un secteur économique, qu'elles exercent les trois pouvoirs, le pouvoir normatif (législatif), le pouvoir d'application particulière (administratif) et le pouvoir de sanction et de règlement des différends (juridictionnel), les Autorités sont instituées comme des sortes de petits Etats sectoriels, en quasi-lévitation par rapport à l'Etat traditionnel à la fois unifié et conçu sur la séparation des pouvoirs. La rupture peut s'analyser à deux niveaux. Le premier vise en soi cette alliance d'une unicité de tous les pouvoirs en attaque à l'unicité de l'Etat. Le second s'étudie par rapport au déséquilibre possible non plus en soi mais parce que d'une part les contrepoids démocratiques n'existent pas et que d'autre part les contrôles exercés hors du principe hiérarchique de l'exécutif sont trop faibles121(*). C'est donc le fait d'indépendance, c'est-à-dire un fait institutionnel commun à toutes les Autorités, qui constitue la rupture politique. Cela justifie plus fortement de penser les Autorités administratives indépendantes comme une catégorie unifiée.

Les conséquences de l'hypothèse de rupture : réconciliation ou articulation. Si est retenue cette hypothèse de rupture entre l'administration professionnelle et les Autorités administratives indépendantes, en raison de son caractère à la fois tautologique (l'Autorité administrative indépendante ne peut pas ne pas être indépendante) et fondamentale (remise en cause de l'Unicité de l'Etat couplée avec un cumul extraordinaire des pouvoirs), on ne peut en rester là. Il convient alors de réconcilier les Autorités administratives indépendantes avec le modèle politique et méthodologique français, par exemple en supprimant certains pouvoirs122(*), ou en renforçant les contrôles, ce qui permet d'articuler le principe d'indépendance et le principe de responsabilité123(*).

2. L'hypothèse des autorités administratives indépendantes comme bastion avance de l'administration traditionnelle

3.1.1. Les liens entre les autorités administratives indépendantes et le mécanisme des agences. La présentation du mécanisme des Autorités administratives indépendantes comme attentatoire à l'Etat est dogmatique, c'est-à-dire à la fois fondée théoriquement et décalée par rapport à la réalité des choses. En effet, en premier lieu, l'organisation administrative française est depuis longtemps déconcentrée. En second lieu, l'établissement de très nombreux comités d'expertise est très courant et dans de nombreux cas ceux-ci sont analogues à des Autorités bénéficiant de l'indépendance. Par exemple, la situation du Conseil Consultatif National d'Éthique est proche de la Commission pour la sécurité des consommateurs ou d'autres conseils non indépendants. Dans une perspective plus théorique, il a été montré que l'Etat peut encore exister sur un mode pluraliste. Si l'on veut bien prendre en considération cette pluralité de fait qui ne signifie pas en soi la destruction de l'idée d'Etat, le problème qui demeure est donc plutôt celui du cumul des pouvoirs et de la reddition des comptes. Il est essentiel de pouvoir ainsi évaluer l'ampleur de la difficulté : l'indépendance n'est pas en soi un décrochage par rapport à l'Etat, le cumul des pouvoirs124(*) maniés par des organismes peu responsables125(*) justifie en revanche que le législateur y réfléchisse intensément.

3.1.2. Transparence, consultation et négociation, nouveaux modes de l'action publique. Si l'on reprend la distinction méthodologique entre les Autorités administratives indépendantes et l'administration traditionnelle tenant à la transparence et à la consultation126(*), une appréciation plus relative peut en être faite. En effet, en premier lieu, la transparence est une façon de faire qui permet à l'Etat ou à l'administration de donner à voir comment les décisions sont prises, renvoyant à la théorie politique de l'apparence. L'institution par la loi du 2 février 1995 de la Commission Nationale du Débat Public est exemplaire de ce mouvement. De la même façon, la manière de faire consistant à consulter les parties prenantes, c'est-à-dire toutes les personnes dont les situations sont susceptibles d'être affectées par l'action de l'Autorité, renvoyant à ce qui est théorisé sous le vocable de « contractualisation de l'action publique »127(*), est adoptée d'une façon plus large. Le législateur128(*) et les pratiques administratives vont dans ce sens. Ainsi, les codes de bonnes conduites de la part des administrations ou des gestionnaires de réseaux se multiplient.

3.1.3. Les conséquences de l'hypothèse de bastion avancé : les Autorités administratives indépendantes comme expérimentation d'une évolution plus générale. Ainsi, l'on pourrait considérer que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas si étranges par rapport l'organisation de l'Etat mais correspondent à une organisation générale prochaine. Si le pouvoir politique, le Gouvernement comme le Parlement, estime que cette façon de faire est plus légitime et plus efficace, alors le statut des Autorités administratives indépendantes change : il s'agit alors de les utiliser comme des expériences d'une nouvelle façon de procéder, pour envisager de généraliser l'organisation et la méthode. Les Autorités administratives indépendantes auraient alors deux qualités nouvelles : d'une part, elles permettent d'améliorer le système avant son extension, d'autre part, elles acclimatent ces nouvelles conceptions, ce qui rend concrètement leur extension envisageable. Si le pouvoir politique adopte cette conception, qui ne met plus du tout les Autorités administratives indépendantes comme des exceptions, mais comme des organisations ordinaires par anticipation, alors la catégorie doit recevoir toutes les faveurs.

3.1.4. Les limites de la thèse des Autorités administratives indépendantes comme expérimentation d'une réforme générale de l'Etat vers un nouveau modèle ordinaire. Sur bien des points techniques ou symboliques, les Autorités administratives indépendantes peuvent être prises comme exemples. Mais en premier lieu, leur principe d'indépendance, qui est dans leur nature même, peut finir par détruire l'exécutif si le Gouvernement ne peut plus donner d'ordres à aucune administration ! Cette limite politique est d'ailleurs relayée par la Constitution qui confie au Premier Ministre la charge et le pouvoir de gouverner. Cela finit par produire un changement politique majeur, dans une sorte de suppression dans l'exécutif de l'échelon de l'administration hiérarchisée, pour se rapprocher alors d'un modèle politique tel qu'on le connaît aux Etats-Unis, au sein duquel on ne peut pas vraiment dire qu'existent des ministres. En second lieu, sur le versant financier, c'est-à-dire un versant essentiel puisque la France s'est constituée comme un Etat financier et que c'est ce biais que la réforme de l'Etat cherche actuellement à s'opérer à travers la LOLF129(*), si un nombre élevé d'administrations deviennent indépendantes, la LOLF qui a pour objectif de resserrer la cohérence de l'exercice du pouvoir budgétaire, finirait par voler en éclat130(*).

3.1.5. Les Autorités administratives indépendantes, un modèle mais non une règle. L'on peut alors en conclure que le système des Autorités administratives indépendantes est tout à la fois non généralisable sur ce qu'il aurait de plus spécifique, à savoir l'indépendance structurelle, fonctionnelle, et budgétaire, mais constitue un modèle pouvant inspirer le fonctionnement généralisé de l'Etat et de l'administration hiérarchisée notamment dans leurs rapports avec les personnes et les entreprises au travers de principes et de méthodes comme la transparence et l'actualisation.

SECTION 4 : LES AUTORITÉS PUBLIQUES INDÉPENDANTES ET LA PERSPECTIVE DE LA PERSONNALITÉ MORALE

4.0. Qualification et personnalité morale. Le vocabulaire juridique n'est pas neutre, il contient en lui-même une forte normativité, puisque le terme choisi par le législateur présuppose une qualification juridique, c'est-à-dire implique un régime juridique plutôt qu'un autre. Or, le législateur lui-même, sans recourir à la catégorie plus économique de « régulateur » (à laquelle se réfère davantage le juge), a assez souvent qualifié les organismes qu'il créait d' « Autorité administrative indépendante ». En créant l'Autorité des Marchés Financiers, il la désigna comme une « autorité publique » indépendante, du fait qu'elle lui attribuait la personnalité morale. . Un flottement de qualification qui s'en suivit a été le prix à payer pour l'attribution de la personnalité morale, à propos de laquelle la question principale est de savoir s'il convient que toute Autorité indépendante la possède. Le législateur lui-même semble hésitant puisqu'elle a été attribuée à l'Agence française de lutte contre le dopage, mais qu'elle a été retirée à la CRE, et que les Autorités elles-mêmes sont partagées sur les bienfaits ou non, sur même le réel effet ou non, d'une telle attribution.

3. Les autorités publiques indépendantes, nées de l'attribution de la personnalité morale

4.1.1. Le double jeu de la personnalité morale et de l'indépendance, porte-à-faux par rapport aux catégories du droit administratif. Le rapport du Conseil d'Etat sur les Autorités administratives indépendantes a estimé qu'il ne fallait pas aller dans la voie de la personnalité morale, en ce qu'elle retirait les Autorités des catégories usuelles du droit public, engendrant donc de l'insécurité juridique. En effet, si un « opérateur de l'Etat », pour prendre ici le vocabulaire de la LOLF, a une personnalité morale, il est sous une tutelle d'un ministre, et appelle la qualification d'établissement public. Mais si l'organe en question est tout à la fois doté d'une telle personnalité, et soustrait du fait de son principe d'indépendance, d'un mécanisme tutélaire, alors il y a nécessité de créer une nouvelle catégorie juridique, à travers la nouvelle sémantique de « l'autorité publique indépendante » pour en rendre compte131(*). On comprend dès lors qu'il ne convenait de sauter le pas et qu'il ne convient de songer à aller plus loin que si l'on peut contrebalancer une telle perturbation par des avantages certains.

4.1.2. Le précédent jurisprudentiel de la Banque de France. Il est vrai que lorsque la jurisprudence attribua la personnalité morale à la Banque de France, pour régler des questions de gestion de personnel (TC 16 juin 1997, Société La Fontaine de mars, Rec., p. 532), la décision estima prudemment que la Banque constituait une catégorie juridique sui generis, catégorie bien connue pour être le refuge de l'hésitation qualificative, signe d'un désarroi du système auquel le législateur peut désirer mettre fin, dans sa mission visée de meilleure visibilité et intelligibilité des règles en la matière132(*).

4.1.3. La solution pragmatique de l'attribution des prérogatives d'une personne juridique sans passer par l'attribution de la personnalité morale. Le législateur n'est pas nécessairement le professeur et son pouvoir normatif lui permet, s'il l'estime nécessaire, de s'échapper du schéma dogmatique précité de l'attribution d'une qualification catégorielle comme préalable au déclenchement d'un régime juridique. En effet, la souveraineté du législateur lui permet de donner à des Autorités administratives indépendantes des prérogatives juridiques « comme si » elles étaient des personnes juridiques (c'est-à-dire des sujets de droit dotés de droits et d'obligation), sans pour autant leur conférer cette personnalité. La souveraineté du législateur est tout entière dans ces « comme si ». C'est de cette façon que la COB s'est vu reconnaître le pouvoir d'intervenir dans des procédures mettant en cause son action sans passer par l'intervention de l'Agent judiciaire du Trésor. De la même façon, le Conseil de la concurrence, auquel il n'est pas pour l'instant question d'attribuer la personnalité morale, ne serait-ce qu'en raison de sa ressemblance avec une juridiction et dans la mesure où il n'est pas question d'attribuer aux juridictions une telle personnalité, a désormais le pouvoir de former des pourvois contre les arrêts de la Cour d'appel de Paris ayant réformé ses décisions.

4.1.4. Avantages et inconvénients de la méthode législative pragmatique. Si l'on se réfère aux sources du droit, cette méthode législative est légitime, car la loi est souveraine pour imputer des conséquences juridiques à des situations ou des pouvoirs à des organes, dès l'instant que la Constitution n'en est pas froissée. L'avantage d'agir ainsi tient dans le fait que la loi tient exactement les pouvoirs -d'ordinaire liés à la personnalité, notamment le droit d'agir en justice-, dont elle veut que l'Autorité administrative indépendante soit dotée. Pas plus, pas moins. Mais les inconvénients d'une telle démarche sont les suivants. En premier lieu, dans le silence de la loi, les qualifications deviennent très difficiles. Ainsi, lorsque des Autorités « transmettent » des cas aux juridictions, est-ce au titre d'un droit d'action ou non ? Plus encore, il est juste que les droits soient les miroirs des obligations. Il est dangereux et injuste qu'une attribution de prérogatives ne soit pas accompagnée d'attribution d'obligations. Or, pour prendre un exemple dans le domaine processuel, le législateur attribue au cas par cas des pouvoirs processuels, par exemple celui précité de former un pourvoi en cassation, ou celui ambigu de formuler des observations dans des instances, mais sans permettre au juge de condamner l'Autorité à prendre en charge les frais irrépétibles de l'autre partie, sur le fondement que l'Autorité ne peut être considérée comme une « partie », puisqu'elle n'est pas une personne. Cela n'est pas satisfaisant au regard de l'équité, et cela montre au passage que l'attribution de la personnalité morale à des Autorités administratives indépendantes n'est pas seulement favorable à celles-ci.

4.1.5. Les valses-hésitations des extensions de la catégorie sui generis des autorités publiques indépendantes. Le législateur semble en la matière comme hésitant. Après avoir attribué la personnalité morale à l'Autorité des Marchés Financiers, il l'a encore attribuée, il est vrai à travers un amendement de la loi de Finances de décembre 2004, à la Commission de Régulation de l'Énergie, pour la lui retirer promptement par la loi du 13 juillet 2005. Dans le même temps qu'il n'est pas décidé de procéder de cette façon systématique, le projet de loi actuellement en discussion devant le Parlement réformant le Comité de lutte contre le dopage, prévoit d'attribuer à l'agence dans laquelle ce Comité se métamorphosera la personnalité morale (projet d'article L. 3612-1 du code de la santé publique). Or, la question de la personnalité morale ne dépend guère du type de mission ou d'Autorité dont il s'agit. L'on peut considérer que les raisons de l'adopter ou de ne pas l'adopter, raisons qui seront explicitées ci-dessous, valent pour l'ensemble des Autorités administratives indépendantes. Cette question aurait donc vocation à être organisée d'une façon générale si le législateur jugeait opportun d'adopter une loi-cadre sur ces Autorités133(*). L'appréciation de cette question est à la fois d'ordre pragmatique, par un bilan des avantages et inconvénients, et d'ordre symbolique134(*), en ce que la personnalité évoque l'autonomie, être une personne serait une condition de l'autonomie juridique, ce qui rapproche alors la question de celle de l'indépendance, c'est-à-dire la qualité consubstantielle de ces Autorités administratives.

4.1.6. L'efficacité de la personnalité morale. Si le législateur attribue la personnalité morale à une Autorité administrative indépendante, ce qui est méthodologiquement supérieur à une qualification ex post par la jurisprudence ou une attribution émiettée de quelques prérogatives135(*), il peut songer offrir par ce biais aux Autorités administratives indépendantes deux nouvelles efficacités, budgétaire et processuelle.

4.1.6.1. L'efficacité budgétaire de la personnalité morale, en raison de l'interférence avec la LOLF. Comme nous le verrons, les Autorités administratives indépendantes ont du mal à s'insérer dans le nouveau schéma de la LOLF, ce qui est dommageable si l'on voit dans celle-ci plus qu'un nouvel agencement budgétaire mais le ferment d'une réforme de l'Etat dont les Autorités administratives indépendances sont précisément une autre expression. Si l'on estime que les deux logiques ne sont guère compatibles, notamment parce que la LOLF est un nouveau mode de direction de l'action de l'Etat, de gouvernance donc, et que les Autorités administratives ici en cause ne peuvent que difficilement supporter ce principe même en raison de leur principe d'indépendance136(*), alors une solution peut être de les sortir de la LOLF. Si l'on s'orientait vers cette solution radicale137(*), alors la seule façon de leur faire bénéficier de ressources affectées, sur l'usage desquelles elles ne rendraient pas de compte d'une façon hiérarchique138(*), et dans la mesure où la possibilité de prévoir des budgets annexes est désormais très limitée, la seule solution possible serait de cumuler en leur faveur et des ressources affectées et une personnalité morale attribuée. L'AMF est dotée des deux et n'entre pas pour cette raison dans la LOLF, ce qui donne une liberté budgétaire au service de l'efficacité de son action139(*).

4.1.6.2. L'efficacité processuelle de la personnalité morale. Le second type d'efficacité est d'un tout autre ordre et concerne l'action procédurale des Autorités administratives indépendantes140(*). En effet, l'action en justice correspond à l'exercice d'un droit, qui suppose lorsqu'elle est le fait d'une entité autonome la titularité d'une personnalité juridique. Faute de cela, les textes organisant les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes en la matière les ont visés d'une manière embarrassée, soit en visant des transmissions de dossiers, qui ne sont pas l'exercice d'un droit, soit en l'attribuant au président de l'Autorité administrative indépendante, président qui, en tant que personne physique, dispose d'une pleine personnalité. Cela n'est guère satisfaisant, et ce d'autant plus que l'action des Autorités administratives indépendantes est de plus en plus en liaison avec les juridictions, que cette action est de plus en plus processualisée, ce qu'entrave l'absence de personnalité. Ainsi, la loi du 1er août 2003 a en même temps donné la personnalité morale à l'Autorité des Marchés Financiers et des nouveaux pouvoirs processuels, comme la constitution de partie civile.

4.1.6.3. La symbolique des autorités publiques indépendantes. En outre, au-delà de la flexibilité technique nouvelle ainsi offerte aux Autorités administratives indépendantes, l'affaire est symbolique. La personnalité est synonyme juridique d'autonomie, puisque la philosophie de l'autonomie de la volonté se réfère à la puissance, la liberté et la rationalité de la personne. En donnant aux Autorités administratives indépendantes la personnalité morale, le législateur « fait signe » qu'il veut fortement l'indépendance de celles-ci. Il n'est pas techniquement acquis qu'il faille cette personnalité pour que les Autorités administratives indépendantes soient effectivement indépendantes et il n'y a pas d'urgence technique à leur distribuer cette personnalité, mais il peut y avoir urgence symbolique si le législateur veut expliciter sa volonté politique de soutenir l'indépendance la plus grande possible des Autorités administratives indépendantes141(*).

4. Les revers attachés à la personnalité morale

4.1.7. Personnalité morale, médaille à deux faces : la difficulté de reddition des comptes. Mais la personnalité morale n'est pas un jouet et si elle est grandement objet de discussion en raison de la symbolique d'indépendance qu'elle porte, révélant aussi la rupture avec la structure hiérarchisée de l'Etat142(*), intérêt sans doute disproportionné par rapport aux enjeux techniques, il ne faut pas négliger les effets juridiques de cette attribution. Tout est affaire de revers de médaille. En effet, dès l'instant que la personnalité morale permet aisément l'attribution de budget affecté, légitime l'absence de contrôle a priori sur les dépenses engagées ou envisagées, la question de la reddition des comptes (au sens d'accountability) que les Autorités administratives indépendantes doivent faire de leur action devient une béance : on ne peut aller aussi loin dans l'indépendance qu'en échange d'une reddition effective des comptes. Cela n'est pas pour l'instant le cas143(*).

4.1.8. La personnalité morale, médaille à deux faces : la responsabilité autonome des Autorités administratives indépendantes. En outre, si la thèse civiliste de la « réalité de la personne morale » a été inventée par la jurisprudence, alors même que la loi n'attribue pas expressément cette personnalité, ce ne fut pas tant pour donner des pouvoirs d'agir à l'organisation en cause mais pour la rendre apte à être responsable. Cette aptitude à être responsable est elle aussi synonyme de personnalité, dans son lien avec la liberté et la rationalité. Techniquement, les Autorités administratives indépendantes auront vocation à être responsables directement de leurs agissements, pourront être assignées par les personnes qui estiment avoir subi un dommage en raison d'un comportement lourdement fautif de l'autorité144(*). Est-on prêt à de telles conséquences ? Techniquement, elles supposent que les Autorités dotées de la personnalité morale trouvent des assureurs pour envisager de telles perspectives, cette assurance incitant d'ailleurs les juridictions à estimer plus facilement que les conditions de la responsabilité sont remplies. Le Conseil d'Etat, dans un avis du 8 septembre 2005, CCAMIP145(*), a souligné que cette responsabilité serait entière, l'Etat ne venant contribuer à l'indemnisation qu'en cas de défaillance de l'Autorité, laquelle devra avoir souci de s'assurer, si elle le peut. Ainsi, si le législateur répand la personnalité morale sur les Autorités administratives indépendantes, les conséquences systémiques, symboliques et économiques en seront importantes.

SECTION 5 : LA PERSPECTIVE DE RECONSTRUCTION DE LA NOTION D'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE : EXERCICE DE SUMMA DIVISIO

5. L'intérêt de construire une summa divisio entre les autorités administratives indépendantes

5.1.1. La summa divisio, ligne entre unicité et diversité de la catégorie. Les exercices de catégorisation ne sont pas que des jeux universitaires, ils permettent de donner une meilleure lisibilité à un droit de plus en plus éparpillé. En outre, ils aboutissent à mieux distinguer ce qui est commun à toutes les Autorités administratives indépendantes, ou à tout le moins à celles qui appartiennent à une même catégorie (par exemple les régulateurs économiques), pour leur appliquer un régime juridique unifié, notamment dans l'interprétation unifiée des silences de la loi, et ce qui est spécifique à certaines d'entre elles, voire propre à une seule Autorité.

La summa divisio, mode d'auto-détermination des Autorités administratives indépendantes. En outre, la division et la définition des Autorités administratives indépendantes permet de déterminer par avance l'insertion d'une organisation administrative dans telle ou telle sous-catégorie pour savoir par avance à quels types de fonctions l'Autorité doit être rattachée, de quels types de pouvoirs elle doit ou devrait être titulaire, etc.

6. Les divisions disponibles pour diviser et unifier les autorités administratives indépendantes

5.1.2. La summa divisio historique entre Régulateurs économiques et Protecteurs des personnes. La summa divisio la plus usuelle, la plus implantée et familière (ce qui suffit à la doter d'une qualité en soi), adopte le critère du type de mission, ce qui va de soi puisque les Autorités administratives indépendantes sont avant tout perçues par leur mission146(*). La distinction est alors à ce titre opérée entre les Autorités administratives indépendantes qui sont en charge d'une régulation économique et celles qui protègent les personnes. La première catégorie des régulateurs économiques se subdivise d'ailleurs entre les régulateurs de secteurs particuliers (comme l'ARCEP, la CRE, la Commission bancaire, la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, le Médiateur du cinéma) et les régulateurs dits horizontaux en charge d'une régulation pouvant toucher tous les types d'entreprises (Conseil de la concurrence, AMF, Commission d'équipement commercial, Médiateur de la République, Commission de la privatisation, Commission des clauses abusives, Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière). A cette catégorie, font face les Autorités protectrices des libertés publiques et du lien social. L'élément commun à cette catégorie est alors le souci de la personne. Dans cette autre catégorie première, on peut distinguer les protecteurs des libertés publiques (CSA, CADA, Comité consultatif national d'éthique, Commission nationale de déontologie de la sécurité, commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité), les protecteurs des personnes (CNIL, CADA, Défenseur des enfants, HALDE, Commission de sécurité des consommateur, AFSSAPS), et les protecteurs du lien social (Haut Conseil de l'Intégration, Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, Observatoire de la parité, Médiateur de la République). Cette construction de la catégorie a l'avantage d'être admise et assez claire. Elle a l'inconvénient d'opposer l'économique et le social, ce qui est un vice français, et ne sied pas à certaines Autorités. Par exemple, l'efficacité de l'action du CSA souffre sans doute de son classement dans la protection des libertés publiques et du pluralisme des opinions politiques (ce qui est indéniablement sa mission), en ce que cela semble l'exclure d'une mission de régulation économique du secteur audiovisuel, ce qui est dommageable147(*). De la même façon, la CNIL est protectrice des droits fondamentaux148(*), mais ces décisions ont un impact économique considérable, notamment par le fait d'une informatisation générale aussi bien des activités économiques que des activités sociales ou familiales149(*).

On peut d'ailleurs se demander si n'apparaît pas une troisième catégorie d'Autorités administratives indépendantes, celles en charge d'une profession, et dont le Haut Conseil du Commissariat aux comptes constituerait le modèle150(*). La fonction que remplissent actuellement les Ordres professionnels seraient assurée, en remplacement ou en renfort, par des Autorités externes à la profession concernée. Si cette nouvelle catégorie d'Autorités administratives indépendantes se confirmait, on retrouverait alors les mêmes tensions entre celles-ci et les professions en cause151(*) que celles qui furent observées entre les Autorités et l'administration traditionnelle.

5.1.3. La summa divisio organisationnelle entre régulateurs et agences. Une autre summa divisio disponible adopte le mode organisationnel, ce qui correspond davantage à une définition institutionnelle de la catégorie, oppose les régulateurs et les agences, qui ne sont qu'un mode déconcentré de l'action de l'Etat, par un souci d'efficacité ou d'acceptabilité de l'action. Les agences exercent souvent des fonctions sociales, prolongement de l'Etat-Providence. On peut insérer dans cette catégorie la HALDE, le Haut conseil de l'intégration, le Défenseur des enfants. Les agences ont souvent en charge de collecter de l'information, de donner l'alerte, de communiquer et de faire communiquer. C'est précisément l'indépendance qui les distingue de l'administration traditionnelle, mais guère plus. Leur action est souvent horizontale. A l'inverse, les régulateurs sont des structures qui ne sont pas des fonctions déconcentrées mais des nouvelles structures en charge directes de construire, avec une liberté technique, et des pouvoirs qui les font ressembler à des Etats dans l'Etat. L'AMF en est la forme la plus nette, mais l'on peut citer encore la CRE, l'ARCEP, la Commission bancaire, le CSA. L'on peut considérer que si les agences peuvent se multiplier, notamment parce qu'elles constituent une nouvelle forme générale de l'action administrative, les régulateurs doivent être créés avec davantage de prudence et de précaution. Si l'on devait donner de la pertinence à une telle summa divisio, il conviendrait que le législateur utilise un peu plus systématiquement le terme de « régulation » ou de « régulateur », lorsqu'il veut désigner la première catégorie (ART puis ARCEP, CRE) et « agence » lorsqu'il veut désigner la seconde catégorie152(*).

5.1.4. La summa divisio entre censeurs et médiateurs. Cette summa divisio reprend le critère choisi par le rapport du Conseil d'Etat, à savoir les pouvoirs, dans leur corrélation avec les missions. En effet, certaines Autorités administratives indépendantes ont une fonction violente de censeurs, en surveillant, en ordonnant, en sanctionnant. C'est le cas du Conseil de la concurrence, de l'AMF, de l'ARCEP, de la CRE. On y oppose des Autorités administratives indépendantes qui sont en charge de réconcilier, de préserver ou de restaurer des liens. On y retrouve alors le Médiateur de la République, la CADA, la HALDE, le Haut Conseil à l'intégration. Cette division, qui recouvrait souvent la division entre régulateurs économiques et régulateurs sociaux, est aujourd'hui bouleversée par le fait que cette seconde catégorie se voit dotée par des lois récentes de pouvoirs de sanction. C'est le cas de la CNIL, de la CADA et bientôt de la HALDE. Il est possible que cela transforme les Autorités administratives indépendantes chargées de médiation sociale en censeurs. Il est important que le législateur, lorsqu'il confère des pouvoirs de sanctions, généralement à la demande de l'Autorité concernée qui évoque la raison légitime de l'efficacité de son action, ait conscience qu'il fait de ce fait passer l'Autorité concernée d'une catégorie dans une autre. Cela fait perdre pertinence à cette summa divisio.

5.1.5. La summa divisio entre autorités sectorielles et autorités horizontales. La dernière summa divisio disponible non seulement pour mieux saisir les Autorités administratives indépendantes, mais encore pour mieux concevoir l'attribution de régimes juridiques unifiés par rattachement à une sous-catégorie est la différence entre les autorités qui sont en charge d'un secteur, que ce soit au titre de la régulation économique (comme l'ARCEP, la CRE, la Commission bancaire, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, le Médiateur du cinéma, ) ou au titre des libertés publiques et des protections des personnes (comme le CSA, ou la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité) et les autorités qui ont un champ d'action horizontal (comme la CADA, le défenseur des enfants, la HALDE, le Médiateur de la République). La première catégorie, en tant que les Autorités administratives indépendantes ont une action certes puissante, au regard de la mission et des pouvoirs, mais limitée dans leur objet, ne porte pas atteinte à l'unité de l'Etat, laquelle se caractérise par la globalité de l'objet de l'action administrative. La seconde y porte davantage atteinte car l'action d'une Autorité ayant un objet général, certes avec une mission limitée (comme la lutte contre les discriminations, etc.) croise alors l'action générale de l'administration traditionnelle, des juridictions, du ministère public, etc. A ce titre, le législateur doit être davantage prudent en établissant des Autorités administratives indépendantes de la seconde catégorie qu'en établissement des Autorités administratives indépendantes appartenant à la première catégorie. Cependant, cette summa divisio ne s'impose pas plus que les autres avec la force de l'évidence. Si l'on prend le cas de l'AMF, que l'on présente souvent comme une Autorité horizontale, en ce qu'elle connaît des comportements d'investissements de toutes les entreprises qui s'adressent au marché et de tous les investisseurs qui y répondent, on pourrait tout aussi bien la présenter comme un régulateur sectoriel, en tant qu'elle régule la circulation des instruments financiers sur les marchés.

L'effet pratique de la catégorisation des Autorités administratives indépendantes sur l'art législatif. Il résulte des développements qui précèdent que le législateur ne doit pas agir de la même façon suivant qu'il donne pertinence à l'une ou à l'autre des summa divisio ici recensés. Comme il a été montré, la prudence du législateur, l'une de ses premières vertus, s'exercera différemment suivant l'une ou suivant l'autre.

CHAPITRE III - INDÉPENDANCE DES MEMBRES ET PERTINENCE DES MOYENS HUMAINS

6.0. Puissance pléonastique entre Autorités administratives indépendante et souci d'indépendance des membres. Il a été souligné l'exigence tautologique, presque pléonastique, d'indépendance pour ces Autorités administratives indépendantes. L'indépendance des Autorités tient beaucoup à l'indépendance de leurs membres, car de fait ce sont eux qui délibèrent et prennent les décisions imputées à l'Autorité. C'est alors pour le législateur un devoir que de permettre à ces personnes, exemplaires mais ordinaires, de demeurer dans leur office. En outre, l'indépendance des Autorités administratives indépendantes n'est pas question que d'aptitude morale à résister à la capture des uns et des autres, du Gouvernement ou des entreprises régulées ou de risques plus impalpables mais non moins dangereux, comme la gloire ou l'affection. L'indépendance est encore conditionnée par l'aptitude à comprendre les enjeux des décisions que les Autorités doivent prendre, des positions qu'elles doivent adopter.

6.0.1. Le lien entre les moyens humains et budgétaires et l'indépendance des Autorités. L'indépendance est encore conditionnée par l'aptitude à comprendre les enjeux des décisions que les Autorités doivent prendre, des positions qu'elles doivent adopter. Pour cela, la question des moyens humains, comme celle des moyens budgétaires, ne doit pas être traitée séparément de la question de l'indépendance, mais conçue comme lui était directement liée. Il serait certes faux d'affirmer que les moyens sont une condition sine qua non de l'indépendance, car des Autorités peuvent fonctionner sur des mécanismes de bénévolat, comme le Haut Conseil à l'Intégration - qui est constitué d'une quinzaine de bénévoles- ou le Comité Éthique, et tirer de cette absence de moyens le fonds de leur indépendance. Qui n'est payé est libre. Mais dans beaucoup d'autres cas, le lien est plutôt une articulation entre des moyens, notamment financiers, notamment de rémunération, suffisants et l'effectivité de l'indépendance.

6.0.2. Le lien entre l'indépendance et l'impartialité. Le pléonasme précité entre l'indépendance et les Autorités administratives indépendantes n'est pas si évident et simple : l'indépendance n'est qu'une condition pour l'effectivité du véritable critère, qui est celui de l'impartialité. Même si les Autorités ne sont pas des applicateurs mécaniques des règles mais qu'elles doivent les appliquer d'une façon orientée pour satisfaire expressément le but pour la satisfaction duquel elles ont été édictées, notamment à travers des régulations asymétriques systématiquement défavorables aux opérateurs historiques et favorables aux entreprises nouveaux entrants, ou à travers des comportements toujours favorables à une catégorie de personnes qu'il s'agit de protéger, les enfants ou les victimes des discrimination par exemple, elles doivent toujours le faire d'une façon impartiale.

6.0.3. Conséquences du lien entre l'indépendance et l'impartialité. Il convient tout d'abord de définir l'impartialité. L'impartialité caractérise la qualité d'un homme, d'une structure ou d'une procédure qui assure l'application neutre de la règle. L'impartialité a partie liée avec la légalité, c'est pourquoi elle est un principe clé du système juridique. L'impartialité est ce qui doit caractériser celui qui applique les règles ou les principes que le politique, Gouvernement ou Parlement, a posés par choix (c'est-à-dire par préférence, c'est-à-dire par partialité légitime). A ce titre, les Autorités administratives indépendantes sont à la même aune que les juridictions, à la fois indépendantes pour mieux être impartiales, mais aussi liées par les buts que le politique a fixés.

6.0.4. La dialectique entre l'indépendance et l'impartialité. On mesure ainsi l'ambiguïté de l'impartialité, car à la fois elle est ce pourquoi les Autorités administratives indépendantes doivent être indépendantes, afin d'appliquer d'une façon neutre la règle, et ce sur quoi elles devront rendre des comptes, notamment devant les juridictions qui apprécieront leurs décisions. Ainsi, l'indépendance des Autorités administratives indépendantes doit être assurée pour leur permettre d'être impartiales, pouvoir d'impartialité (éviter les captures notamment) mais aussi devoir d'impartialité qui les contraint.

SECTION 6 : GARANTIE D'INDÉPENDANCE DES MEMBRES

Il s'agit ici d'opérer une synthèse des diverses garanties d'indépendance des membres des Autorités administratives indépendantes, pour essayer dans un second temps de les évaluer, pour mieux aboutir à des propositions visant à les conforter. Le détail des règles ci-dessous rassemblées est accessible par ailleurs à travers le maniement de la banque de données réalisée sur CD et jointe à la présente étude.

1. Synthèse des diverses garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.1. La garantie d'indépendance par transitivité par rapport à la personne qui nomme. On peut soutenir que par transitivité la personne nommée, soit comme membre du collègue, soit comme président, va bénéficier de l'autorité politique et morale de celui qui l'a nommée. On évoque souvent cet argument pour asseoir l'utilité d'attribuer ce pouvoir de nomination aux autorités politiques, tel que le Président de la République ou les Présidents des deux Assemblées. De la même manière, la façon particulière de désigner le président de la CNIL, lequel, contrairement aux autres Autorités, n'est pas désigné « de l'extérieur », mais est désigné par les membres de l'Autorité, comme le serait un président d'un conseil d'administration, peut à la fois faire écran à l'égard du politique et conserver la légitimité de l'élection interne. On oppose parfois la forte légitimité qui résulte d'un lien avec le politique, par rapport à celle plus suspecte des choix des régulateurs par les opérateurs eux-mêmes, selon le modèle peu accepté en France de l'autorégulation. Mais l'on peut considérer qu'il s'agit d'un procédé ayant la vertu de légitimer la nomination plus que de garantir l'indépendance des membres. En effet, ce qui peut favoriser l'indépendance des membres de l'autorité n'est pas tant le lien avec celui qui le nomme, mais bien le contraire, à travers ce que l'on peut désigner comme « un devoir d'ingratitude ». C'est pour rendre accessible le respect de ce devoir d'ingratitude que toutes les règles d'organisation des Autorités administratives indépendantes ont organisé les mandats.

6.1.2. Les incompatibilités. Toutes les désignations des membres du collège des Autorités administratives indépendantes sont assorties de textes relatifs aux incompatibilités. L'idée est qu'il n'est pas possible d'être indépendant si l'on est en conflit d'intérêts. Quand bien même les membres de l'Autorité auraient la force morale de se détacher d'un intérêt qui les attire d'un côté, l'impartialité et l'indépendance doivent « se donner à voir », l'apparence d'un conflit d'intérêt suffisant pour compromettre le crédit de l'Autorité. Ce principe est retenu pour chacune des Autorités administratives indépendantes. Les incompatibilités visent les fonctions qui sont interdites à un membre de l'Autorité, sous peine de le mettre en conflit d'intérêt. Les incompatibilités sont essentielles à propos des Autorités administratives indépendantes qui ont une prise directe sur des administrations, le Gouvernement, ou des entreprises, ce qui concerne très directement les régulateurs économiques en charge d'un secteur, qui plus est lorsqu'une entreprise publique opère sur celui-ci. S'il est vrai que la règle vaut pour toutes, car il y a toujours des intérêts sur lesquels les Autorités ont prises, la question n'est véritablement cruciale que pour les Autorités qui régulent un secteur économique et non pas seules qui sont des médiateurs sociaux153(*).

6.1.2.1. Le principe de l'incompatibilité, ses modalités et, son interprétation. Selon les textes, les incompatibilités sont visées une à une, type de fonction par type de fonction154(*) soit sous la forme d'une liste de fonctions incompatibles155(*), soit sous la forme d'un principe156(*). Le plus prudent est d'ailleurs de marier les deux méthodes, viser les exemples les plus nets et également le principe. Certes, si l'on recherche l'élégance législative, l'énoncé du principe suffirait, mais quelques exemples permettent également d'éclairer le principe général. L'énoncé du principe permet en outre d'assurer une interprétation large des incompatibilités. Certes, l'on pourrait considérer que les causes d'incompatibilités doivent être strictement interprétées en ce qu'elles limitent le pouvoir de nomination et l'accès aux charges publiques, mais il faut au contraire affirmer que les incompatibilités étant ce qui établit l'indépendance qui se donne à voir, principe consubstantiel aux Autorités administratives indépendantes, doivent être interprétées largement. Pour accorder plus de force et de sécurité à cela, le législateur pourrait le préciser, éventuellement au sein de la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes.

6.1.2.2. Les exceptions de l'incompatibilité. Les incompatibilités touchant toutes les fonctions impliquant la personne considérée dans le secteur considéré, le droit français en exclut traditionnellement deux fonctions : la fonction universitaire et la fonction parlementaire, les professeurs d'universités et les parlementaires pouvant continuer à exercer leurs fonctions en même temps que leur office au sein d'une Autorité. Cela est fait au nom d'un principe juridique d'indépendance et des professeurs d'universités et des parlementaires. Dans une perspective moins juridique, plus pragmatique, et si l'on a une conception plus triviale de l'indépendance, doit-on laisser perdurer ces exceptions ?

6.1.2.3. Pragmatisme de l'incompatibilité : des fonctions au patrimoine. Justement, ce même pragmatisme doit relativiser la distinction entre les fonctions, les comportements et les actifs patrimoniaux. En effet, le véritable critère est celui de l'évitement des conflits d'intérêts, pour une indépendance qui se donne à voir, et dès lors tout lien doit être évité. Dans cette conception à la fois très large et triviale, l'intérêt n'est pas lié qu'à la fonction mais aussi à l'impact patrimonial de l'action des Autorités administratives indépendantes. Il en résulte des règles que l'on pourrait désigner d'« incompatibilité patrimoniale », interdisant des détentions d'intérêts patrimoniaux. Dans certains cas, les textes exigent encore une transparence patrimoniale, concrétisée par des obligations de déclaration ou des déclarations d'alerte157(*).

6.1.3. L'irrévocabilité des mandats. La deuxième garantie de l'indépendance des membres des collèges des Autorités administratives indépendantes n'est plus placée dans les règles d'accès à la fonction, mais dans la règle de maintien dans la fonction. Tous les textes d'organisation des Autorités administratives indépendantes prévoient que les mandats des membres des collèges sont irrévocables, éloignant leur titulaire non seulement de révocation ad nutum, mais encore, allant donc au-delà de la règle ordinaire, bloquent une révocation qui serait fondée sur une faute. Le but est d'éviter les mesures de rétorsion de la part du Gouvernement. La règle est donc de protection d'une capture de l'Autorité par le politique. On observera là encore que cette sorte d'immunité ainsi engendrée au bénéfice de la personne désignée accroît encore l'importance de la reddition des comptes.

6.1.4. La durée des mandats. Les textes sont beaucoup moins homogènes en ce qui concerne la durée des mandats158(*). Pour apprécier cette hétérogénéité, et estimer qu'il convient ou non d'unifier la durée des mandats, à travers la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, il faut souligner le lien avec l'impératif d'indépendance. Il n'est pas évident. Mais il faut tenir compte du lien entre l'indépendance et la compétence : est vraiment indépendante la personne qui maîtrise et l'objet sur lequel porte son action (secteur technique, situation sociale), et les moyens de son action (pouvoirs, relations avec les parties prenantes). Il faut donc un temps suffisant pour que s'opère un tel apprentissage, notamment pour permettre de ne pas recruter les membres des Autorités administratives indépendantes uniquement parmi des experts déjà acquis aux secteurs ou aux problématiques sociales en cause. Certes, ce temps d'apprentissage peut varier selon les Autorités mais, au regard de la lisibilité du système, il pourrait être efficace de prévoir une durée standard, par exemple 6 ans (ce qui rend plus aisé le renouvellement par tiers du collège), sauf à ce que le législateur en dispose autrement.

6.1.5. Le lien entre indépendance et compétence. Si l'on estime qu'il y a un lien entre l'indépendance et la compétence, alors non seulement la durée du mandat doit être suffisante pour accroître et asseoir cette compétence, mais encore il serait bon que les personnes choisies pour entrer dans le collège et les personnes désignées comme président aient avant leur désignation des compétences requises. Cela croise certes la question des moyens humains, mais cela fonde aussi la crédibilité de l'Autorité, c'est-à-dire son indépendance et sa puissance, ces trois qualités étant étroitement liées. Pour l'instant, l'exigence de compétence n'est généralement requise que lorsque entrent dans l'Autorité des « personnalités qualifiées »159(*), par tautologie, mais pas pour les membres du collège désignés à un autre titre. Dès lors, il faut s'en tenir à la conscience de ceux qui désignent. On peut penser que cet aspect pourrait être amélioré, en veillant à ne pas contraindre excessivement le pouvoir de choix des auteurs de nomination160(*).

6.1.6. La garantie d'indépendance par anticipation et le double risque de capture. La garantie d'indépendance par anticipation est devenue plus importante encore que la garantie d'indépendance avant la nomination (à travers les incompatibilités, de fonction ou patrimoniale) du fait de la considération théorique et factuelle du fait que les personnes dans leur choix présent anticipent leur situation future et la corrélation qu'ils ont le pouvoir d'établir entre les deux. Cette rationalité théorique se concrétise d'autant plus que de fait les personnes concernées sont aptes à maîtriser de nombreuses informations et sont sociologiquement sensibles à la notion de carrière. Sans doute pourra-t-on dire que la notion de « carrière » porte ici à faux, que l'on ne peut dire ni encourager le fait de « faire carrière » dans un collège d'Autorité. Le législateur doit lui-même opter sur la dose de pragmatisme, qui pousse à la référence à une « carrière », avec laquelle il entend organiser cette question, laquelle, si le sens du service public était seul à occuper la tête des personnes concernées, n'aurait pas même à être posée.

6.1.7. Le jeu dialectique des deux règles garantissant l'indépendance par anticipation. Cette capacité d'anticipation, que certes la conscience du bien public peut neutraliser en partie, peut porter atteinte à l'indépendance de deux côtés. A l'égard de celui qui a nommé (ou qui peut influencer celui qui nomme), ce qui conduit à la règle de mandats non renouvelables ; à l'égard de ceux sur lesquels le pouvoir est exercé, ce qui conduit à imposer un délai de viduité à la fin du mandat. Les deux règles sont liées, non seulement parce qu'elles visent à éviter chacune une capture par anticipation, mais encore parce qu'elles ont un effet l'une sur l'autre, puisque dans une conception radicale, à la fois la personne considérée ne peut continuer à faire carrière dans l'autorité, mais ne peut pas non plus la continuer à l'extérieur.

6.1.7.1. Le caractère non renouvelable des mandats. La plupart des textes organisant les Autorités administratives indépendantes prévoient le caractère non renouvelable des mandats des personnes nommées dans le collège161(*). Cette règle ne présente que des avantages à l'égard de l'exigence d'indépendance à condition d'être articulée à deux autres règles. Tout d'abord, les mandats doivent être loin, pour que l'effet d'apprentissage précité joue, alors même que la personne ne pourra pas continuer à demeurer dans l'autorité. Ensuite, parce que les organisations doivent bénéficier de la présence de personnes qui incarnent la « mémoire » de l'institution, notamment parce qu'il s'agit de maintenir la permanence d'une certaine doctrine, permanence requise pour la sécurité juridique. C'est pourquoi les membres du collège doivent être renouvelés par tiers. C'est d'ailleurs généralement ce qui est prévu dans les textes organisant les Autorités administratives indépendantes.

6.1.7.2. L'interdiction d'une reconversion immédiate dans une entreprise concernée. En ce qui concerne le risque de capture à l'égard des entreprises dont les intérêts sont concernés par les décisions de l'Autorité, la règle est beaucoup plus ferme à l'égard des Autorités administratives indépendantes dont l'acte porte directement sur un secteur économique ou sur des opérations économiques, comme les privatisations par exemple162(*), que pour les Autorités ayant une fonction moins directement économique, comme le Comité d'éthique. Dans la même mesure où la distinction entre les Autorités de régulation économique et les Autorités de médiation sociale ne recouvre qu'imparfaitement la classification des Autorités administratives indépendantes163(*), l'on pourrait songer à étendre la règle aux régulateurs sociaux.

6.1.7.3. Le délai de viduité. Il peut arriver que les textes prévoient un délai particulier durant lequel le membre du collège de l'autorité sera interdit de reconversion dans une entreprise concernée par son action passée164(*). Cela conduit certes à prendre une règle propre à l'Autorité mais aussi à saisir toutes les personnes membres du collège, et non pas seulement les fonctionnaires. Lorsque le texte ne le prévoit pas, ceux-ci sont par ailleurs soumis à la règle générale qui interdit à un fonctionnaire d'aller dans une entreprise sur laquelle il a pu exercer son pouvoir de contrôle et à se soumettre à la procédure de contrôle généralement organisée au sein de l'Etat devant la Commission de Déontologie. On soulignera que la Commission de Régulation de Énergie a mis en place une procédure interne

qui permet de gérer au mieux et sans à-coup ce passage du régulateur au secteur privé165(*).

6.1.7.4. La prise en charge déontologique de la reconversion au sein de l'administration ou à travers la profession d'avocat. Certes, lorsque le membre du collège décide de devenir avocat, il peut le faire sans aucune restriction, au nom de l'indépendance de l'avocat, qui ne rend sous la dépendance d'aucune entreprise166(*). Cependant, la déontologie conduit l'avocat à se déporter lorsqu'un dossier concerne une entreprise sur laquelle il a exercé son office. De la même façon, un membre d'une juridiction retournant dans celle-ci après avoir été membre désigné d'un collège d'une Autorité, se déportera lorsqu'un cas croisant son ancien office devra être tranché167(*).

6.1.8. La garantie d'indépendance par le fonctionnement collégial de l'Autorité administrative indépendante. D'une façon générale, l'indépendance des membres est préservée lorsque ceux-ci ne peuvent être ni séduits, ni pris à partie, double face de la capture. Pour cela, il est souvent affirmé, notamment par les membres des Autorités administratives indépendantes eux-mêmes, que la meilleure garantie de leur indépendance est la collégialité. Cela tient à la vertu de l'anonymat engendré par la collégialité : les tiers ne pouvant imputer la décision à une personne précise, celle-ci devant être placée hors de portée des ressentiments, récompenses et manigances, non seulement pendant que la personne concernée est en fonction mais encore, et surtout, lorsque celle-ci a pris fin.

2. Évaluation des garanties d'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.9. L'objet de l'évaluation. Pour évaluer les garanties d'indépendance des membres par rapport au but même, il convient d'apprécier l'effectivité de ces garanties dans la distance qui sépare le fait et le droit. Dans cette considération des faits, il faut faire interférer un souci trivial essentiel, à savoir la nécessité de bénéficier des personnes les plus compétentes pour intégrer les Autorités administratives indépendantes. En outre, si l'indépendance est centrale, on doit aussi évaluer les effets que les règles de garanties produisent sur des principes tout aussi primordiaux comme le principe de transparence ou la nécessité de rendre des comptes.

6.1.10. Part des garanties juridiques et part des garanties a-juridiques dans l'indépendance des membres des Autorités administratives indépendantes. La question de l'indépendance est l'une des plus difficiles qui soit car l'essentiel est dans la concrétisation, dans l'indépendance effective. Or, l'indépendance peut être ineffective alors que les textes en ont posé les garanties mais l'inverse est aussi vrai : l'indépendance peut être effective alors même que les textes ou l'organisation générale de l'Autorité n'en auraient pas donné toutes les conditions. Comme il a souvent été souligné, l'indépendance est un état d'esprit, et l'état d'esprit ne se décrète pas. Lors des entretiens, et non seulement ceux menés avec des membres de l'Autorité mais encore avec des destinataires de son action, il a été souvent relevé que l'indépendance de l'Autorité en cause est effective, au-delà ou en-deça des textes.

6.1.11. L'outil juridique le plus adéquat pour traduire l'informel : le code de déontologie. Même s'il ne faut pas nécessairement accorder tout crédit à l'affirmation de normes semi-juridiques, il est vrai que la déontologie cristallise cet entre-deux, puisqu'on considère généralement que les normes déontologiques sont à mi-chemin entre les normes juridiques et les normes morales. Plus encore, puisqu'il s'agit d'une conscience morale commune aux membres de l'autorité, le lieu le plus naturel d'émission de ces règles semi-formelles sera l'autorité elle-même, notamment à travers un règlement intérieur ou un code de bonnes conduites. Par exemple, le CSA a adopté un tel code de déontologie par une délibération du 4 février 2003. On y trouve à la fois des rappels à la loi, y compris la loi pénale (sur la prise illégale d'intérêts, par exemple), et des obligations plus nettement morales, comme la prudence qui doit convenir à l'acceptation de cadeaux168(*).

6.1.12. Les garanties informelles : compétence, intégrité, hétérogénéité. Pour qu'une personne soit hors de portée des pressions, il convient qu'elle ne s'y prête pas d'elle-même. Et cela, les textes n'y peuvent rien. L'intégrité ne se décrète pas. C'est la responsabilité politique - et non pas juridique - de ceux qui désignent que de veiller à l'intégrité de celui qui est nommé. Nous ne sommes pas dans le domaine de la règle, mais de phénomènes tels que la réputation et la crédibilité, dont les théories aussi bien morales qu'économiques (capital de la notoriété) ont pu rendre compte, mais que le droit ne peut guère mettre en règle ex ante. En outre, il convient ici de rappeler que la capture n'est pas seulement le fait d'une corruption, hypothèse que compte tenu des moeurs françaises le législateur ne doit pas avoir en premier à l'esprit, mais aussi le fait d'un sentiment d'identité entre membres de l'Autorité, ou entre ceux-ci et des parties prenantes, qui les empêche de prendre distance. La capture, que l'on peut donc définir comme ce manque de distance, peut tenir encore au fait que les membres des Autorités n'ont pas les moyens d'être critiques par rapport aux informations que les parties prenantes leur transmettent ou, pire encore, n'ont pas les moyens de déterminer la pertinence des questions posées. Dès lors, la compétence est la garantie la plus forte de l'indépendance. Là encore, le droit va avoir du mal à organiser par la règle ce lien entre compétence et indépendance.

6.1.13. Les effets pervers de la garantie d'indépendance : désincitation de la compétence. En outre, l'évaluation doit porter sur ce qu'on obtient par des règles garantissant l'indépendance des membres, au besoin contre leur liberté d'action, comme effets négatifs, et alors même qu'il vient d'être souligné que l'indépendance est avant tout un état d'esprit. L'effet négatif est très souvent souligné : les personnes compétentes et qui sont encore en âge de devoir considérer la suite de leur activité professionnelle après leur passage dans l'Autorité, sont incitées à ne pas y entrer ! 169(*) Cela peut n'être pas crucial dans deux hypothèses, qui peuvent d'ailleurs se croiser, lorsque d'une part la dimension technique est relativement peu présente dans la mission de l'Autorité, ou lorsque d'autre part de nombreuses personnes compétentes sont disponibles. Si nous sommes dans la double hypothèse inverse, par exemple en ce qui concerne la régulation bancaire, financière, énergétique ou des télécommunications, l'Autorité risque d'être privée de compétences170(*). Dès lors, le cercle vicieux fonctionne, car les compétences sont, nous l'avons vu, la meilleure garantie de l'indépendance ... Cela incite à avoir une conception moins radicale des règles d'indépendance à la fois en amont (incompatibilité) et en aval (pantouflage). Il est remarquable que l'évolution des règles déontologiques régissant les membres de la CNIL soit allée non pas vers plus de sévérité, mais au contraire vers plus de souplesse171(*).

6.1.14. L'excessive distinction entre fonctions de décision et fonctions de préparation. Il est frappant que le dispositif légal soit à la fois très protecteur et très contraignant pour les membres du collège mais n'existe pas de la même façon pour les membres des services techniques172(*). Cela tient à l'idée que seuls les membres du collège décident, et qu'ils sont donc ceux pour lequel l'indépendance est vitale en raison de cet exercice de choix entre des solutions possibles, tandis que les membres des services techniques sont ceux qui préparent l'information du collège pour lui permettre d'adopter une solution plutôt qu'une autre, cette absence de participation au pouvoir de décision ne rendant pas cruciale leur indépendance. Mais si ce partage des tâches est bien celui là dans les textes, il demeure qu'indépendamment même des volontés ou stratégies personnelles, celui qui prépare les dossiers a une influence sur celui qui décide. Donc, il conviendrait que le législateur protége aussi l'indépendance des cadres des services techniques.

6.1.15. Les difficiles articulations entre les garanties d'indépendance et d'autres principes. En outre, l'indépendance ne doit être renforcée que si elle ne met pas à bas d'autres principes. Par exemple, l'indépendance ne doit pas conduire à une irresponsabilité. C'est pourquoi les garanties d'indépendance ne doivent monter en puissance que si dans le même temps les mécanismes de reddition des comptes sont également renforcés. On en arrive alors à l'affirmation méthodologique comme quoi les mécanismes de reddition des comptes sont essentiels parce que l'indépendance est essentielle. L'un ne vient pas en compensation de l'autre. C'est le contraire, l'un ne va pas sans l'autre. On en arrive à l'affirmation à première vue paradoxale que l'indépendance a sa meilleure garantie dans la reddition des comptes. De la même façon, l'indépendance, dans son lien avec l'autorité, implique une certaine transparence173(*), laquelle ne peut que difficilement s'articuler avec l'anonymat.

3. Propositions visant à conforter l'indépendance des membres des autorités administratives indépendantes

6.1.16. La saturation juridique des règles de garantie directe d'indépendance. Si l'on peut s'exprimer ainsi, toute la « panoplie » des garanties directes de l'indépendance est déjà complète, et l'on voit mal, à part le rappel de l'ensemble de ses règles d'incompatibilité de fonction et patrimoniale, d'irrévocabilité des mandats, et de protection contre la capture par anticipation, au sein d'une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, quelle règle directe pourrait encore être proposée. On se trouve ici face à une sorte d'aporie normative : la loi fait tout pour préserver grâce au droit l'indépendance, mais l'indépendance est avant tout une question de fait et d'état d'esprit. C'est dès lors vers cela, d'une façon nécessairement limitée donc, que l'action du législateur peut tout d'abord se tourner.

6.1.17. La contribution à l'impalpable de l'indépendance. Le législateur peut y contribuer d'une façon indirecte, à travers l'impalpable de l'autorité et du prestige. En effet, plus les Autorités administratives indépendantes auront de l'autorité et plus leurs membres seront enclins à y contribuer par leur indépendance. De la même façon, le prestige des Autorités administratives indépendantes est un élément d'indépendance et d'attractivité des compétences. Le législateur peut y contribuer d'une façon indirecte en contribuant au prestige des Autorités administratives indépendantes, notamment en ne modifiant pas ses règles d'une façon impromptue ou en ne la privant pas de pouvoirs. Plus encore, le Parlement pourrait offrir aux Autorités administratives indépendantes l'adossement de son propre prestige, à travers une innovation proposée plus loin dans l'optique principale de la reddition des comptes, qui peut aussi être évoquée ici : si les membres du collège pressentis par ceux qui ont le pouvoir de les désigner, sont reçus par le Parlement pour une discussion préalable à leur prise de fonction174(*), alors les personnes désignées y gagneront en prestige.

6.1.18. L'enjeu de l'indépendance par la compétence et la technique des pré-requis. Nous avons vu que par ailleurs les compétences techniques des membres du collège sont un gage d'indépendance, car ceux-ci ne sont donc pas dépendants de ceux qui leur apportent de l'information, la compétence technique étant d'ailleurs aujourd'hui une source première de prestige, et donc d'autorité. Cela repose en principe sur la rationalité et la sagesse de ceux qui nomment que de désigner une personne présentant cette qualité technique, qualité qui varie d'ailleurs suivant le type de mission confiée à l'Autorité. Là aussi, le fait est plus rassurant que le droit. Mais si l'on cherche à améliorer en droit le système, peut-on concevoir que le législateur exige, au-delà de la catégorie des « personnalités qualifiées »175(*) ?

6.1.19. La forme que pourrait prendre cette considération des compétences. L'on pourrait aller plus loin en exigeant d'une façon générale une expérience en corrélation avec la mission de l'autorité. Cette règle pourrait prendre place dans la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. Certes, cela conduit à contraindre l'ampleur de la discrétion du pouvoir de nomination, ce qui, notamment lorsque les désignations émanent du président de la République ou des présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat, peut susciter des réticences. Si l'on estime que cela n'est pas nécessairement une faille dans la mesure où les Autorités administratives indépendantes sont insérées dans l'Etat mais sont détachées du politique, et à la condition que par ailleurs ces Autorités rendent des comptes de leur action au politique (par un rapport au politique passé de l'ex ante à l'ex post), alors on peut concevoir d'opérer cette restriction au regard du pouvoir de nomination, puisqu'elle accroît l'autorité et l'indépendance de l'Autorité.

6.1.20. L'incitation à recourir à des règles semi-contraignantes. Cela est d'autant plus admissible si ces références à la compétence technique ne sont pas dotées d'une force juridique pleine. En effet, la compétence peut être mentionnée par la loi comme une qualité que celui qui désigne prendra en considération. La compétence technique peut être ainsi un objectif, un critère pris en considération, ce qui, si l'on associe à l'audience des personnes pressenties par le Parlement176(*), peut permettre à ce critère, dont il faut rendre compte publiquement même s'il ne faut pas en rendre compte juridiquement, d'être pris en considération dans les faits.

6.1.21. La protection de l'indépendance et la structuration des Autorités autour d'un collège. En premier lieu, le législateur doit sans doute favoriser systématiquement la forme d'Autorités administratives indépendantes fonctionnant à partir d'un collège, structure qui permet le mieux les décisions en collégialité. Les textes qui organisent les Autorités administratives indépendantes adoptent généralement ce système du collège, qu'il s'agisse de l'Autorité des Marchés Financiers, de l'ARCEP, de la CRE, ou de la CNIL177(*). Certes, le Médiateur de la République ne correspond à cette structure, ce qui permet l'avantage d'être très visible, et l'on ne cherche guère à revenir sur cette organisation qui lui est propre, pas plus que sur celle du Défenseur des enfants, autre Autorité dite « personnalisée », qui présente le même avantage notamment dans le contact avec les médias et l'opinion publique. Cette collégialité conduit mécaniquement à réduire la transparence. Mais l'on peut à la fois bénéficier de cette visibilité et cette responsabilité personnelle, à travers la personne du président de l'Autorité administrative indépendante, et de l'indépendance de la collégialité d'un collège.

SECTION 7 : PERTINENCE DES MOYENS HUMAINS DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

7.0. Dans une conception abstraite de l'art législatif, on ne se soucie guère des moyens dont disposent les organisations. Dans une conception plus concrète, dans laquelle les principes sont dans l'intendance, la question des moyens devient essentielle. Certes, la législation ne peut guère les organiser, notamment si l'on considère que la législation ne doit pas entrer dans les détails des organisations, mais c'est bien à elle de donner aux Autorités administratives indépendantes les marges de manoeuvres, de décision de gestion et de règles budgétaires, permettant à celles-ci d'ajuster les moyens humains à la mission confiée. C'est pourquoi avant d'exposer ces règles d'autonomie, il convient d'expliciter cette adéquation entre moyens humains et missions.

4. Pertinence des moyens humains des autorités administratives indépendantes par rapport à leurs missions

7.1.1. Les besoins relativement modestes des Autorités administratives indépendantes en personnel. Il est difficile de formuler une règle valant pour toutes les Autorités administratives indépendantes.

Sans doute faut-il faire un sort particulier aux Autorités qui ont besoin de « capteurs »178(*), c'est-à-dire de personnes qui sont disséminées pour percevoir les informations, techniques ou sociales. Il en est ainsi du Médiateur de la République179(*), ou du Défenseur des enfants180(*), ou plus nouvellement encore de la CNIL181(*). Le plus souvent, il s'agit de « bénévoles indemnisés ». D'une façon plus générale, cela peut être le cas en protection du consommateur, des enfants, ou des autorités de médiation sociale, ce qui requiert du personnel sur le terrain.

Cette circonstance n'est pas d'ailleurs donnée, puisqu'il peut arriver que l'évolution de la mission d'une Autorité la conduise à requérir de tels capteurs qui n'étaient pas requis dans une conception précédente plus restrictive de sa mission. Ainsi, la CNIL qui avait avant sa réforme de 2004 une définition assez passive de sa mission en a aujourd'hui, notamment du fait de cette réforme, une conception plus dynamique, qui la conduit à mettre en place des délégations sur l'ensemble du territoire français.

Les autres Autorités administratives indépendantes ont des offices beaucoup plus concentrés sur des activités normatives qui sont ce que l'on pourrait désigner comme des services à haute valeur ajoutée, nécessitant avant tout de l'expertise technique.

7.1.2. A ce moment, l'enjeu est de pouvoir recruter le nombre relativement restreint de personnes requises, en leur offrant des salaires pouvant entrer en compétition avec ceux du marché182(*).

7.1.3. La pénalisation budgétaire des Autorités administratives indépendantes les plus anciennes par rapport aux Autorités les plus récentes. Cependant, certaines Autorités administratives indépendantes ont des moyens budgétaires qui ne sont pas à la hauteur de la technicité de leurs missions.

Il en est ainsi du Conseil de la concurrence, qui ne dispose annuellement que d'un budget de 10 millions d'Euros, alors qu'il doit traiter des cas d'une grande technicité et fait face à des entreprises qui peuvent mobiliser des moyens financiers considérables pour apporter au Conseil des informations élaborées en leur faveur.

Le Conseil est démuni par la faiblesse de son budget, faiblesse qui l'offre en capture au secteur économique sur lequel il doit exercer son emprise, et alors même que l'asymétrie d'information est le plus grand risque pour l'efficacité, la légitimité et l'indépendance d'une autorité. Pourquoi cette situation très dommageable pour l'Etat, dont le Conseil de la concurrence est un organe et dont il ne peut pas vouloir la faiblesse ?

Cela tient sans doute au fait que le Conseil de la concurrence a été créé relativement anciennement par rapport à d'autres Autorités administratives indépendantes. Il demeure donc dans les règles que l'on jugeait adéquates en 1986. La pesanteur, notamment dans les négociations budgétaires des situations annuelles précédentes, le maintient en quelque sorte au sol, alors que des Autorités administratives indépendantes plus récemment créées, sont dotés de moyens humains et financiers qui correspondent aux enjeux actuels (par exemple la CRE, qui dispose à juste titre d'un budget, de 20 millions d'Euros).

Cela n'est dû à cette pesanteur historique qui favorise ce que l'on pourrait désigner comme les organismes nouveaux entrants dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. L'absence de raison plus forte devrait conduire à reconsidérer cette situation.

7.1.4. Les besoins d'un personnel hautement qualifié. Cette nécessité d'une grande expertise technique au sein du personnel de l'Autorité doit être corrélée avec le fait que les membres du collège, dans le système actuel, n'ont pas nécessairement à être dotés de toutes les expertises requises183(*) et que les membres du collège, collège dont l'existence est désormais quasiment la règle dans les Autorités administratives indépendantes, ne consacrent pas un temps plein à y siéger, à l'inverse du Président et du Directeur général qui sont généralement à plein-temps184(*). Par exemple, les membres du collège de l'AMF y consacrent de 10 à 20% de leur activité professionnelle, de même que ceux de la CNIL y consacrent une partie très minoritaire de leur temps, et l'on pourrait dire de même de quasiment tous les membres des collègues d'Autorités.

7.1.5. Les membres du collège de la HALDE y consacrent un temps « variable »185(*). Les expertises des services doivent donc être fortes et de multiples natures, les différents tableaux accessibles informatiquement montrant qu'elles varient suivant la mission donnée aux autorités.

7.1.6. L'essentiel pouvoir des Autorités administratives indépendantes à choisir elles-mêmes les personnes requises. Dans des schémas anciens, dont certaines traces demeurent, les Autorités administratives indépendantes disposaient de personnels composés de fonctionnaires, ce qui n'est pas nécessairement un grief, encore moins dans des matières dans lesquelles l'administration traditionnelle avait amassé une grande expertise (comme en matière de télécommunications au moment de la libéralisation).

Le constat peut tourner en grief s'il s'avère que ce sont les ministères qui peuvent choisir le personnel qui sera transféré dans l'Autorité en question. Aujourd'hui, le principe de l'autonomie de gestion, qui vient compléter l'autonomie financière ou qui en compense l'absence186(*), permet d'éviter cela. Cela est d'autant plus requis pour les fonctions qui au sein de l'Autorité requièrent des compétences qui ne sont pas celles développées naturellement dans l'Etat187(*).

7.1.7. Mise à disposition, détachement et embauche contractuelle. Désormais, les Autorités administratives indépendantes ont la possibilité, si elles en ont les moyens budgétaires, de choisir le mode par lequel une personne intègre leurs services. On observe que la majorité du personnel est constituée d'agents de droit public188(*). La LOLF joue là aussi son effet de révélateur189(*), puisqu'en regard d'une certaine vérité des affectations des moyens et du coût financier supporté à ce titre, les mises à disposition de fonctionnaires ne sont plus un moyen disponible pour les Autorités administratives indépendantes. Cela peut constituer un passage difficile pour des Autorités ayant jusqu'ici fonctionné sur ce mode, comme le Médiateur de la République190(*), en comparaison par rapport à l'Autorité des Marchés Financiers, ou la CNIL qui a une maîtrise de son personnel191(*), mais l'on peut penser qu'il s'agit d'une face, certes plus douloureuse, du principe d'indépendance des Autorités administratives indépendantes à l'égard du Gouvernement. Les détachements de fonctionnaires sont désormais le mode accessible pour les Autorités administratives indépendantes qui veulent s'appuyer sur l'Etat, ce qui est normal puisqu'elles agissent en son sein, et présentent des garanties plus sûres d'indépendance en raison de la durée dès le départ convenue et du fait que les Autorités administratives indépendantes peuvent choisir les fonctionnaires qui, à leur incitation, solliciteront un tel détachement. L'expérience semble d'ailleurs montrer que ce sont des fonctionnaires dynamiques et compétents qui sont l'objet de telles procédures de détachement, ce qui finit par engendrer une rupture d'égalité au détriment de l'administration traditionnelle. Enfin, et c'est une situation qui ne cesse de s'étendre, les Autorités administratives indépendantes passent des contrats de droit privé, ce qui requiert dès lors les moyens budgétaires pour y procéder192(*).

7.1.8. Appréciation des moyens humains, entre la direction, le président, le collège et les services. Si l'on doit chercher pourtant à donner une image générale de la question des moyens humains, il apparaît que les moyens humains ne sont pas les mêmes suivant qu'il s'agit des services, de la direction, du collège, voire du président.

7.1.8.1. Les qualités requises pour les services. En effet, et cela peut guider le choix des uns et des autres, les services doivent être structurés suivant les enjeux techniques de la mission de l'Autorité. La direction de ces services, confiée au secrétaire général de l'Autorité - ou Directeur général selon la terminologie applicable, est d'une très haute importance car c'est cette direction générale qui fait le lien entre les services (l'expertise) et le collège (le choix entre les décisions possibles). L'observation montre d'ailleurs que le Président et le directeur général font souvent tandem pour assurer le bon fonctionnement de l'Autorité193(*).

7.1.8.2. Les qualités propres au président de l'Autorité. Si l'on peut s'autoriser encore une observation, le Président de l'autorité doit avoir deux aptitudes propres, qui s'ajoutent à celle de la maîtrise requise pour le bien-mené de la mission. La première aptitude, difficile à cerner juridiquement, est celle d'imposer l'autorité de l'institution, c'est-à-dire de disposer d'un prestige personnel194(*). Cela tient à la dimension charismatique que le président offre ainsi à des Autorités administratives indépendantes organisées par ailleurs à travers leur collège sur le modèle de l'anonymat technocratique. La seconde aptitude est celle de maîtriser les rouages de l'Etat, non seulement parce que les Autorités administratives indépendantes en relèvent mais encore parce que l'observation pratique montre que les négociations, notamment budgétaires, requièrent cette habilité. Le constat de la nécessité de cette aptitude est purement factuel, il n'est pas normatif. Si l'on estime qu'il n'est pas normal que cette aptitude soit requise, et qu'il faudra notamment pouvoir désigner sans dommage une personnalité ayant une autorité technique ou morale, mais non nécessairement une bonne connaissance des rouages des ministères, et sans pour autant pénaliser l'Autorité dans ses rapports avec l'administration traditionnelle, alors il faudra mettre en place des systèmes qui leur permettent d'externaliser ce type de négociation195(*).

5. Autonomie des autorités administratives indépendantes pour le recrutement et la gestion de leurs personnels

7.1.9. Capacité des autorités administratives indépendantes à désigner les personnels de direction de leurs services. Le principe de l'autonomie de gestion. Il est essentiel que les Autorités administratives indépendantes aient, en la personne de leur président, le pouvoir de désigner les personnels de leur service. Aujourd'hui, la plupart des Autorités administratives indépendantes bénéficient de ce principe de l'autonomie de gestion. Pour prendre un exemple, le Président de l'AMF est nommé par le Président de la République, mais c'est le collège qui, sur sa proposition, nomme le Secrétaire général qui dirige les services et rend compte au collège. Cela est d'autant plus requis que le président peut ainsi compenser les compétences qui, au hasard de la succession des désignations des membres du collège, peuvent être trop peu représentées au sein de celui-ci. Il est donc essentiel, et ce d'autant plus si l'autorité comprend relativement peu de personnel et plutôt du personnel qualifié.

7.1.10. Capacité des autorités administratives indépendantes à recruter des contractuels. Pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes ont le droit de recruter des contractuels dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire assez largement. Si les Autorités administratives indépendantes ne sont pas dotées de la personnalité morale, elles relèvent des règles du statut général de la fonction publique et de fait les services sont pour l'instant composés de fonctionnaires. Cela est souvent le fait de la commodité et de la proximité entre les Autorités et l'Etat. Cela ne leur interdit pas de recourir à des contractuels. Si l'on doit leur offrir davantage de sécurité, voire les inciter à le faire, il convient que la loi leur offre pleine discrétion pour y recourir, ce qui fut fait au bénéfice de l'Autorité des Marchés Financiers196(*).

7.1.11. Incidences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sur la gestion des ressources humaines des autorités administratives indépendantes. En la matière, la LOLF offre aux Autorités administratives indépendantes une flexibilité et une responsabilité qui leur convient particulièrement. En effet, la LOLF est plus propice à l'utilisation des outils de gestion de ressources humaines, notamment du fait de l'enveloppe budgétaire d'une masse salariale globale et non plus sur un tableau des emplois budgétaires. Cela est particulièrement important en raison des exigences techniques des personnes recrutées, ce qui peut justifier une rémunération élevée. L'arbitrage pourra alors être fait entre le nombre des emplois et le niveau des emplois. Certes, dans le système général de la LOLF, impliquant une flexibilité dans la gestion du personnel, qui suppose d'ailleurs que les organismes s'équipent des moyens techniques de gestion du personnel pour en tirer profit, c'est le directeur du programme qui décide de manier une telle flexibilité. Or, pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes ne constituent pas un programme autonome, ce qui conduit à donner à un tiers un tel pouvoir, et à payer l'avantage de cette flexibilité par une perte de l'autonomie. Cette question du rapport entre la logique de la LOLF et le principe d'indépendance des Autorités sera abordée en soi ultérieurement197(*), et l'on voit déjà ici qu'elle doit être réglée soit par la réduction des programmes au contour de l'Autorité administrative indépendante en cause, soit par une neutralisation de certaines règles de fonctionnement des programmes dans lesquels sont insérées des Autorités administratives indépendantes.

7.1.12. Bilan des règles de déontologie auxquelles sont soumis les personnels des autorités administratives indépendantes. Les personnels des autorités administratives indépendantes ne sont pas soumis à des règles de déontologie spécifiques de par les textes. Mais les Autorités administratives indépendantes, surtout ceux qui régulent des secteurs économiques, en établissent spontanément. Il est important de souligner que ces règles déontologiques peuvent s'établir aussi bien unilatéralement par le biais des règlements intérieurs, que par les biais des contrats, puisque les agents des Autorités sont majoritairement des agents contractuels, de droit public ou de droit privé. Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers, par le biais de son règlement général et de son règlement intérieur, impose à toute personne recrutée dans ses services à déclarer tout compte d'instructions financiers, exige la cessation de toute transaction. .De la même façon, le Défenseur des enfants fait signer à tout collaborateur un engagement déontologique à son entrée en fonction. La CNIL quant à elle insère des obligations déontologiques dans les contrats de travail198(*). D'une façon générale, les devoirs de neutralité et d'impartialité qui sont ceux de toutes les autorités administratives s'appliquent donc à eux. Les membres des AAI doivent veiller, en outre, à ne pas se trouver dans une situation apparente de conflit d'intérêt qui pourrait d'ailleurs se voir pénalement et disciplinairement sanctionnée. On soulignera que certaines Autorités administratives indépendantes sont dotées d'un déontologue199(*).

Il faut aussi insister sur l'importance du secret professionnel qui, s'il était violé pourrait amener à la mise en jeu de leur responsabilité personnelle.

CHAPITRE IV - LES POUVOIRS DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

8.0. La consubstantialité entre les pouvoirs et la définition des Autorités administratives indépendantes. La question des pouvoirs des Autorités administratives indépendantes est cruciale, non seulement parce qu'elle permet de doser la puissance que le législateur est prêt à leur fournir afin que leur action soit efficace, et qu'elle est ce par quoi les Autorités administratives indépendantes remettent en cause le système politique français (par exemple par l'exercice d'un pouvoir de sanction pris aux juridictions, un pouvoir d'administration pris au gouvernement, et un pouvoir d'adopter des règles générales pris au législateur)200(*), mais encore parce que la titularité des pouvoirs permet de distinguer les Autorités administratives indépendantes des simples observatoires, agences, commission de réflexion et organismes de toutes sortes. C'est dans ces différents aspects que les pouvoirs sont ici étudiés, comme autant de guides pour leur prévision par le législateur, c'est-à-dire dans leur adéquation aux missions confiées par la loi aux Autorités administratives indépendantes, et dans l'usage adéquat qu'elles font de leur pouvoir, sous la vigilance de la Cour européenne des droits de l'Homme.

SECTION 8 : ADÉQUATION DES POUVOIRS AUX MISSIONS

Le législateur doit conférer aux Autorités administratives indépendantes des pouvoirs non pas en soi, c'est pourquoi il est difficile d'avancer par généralité, mais, parce que les Autorités sont conçues à partir des missions qu'on leur fixe, en fonction des buts assignés. Il convient tout d'abord d'expliciter cette méthodologie d'attribution des pouvoirs par la loi, avant de reprendre type de pouvoir par type de pouvoir.

1. La conception des pouvoirs à partir des missions

8.1.1. Conception des pouvoirs en amont par rapport à la source et conception des pouvoirs en aval par rapport à la mission. La légitimité des pouvoirs peut se fonder sur la légitimité de la source qui les constitue. Dans un tel cas, l'essentiel est que la source du pouvoir soit « la bonne », c'est-à-dire que la source soit d'autant plus haute dans la hiérarchie des normes que le pouvoir est important. Cela est encore plus vrai pour le pouvoir réglementaire dont l'attribution s'opère par délégation, c'est-à-dire par une attribution de compétence d'une source à une source. La légitimité des pouvoirs peut aussi, car ce n'est pas contradictoire, puiser dans la coïncidence entre le but assigné à l'institution en cause et le résultat que l'usage des pouvoirs conférés lui a permis d'atteindre. Dans cette conception pragmatique et ex post des pouvoirs, c'est le bon usage que l'on en fait qui les fonde. On soulignera qu'à cette aune, et une nouvelle fois, le fait de rendre des comptes permet à l'Autorité de fonder la légitimité des pouvoirs qu'on lui a conférés.

8.1.2. Le pouvoir de savoir. Il est usuel de viser les pouvoirs juridiques perçus comme essentiels parce qu'ils cristallisent une décision. Ainsi, le pouvoir de sanction est mis en exergue, le pouvoir d'avis davantage négligé. Plus encore, ce qui paraît des pouvoirs secondaires, parce que juridiquement peu catégorisés, sont en réalité vitaux pour le bon fonctionnement des Autorités administratives indépendantes. Il en est ainsi du « pouvoir juridique de savoir », et celui de « faire savoir », c'est-à-dire le droit d'alerte. Ainsi, le Défenseur des enfants, qui a surtout un pouvoir de médiation, est également doté d'un pouvoir d'alerte, voire d' « interpellation »201(*). C'est également la force du Médiateur de la République, qui exerce avant un « magistère d'influence »202(*), du Haut Conseil à l'Intégration et de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité. C'est d'ailleurs pourquoi les agences qui concentrent de l'information et disposent de pouvoirs juridiques et pour l'obtenir et pour la diffusion, notamment à travers un droit d'alerte, comme c'est le cas par exemple pour l'Agence de sécurité sanitaire, ont déjà les assises pour devenir titulaires d'autres pouvoirs et entrer dans la catégorie des Autorités administratives indépendantes. L'on pourrait même affirmer que le principal pouvoir juridique porte de l'information et que les autres pouvoirs juridiques, dont on vante la puissance, comme le pouvoir de sanction, n'en est que la conséquence, voire l'accessoire.

8.1.2.1. Le droit pour obtenir l'information, coeur de l'action de l'Autorité administrative indépendante. Il est donc essentiel que les Autorités administratives indépendantes soient dotées des pouvoirs juridiques de constituer l'expertise dont on a rappelé l'importance dans l'efficacité et dans l'indépendance des Autorités. C'est ainsi que les secrets bancaires, voire professionnels, doivent être écartés pour que les Autorités disposent des informations requises. C'est généralement prévu par les textes qui régissent les diverses Autorités. Ainsi, l'ARCEP se félicite d'avoir grâce à la loi du 9 juillet 2004 obtenu un pouvoir plus

large en la matière203(*), pouvoir général dont aurait besoin le CSA204(*). Ce pouvoir de savoir n'est admissible que si l'on y associe l'obligation de secret ou de confidentialité qui doit peser sur les membres du collège et les membres des services des Autorités administratives indépendantes. On peut songer à aller plus loin encore, sur le modèle de l'obligation qui pèse désormais sur les opérateurs financiers d'informer spontanément l'Autorité des Marchés Financiers, revers de ce qui est donc un droit nouveau pour l'Autorité.

8.1.2.2. Déclinaison technique du pouvoir essentiel de savoir. Il est essentiel de rassembler des prérogatives éparses, et parfois négligées, autour de ce pouvoir de savoir. A ce titre, il convient de généraliser le pouvoir de faire venir des experts auprès de l'Autorité, de généraliser le droit processuel des Autorités administratives indépendantes de saisir les juridictions compétentes pour obtenir en référé des autorisations de perquisition, de solliciter des avis de la part des autres Autorités, de publier chaque année un rapport, souvent remis au Parlement ou au Président de la République, maniement de l'information qui doit donc être présenté davantage comme un pouvoir que comme une obligation. Il pourrait être efficace de prévoir d'une façon générale cette panoplie de prérogatives, qui converge vers l'essentiel, l'information.

8.1.2.3. La question corrélative des pouvoirs d'enquête. A cette aune, les pouvoirs d'enquête sont des pouvoirs essentiels, car ils orientent l'action des Autorités, notamment que celles-ci disposent le plus souvent du pouvoir d'entamer des procédures, soit devant d'autres organismes ou des juridictions, soit devant elles-mêmes, par le biais de l'auto saisine. C'est pourquoi, et l'on revient sous un nouvel angle sur les questions des moyens humains des Autorités administratives indépendantes, il est important que celles-ci aient le droit de procéder à des auditions205(*), de déclencher des enquêtes, et disposent pour ce faire de services d'enquête. Ce pouvoir d'enquête autonome trouve l'appui de la puissance judiciaire, lorsque les textes permettent aux Autorités administratives indépendantes, comme c'est le cas pour le Conseil de la concurrence ou pour l'Autorité des Marchés Financiers, de saisir le président du Tribunal de grande instance pour que leurs enquêteurs soient autorisés à agir avec des pouvoirs de type judiciaire, comme la saisie de document. Le plus souvent, les Autorités administratives indépendantes disposent d'un service d'enquête206(*).

8.1.2.4. L'enjeu institutionnel entre le Conseil de la concurrence et la DGCCRF. La question rencontre en pratique des difficultés en matière de concurrence, puisque le Conseil de la concurrence ne dispose pas de service d'enquête autonome et que, s'il peut demander à ce que des enquêtes soient menées, il ne dispose pas de leur maîtrise, puisque celles-ci sont menées par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. On pourrait songer à transférer ces services auprès du Conseil de la concurrence, au nom du pouvoir de savoir qui fonde l'efficacité de l'action de celui-ci. Cette mesure remarquable ne présenterait pourtant pas que des avantages.

8.1.2.4.1. Le coût institutionnel d'un changement. En premier lieu, la DGCCRF ne veille pas qu'à la concurrence mais également à la consommation, dimension que le Conseil de la concurrence ne prend pas directement en charge et l'on ne peut guère songer à dupliquer les équipes, les unes pour le ministère au titre de la consommation et les autres au conseil au titre de la concurrence, duplication inutilement coûteuse puisque sur le terrain les recherches sur les thèmes sont liées. Il faudrait alors opérer une seconde révolution, à savoir modifier la fonction du Conseil de la concurrence pour qu'il se soucie aussi du droit de la consommation et de la protection directe des consommateurs. Il devrait alors à son tour être profondément modifié. Le coût institutionnel d'un tel changement, coût pour les deux organismes, est à considérer en premier lieu.

8.1.2.4.2. L'interférence de l'analogie avec une juridiction. La question est débattue et ne peut être exposée en tant que telle ici, mais l'on s'accorde souvent à considérer que le Conseil, lorsqu'il sanctionne des comportements anticoncurrentiels, agit comme une juridiction, et qui plus est une juridiction répressive. Dès lors, on peut concevoir que la DGCCRF a le rôle transposé d'un ministère public. Cela explique le systématisme bienvenu de l'action de cette administration traditionnelle qui pose désormais publiquement les priorités d'enquêtes pour l'année qui s'ouvre.

8.1.2.4.3. La solution de l'inter-organisation. De la même façon que la solution de la fusion entre Autorités administratives indépendantes doit être menée avec grande précaution, la fusion ici, certes efficace sur le papier, pourrait être difficile, alors même que pour l'instant une solution que l'on pourrait qualifier d'« inter-organisation » a été mise en place, notamment par une charte une charte de coopération et d'objectifs signé entre la DGCCRF.et le Conseil de la concurrence en janvier 2005 pour mener une politique commune de droit de la concurrence. Une solution médiane pourrait être de spécialiser davantage encore les enquêteurs de concurrence dans la DGCCRF, travaillant étroitement avec le Conseil, et bénéficiant d'un budget affecté207(*).

8.1.3. Notion de nécessité et méthode de proportionnalité. Pour en revenir à l'idée générale d'une adéquation des pouvoirs par rapport à la mission, cette conception pragmatique met au coeur ce qui est parfois paru secondaire parce que cela avait trait à l'usage des pouvoirs et non à leur façonnage a priori, à savoir la mesure dans la dose d'utilisation des pouvoirs attribués par rapport au but recherché. Ce lien entre la titularité du pouvoir et la mission confiée explique aussi que les Autorités administratives indépendantes ne demandent pas tant de nouveaux pouvoirs que les moyens d'exercer utilement ceux dont elles sont dotées208(*). Ni trop peu (exercice nécessaire du pouvoir), ni trop (exercice proportionné du pouvoir). Le principe de proportionnalité, qui encadre plus strictement l'exercice du pouvoir de sanction des Autorités administratives indépendantes qu'il ne le fait pour les juridictions judiciaires pénales, exprime cette légitimité du pouvoir par la juste mesure de son usage. Il serait important que, par exemple dans une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, le législateur en rappelle l'importance fondamentale et la contrainte qu'elle fait peser sur les Autorités. Ce rappel de principes fondamentaux permet d'aborder les sortes de pouvoirs les uns après les autres, étant observé que les pouvoirs procéduraux directement liés au pouvoir de savoir ont été précédemment exposés.

2. Le dessin des pouvoirs ajustés aux missions

8.2.0. Les tableaux accessibles sur le CD fourni avec le rapport permettent d'avoir une description Autorité par Autorité de tous les pouvoirs dont chacune dispose, mais aussi d'avoir une description pouvoir par pouvoir de sa présence et de ses mobilités dans l'ensemble des autorités étudiées. Interrogées sur le point de déterminer quels pouvoirs seraient plus importants pour elles que d'autres, les Autorités répondent fréquemment qu'ils sont corrélés les uns aux autres et que l'utilité de l'un dépend de la titularité et du bon fonctionnement des autres209(*).

8.1.4. Le pouvoir réglementaire. Le pouvoir réglementaire vise l'aptitude des Autorités administratives indépendantes à adopter des règles de droit générales et abstraites. Le conflit que cela engendre à l'égard du Gouvernement et la difficulté d'ordre constitutionnel qui en résulte seront examinés plus loin210(*). En toutes hypothèses, seul le législateur peut le conférer à une Autorité administrative indépendante211(*). La question est de principe mais il s'avère que relativement peu d'Autorités sont dotées par la loi d'un pouvoir réglementaire. Il s'agit de : la CNIL, la Commission des sondages, l'AMF, l'ARCEP et la CRE (sous réserve d'homologation par arrêté du ministre compétent). Peut-on considérer qu'indépendamment de la question juridique qu'une telle attribution pose, ce pouvoir est nécessaire aux Autorités administratives indépendantes ? Il convient ici de distinguer le fait et le droit. En effet, si l'Autorité concernée a suffisamment d'autorité, c'est-à-dire ce mixte de compétence et de prestige, alors toute formulation de sa part d'un principe général sera prise en considération, c'est-à-dire reçu avec la même force que s'il était doté en droit d'un effet obligatoire. Cela relativise l'exclusif pouvoir d'attribution détenu par le législateur, puisque si l'Autorité a suffisamment d'ascendant, elle se l'attribue elle-même. On peut prendre comme exemple le Comité National Consultatif Éthique, que le rapport du Conseil d'Etat n'avait pas visé parmi les Autorités administratives indépendantes, parce que dénué de pouvoirs. Cela est juridiquement exact, mais l'ascendant exercé par cet organisme n'est plus à démontrer, et ses avis, techniquement très travaillés, sont suivis, de fait. Ainsi, lorsque la loi du 6 août 2004 (art. L. 1412-1 CSP) lui a attribué la qualité d'Autorité administrative indépendante, il s'est plus agi d'un rattrapage que d'une attribution de plano.

8.1.5. Le pouvoir d'expertise : conseil, avis, amicus curiae. Les Autorités administratives indépendantes construisent chaque jour leur légitimité sur leur expertise. Il est donc naturel qu'elles possèdent assez systématiquement un pouvoir de conseil ou d'avis, soit que le Gouvernement puisse les consulter sur une question sociale ou technique qui concerne ou interfère avec leur propre domaine d'action212(*), soit que les Autorités administratives aient le pouvoir de proposer des modifications de réforme213(*), soit même que leur avis soit requis pour qu'un texte soit adopté214(*). Cette qualité d'expertise peut paraître une confusion dans le temps puisqu'on sollicite l'avis de celui qui appliquera la norme dont l'adoption est envisagée, mais c'est la structure même des fonctions du Conseil d'Etat qui en donne l'exemple. Il faut encore mentionner le cas particulier des avis que les Autorités de régulation sectorielle doivent donner au Conseil de la concurrence215(*), lorsque celui-ci analyse des pratiques dans leur secteur, prix de la solution française ne donnant pas aux autorités sectorielles le pouvoir de sanctionner elles-mêmes les pratiques anticoncurrentielles. En outre, les Autorités administratives indépendantes sont souvent amenées à formuler des avis à l'occasion de procédures juridictionnelles216(*), sur saisine de la juridiction elle-même217(*), soit qu'ils répondent à une sollicitation dans ce sens. Cela correspond alors non pas à la technique de l'expertise, qui déforme par trop la nature des Autorités administratives indépendantes, mais soit de celle de témoin, soit de celle de l'amicus curiae218(*) que toute juridiction peut utiliser largement à l'égard de n'importe quelle personne ou organisme dont l'avis lui paraît éclairant.

8.1.6. Le pouvoir de régulation au sens strict par l'attribution de droits d'exercer une activité. Dans certains cas, des Autorités administratives indépendantes exercent ce qui est désigné au sens strict comme un pouvoir de « régulation », c'est-à-dire d'organiser ex ante un secteur ou une organisation, soit d'une façon générale (à travers le pouvoir réglementaire), soit d'une façon particulière à travers des droits d'accès à une activité, soit au bénéfice de personnes (par l'agrément ou l'autorisation), soit au bénéfice de biens ou d'activités (par la certification, ou l'accréditation). C'est ainsi que l'AMF déclare recevables les offres publiques, que le CECI délivre les agréments notamment pour les établissements de crédit, ou que le CSA délivre les autorisations d'usage de fréquences aux chaînes de télévision et stations de radio publiques et privées diffusées par voie hertzienne terrestre. Ces pouvoirs ont parfois tendance à disparaître, lorsque la régulation tend à passer de l'ex ante à l'ex post, comme en matière de protection des données personnelles, ou à se renforcer et à se concentrer, quand en matière de risque systémique bancaire219(*). Ce pouvoir de régulation ex ante est surtout attribué aux Autorités administratives indépendantes qui ont en charge la gestion des risques, par exemple en matière bancaire ou en matière énergétique car ce contrôle à l'entrée est la façon la plus efficace de juguler les risques, au prix d'une conception plus concurrentielle récusant ces barrières à l'entrée que construit l'Autorité administrative indépendante elle-même. Plus l'on utilisera les Autorités administratives indépendantes dans la gestion des risques, et plus ce pouvoir sera répandu et exercé.

8.1.7. Le pouvoir de contrainte et de sanction. Le pouvoir que les Autorités administratives indépendantes exercent ex post est celui de contraindre les parties prenantes à respecter des ordres, généraux ou particuliers, qu'elles leur adressent. Il en est ainsi du pouvoir d'injonction du Médiateur de la République, ou de l'obligation pour les compagnies d'assurance d'obéir aux décisions du Bureau Central de Tarification220(*). D'une façon plus particulière, il s'agit aussi du pouvoir direct de sanctionner ceux qui n'ont pas obéi aux prescriptions, soit généralement issues du système juridique, soit des prescriptions de l'Autorité elle-même. Il y a alors cumul des pouvoirs. Il est frappant de constater que tout à la fois le pouvoir de sanction est très contesté aux Autorités administratives indépendantes, en soi et dans l'exercice procédural qu'elles en font221(*), et ce que le législateur distribue le plus largement. Il est souvent estimé comme le plus important pour les Autorités, notamment celles qui sont en charge de régulation économique222(*). Les Autorités en sont de plus en plus largement dotées. Elles l'utilisent soit en soi, soit pour amener plus aisément à un accord ou une médiation, obtenu plus aisément de services administratifs ou d'entreprises qui connaissent la perspective alternative d'une sanction. C'est notamment le cas pour le Médiateur de la République, dans son maniement du pouvoir d'injonction223(*). En effet, non seulement les Autorités administratives indépendantes créées récemment sont dotées d'un tel pouvoir, mais encore les Autorités plus anciennes obtiennent l'attribution de ce nouveau pouvoir. Cela ne pose pas en soi de problème constitutionnel puisque le Conseil constitutionnel a simplement affirmé l'unique compétence du pouvoir législatif pour le conférer, le pouvoir réglementaire ne pouvant empiéter sur ce domaine exclusif visé par l'article 34 de la Constitution224(*). Ainsi, la CNIL estime que l'attribution d'un tel pouvoir va modifier son action, liée au fait que la régulation qu'elle exerce passe ainsi de l'ex ante à l'ex post225(*), et accroître son autorité. De la même façon, la HALDE sitôt créée sans une telle attribution, bien que la Haute Autorité soit déjà dotée du pouvoir de stigmatiser des comportements de discrimination, obtient la perspective de l'attribution d'un tel pouvoir. On notera cependant que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité souhaite expressément ne pas en disposer, pour ne pas saper son rôle de médiation226(*).

8.1.7.1. Le pouvoir de sanction comme outil de régulation. L'objection est souvent faite comme quoi les Autorités administratives indépendantes ne devraient pas être dotées d'un tel pouvoir et ne sont pas légitimes à en être titulaires, car la sanction est au coeur du pouvoir régalien et les tribunaux judiciaires, garants des libertés individuelles, devraient en avoir le monopole. Si par contraste les Autorités administratives indépendantes en sont largement dotées, cela tient au fait que la sanction est elle aussi un outil efficace de régulation. Pour mémoire, la COB n'est devenue puissante que lorsque la loi du 2 août 1989 lui a permis de prononcer des sanctions. C'est là-dessus aussi que compte la HALDE pour participer effectivement à la lutte contre les discriminations. Cela tient au fait que la sanction n'est pas tellement un mécanisme ex post de rétribution des fautes, mais plutôt un mécanisme d'information et d'incitation. Ainsi, les prescriptions des Autorités administratives indépendantes ne sont crédibles que si elles disposent du pouvoir de les sanctionner. C'est pourquoi le législateur pourrait attribuer systématiquement un tel pouvoir aux Autorités administratives indépendantes.

8.1.7.2. L'efficacité régulatoire d'un mariage entre pouvoir de répression et accord des parties. Cette fonction de sanction peut se marier avec les mécanismes de type contractuel (qui appartiennent plutôt à des outils ex ante), à travers des procédures de clémence ou de transaction227(*). Il est possible que la perspective juridique traditionnelle en France soit perturbée par cette contractualisation de la répression, mais c'est la meilleure façon d'obtenir des comportements futurs adéquats. Ces mécanismes, dont on a vu l'efficacité en matière de contrôle des concentrations à travers la technique des engagements, en matière de régulation de l'audiovisuel avec de véritables conventions passées entre le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et les entreprises du secteur, et en matière de concurrence à travers les mécanismes de clémence, a montré son efficacité. Il est question d'accorder à l'Autorité des Marchés Financiers un tel pouvoir de transaction. Quelles que soient ses modalités et en veillant à ne pas empiéter sur l'exercice d'autres pouvoirs, par exemple ceux tenus par le Ministère public, cette articulation entre sanction et négociation permet aux Autorités administratives indépendantes d'exécuter plus efficacement leur mission.

8.1.7.3. Le déplacement de la discussion autour du principe de pouvoir de répression vers les modalités de la répression. Si le pouvoir de sanction demeure très contesté, c'est davantage au regard des garanties procédurales des personnes inquiétées, notamment au regard des droits de la défense, etc.228(*). Le Conseil constitutionnel a précisé un certain nombre de conditions pour que l'attribution d'un tel pouvoir de sanction aux Autorités administratives indépendantes soit constitutionnellement admissible. Il faut ensuite qu'une loi l'établisse, que les droits de la défense soient respectés, qu'un recours devant une juridiction contre la décision de l'Autorité soit ménagé, qu'une possibilité de faire suspendre par le juge une décision dotée d'un pouvoir d'exécution immédiate soit offerte aux parties229(*), que les sanctions prononcées soient proportionnées et que le jeu de leur cumul avec des sanctions strictement pénales n'excède pas le maximum encouru pour la plus forte des sanctions encourues. Le cumul de la sanction administrative et de la sanction pénale, à première vue contraire à la règle non bis in idem, mais justifié un temps par le Conseil constitutionnel du fait que la sanction administrative est d'une autre nature que la sanction pénale230(*), semble aujourd'hui remis en cause par une jurisprudence ultérieure du Conseil231(*). Le droit positif est donc assez flexible quant à la possibilité de doter les Autorités administratives indépendantes d'un pouvoir de sanction, mais est au contraire strict quant aux modalités d'exercice de celui-ci. Ce contraste se comprend dans la mesure où le système juridique français, par ailleurs tenu par la Convention européenne des droits de l'Homme et l'interprétation faite de son article 6232(*), se montre vigilant, dans ses lois et dans ses jurisprudences, sur le respect des garanties de procédure, en confortant les droits des personnes objet d'un pouvoir de répression exercé par une Autorité administrative indépendante, il contribuera à ce que ce pouvoir soit mieux accepté dans son principe.

8.1.8. Le pouvoir de négociation. L'observation particulière faite à propos du pouvoir de sanction, à travers une contractualisation que certains estiment contre-nature, doit être étendu. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles ne peuvent être réduites à des juridictions, parce qu'elles ne sont pas seulement le bras détaché de l'exécutif, doivent pouvoir négocier avec les parties prenantes, entreprises233(*) ou associations de citoyens ou de consommateurs, notamment234(*). L'attribution de la personnalité morale235(*) leur en faciliterait l'exercice. En outre, lorsque les Autorités administratives indépendantes ont plus particulièrement en charge de préserver ou de restaurer la confiance, ce qui est commun à des Autorités aussi dissemblables que les Autorités financières ou bancaires et les Autorités de lutte contre les discriminations qui cherchent à rétablir des liens sociaux et à inciter les parties prenantes à s'engager les unes par rapport aux autres, le pouvoir de négocier et de s'engager devient alors déterminant.

8.1.9. Le pouvoir de s'engager au terme d'une négociation, possible pouvoir alternatif au pouvoir réglementaire. La négociation aboutit alors à un engagement réciproque de l'Autorité et de la partie prenante, ce qui est une forme de co-régulation, oblige l'Autorité à s'engager, ce qui accroît la prévisibilité et la confiance, le caractère bilatéral de l'engagement (par rapport à l'unilatéralisme d'une décision générale ou particulière) permettant en outre de « civiliser » l'action des Autorités administratives indépendantes. Par une formule analogue à celle caractérisant le juge : « pour un juge qui toujours décide », on pourrait dire pour les Autorités administratives indépendantes : « pour une Autorité qui toujours s'engage ». Dans le mouvement général de la contractualisation de l'action publique236(*), cet engagement sur un mode bilatéral peut s'avérer supérieur à un engagement sur un mode unilatéral, par utilisation directe de l'imperium. Ainsi, si le pouvoir de négociation et le pouvoir de s'engager sont davantage conférés aux Autorités administratives indépendantes, sur le modèle notamment du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, cela pourrait constituer une alternative au pouvoir réglementaire, si l'attribution de celui-ci se heurte à des conceptions politiques.

8.1.10. Le pouvoir de mettre fin aux différends. A l'inverse du pouvoir de sanction, le pouvoir de mettre fin aux différends entre les parties prenantes, qu'il s'agisse d'y mettre fin en le tranchant ou d'y mettre fin en réconciliant les parties prenantes en dispute.

8.1.11. Le pouvoir de règlement des différends. Actuellement, peu d'autorités administratives indépendantes sont formellement dotées d'un « pouvoir de règlement des différents », essentiellement l'ARCEP, la CRE, et plus récemment le CSA. Ce pouvoir revient à trancher le litige en désignant un gagnant et un perdant, comme le fait classiquement la juridiction civile. Il apparaît que pour l'instant le règlement des différends est exercé par les Autorités administratives indépendantes en charge de l'accès des opérateurs à une infrastructure essentielle, tel un réseau de transports, comme en matière de communications électroniques ou d'énergie. On peut se demander s'il ne conviendrait pas d'étendre un tel pouvoir à d'autres autorités, comme par exemple la HALDE (ce qui pourrait être une alternative à un pouvoir de sanction), ou l'AMF, dans la mesure où cela « civiliserait » leur action, en présentant une alternative au pouvoir de sanction237(*). En outre, c'est par le biais du règlement des différends que l'Autorité indépendante peut palier une insuffisance de pouvoirs par ailleurs238(*), ou bien interférer dans ce qui est l'instrument juridique ordinaire d'un système libéral, à savoir les contrats239(*). Enfin, on peut mettre fin à un différent autrement qu'en le tranchant, ce qui permet la voie d'aggravation du rapport entre les parties, mais en cherchant à les concilier.

8.1.11.1. Le pouvoir de conciliation ou de médiation. Ce pouvoir d'amener les parties à se concilier peut être considéré comme un pouvoir que devraient avoir toutes les Autorités administratives indépendantes240(*). En effet, lorsque les Autorités ont en charge la régulation d'un secteur économique, réconcilier les parties peut permettre de diminuer les chocs de transformation du secteur, notamment lorsqu'il s'agit de transformer une organisation monopolistique en une économie de compétition. On relèvera que le Conseil de la concurrence, qui s'estime suffisamment doté en pouvoirs, regrette de n'avoir pas davantage de moyens en cette matière241(*). Le pouvoir de médiation tient d'ailleurs largement du fait et, par nature, ne donne guère lieu à publicité. Il peut constituer une alternative à l'absence de pouvoir de règlement des différends242(*). Ce pouvoir s'impose plus encore pour les régulateurs en charge d'une médiation sociale, puisqu'il s'agit d'instaurer ou de restaurer un lien entre des personnes ou des groupes de personnes. C'est pourquoi, notamment si l'on envisage l'adoption d'une loi-cadre, l'attribution de ce pouvoir aurait été prévue pour chaque Autorité administrative indépendante.

8.1.12. Le pouvoir de faire savoir. Cette formulation ne correspond pas à une catégorie juridique reçue mais correspond au fait que les Autorités administratives indépendantes doivent avoir le pouvoir de désigner les problèmes et d'organiser la publicité de leur décision. Par exemple, le Conseil de la concurrence accroît l'effet dissuasif et éducatif de ces décisions. Les pratiques de communication ont d'ailleurs une forme factuelle de ce pouvoir et il est remarquable que de nombreuses Autorités administratives indépendantes comprennent un service spécifique de communication ou confient à une personne en particulier cette tâche particulière.. La pratique courante de l'organisation par les Autorités administratives indépendantes de rencontres sur un modèle qui oscille entre le colloque universitaire et la réunion diplomatique conforte l'importance de l'exercice du pouvoir. De la même façon, la pratique des « forums » européens ou internationaux exprime ce même pouvoir de faire savoir. Pourquoi alors l'organiser plus juridiquement ? Cela dépend si le législateur préfère laisser jouer la discrétion de l'Autorité pour décider ce qui doit demeurer secret, ce qui doit être publié, ce qui doit être activement diffusé. Pour l'instant, notamment en ce qui concerne les Autorités administratives indépendantes ayant en charge une profession, et l'on peut songer à la Commission Bancaire, le secret est souvent choisi, alors que pour les Autorités administratives indépendantes qui ont besoin de s'appuyer sur une opinion large, la diffusion vient exacerber la publicité. Il en est ainsi aussi bien du Médiateur de la République que du Défenseur des enfants. Le législateur pourrait vouloir donner des règles plus fixes en la matière, à moins qu'il estime que ces marges de discrétion permettent pour chacune des Autorités concernées en fonction des missions et des cas de mieux exercer leur office. Dans ce cas, il convient d'en rester là.

SECTION 9 : L'EXERCICE ADEQUAT DES MISSIONS

9.0. Dans une conception procédurale des pouvoirs, dans un contexte de démocratie procédurale, les exigences juridiques portent davantage sur les façons de faire que sur le « faire » directement, sur le processus de prise de décision que sur la décision elle-même. La procédure est devenue la matière première du droit. Les Autorités administratives indépendantes, parce qu'elles doivent toujours démontrer leur légitimité, légitimité logée dans l'usage qu'elles font de leurs pouvoirs, y sont exposées plus que tout autre organisme. Cela justifiera qu'elles rendent des comptes sur l'usage efficace de leur pouvoir, c'est-à-dire sur la corrélation entre l'utilisation de leurs pouvoirs et de leurs moyens au regard de la concrétisation de la finalité pour laquelle l'Etat les leur a donnés243(*). Cela justifie qu'elles respectent les garanties offertes à ceux dont la situation est affectée par l'usage fait par les Autorités administratives indépendantes des pouvoirs considérables et cumulés que l'efficacité de leur action justifie.

3. Les garanties dans la façon de faire

9.1.1. Les garanties d'égalité de traitement, l'impartialité et la difficulté des missions asymétriques. La première des garanties que l'on peut attendre des Autorités administratives indépendantes réside dans leur impartialité. C'est en effet ce pourquoi la loi les a conçues comme indépendantes, l'indépendance étant la condition préalable de l'impartialité244(*), cette impartialité étant garantie par l'absence d'injonction possible d'un Ministre. Cela constitue une garantie majeure pour les parties prenantes, qui peuvent ainsi se fier aux Autorités administratives indépendantes, lesquelles peuvent à leur tour s'engager245(*). Une difficulté peut à première vue surgir du fait que les Autorités administratives indépendantes, qu'on ne saurait réduire à des juridictions, même si l'exercice de certains de leurs pouvoirs prend la forme nécessaire de l'activité juridictionnelle, ont en charge de construire : construire une éthique de la santé, construire un marché concurrentiel, construire une égalité des chances, etc. Dès lors, dans cette mission, il peut arriver que le législateur désigne en quelque sorte un interlocuteur dont les intérêts sont contraires, par exemple un opérateur historique naguère monopolistique, ou des intermédiaires dans un marché financier qu'il s'agit de rendre plus fluide, etc. L'expression de « régulation asymétrique » résume cette situation en ce qui concerne les régulateurs économiques, mais cela peut valoir également pour les régulateurs sociaux, dès l'instant qu'il s'agit par exemple de protéger ou promouvoir une minorité, ou d'aider des citoyens face à un pouvoir important, par exemple le pouvoir de « régulation asymétrique » résume cette situation en ce qui concerne les régulateurs économiques (notamment l'ARCEP, ou avant elle l'ART), mais cela peut valoir également pour les régulateurs sociaux, dès l'instant qu'il s'agit par exemple de protéger ou promouvoir une minorité, ou d'aider des citoyens face à un pouvoir important, par exemple le pouvoir administratif (si l'on songe à la CADA ou au Médiateur de la République). Mais précisément la garantie d'un traitement à la fois asymétrique et neutre est requise, et il faut que les Autorités administratives indépendantes donnent à voir que leur sévérité accrue par rapport à telle ou telle partie prenante est la conséquence, ni plus ni moins, de la mission qui leur est confiée.

9.1.2. La nécessité pour les Autorités administratives indépendantes de donner à voir leur neutralité, leurs compétences et l'adéquation de leurs actions. La difficulté d'une telle démonstration repose en grande partie sur l'Autorité administrative indépendante elle-même. On peut éventuellement considérer que la charge de prouver la connivence ou la partialité devrait revenir à celui qui critique l'Autorité, mais parce que celle-ci est le principal auteur de sa propre crédibilité246(*), il est plus adéquat qu'elle montre chaque jour sa neutralité, car c'est le législateur qui dessine sa mission éventuellement asymétrique non l'Autorité elle-même, qu'elle montre sa compétence, socle véritable de son indépendance247(*), qu'elle accepte la contestation rationnelle (c'est-à-dire portant sur les raisonnements qui l'ont conduite à prendre telle ou telle décision) et la contestation juridique (à travers principalement les voies de recours devant une juridiction exercés contre ses décisions), et le fait plus général de rendre des comptes248(*), pour éloigner d'une façon plus sûre ce qui relève d'un discours de suspicion. En effet, c'est à l'Etat de protéger ses Autorités administratives indépendantes qui, soustraites de la hiérarchie de l'exécutif, sont aussi moins protégées que l'administration traditionnelle, plus visibles et plus exposées249(*).

9.1.3. L'importance centrale de la transparence. L'ensemble de ces développements montre que la transparence, qui n'est pas nécessairement le mode usuel de bon fonctionnement de l'Etat250(*), doit gouverner les Autorités administratives indépendantes dans le principe.

9.1.3.1. La transparence comme principe. Cela est encore plus vrai lorsque l'Autorité en cause doit elle-même imposer la transparence aux parties prenantes, comme c'est le cas pour l'Autorité des Marchés Financiers. Le principe doit être la transparence (ce qui est déjà une exception par rapport à l'organisation générale de l'Etat) et il aurait vocation à être mentionné comme telle dans une éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes. Cela ne signifie en rien que le législateur, au cas par cas, ne puisse porter exception à ce principe. L'enjeu de méthode est ici de désigner ce qui est principe et ce qui est exception, et non pas d'imposer un principe absolu.

9.1.3.2. La transparence, un principe qui supporte des exceptions. C'est pourquoi l'on peut estimer que certains pouvoirs se prêtent plus que d'autres à ce principe de transparence, par exemple davantage le pouvoir de sanction que le pouvoir de négociation. De la même façon, certaines missions, comme celles rattachées à la régulation bancaire et prudentielles, ou d'une façon plus générale les missions qui concernent les risques, leur prévention et leur gestion (aussi bien sanitaires que financiers, notamment). Le législateur a le pouvoir de limiter le principe de transparence, sauf si celui-ci croise des garanties constitutionnelles, comme les droits de la défense. La conséquence est plutôt de méthode, en ce qu'en premier lieu, l'exception - ici l'absence de transparence - doit être justifiée, et en ce qu'en second lieu, dans le silence de la loi, l'interprète, c'est-à-dire l'Autorité administrative indépendante elle-même, et le juge après elle, devraient verser plutôt en faveur du principe de transparence, s'il n'y a pas de bonnes raisons de l'écarter.

9.1.4. La sauvegarde du principe de légalité. Par ailleurs, il est à la fois élémentaire et nécessaire de le rappeler, les parties prenantes sont garanties par le principe de légalité, qui interdit aux Autorités administratives indépendantes comme à quiconque d'exercer sur autrui une contrainte sans se conformer à un texte pour y procéder, et dans son principe et dans ses modalités. La place importance du contrôle de l'excès de pouvoir à l'occasion des recours ouverts contre les décisions des Autorités administratives indépendantes atteste de l'effectivité du principe de légalité. On remarquera que l'alternative peut être le pouvoir exercé en accord avec les parties prenantes, le pouvoir de négociation et la contractualisation de l'action des Autorités administratives indépendantes offrant une alternative à la rigueur du principe de légalité qui régit avant tout les manifestations unilatérales de pouvoir.

4. Les garanties dans ce qui est décidé

9.1.5. Les garanties de la collégialité. La première garantie dont bénéficient les parties prenantes dont la situation est affectée par l'exercice que les Autorités administratives indépendantes font de leur pouvoir est tout d'abord la collégialité. La collégialité est tout à la fois ce qui bénéficie à l'autorité en confortant son indépendance251(*) et ce qui bénéficie aux parties prenantes. Le respect des garanties fait gagner à la fois les Autorités administratives indépendantes et les parties prenantes. La collégialité constitue en effet une protection pour les parties prenantes qui peuvent, notamment du fait de la diversité des compétences des collèges, ou des formations ad hoc comme il peut en exister en matière de sanction. C'est non seulement le cas de la Commission des sanctions au sein de l'Autorité des Marchés Financiers depuis la loi de 2003, mais encore le cas de la formation restreinte qui, au sein de la CNIL depuis 2004, sont en charge de l'exercice du pouvoir de sanction. Il semble donc que cette dissociation fonctionnelle au sein de l'Autorité dès l'instant qu'elle est dotée d'un pouvoir de sanction qui se superpose à d'autres et peuvent porter atteinte à son impartialité, constitue le modèle pour l'avenir. Le principe de collégialité permet de se fier à une discussion au sein des Autorités administratives indépendantes pouvant prendre en considération des éléments à la fois complexes et hétérogènes. Cette collégialité est présentée par les Autorités elles-mêmes comme une règle de fonctionnement très précieuse, qu'il s'agisse de l'AMF, du Comité Éthique, ou de la CNIL. C'est pourquoi la structure de principe d'Autorités administratives indépendantes construites autour d'un collège paraît préférable à d'autres, et pourrait être visée en référence dans une éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, sauf pour le législateur à en disposer autrement s'il a de bonnes raisons de le faire.

9.1.6. Les garanties de la motivation. La motivation, comme la collégialité, présente ce double aspect d'être à la fois favorable aux Autorités administratives indépendantes et favorable aux parties prenantes. En effet, la motivation permet à l'Autorité de donner à voir sa neutralité, sa compétence et l'adéquation de sa décision par rapport à la mission qu'elle doit efficacement remplir. La motivation est un mode essentiel de reddition des comptes, comme socle et non limite de l'indépendance252(*). En outre, la motivation est une protection des parties prenantes, puisqu'elle leur permet de comprendre la décision, ce qui est important lorsqu'il y a un phénomène d'apprentissage et que l'Autorité a aussi une fonction pédagogique, ce qui est une fonction commune à toutes les Autorités administratives indépendantes. La motivation leur permet aussi d'exercer un droit au recours devant une juridiction. Elle doit donc être systématique pour toute décision individuelle. Mais l'on peut aussi considérer qu'elle serait bienvenue dans des décisions plus générales, y compris dans l'exercice du pouvoir réglementaire à travers les règlements généraux (de l'Autorité des Marchés Financiers, par exemple), exprimant une doctrine de l'Autorité à laquelle les parties prenantes seraient en droit de se fier.

9.1.7. La garantie du droit au recours. C'est le système juridique qui offre, ici comme partout, la protection constitutionnelle pour la personne à laquelle une décision fait grief, de pouvoir saisir un juge. Le Conseil constitutionnel a rappelé le principe du droit au recours en le fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme en vertu duquel « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » : le droit au juge fonde même la Constitution car sans lui, il n'y a pas plus de garanties des droits, et sans garanties des droits, il n'y a plus de Constitution253(*). Le Conseil constitutionnel a souligné cette importance à propos des Autorités administratives indépendantes, en affirmant qu'il doit exister un recours ouvert pour solliciter du juge l'arrêt de l'exécution immédiate d'une décision, et que l'exercice des pouvoirs, notamment de sanction, par les Autorités administratives indépendantes, n'est concevable qu'assorti d'un tel droit au recours254(*).

5. L'ascendant de la convention européenne des droits de l'homme

9.1.8. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme offre à chacun le droit d'accéder à un tribunal impartial, statuant dans un délai raisonnable et au terme d'un procès équitable, en matière civile comme en matière pénale. L'essentiel est de prendre acte que les qualifications européennes, celle de l'Europe des droits de l'Homme plus encore que celles de l'Union européenne, sont autonomes des qualifications du droit français, et qu'elles se superposent sur celles-ci. Les deux espaces juridiques fonctionnent en même temps, ils ne s'évincent pas l'un l'autre, il faut les supporter l'un et l'autre. Or, le processus de qualification activé par la Cour européenne des droits de l'Homme est différent, presque opposé, de celui du droit français. En effet, il part des qualifications triviales et des effets des règles pour en induire la catégorie juridique pertinente. C'est ainsi que la matière pénale ne correspond pas aux contours du droit pénal, pas plus que la matière civile ne correspond au droit civil, ce qui a rendu recevable la soumission de décisions administratives rendues par les Autorités administratives indépendantes à l'article 6 de la Convention.

9.1.9. Les Autorités administratives indépendantes entre la matière pénale et la matière civile. La matière pénale se définissant, si l'on suit la jurisprudence de la CEDH par l'existence d'une qualification textuelle d'infraction (bien que ce critère soit relatif), par la nature même de l'infraction constituant « la transgression d'une norme générale ayant un caractère à la fois dissuasif et répressif »255(*), et par la gravité de la sanction encourue, les sanctions administratives prises par les Autorités administratives indépendantes relèvent de la matière pénale. Il en est ainsi des sanctions prises par le Conseil de la concurrence, l'Autorité des marchés financiers, etc. en raison des comportements, mais également des sanctions de type disciplinaire que certaines sont amenées à prendre, par exemple l'Autorité des Marchés Financiers, le CSA ou la CRE. On peut estimer que c'est une forme de lien qui est ainsi noué entre les juridictions européennes et les Autorités nationales256(*). De la même façon, lorsque les Autorités administratives indépendantes tranchent des litiges à portée patrimoniale, ce qui rencontre la définition de la matière civile, alors l'article 6 est applicable. C'est la forme, voire l'effet, du pouvoir exercé qui donne la qualification de l'organe qui le manie. Ce raisonnement à la fois trivial et téléologique, assez étranger à l'esprit français, mais qui s'impose désormais, conduit à considérer que les Autorités administratives indépendantes sont tantôt des organes d'administration, tantôt des organes de juridiction, suivant le type de pouvoir que, dans un cas concret, elles exercent. Cela engendre un certain désordre car la catégorie juridique devient par nature changeante, mais cette complexité nouvelle doit être intégrée. Ainsi, lorsque la matière civile ou la matière pénale sont en jeu, c'est en tant qu'elles sont des tribunaux, au sens européen du terme, que les Autorités administratives indépendantes doivent aménager les garanties liées au procès équitable et à la juridiction impartiale.

9.1.10. La réconciliation de la jurisprudence judiciaire et de la jurisprudence administrative. On a souvent insisté sur une sorte de guerre entre les juridictions de l'ordre judiciaire, notamment la Cour de cassation, et l'ordre des juridictions administratives, notamment à travers le Conseil d'Etat, à ce propos. Il est certain que l'annulation par le juge judiciaire de sanctions prononcées par la COB pour violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation ayant par un arrêt Oury du 5 février 1999 annulé des décisions de sanctions prises par le collège de la COB sur le fondement d'une violation du principe d'impartialité en raison même de l'organisation de l'Autorité, qui à l'époque laissait la personne en charge de l'instruction participer à la délibération pouvant aboutir à la décision de sanction257(*), a provoqué certaines tensions. La jurisprudence du Conseil d'Etat a évolué pour reconnaître que « au sens du droit européen », les Autorités administratives indépendantes constituent des tribunaux lorsque des sanctions sont prononcées258(*).

9.1.11. Les Autorités doivent donner à voir leur impartialité lorsqu'elles exercent des pouvoirs en « matière pénale » ou en « matière civile ». Il en résulte que les Autorités administratives indépendantes lorsqu'elles envisagent des sanctions ou tranchent des litiges notamment à l'occasion d'un règlement des différends, doivent satisfaire les exigences du tribunal impartial. Or, la définition européenne de l'impartialité, qui a aussi fait couler beaucoup d'encre à la doctrine juridique française259(*), oblige l'organisme ainsi qualifié à donner à voir son impartialité, définition technique exacte de l'exigence d'impartialité apparente. L'évolution du droit français fut sur ce point tout à fait remarquable. En effet, même si l'évolution débuta par cette sorte de crise contentieuse constituée par « l'affaire Oury », des textes réglementaires nouveaux (par exemple concernant la COB) ou des modifications au sein des règlements intérieurs des autorités (par exemple concernant le Conseil de la concurrence) se sont soumis à l'interprétation que le juge judiciaire français avait faite du texte européen.

9.1.12. Interférence du lien entre impartialité et indépendance. Cette exigence d'impartialité, que certains ont jugée excessive en ce que le droit oblige à la donner à voir en permanence, à travers l'organisation de l'Autorité et à travers le principe de transparence, est ce qui permet aussi aux Autorités administratives indépendantes de construire la preuve de leur indépendance et donc leur légitimité. On peut aller plus loin en affirmant que l'impartialité est ce qui rend supportable l'indépendance, car une autorité indépendante non impartiale constitue un grand danger politique. Plus encore, on peut soutenir que l'indépendance n'est pas une qualité en soi mais trouve sa profondeur en tant qu'elle est la condition requise pour l'impartialité260(*).

9.1.13. La question réglée de la distinction entre l'instruction et le jugement. C'est à ce titre que désormais lorsque le pouvoir de sanction est en cause, les Autorités administratives indépendantes distinguent la fonction d'instruction et la fonction de jugement, en prenant soin que la personne qui est en charge de mener l'instruction, c'est-à-dire de se forger une conception du cas envisagé, en disposant des pouvoirs et d'instruments pour ce faire, ne doit pas participer à la formation de jugement, pas même être présent à l'occasion du délibéré, en raison du préjugé que, par l'accomplissement même de sa mission, elle pourrait communiquer aux autres membres de l'Autorité, d'autant plus enclins à le suivre, quand bien même elle serait démuni du droit de vote, qu'elle a généralement la connaissance la plus achevée du cas.

9.1.14. La question de la présence d'un commissaire du Gouvernement. Au nom du même principe d'impartialité, dont l'indépendance est le préalable, la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de certaines Autorités administratives indépendantes261(*) a pu être critiquée, non seulement par la doctrine mais encore par des organismes internationaux évaluant la performance des systèmes nationaux de régulation. Et non seulement on peut relever la présence d'un commissaire du Gouvernement mais il ne s'agit pas d'une sorte d'héritage du passé, puisqu'il est surtout prévu auprès d'Autorités administratives indépendantes établies récemment, ou bien à l'occasion de modifications substantielles de celles-ci, par exemple lorsque l'AMF a été construite sur les cendres de la COB (auprès de laquelle il n'y avait pas un tel personnage) et du CMF. La question demeure discutée mais l'on peut souligner que les pouvoirs d'un tel commissaire sont limités, par exemple demander une seconde délibération, mais il ne participe pas aux délibérations262(*) et le Gouvernement est en droit d'exprimer auprès des Autorités administratives indépendantes sa conception des choses. Il convient en effet de ne pas développer une conception à ce point radicale de l'indépendance et de l'impartialité que le Gouvernement, déjà dessaisi du pouvoir de décider, n'aurait plus même droit à la parole.

9.1.15. La question ouverte de l'auto saisine et la dissociation fonctionnelle de la fonction de poursuite des fonctions ultérieures. La question de la saisine d'une Autorité administrative indépendante est essentielle263(*), plus encore que concernant les juridictions. En effet, quasiment toutes les Autorités administratives doivent veiller en permanence sur un secteur, ou sur une profession, ou sur un type de comportement à décourager ou à promouvoir264(*). Dès lors, et certaines auto-saisines sont fameuses, notamment celles du Conseil de la concurrence, les Autorités administratives indépendantes s'auto-saisissent, pouvoir dont ne disposent pas les juridictions. L'on peut encore citer le pouvoir du Médiateur de la République de s'auto-saisir, ce qui lui permet d'intervenir directement, là où la personne en cause est trop faible pour aller jusqu'à lui265(*). Mais l'auto-saisine ne signifie-t-elle pas un préjugé de la part de l'Autorité qui appréciera ensuite une situation particulière contre laquelle elle avait quelque chose à redire puisqu'elle a décidé d'agir ? La jurisprudence du Conseil d'Etat a sauvé ce pouvoir nécessaire d'auto-saisine en affirmant qu'il suffit que l'acte d'ouverture de la procédure ne traduise pas un sentiment déjà constitué à propos de la situation examinée266(*). Une solution plus sûre juridiquement consiste à affecter ce pouvoir de poursuivre à une autre formation ou organe au sein de l'Autorité que les formations ou organes qui instruisent et qui jugent. A ce titre, l'organisation de l'Autorité des Marchés Financiers peut constituer un modèle, qui pourrait être étendu, donnant le pouvoir de poursuite au collège, et confiant la suite du processus à la Commission des sanctions. La sophistication juridique ne doit pas conduire pour autant à imposer cette organisation complexe et coûteuse à des Autorités administratives indépendantes trop petites pour le supporter.

9.1.16. La conséquence de l'application de l'article 6 : la juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes dotées de pouvoirs de sanction ou de règlement des différends. Le résultat de cette acclimatation, difficile mais désormais acquise, de l'article 6 au sein des Autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir de sanction ou un pouvoir de règlement des différents, a conduit à leur juridictionnalisation267(*), c'est-à-dire à la transformation de leur organisation interne et à leur fonctionnement sur un mode juridictionnel268(*), avec l'avantage des garanties et du crédit mais aussi avec l'inconvénient du coût, de la lenteur et de la contestation permanente. Ainsi, l'attribution de pouvoirs de sanction à la toute jeune HALDE va constituer à la fois un accroissement de ses pouvoirs, et à ce titre un accroissement de son efficacité, et un alourdissement de son processus de prise de décision sans apprentissage préalable, ce qui peut constituer une diminution de son efficacité, car l'art juridictionnel et le maniement procédural ne s'improvisent guère.

CHAPITRE V - MODALITES DE SAISINE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

10.0. Importance d'une saisine effective des Autorités administratives indépendantes. Précisément, beaucoup d'Autorités administratives indépendantes sont dépendantes de la saisine qui leur est faite, et à travers cela des informations qui leur sont ainsi transmises. Parce que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions, même si c'est en forme juridictionnelles qu'elles exercent un certain nombre de leurs pouvoirs, elles ne peuvent demeurer dans l'attente que l'on veuille bien les saisir, car leur action doit être permanente, alors que celle des juridictions est par nature saccadée, au gré des procès successifs.

SECTION 10 : SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE SAISINE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

1. L'auto-saisine

10.1.1. L'outil essentiel de l'auto saisine. L'auto saisine, même si elle peut poser des problèmes au regard de l'impartialité, compatibilité qu'il convient de préserver par ailleurs269(*), est un outil essentiel pour permettre aux Autorités administratives indépendantes d'avoir une action continue. Le législateur devrait favoriser d'une façon systématique l'attribution d'une telle puissance processuelle. C'est ainsi que l'auto-saisine permet par exemple au Conseil de la concurrence, doté par ailleurs de pouvoirs assez faibles, d'exercer une action efficace. Le principe d'une telle puissance d'action pourrait être visé dans l'éventuelle loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes.

10.1.2. Les moyens d'exercer le pouvoir d'auto saisine. Mais l'attribution d'une puissance d'action n'a de sens que si elle est assortie des moyens concrets de son exercice. C'est pourquoi les informations doivent pouvoir être apportées à l'Autorité, ou constituées par elle-même grâce à des services de veille ou d'enquête pour que le pouvoir d'auto-saisine soit effectif270(*).

2. La saisine désintéressée

10.1.3. La saisine pour avis. Dans cette optique de faveur systématique des saisines des Autorités administratives indépendantes, les saisines pour avis jouent leur rôle et doivent être favorisées, car elles permettent aux Autorités administratives indépendantes de faire profiter les autres institutions de leur expertise et d'établir pour leur propre compte une sorte de doctrine, moyen de sécurité juridique pour les parties prenantes.

10.1.4. Le rôle du Commissaire du Gouvernement. En cela, le Commissaire du Gouvernement, qui dispose du pouvoir de demander des réunions ou des délibérations sur des sujets, dont l'existence est souvent contestée271(*), peut présenter une grande utilité.

10.1.5. La question des associations. En outre, l'accès des associations aux Autorités administratives indépendantes, notamment lorsque celles-ci sont dotées d'un pouvoir de sanction, conduit transitivement à une meilleure action des Autorités, d'autant plus qu'il va de soi que celles-ci disposent du pouvoir de rejeter des requêtes infondées. L'on sait que le droit français demeure hostile à l'action des associations, en raison du fait que l'intérêt collectif qu'elles défendent n'arrive guère à trouver sa place entre les concepts d'intérêt particulier, dont chacun a la charge, et l'intérêt général, dont les institutions publiques ont la charge. Dont acte. Une conception pragmatique pourrait conduire à favoriser leur action auprès des Autorités administratives indépendantes, dans le but, suffisant en lui-même, de favoriser l'action de celles-ci. Cela compenserait le fait que les associations, notamment les associations de consommateurs, n'ont pas de place au sein des Autorités administratives indépendantes272(*), n'apparaissant à la rigueur qu'à travers des commissions consultatives. Cela serait d'autant plus pertinent pour les Autorités qui ne sont pas dotées d'un pouvoir d'auto saisine.

3. La saisine intéressée

10.1.6. La saisine par les victimes. La saisine devient intéressée lorsque le demandeur le fait pour satisfaire son intérêt particulier, par exemple pour obtenir une indemnisation, ou obtenir la sanction d'un concurrent, ou l'exclusion d'une personne aux intérêts contraires aux siens, ou l'adoption d'une injonction contre un tiers et en sa faveur. Certes, l'on peut considérer que favoriser les saisines par les victimes est une confusion entre la poursuite de l'intérêt individuel et la défense de l'intérêt général.

10.1.7. Corrélation entre la saisine par les victimes et la protection des personnes par les Autorités administratives indépendantes. Mais en premier lieu, lorsque les Autorités administratives indépendantes ont en charge la protection des personnes273(*), il est logique que celles qu'il s'agit de protéger puissent saisir l'Autorité. C'est notamment le cas de la CADA. Mais il peut arriver que les victimes soient trop faibles pour accéder à l'Autorité, c'est pourquoi l'action doit prendre une voie médiate, celle précitée des associations ou, par exemple, des services sociaux (par exemple pour le défenseur des enfants) ou des services administratifs (par exemple le ministre de l'Économie au regard du Conseil de la concurrence).

10.1.8. Saisine intéressée et restauration de la légalité. Pour relativiser encore cette opposition souvent faite entre l'intérêt général et l'intérêt particulier, et pour considérer la question au regard de l'efficacité de l'action des Autorités administratives indépendantes, l'action des victimes pourrait être favorisée y compris auprès des Autorités administratives indépendantes n'ayant pas pour fonction directe la protection des personnes (comme le Conseil de la concurrence, qui protège la concurrence et non les concurrents, ou l'AMF qui protège l'épargne). En effet, cela fournit aux Autorités de l'information, élément vital pour leur action274(*), et lorsque cela mène à une sanction pour violation des normes de comportement, cela restaure la légalité.

SECTION 11 : LES PERSPECTIVES D'ÉLARGISSEMENT DE LA SAISINE

4. L'hypothèse de saisine universelle

11.1.1. Les avantages d'une saisine universelle. C'est pourquoi le législateur pourrait prévoir, par exemple dans l'éventuelle loi-cadre, un pouvoir universel de saisir les Autorités administratives indépendantes, à l'instar d'un droit général d'action en justice qui permet à toute personne y ayant un intérêt personnel de saisir les juridictions275(*). Cela permettrait non seulement la restauration de la légalité lorsque celle-ci a été méconnue, mais encore une participation plus grande des personnes ordinaires à l'action des Autorités administratives indépendantes. Cette possibilité est notamment vivement souhaitée par le Médiateur de la République, qui pour l'instant ne peut être saisi par les citoyens sans le filtre d'un parlementaire. Cette situation est opposée à celle que connaît pour le Défenseur des enfants, puisqu'il peut examiner des situations présentées pour des personnes irrecevables à le faire, dès l'instant que des droits ou que la sécurité des enfants est en cause. Cette opposition est difficile à comprendre dans la mesure où ces deux Autorités sont analogues. D'une façon plus générale, dans la mesure où la création des Autorités administratives indépendantes résulte souvent d'une défiance à l'égard de l'Etat276(*), cette association plus étroite permettrait d'établir un lien de confiance plus solide entre les citoyens et les Autorités administratives indépendantes, dont il demeure acquis qu'elles émanent de l'Etat, même si le lien avec le Gouvernement a été rompu. En outre, comme il a été souligné, l'asymétrie d'information en sera diminuée au profit des Autorités. La saisine universelle produit assez mécaniquement un accroissement des demandes, le succès même de l'action de l'autorité y incitant277(*).

11.1.2. L'établissement d'une saisine universelle et les incitations requises pour son exercice effectif. Si l'évolution du droit conduit, soit loi par loi, soit par une loi-cadre qui, à ce titre, viendrait compléter le silence des lois antérieures et servir de guide pour les lois postérieures qui pourraient expressément y déroger en explicitant de bonnes raisons spécifiques pour cela, encore faut-il que cela soit effectif. Pour cela, il faut que les personnes intéressées, principalement les victimes, puissent obtenir un avantage particulier, car il demeure acquis qu'elles agissent pour défendre leur intérêt particulier, même si une telle action intéressée sert en ricochet l'intérêt général dont les Autorités administratives indépendantes ont la charge.

11.1.3. La perspective d'un pouvoir d'indemnisation. Pour cela, il conviendrait que les Autorités puissent attribuer des dommages et intérêts. Pour l'instant, cela est exclu. Il est vrai que les victimes peuvent se tourner vers les juridictions, au besoin en s'appuyant sur des preuves établies grâce à l'action des Autorités administratives indépendantes, et qu'un tel pouvoir contribuerait à accroître le mouvement de juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes, sur lequel des réserves peuvent être faites278(*). Mais ce mouvement a également des avantages279(*) et cela contribuerait puissamment à des saisines effectives d'Autorités.

11.1.4. L'opportunité d'associer droit d'accès et pouvoir de filtrage. Mais si le législateur s'oriente vers un accès universel des Autorités administratives indépendantes, notamment de la part des victimes pour obtenir des réparations, ce qui n'est pour l'instant pas le cas, mais pourrait constituer une alternative au pouvoir de sanction dans une perspective de civilisation de la régulation280(*), il conviendrait que les Autorités disposent d'un pouvoir de filtrer de telles demandes. Cela serait justifié tout d'abord par l'observation triviale que la plupart des Autorités administratives indépendantes n'ont pas les moyens matériels de répondre à une multitude de demandes, et ensuite par le fait qu'elles ne sont pas par nature des juridictions, ce qui conduit à limiter le fondement de ce qui serait un droit général d'action à une perspective de contribution à la concrétisation de l'intérêt général, ce qui fonderait le pouvoir des Autorités à désigner de plano les actions particulières qui y contribuent vraisemblablement et celles qui n'y contribuent pas. Ainsi, si le législateur décidait d'ouvrir à chacun le droit de saisir une Autorité administrative indépendante, avec l'incitation corrélative pour l'instant manquante d'obtenir une décision ayant un effet direct sur la situation particulière, notamment par l'attribution de dommages et intérêts, il faudrait l'assortir d'un pouvoir de filtrage.

5. L'hypothèse de saisine par les associations

11.1.5. Le couple d'un Etat pluraliste et d'une société intermédiée. Il a été souligné que la tradition politique et juridique française n'est pas, depuis la Révolution française, favorable à l'action des associations, corps intermédiaires renvoyant à la société intermédiée qui était celle de la France avant la Révolution. On soulignera ici que les Autorités administratives sont elles aussi une remise en cause de la société politique française telle qu'issue de la Révolution autour du pouvoir politique d'un Etat unifié281(*). Dès lors, ne faudrait-il pas considérer que les deux évolutions iraient bien de paire, c'est-à-dire que les organisations intermédiaires que sont les associations, seraient des acteurs adéquats face à des Autorités administratives indépendantes que l'on peut considérer aussi comme des organisations intermédiaires entre l'Etat hiérarchique unifiée et la population ? Il y aurait une logique forte pour associer les deux pouvoirs, celui des associations et celui des régulateurs indépendants. Pour l'instant, la jonction n'est que peu faite et l'on observe que les associations sont relativement peu actives et relativement peu conscientes de l'importance que pourraient avoir les Autorités administratives indépendantes au regard de leur propre action282(*).

11.1.6. La variation des associations suivant leur objet et suivant la mission de l'Autorité administrative indépendante. Si le législateur souhaitait favoriser l'action des associations, alors même qu'il ne les favorise guère devant les juridictions (même si reste en suspens l'adoption d'actions de groupe, dans la version la plus modeste de celles-ci, c'est-à-dire avec opting in, ce qui éloigne en toutes hypothèses l'exemple nord-américain des class actions), ce qui pourrait se justifier du fait que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas des juridictions et doivent mener des actions publiques contenues, il convient, soit de limiter l'action des associations à la démonstration d'une corrélation entre la mission de l'association en cause et la mission de l'Autorité saisie, soit faire jouer à leur propos aussi le pouvoir de filtrage évoqué plus haut.

CHAPITRE VI - LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET LES JURIDICTIONS

12.0.1. Juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes et influence juridictionnelle. Il a été montré que la nature même des pouvoirs exercés par les Autorités administratives indépendantes, lorsqu'ils prennent la forme d'un pouvoir de sanction ou de règlement des différends, entraînent nécessairement une juridictionnalisation de celles-ci283(*). Cela n'est pas indifférent aux rapports que les Autorités administratives indépendantes entretiennent avec les juridictions, les juridictions contrôlant de plus en plus fortement les Autorités au fur et à mesure que leurs pouvoirs deviennent analogues. Mais le rapport n'est pas seulement de contrôle, il doit être avant tout un rapport de coopération, notamment parce que de nombreuses Autorités, y compris celles qui s'analysent elles-mêmes sans pouvoirs juridiques forts, par exemple le Médiateur de la République, sont dotées du pouvoir de saisir les juridictions et y attachent une grande importance, et d'une façon plus générale parce que les deux types d'institutions appartiennent à l'Etat.

12.0.2. L'impact sur le système politique français. Cette présence nécessaire des juridictions, du fait du type de pouvoirs attribués aux Autorités administratives indépendantes, a accru l'importance des juges dans l'action de l'Etat. Cette évolution, en décalage par rapport à l'organisation politique française traditionnelle, tend à établir les juridictions en pouvoir, et à rapprocher notre système politique du système anglo-nord-américain284(*).

SECTION 12 : BILAN DE LA COOPÉRATION ENTRE LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET LES JURIDICTIONS

1. La coopération horizontale entre les autorités administratives indépendantes et les juridictions

12.1.1. L'importance pour les Autorités administratives indépendantes du rapport avec les juridictions. Notamment parce que les Autorités ne sont pas elles-mêmes dotées du pouvoir de sanctionner ou de trancher les différents, mais qu'elles exercent plutôt un pouvoir d'expertise, d'information, de médiation et d'alerte, et surtout lorsque les Autorités ont une compétence horizontale et non pas sectorielle, la qualité et l'intensité du rapport avec les juridictions sont essentielles. Il en est ainsi par exemple de la HALDE, pour l'instant non encore dotée de sanction, du Haut Conseil au Commissariat aux comptes285(*), ou du Défenseur des enfants286(*).

12.1.2. Les Autorités administratives indépendantes, experts gracieux des juridictions. L'asymétrie d'information dont souffrent les Autorités administratives indépendantes287(*), est démultipliée au détriment des juridictions, moins proches des situations générales, saisies uniquement de cas particulier, composées de magistrats formés au droit et relativement peu à d'autres disciplines, alors que les actions de toutes les Autorités administratives indépendantes ne donnent qu'une part relativement limitée au droit. En outre, les juridictions ne sont généralement pas spécialisées, ce qui accroît la difficulté de la tâche des magistrats. C'est pourquoi il est essentiel de prévoir que les Autorités administratives indépendantes peuvent, sans exception, fournir des avis à des juridictions, sans exception, ou interpréter le silence des textes dans ce sens. Le fait qu'il s'agisse d'avis techniques gratuits pour le service public de la justice n'est pas leur moindre qualité.

12.1.3. Discussion autour de la présence des Autorités administratives indépendantes à l'occasion des recours formés contre leurs décisions devant les juridictions. C'est souvent de cette façon que l'on justifie la présence des Autorités administratives indépendantes dans la procédure de recours formée contre leurs décisions devant une juridiction. Ce pouvoir est accordé par de nombreux textes, Autorité par Autorité. Il en est ainsi de l'AMF, de l'ARCEP, de la CRE ou du Conseil de concurrence. Cela correspond en outre à la règle classique du contentieux administratif qui estime logiquement que l'auteur d'une décision administrative participe au procès fait à l'acte.

12.1.4. Dès lors, si l'on s'en tient aux qualifications françaises, les Autorités en cause étaient de nature administrative, elles adoptent des décisions administratives dont elles défendent la légalité, voire l'opportunité, devant le juge qui doit l'apprécier. Mais si l'on se réfère aux qualifications européennes288(*), les Autorités qui adoptent des décisions de sanction ou qui tranchent un litige opèrent « comme » des juridictions et doivent dès lors être traitées « comme » telles, c'est-à-dire en principe interdites de défendre leurs décisions, car les juridictions ne défendent pas leur jugement en appel.

Il en résulte que l'interprétation à faire des dispositions contraires que la souveraineté du législateur a insérées dans le système juridique, par le pouvoir de formuler des observations, doit être interprétée restrictivement. Cela fut fait par la Cour de cassation289(*), mais la solution est contestée par des observateurs plus sensibles à la culture de droit public. Les qualifications juridiques sont ici fondamentalement une question de culture juridique, dommageable en ce que les Autorités administratives indépendantes, de la même façon qu'elles sont libérées de la tutelle de l'exécutif, gagnent à échapper à l'opposition traditionnelle entre le droit public et le droit privé.

2. La coopération verticale entre les autorités administratives indépendantes et les juridictions

12.1.5. Les juridictions, contrôleurs légitimes et légitimant des Autorités administratives indépendantes. L'Etat de droit oblige que les décisions individuelles des Autorités administratives indépendantes soient soumises à un contrôle juridictionnel. Le droit français est très clair sur le principe, imposé d'ailleurs par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'Homme290(*). La distinction vient plutôt de la désignation d'une juridiction judiciaire ou d'une juridiction administrative pour ce faire, ce qui sera examiné plus loin.

L'essentiel tient dans la compétence technique des magistrats, d'un ordre ou de l'autre, qui connaissent de ces recours, notamment lorsque la décision prises par l'Autorité est très technique (ce qui est plus souvent le cas pour les régulateurs économiques291(*)), l'observation valant aussi bien pour les magistrats que pour les experts qui les assistent292(*).

12.1.6. Le recours comme mode de coopération. Il faut que le législateur veille à ne pas monter les Autorités administratives indépendantes contre les juridictions et réciproquement. On observera que les cas d'annulation ou réformation sont assez rares et portent généralement sur des questions de procédure ou d'une façon plus large sur la « façon de faire » de l'Autorité lors de l'exercice de ses pouvoirs293(*). C'est pourquoi le recours doit constituer un mode vertical de coopération, ce qui est toujours difficile entre des institutions se définissant dans un tel cas comme un contrôlé face à un contrôleur. C'est à ce titre que le pouvoir exceptionnel pour les Autorités administratives indépendantes de formuler des observations devant la juridiction de recours, est justifié. En outre, mais cela n'est pas affaire de législation mais de pratique, les rencontres régulières et les échanges non seulement d'informations techniques mais encore de culture (par exemple culture économique et culture juridique), sont le véritable gage de faire en sorte que les recours ne soient pas des procédés d'annihilation d'un pouvoir par un autre, mais une coopération efficace.

SECTION 13 : L'INTERFÉRENCE DE L'ACTION DES JURIDICTIONS SUR L'ACTION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

3. La concomitance des procédures propres aux autorités administratives indépendances et des procédures ordinaires devant les juridictions et les instances disciplinaires

13.1.1. La tendance à multiplier les concomitances des procédures Ce n'est pas parce que les Autorités administratives indépendantes sont titulaires de pouvoirs de type juridictionnel, ce qui est nécessaire à l'efficacité de leur action294(*), que les compétences ordinaires des juridictions cessent. C'est pourquoi le droit positif a multiplié la concomitance des procédures, analogues devant les Autorités administratives indépendantes et devant les juridictions. Cela est la conséquence nécessaire de deux logiques, l'une tenant à l'efficacité de l'action publique, l'autre tenant à l'office ordinaire des juridictions de sanctionner et de trancher des litiges, deux logiques générales et fondamentales qui ne peuvent pas s'écarter l'une l'autre.

13.1.2. Les inconvénients pratiques de la concomitance. Il en résulte une complexité du système, un coût important et des comportements opportunistes de la part d'opérateurs puissants qui peuvent à leur choix faire jouter les uns plutôt que les autres, les uns contre les autres. Les avocats dont l'importance est corrélée à la juridictionnalisation de l'action des Autorités administratives indépendantes et à l'ampleur du contrôle de leurs actions par les juridictions sont au service de telles stratégies, légitimes pour ceux qui les mènent, dommageables pour le système. Mais l'expérience montre que l'action des Autorités et l'action des juridictions, que les parties prenantes peuvent saisir en première instance et alors même que le droit laisse faire cette concomitance et n'organise notamment pas d'autorité de chose décidée au bénéfice des Autorités à l'égard des juridictions ordinaires, les conflits ne sont guère advenus. Sans doute faut-il se contenter de cette satisfaction pratique sur une organisation juridique pourtant lacunaire, puisque les deux compétences se superposent sans hiérarchie ni opposabilité. Le droit de la concurrence est exemplaire à ce titre, puisque de fait l'application concomitante qu'en fait le Conseil de la concurrence et à sa suite la Cour d'appel de Paris, et les juridictions administratives sous le contrôle du Conseil d'Etat, ne produit pas de divergences substantielles. Si celles-ci existaient, elles seraient insurmontables car le système juridique français ne comprend pas de juridictions aptes à briser une divergence de jurisprudence (sauf à ce que le Parlement vienne briser une des jurisprudences), mais ces divergences n'adviennent pas, ou sur des points de détail, ou d'une façon provisoire.

13.1.3. L'inconvénient de principe lié au principe non bis in idem. Lorsqu'il s'agit du pouvoir de sanction, l'inconvénient devient de principe. Le Conseil constitutionnel lui-même après avoir admis le cumul des sanctions administratives prononcées par les Autorités administratives indépendantes avec les sanctions pénales prononcées par les tribunaux répressifs295(*) a exprimé des réserves par sa décision 96-378 DC du 23juillet 1996 en raison de la valeur constitutionnelle de la règle non bis in idem. Même si la censure du Conseil constitutionnel demeure incertaine, sa décision pouvant prêter à interprétation, le législateur doit être lui-même sensible à cette protection des personnes, que le principe de proportionnalité ne suffit pas à établir296(*) et alors même qu'il est établi que le pouvoir de sanction est nécessaire à l'efficacité de l'action des Autorités administratives indépendantes.

13.1.4. Le modèle de l'Autorité des Marchés Financiers. La question a été profondément discutée devant le Parlement à l'occasion de la création de l'AMF et au regard de l'expérience du pouvoir de sanction exercé par la COB. Pour rendre admissible ce pouvoir de sanction, sans lequel l'Autorité perd une grande partie de l'efficacité de son action et alors même que les juridictions n'ont pas les moyens d'avoir une efficacité équivalente, et dont la disparition aurait donc fait diminuer considérablement l'efficacité de l'action de l'Etat dans la régulation des marchés financiers, le législateur a tout d'abord distingué fonctionnellement dans l'organisation de l'Autorité l'exercice du pouvoir de sanction de l'exercice des autres pouvoirs297(*). La Commission des sanctions, organe distinct du collège, peut donc constituer un exemple à suivre. En outre, la loi a prévu que l'Autorité qui décide d'ouvrir une procédure administrative de sanction se voit alors privée du droit de saisir des juridictions répressives, alors qu'à l'inverse, elle peut, facilitée en cela par sa nouvelle personnalité morale298(*), non seulement saisir les juridictions pénales mais encore se constituer partie civile, dès l'instant qu'elle renonce à ouvrir pour son compte une procédure de sanction. Cette organisation qui laisse perdurer les deux types de procédure, procédure administrative de sanction et procédure pénale de sanction, établit un équilibre conforme au principe constitutionnel non bis in idem, sans plus recourir à l'argument sophistique de la distinction de nature entre sanction administrative et sanction pénale299(*), et en ne diminuant pas l'efficacité de l'action de l'Etat, portée par l'Autorité administrative indépendante.

4. La clarification du contrôle juridictionnel des autorités administratives indépendantes

13.1.5. La diversité des juridictions de recours contre les régulateurs économiques. Les Autorités administratives indépendantes ont longtemps relevé du contrôle du Conseil d'Etat, conséquence naturelle de leur nature administrative, solution ayant l'avantage de la simplicité et l'avantage de solutions juridictionnelles unifiées. Cela demeure fondamentalement le cas des régulateurs de médiation et de protection des personnes et des libertés publiques300(*). Mais la législation a, à partir de 1987, transféré la compétence du contrôle vers la Cour d'appel de Paris, notamment pour le Conseil de la concurrence, le régulateur des marchés financiers, etc. (à l'exception notable des Autorités de régulation bancaire, Commission bancaire et CECEI qui demeurent sous le contrôle du Conseil d'Etat). Il en a résulté une complexité dans l'organisation des recours juridictionnels.

13.1.6. La complexité qui résulte de la diversité des juridictions de recours et l'interférence du critère du type de pouvoirs exercés par les régulateurs économiques. La complexité ne vient pas tant du fait que certaines Autorités relèveraient du juge administratif et d'autres du juge judiciaire, la répartition étant plus fine et compliquée que cela. En effet, suivant le type de pouvoir exercé par l'Autorité, le recours sera porté soit devant la Cour d'appel de Paris, soit devant le Conseil d'Etat. Si l'Autorité n'exerce qu'un seul type de pouvoir, par exemple le Conseil de la concurrence qui sanctionne les comportements anticoncurrentiels mais n'est pas doté de pouvoir ex ante, de pouvoir réglementaire ou d'agrément301(*), et dont les décisions relèvent du contrôle de la Cour d'appel de Paris. Mais dès l'instant que les pouvoirs sont diversifiés, alors l'exercice du pouvoir réglementaire relèvera du Conseil d'Etat et le pouvoir de règlement des différents de la Cour d'appel de Paris, conséquence naturelle du type de pouvoir exercé. La question du pouvoir de sanction est plus difficile, suivant qu'on le considère de type répressif (conduisant logiquement au juge judiciaire) ou de type disciplinaire (conduisant logiquement au juge administratif). Il en résulte que le Tribunal des conflits est amené régulièrement à statuer sur la compétence de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, aussi bien en matière financière302(*) qu'en matière énergétique303(*).

13.1.7. La perspective radicale d'une juridiction unifiée et nouvelle de contrôle des régulateurs économiques. Une solution radicale consisterait dans la création par le Parlement d'une juridiction absolument autonome, c'est-à-dire qui ne soit insérée ni dans l'ordre des juridictions judiciaires ni dans l'ordre des juridictions administratives, et compétente pour tout type de recours contre tout type de décision, prise par tout type d'Autorité administrative en charge d'une régulation économique.

13.1.8. Évaluation du coût d'une telle solution. Dans son principe, cette solution est très séduisante, ne serait-ce parce qu'elle prend acte de l'affaiblissement de la distinction entre droit public et droit privé en matière économique. Mais le coût d'un tel établissement est très élevé, non pas tant en termes financiers qu'en termes institutionnels et au regard de la sécurité juridique d'une telle solution304(*). En effet, si l'on estime que la question ne concerne que les régulateurs économiques et non pas les régulateurs sociaux de protection des personnes, cela suppose que l'on puisse très fermement classer les Autorités administratives indépendantes dans cette summa divisio, ce qui est en réalité difficile, notamment concernant le CSA305(*). En outre, il n'est pas sûr que doter d'un pouvoir de contrôle de légalité une juridiction n'appartenant pas à l'ordre des juridictions administratives passe aisément le contrôle du Conseil constitutionnel. Enfin, le coût institutionnel d'une telle liberté prise par rapport au principe de dualité des ordres est très élevé et la phase d'apprentissage technique risque d'être assez longue, engendrant une période d'incertitude juridique qui constitue en elle-même un risque et un coût.

13.1.9. Évaluation comparée de la difficulté de la solution par rapport aux difficultés de la situation qu'il s'agit d'améliorer. Cette sorte de dépense institutionnelle n'est pourtant pas inenvisageable si elle permet de résoudre une difficulté très grande. En effet, la dualité des ordres de juridictions peut être surmontée si elle produit de graves inconvénients. Mais l'observation pratique montre que les Autorités administratives indépendantes ne présentent pas cette question comme une difficulté majeure306(*). Plus encore, les opérateurs concernés par l'exercice que les régulateurs économiques font de leur pouvoir sont des entreprises puissantes et informées qui ont intégré la complication indéniable née de la dualité des ordres de juridictions et n'en demandent pas particulièrement la mise à l'écart. Ces entreprises demandent davantage des garanties de compétence technique et de droits processuels effectifs307(*) que l'édiction d'une juridiction de recours ad hoc. La difficulté qui pourrait justifier une telle édition est autre : le risque que court le système juridique lui-même, lorsqu'une même situation, ou l'exercice d'un même type de pouvoir, donne lieu à des solutions divergentes, dont l'antagonisme ne peut être résolu car les décisions contradictoires, soit dans leurs solutions particulières, soit dans l'interprétation du droit qui y a abouti (hypothèse plus grave), demeurent intactes, protégées chacune par leur ordre de juridiction. Mais là aussi l'expérience montre que les solutions sont articulées spontanément. Là encore, c'est affaire de pratique, notamment par la rencontre régulière des divers magistrats concernés.

CHAPITRE VII - LES AUTORITES ADMINISTRATIVES, LE GOUVERNEMENT ET L'ADMINISTRATION

14.0. Les Autorités administratives indépendantes appartiennent à l'Etat mais échappent par nature au pouvoir exécutif, lequel fonctionne hiérarchiquement sous le pouvoir du Gouvernement. La difficulté de principe est forte et le modèle politique français de ce fait affecté308(*), mais en pratique l'insertion s'est opérée assez bien309(*).

SECTION 14 : LA QUESTION DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

1. Recensement et bilan des autorités administratives indépendantes disposant d'un « pouvoir réglementaire »

14.1.1. Rappel des Autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire. Comme il a été indiqué à l'occasion de l'examen des pouvoirs des Autorités administratives indépendantes, celles qui sont dotées d'un pouvoir réglementaire sont la CNIL, l'AMF, l'ARCEP, le CSA et la CRE. Ce pouvoir permet une action plus directe sur les structures, soit sociales, soit économiques des Autorités administratives indépendantes. Ce pouvoir réglementaire est souvent considéré comme l'un des plus importants parmi ceux dont les Autorités sont titulaires310(*). Des Autorités comme la Commission de Régulation de Énergie311(*) ou le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel312(*) en demandent l'extension.

14.1.2. La position du Conseil constitutionnel quant à la délégation du pouvoir réglementaire. Le Conseil constitutionnel a admis avec réticence cette délégation du pouvoir réglementaire, dont le Gouvernement est ainsi dessaisi313(*). Il ne l'a admis qu'à la condition que cet exercice délégué ne bénéficie à l'Autorité administrative indépendante qui l'exerce que proprio motu et non plus par transitivité du pouvoir constitutionnel du Gouvernement, soit à la fois précis et limité. Cette réticence, et la force de son fondement constitutionnel, expliquent sans doute que peu d'Autorités administratives indépendantes en soient dotées, ce qui entrave l'efficacité de leur action.

14.1.3. L'application peu rigoureuse du principe constitutionnel. Mais de fait, les Autorités dotées d'un tel pouvoir l'exercent largement. On peut citer à ce titre l'ampleur des règlements généraux de l'Autorité des Marchés Financiers, parfois en application directe de textes européens pour l'élaboration desquels le processus Lamfallusy lui a permis d'être active314(*). De fait, la légalité n'en est pas contestée par les entreprises parties prenantes, ce que l'on peut examiner comme une sorte de déplacement du contrôle315(*).

14.1.4. Exercice de droit et exercice de fait du pouvoir d'émettre des dispositions générales et abstraites. Soft Law et absence de contrôle juridictionnel. En outre, et plus encore si l'Autorité administrative en cause a du prestige et de l'autorité316(*), il suffit que, notamment par le biais de son Président, elle formule des observations générales, ou des anticipations, ou des souhaits, pour que le crédit dont elle dispose entraîne le respect de ces formulations générales par les parties prenantes, surtout si nous sommes dans un système auto observé, comme si elles étaient dotées d'une potée normative. On peut alors faire l'observation suivante. Si au nom de la réticence de principe, légitime et portée par le Conseil constitutionnel lui-même, on refuse à des Autorités le pouvoir réglementaire, une autorité pourra puiser dans son propre crédit pour l'exercer de fait, sur le mode d'une Soft Law dont on connaît la puissance, et sans que les parties prenantes disposent des protections juridiques que leur offre l'exercice d'un pouvoir juridique formel317(*). Sans doute vaut-il mieux que le droit confère, c'est-à-dire organise et limite, des pouvoirs plutôt que de feindre d'ignorer ceux qui sont exercés de fait.

2. Les conflits de compétence dans l'exercice du pouvoir réglementaire entre les autorités administratives indépendantes et l'administration

14.1.5. Le risque de heurt des compétences et le principe de soustraction des Autorités administratives indépendantes à l'emprise du pouvoir exécutif. Comme pour les juridictions qui ne peuvent être privées du pouvoir de juger sous prétexte que des Autorités administratives en sont dotées318(*), le Gouvernement ne peut être privé du pouvoir de réglementer sous prétexte que les Autorités en sont dotées. Mais ici la compatibilité est plus difficile car autant les juridictions sont en quelque sorte le contre-pouvoir concurrent et supérieur aux Autorités administratives indépendantes319(*), autant le pouvoir réglementaire ne peut pas s'exercer s'il revient, par des contradictions avec l'action des Autorités, à reprendre par cette voie une emprise hiérarchique.

14.1.6. La compétence législative d'organiser l'exercice du pouvoir réglementaire entre Gouvernement et Autorité administrative indépendante, « chacun en ce qui le concerne ». Non seulement, il faut que des textes désignent précisément les compétences respectives du pouvoir réglementaire général du Gouvernement et du pouvoir réglementaire particulier de l'Autorité, par exemple en matière de tarification, ou d'émission d'appel d'offre, mais encore seul le législateur peut le faire. En effet, pour revenir sous cet angle sur la question de la répartition du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire dans la création et l'élaboration des règles de fonctionnement des Autorités administratives indépendantes320(*), autant il est possible que le pouvoir réglementaire général détaille les principes arrêtés par le législateur321(*), autant lorsqu'il s'agit du pouvoir réglementaire de l'autorité, il serait sage que le législateur y procède lui-même.

SECTION 15 : L'ÉTAT TRADITIONNEL APPUYÉ SUR LES AUTORITÉS, LES AUTORITÉS APPUYÉES SUR L'ÉTAT TRADITIONNEL

15.0. L'enjeu entre coordination et insertion. De la même façon que les rapports entre les Autorités administratives indépendantes et les juridictions ne gagnent pas à être conflictuels322(*), les rapports entre l'action administrative générale et l'action particulière des Autorités administratives indépendantes doivent s'établir sur un mode coopératif. C'est l'indépendance des Autorités qui facilite cette coopération. Il n'est pas question que le rapport entre pouvoir exécutif et pouvoir de l'Autorité administrative indépendante s'opère sur un mode hiérarchique323(*). Mais l'enjeu est autre : est-ce que l'action gouvernementale doit s'articuler avec l'action de l'autorité, coopération de type extérieur, ou est-ce qu'elle doit pénétrer l'Autorité administrative indépendante elle-même ?

3. L'insertion de la considération des orientations de politique générale et des intérêts nationaux dans le fonctionnement des autorités administratives indépendantes

La composition ès qualités. C'est ce qui justifie la composition de certaines Autorités administratives indépendantes qui est opérée es qualités324(*). Est exemplaire le CECEI, dans lequel siègent des représentants directs de l'exécutif hiérarchisé325(*). On comprend bien que la préservation de la solidité bancaire est un enjeu national, auquel le Ministre doit être sensible. Mais l'importance de l'enjeu est précisément souvent ce qui a justifié que la fonction soit confiée à une Autorité indépendante, qui peut notamment maintenir dans le temps ses prises de position326(*). Dès lors, une telle composition consiste à reprendre d'une main l'indépendance que l'on a donné de l'autre, et d'une façon plus générale la composition ès qualités entraîne mécaniquement une suspicion sur l'indépendance de l'Autorité administrative indépendante, alors même que cette indépendance doit se donner à voir327(*). Dès lors, la composition ès qualités qui serait concevable concernerait des personnes qui, au titre d'une Autorité administrative indépendante particulière, pourraient être présentes de droit dans une autre Autorité, le fait de la désignation obligée ne portant alors pas atteinte à l'indépendance en raison de l'origine des personnes désignées. Il faut encore traiter à part la situation de la CNIL dans laquelle siègent deux députés et deux sénateurs. La Commission souligne que cela «contribue à assurer des relations régulières et directes avec le pouvoir politique »328(*). Il est vrai que la distance est moins cruciale entre l'Autorité et le Parlement qu'elle n'est entre l'Autorité et le Gouvernement. Mais si l'on en revient à des membres de l'administration traditionnelle, comment résoudre cette importance de ce sur quoi porte l'action de l'Autorité pour le Gouvernement et le principe d'impartialité apparente de l'Autorité ?

15.1.1. Le commissaire du Gouvernement. On retrouve ici une fois encore le commissaire du Gouvernement. Celui-ci a précisément pour fonction de faire entendre la voix du Gouvernement, qui doit avoir droit de parole, et par l'intermédiaire de son commissaire le droit de solliciter des délibérations, sans que cela ne doive jamais aboutir à se substituer à l'Autorité administrative indépendante. Dès lors et à ce titre, la présence d'un commissaire du Gouvernement permet d'articuler action gouvernementale et action de l'Autorité, sans porter atteinte à l'indépendance de l'Autorité.

15.1.2. Le pouvoir gouvernemental d'activer les Autorités administratives indépendantes. De la même façon, on retrouve ici le droit d'action. Le Gouvernement doit avoir le droit de saisir les Autorités sur des questions générales (par le pouvoir d'avis329(*)) ou sur des cas particuliers, pour que celles-ci exercent leur office. En cela, lorsqu'il s'agit d'exercer le pouvoir de sanction administrative, le Gouvernement peut jouer le rôle analogue à celui du Ministère public devant les juridictions, sur le modèle du rôle joué par la DGCCRF à l'égard du Conseil de la concurrence, et sans que cela ôte l'opportunité d'attribuer par ailleurs à l'Autorité un pouvoir d'auto saisine330(*).

15.1.3. L'application à l'exemple des régulateurs bancaires. Ainsi, sans revenir sur l'opportunité déjà soulignée de faire fusionner la Commission bancaire et le CECEI331(*), l'on pourrait réformer la composition de cette Autorité, pour l'aligner sur la composition plus ordinaire des collèges des Autorités administratives indépendantes, dans lesquels les personnes sont désignées par des personnes légitimes pour le faire (généralement Président de la République, Présidents des Assemblées, etc.) 332(*), et non es qualités. S'il convient de juguler le risque d'une moindre compétence technique des personnes ainsi désignées par rapport à l'incontestable compétence technique des personnes désignées es qualités, alors il convient de mettre en oeuvre les mesures proposées pour s'assurer de cette compétence technique333(*), voire adopter le système d'audition qui permet de s'en assurer334(*). En outre, la possibilité pour le Gouvernement à la fois d'exercer un droit d'action et le rôle que tiendrait un commissaire du Gouvernement pour faire entendre sa voix, permettraient sans doute par l'ensemble de ces dispositions corrélées d'améliorer le dispositif institutionnel, de l'aligner sur un modèle plus commun et de maintenir les exigences de compétence technique et d'action gouvernementale.

15.1.4. La haute main du Parlement. En toutes hypothèses, le pouvoir législatif a le pouvoir et le devoir d'assurer l'unité de l'action générale de l'Etat et de l'action d'intérêt général, lorsque l'action gouvernementale vient à heurter l'action normative (de fait ou de droit) des Autorités administratives indépendantes. C'est une raison de plus pour que le Parlement accorde une attention particulière, renforcée et constante, sur l'action des Autorités administratives indépendantes335(*). C'est également la raison pour laquelle les Autorités elles-mêmes reconnaissent sans difficulté cette supériorité336(*).

4. L'usage des services de l'état par les autorités administratives indépendantes dans l'exercice de leurs missions

15.1.5. Distinction des services intégrés et des services à l'extérieur des Autorités administratives indépendantes. La capacité des Autorités administratives indépendantes à obtenir des informations est essentielle337(*). Elles ne disposent pas toujours des moyens techniques338(*), ou financiers339(*), pour y procéder. C'est pourquoi, de la même façon que les autres institutions de l'Etat, notamment les juridictions, doivent bénéficier de l'expertise des Autorités340(*), symétriquement les Autorités administratives doivent pouvoir compter sur l'expertise de l'administration traditionnelle, ou plus simplement accéder à des informations normalement indisponibles, comme celles tenues par la Gendarmerie (pour lesquelles les membres de la CNIL ont un accès particulier), ou plus largement couverte d'ordinaire par le secret professionnel. Le cas de la Commission consultative du secret défense est l'illustration extrême de cette capacité à obtenir toute collaboration. Cela peut se faire sur le mode de l'intégration : ainsi, la réforme du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage passe non seulement par de nouveaux pouvoirs et l'attribution d'une personnalité morale, mais encore et surtout par la mise sous son contrôle des laboratoires techniques dont l'expertise immédiatement disponible est cruciale pour cette lutte si difficile.

15.1.6. Le principe d'un pouvoir d'accès général à l'expertise de l'administration traditionnelle. Si l'expertise requise, et il en existe toujours une quel que soit le type d'Autorités et quel que soit le type de mission qui lui est confié, ce qui justifierait que cela soit visé dans une éventuelle loi-cadre, existe dans l'administration traditionnelle, et que son internalisation dans l'Autorité n'est pas par ailleurs la solution la plus efficace341(*), alors il serait opportun de prévoir un droit pour toutes les Autorités administratives indépendantes de solliciter des expertises de la part des services intégrés de l'Etat. Ces relations d'expertise peuvent aussi être des relations de coopération. On peut prendre l'exemple du Médiateur de la République, qui dispose de « correspondants ministériels », mis en place par une circulaire du Premier Ministre, et qui permet au Médiateur de trouver l'interlocuteur pertinent. D'une façon plus générale, les Autorités en charge de trouver des solutions à des situations sociales individuelles ont développé des liens avec les services sociaux et judiciaires de l'Etat. Cela est également vrai pour le Défenseur des enfants, et cela fût une des premières actions de la HALDE342(*).

15.1.7. La possibilité symétrique pour l'administration traditionnelle de bénéficier de l'expertise des Autorités administratives indépendantes. Symétriquement, les Autorités administratives indépendantes sont souvent mises en valeur, voire justifiées dans leur création même, par le niveau d'expertise que permet leur concentration sur un seul objet. De cette expertise là aussi l'administration traditionnelle peut bénéficier dans des relations de travail, notamment dans une perspective européenne, sans que l'indépendance de

l'Autorité en soit affectée343(*). Par exemple, l'Autorité des Marchés Financiers et la Direction du Trésor coopèrent dans l'action internationale de l'Etat en matière de marchés financiers. Il arrive également fréquemment que les Autorité participent à des réseaux d'administration de recherche des preuves, comme Eurojust, comme le fait notamment la CNIL344(*).

CHAPITRE VIII - LES MOYENS FINANCIERS ET LA PLACE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES DANS L'ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT

16.0.1. L'importance et la pratique des budgets. Le budget n'est pas de l'intendance. Il est l'expression de la politique même, puisqu'il consiste à mettre en masse des moyens en fonction de buts, concrétisation donc d'une volonté d'action. De la même façon, la maîtrise d'un budget, en amont dans sa constitution à travers les ressources, puis dans son architecture qui suppose l'affectation dans ces ressources de montants disponibles pour tel ou tel usage, enfin en aval dans sa dépense effective, est le signe le plus tangible de la puissance d'action et de l'autonomie de décision.

16.0.2. Le paradoxe budgétaire des Autorités administratives indépendantes. Le budget est donc un mode de gouvernement, à ce titre la LOLF est indissociable de la réforme de l'Etat. En effet, la LOLF consiste à concevoir l'action de l'Etat en missions, elles-mêmes décomposées en programmes, dotées de moyens financiers, répartis dans un certain nombre d'actions. Le changement vient dans l'association d'une part du pouvoir des directeurs de missions et de programmes de réallouer les sommes en fonction des besoins en cours d'exercice budgétaire, et d'autre part de leur obligation de rendre compte de l'usage fait de ces moyens, à travers des indicateurs de performance dessinés en fonction des buts poursuivis. Ce n'est pas que reprendre des outils de saine gestion, déjà utilisés

en interne par de nombreuses Autorités administratives indépendantes345(*). Ainsi la liberté, la responsabilité et la reddition des comptes sont fortement liées, ce qui renvoie à une conception politique de l'exercice du pouvoir. On pourrait penser que les Autorités administratives indépendantes fonctionnant selon le même mode de gouvernement, il devrait y avoir rencontre aisée. Mais c'est le contraire, précisément parc que les Autorités administratives indépendantes tiennent de leur nature ce pouvoir d'autonomie budgétaire ... mais qu'elles ne constituent pas dans la LOLF un programme. Dès cet instant et du fait même de cette identité, la LOLF se retourne contre les Autorités administratives indépendantes, par leur insertion dans des programmes, c'est-à-dire en les soumettant à un pouvoir de décision budgétaire en cours d'exercice346(*), diminution apparente de leur propre maîtrise, c'est-à-dire de leur apparente autonomie347(*).

16.0.3. Les trois dimensions de l'indépendance budgétaire. Il faut distinguer trois types d'autonomie, qui ne sont pas nécessairement alignées entre elles. Tout d'abord, l'indépendance financière, figure la plus radicale, concerne les modes de financement même de l'Autorité. Ensuite, l'indépendance de programmation et d'exécution budgétaire qui permet à l'Autorité de concevoir et de conduire les dépenses qui lui paraissent les unes par rapport aux autres nécessaires à l'exécution de sa mission. Enfin, l'autonomie de gestion budgétaire permet à l'Autorité d'opérer concrètement les achats, de signer les baux, d'opérer les paies, etc. Sans doute, l'enjeu le plus symbolique réside dans l'indépendance financière, mais l'enjeu le plus concret, dès l'instant que les Autorités administratives indépendantes ne sont pas dotées de budgets misérables, est dans l'autonomie de programmation et de gestion financière.

SECTION 16 : L'ADAPTATION DES MOYENS FINANCIERS À L'INDÉPENDANCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

1. Autonomie de gestion financière dont disposent les autorités administratives indépendantes

16.1.1. L'autonomie budgétaire des Autorités administratives indépendantes. Les Autorités administratives indépendantes disposent en général d'une autonomie budgétaire, c'est-à-dire qu'à l'inverse des Établissements publics administratifs, elles élaborent librement et exécutent selon leur volonté leur budget. Elles revendiquent hautement ce pouvoir, jugé indispensable à leur indépendance348(*). Certes, cette liberté est limitée par la dimension même de leur budget, dans l'attribution duquel elles ne sont généralement pas maîtresses349(*). Certains estiment que la LOLF a changé les moeurs, y compris à ce propos, du fait de l'insertion dans un programme350(*). L'autonomie de gestion devrait s'en suivre, mais les Autorités administratives indépendantes ne revendiquent pas nécessairement cette autonomie là, dans la mesure où il s'agit souvent de petites structures, dont l'efficacité serait handicapée par une trop forte mobilisation autour de ces tâches de gestion. C'est ainsi que des Autorités administratives indépendantes peuvent conclure des conventions de gestion avec leur ministère de rattachement, comme le fait le Conseil de la concurrence à l'égard du Ministère de Économie et des Finances.

16.1.2. Contrôle financier et indépendance des autorités administratives indépendantes. La très grande majorité des Autorités administratives indépendantes sont dispensées du contrôle financier, le Médiateur de la République disposant même d'un compte bancaire auprès de la paierie générale du Trésor,

tandis que certaines en supportent encore351(*). Certes, et ce fut une cause d'inquiétude pour certaines, les procédures informatiques, conçues pour l'ensemble des organes de l'Etat, avaient prévu le visa du contrôle financier et mécaniquement refusaient de poursuivre le processus si la case n'était pas cochée, ce qui a conduit à restaurer un semblant de contrôle financier pour éviter tout blocage des dépenses afin que la souplesse requise ne soit pas techniquement mise dans le programme informatique. Le mécontentement qui a été manifesté à ce propos montre que la spécificité des Autorités administratives indépendantes a du mal à être prise en considération techniquement, du fait même qu'il s'agit de petites structures. Certes, l'absence de contrôle financier n'a pas que des avantages et il a pu être souligné que cela prive l'Autorité d'une sécurité dans sa gestion et d'un confort par rapport à sa responsabilité. Cela montre que s'il convient de prévoir, là aussi une loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes en serait le lieu, qu'elles sont dispensées du contrôle financier, cela doit être mis en balance avec l'organisation de leur reddition des comptes.

2. Adéquation des moyens financiers des autorités administratives indépendantes à leur mission

16.1.3. Les Autorités administratives indépendantes dotées de ressources propres. Lorsque les Autorités administratives indépendantes disposent de ressources propres, elles passent du stade de l'autonomie budgétaire à celui de l'indépendance budgétaire. Cette situation est encore rare mais caractérise l'une des plus importantes, l'Autorité des Marchés Financiers, laquelle reprend en cela un système qui fonctionnait déjà pour la COB352(*). Certes, l'ARCEP a également des ressources puisées sur des prélèvements sur le secteur mais son budget reste intégré dans celui de l'Etat. Le modèle demeure donc celui de l'AMF, puisque le budget annuel de l'Autorité repose sur des prélèvements opérés sur les entreprises concernées, à l'occasion des sollicitations qu'elles font du régulateur pour telle ou telle opération. La question est ici de savoir si le système des ressources propres présente des avantages si nets que l'on devrait songer à le généraliser, pour tout ou partie du budget considéré353(*), à toutes les Autorités administratives indépendantes, lorsque cela est techniquement possible. Cela avait été envisagé au profit de la Commission de Régulation de Énergie354(*).

16.1.4. La perspective de privilégier l'attribution de ressources propres à d'autres autorités en vue de renforcer leur indépendance. Mais il convient avant cela de souligner tout d'abord que nous retrouvons ici la distance entre le fait et le droit. Dans une analyse strictement juridique, on peut exprimer un souci pour les Autorités administratives dont l'indépendance est menacée par une direction du budget bras armé d'un Gouvernement désireux de remettre la main sur les Autorités administratives indépendantes, et qui sont toujours à la merci de mesures de rétorsion. De fait, on n'en trouve guère d'exemple et il est souvent souligné qu'au contraire, les Autorités administratives indépendantes sont traitées plus généreusement dans le budget de l'Etat que des administrations traditionnelles aux missions équivalentes, notamment quant à l'attractivité pour de jeunes fonctionnaires d'intégrer des Autorités administratives indépendantes plutôt que des administrations traditionnelles, ce qui finit par pénaliser celles-ci355(*). La seconde remarque souligne qu'en toutes hypothèses toutes les Autorités administratives indépendantes ne pourront pas bénéficier de ressources propres dans la mesure où cela présuppose l'existence d'un secteur économique concerné, dont les entreprises pourront payer par injonction de la loi une contribution à l'institution dont l'activité bénéficie au secteur356(*).

16.1.4.1. Le risque de partition entre les Autorités, engendré par une extension du système de l'indépendance budgétaire. Certes, l'on peut concevoir un tel rapport alors même que l'Autorité ne contribue pas directement au cas par cas à la situation des entreprises, comme c'est le cas pour l'AMF ou pour l'ARCEP, mais que néanmoins son activité concerne directement un secteur économique particulier, par exemple le secteur de l'audiovisuel pour le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, ou le secteur de la santé non seulement pour la Haute Autorité de la Santé mais encore pour le Comité consultatif national d'éthique. L'on pourrait ainsi concevoir des prélèvements directs sur les entreprises concernées. Mais un tel raisonnement ne peut plus valoir pour des Autorités ayant une activité transversale, comme le Conseil de la concurrence ou le Médiateur de la République, ou pour les Autorités dont l'intervention est spécifique mais non rattachée à une activité économique, comme le Défenseur des enfants. Dès lors, une extension de l'indépendance budgétaire pourrait engendrer, notamment parce que cela signifierait de plus importants budgets à la disposition de l'Autorité bénéficiaire, une sorte de partition dommageable entre les riches régulateurs économiques et des régulateurs dits sociaux moins bien lotis. Par exemple, la CNIL a estimé dans un rapport fait au Premier Ministre en 2005 n'avoir pas les moyens nécessaires à son action, dont l'accroissement est due à la montée en puissance des technologies, aux nouveaux pouvoirs dont elle est dotée et lorsqu'elle protège un droit fondamental357(*). L'argument est de même double nature pour le CSA358(*). Lorsque Le Défenseur des enfants l'estime également, il le fait en raison de l'enjeu même de sa mission et d'une nécessité de présence sur l'ensemble du territoire. Plus nettement encore, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité a protesté en 2005 contre l'insuffisance de son budget.

16.1.4.2. Les avantages de l'indépendance budgétaire. Cette perspective de partition, du fait que, même adoptée dans son principe, l'indépendance budgétaire ne serait techniquement accessible que pour certaines Autorités, est à mettre en rapport avec les avantages de l'indépendance budgétaire. De fait, l'indépendance budgétaire permet aux Autorités administratives indépendantes d'échapper au temps général de disette budgétaire auquel l'Etat tout entier est soumis. Il faut d'ailleurs ici se demander s'il est tout à fait juste que seules elles y échappent359(*). Mais principalement, l'indépendance budgétaire permet aux Autorités administratives indépendantes d'échapper à la capture par le Gouvernement sans succomber à la capture par les entreprises concernées par leur action. En effet, d'une part, toute négociation avec la Direction du budget devient inutile (risque de capture en amont) et toute rétorsion par des diminutions de budget lors de l'exercice budgétaire suivant une action de l'Autorité qui aurait déplu au Gouvernement est également mécaniquement exclue. Certes, si l'on prend l'exemple de l'AMF, la direction du Trésor choisit dans la fourchette visée par la loi le pourcentage exact de ce prélèvement, mais cela ne peut guère constituer un moyen de pression. Pour autant, l'indépendance budgétaire ne jette pas les Autorités administratives indépendantes dans une dépendance à l'égard des entreprises du secteur car ce n'est point à la demande de l'Autorité qu'elles procèdent au versement des sommes convenues mais bien sur ordre de la loi, ce qui préserve donc l'autorité.

16.1.4.3. La rupture nécessaire de l'indépendance budgétaire et de l'irresponsabilité. Le premier inconvénient de l'indépendance budgétaire est le risque de dérive dans les dépenses, notamment des dépenses somptuaires, dérives que l'absence de contrôle financier rend possible, et que l'absence de contrôle a priori à travers la négociation budgétaire ne limite plus. Cet inconvénient doit être neutralisé par une reddition des comptes accrue. Si une reddition des comptes n'est pas organisée très fermement, alors l'indépendance budgétaire devient infondée, voire dangereuse. C'est enfin face à un tiers, qui n'est plus en amont la Direction du budget, mais doit être en aval soit la Cour des comptes soit le Parlement lui-même, que les Autorités administratives indépendantes doivent alors répondre de l'adéquation de leurs moyens par rapport à leur mission.

16.1.4.4. L'indépendance budgétaire des Autorités administratives indépendantes, le souci de l'unité de l'Etat et l'équité entre organismes étatiques. Il a déjà été souligné que, de fait, les Autorités administratives indépendantes sont budgétairement mieux traitées que les administrations traditionnelles. Plus fondamentalement, l'indépendance budgétaire met un fossé entre l'administration traditionnelle et les Autorités administratives indépendantes. Cela diminue encore l'unité de l'Etat et nous retrouvons ici la question fondamentale de savoir s'il faut prendre acte du délitement, créer des Autorités administratives indépendantes qui tout à la fois y suppléent mais l'accroissent, ou demeurer dans une perspective de réaction360(*).

SECTION 17 : INDÉPENDANCE BUDGÉTAIRE ET INDÉPENDANCE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES

3. Incidence de l'insertion des autorités administratives indépendantes à la LOLF

17.1.1. Rappel des principes de la LOLF. Nous avons vu que la LOLF préserve certes le principe d'une attribution des budgets selon les mécanismes traditionnels des négociations entre les ministères et administrations et l'administration du budget, avant d'être soumis au débat budgétaire au Parlement. L'innovation est donc dans l'établissement de programmes au sein desquels une flexibilité en cours d'exercice budgétaire est offerte au directeur du programme.

17.1.2. L'indépendance confrontée aux modes d'attribution du budget. S'il est vrai que la véritable indépendance budgétaire, par l'attribution de ressources propres, permet de préserver les Autorités administratives indépendantes d'une pression a priori exercée par le Gouvernement, il demeure que dans les faits celle-ci s'exerce peu. Au regard de l'indépendance, l'attribution de ressources propres a donc pour premier avantage de soustraire les Autorités de la diète générale à laquelle est soumis l'Etat, ce qui peut être plus ou moins justifié dans son principe, et leur donner une indépendance apparente, c'est-à-dire qui se donne à voir, asseyant ainsi davantage leur autorité, leur prestige, leur crédit. Cela serait ultimement la meilleure raison d'attribuer ces ressources propres aux Autorités administratives indépendantes, lorsque cela est techniquement possible361(*). Mais des ressources propres ne sont envisageables dans le cadre de la LOLF que si l'activité de l'Autorité permet d'envisager une redevance. Cette possibilité doit non seulement exister de droit, c'est-à-dire en présence de personnes aptes à payer une telle redevance en corrélation avec l'activité de l'Autorité, ce qui est relativement peu souvent le cas. Elle doit encore exister en fait, c'est-à-dire que la collecte de la redevance soit concrètement aisée, soit qu'il s'agisse d'une redevance liée à l'acte (comme en partie pour l'AMF), soit qu'il s'agisse d'une somme prélevée sur peu d'opérateurs. Cette dernière observation vaut aussi pour les taxes, cette condition étant par exemple satisfaite au bénéfice de la Commission de Contrôle des Assurances, des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance.

17.1.3. Retour sur l'interférence avec l'attribution de la personnalité morale et la perspective de prélèvement direct : la sortie de la LOLF. La personnalité morale prend ici une nouvelle importance. En effet, en raison de la contrainte que peut exercer directement tout directeur de programme, si l'Autorité est tout à la fois dotée d'une personnalité juridique et de ressources propres, elle peut n'être plus concernée par la LOLF  ! C'est ici un arbitrage politique qui doit

être fait362(*). Est-ce que l'indépendance des Autorités administratives indépendantes, en tant qu'elle se donne à voir, car dans les faits leur indépendance n'est guère écornée mais l'on doit bien comprendre l'importance de l'apparence en la matière, justifie que les règles fondatrices de l'Etat, c'est-à-dire dans la tradition française l'Unité, soient écartées ! On peut considérer que dans leur existence même, les Autorités administratives indépendantes constituent déjà cette atteinte, que l'on peut concevoir l'Etat sur un mode plural, se rapprochant des conceptions politiques des pays nordiques ou anglo-nord-américains, et qu'il faut en tirer les conséquences dans l'organisation et le fonctionnement du budget de l'Etat. Le Parlement est le lieu le plus légitime pour en décider.

17.1.4. L'indépendance confrontée au pouvoir de régulation des crédits et au principe de leur fongibilité entre les mains du directeur du programme. La LOLF met en masse les moyens budgétaires au regard de missions globales. Par nécessité, parce que la LOLF est également un instrument de lisibilité du budget général de l'Etat, les masses budgétaires concernées sont nécessairement de grande ampleur. Cela explique qu'en l'état les Autorités administratives indépendantes sont dispersées dans divers programmes, par exemple la CNIL dans la mission du ministère de la justice, le Conseil de la concurrence dans la mission de régulation économique du ministère de l'économie, ou le CSA dans la mission des services du Premier Ministre. Or, par nature, le directeur du programme peut exercer son pouvoir de régulation budgétaire en cours d'exercice au détriment d'une Autorité indépendante au profit d'un autre organisme inséré dans le même programme. Ici encore, il faut avoir conscience de la distance entre le fait et le droit. De droit, cette insertion dans des programmes et ce mélange avec des administrations dépendantes, cette soumission à une règle commune permettant au directeur du programme de dépouiller l'Autorité administrative indépendante au profit d'une administration dépendante (par exemple le Conseil de la concurrence au profit de la DGCCRF, puisqu'ils appartiennent au même programme budgétaire) est préoccupante, voire choquante. De nombreuses Autorités protestent contre le principe même de cette fongibilité363(*). Mais de fait, d'autres Autorités administratives indépendantes ne craignent pas cette perspective, estimant qu'elles ne présentent pas, en raison de la faiblesse relative de leur budget, des cibles intéressantes pour une telle régulation. Il demeure que si l'on s'en tient au fait que l'indépendance doit non seulement exister mais encore se donner à voir, il faut réfléchir à une meilleure articulation entre la LOFL et le principe d'indépendance.

4. Perspective de réarticulation entre logique de la LOLF et préservation de l'indépendance des autorités administratives

17.1.5. La perspective d'un programme pour chaque Autorité administrative indépendante. Le plus simple, le plus radical aussi, car l'on peut songer à modifier la LOLF en tant que telle pour en soustraire les Autorités administratives indépendantes, sauf à se lancer dans une modification de la loi organique ..., et dès l'instant que l'on n'a pas recours à l'association de la personnalité morale et des ressources propres, serait d'affirmer que chaque Autorité administrative indépendante constitue en elle-même un programme. Cela est souvent demandé par les Autorités administratives indépendantes, car la maîtrise revient alors au président de l'Autorité, la logique de la LOLF venant ainsi épouser complètement la logique des Autorités administratives indépendantes. Mais cette perspective n'est guère réaliste en raison et du grand nombre des Autorités et du fait que certaines sont de taille très réduite. Certes, l'on pourrait concevoir de procéder tout d'abord à des fusions entre Autorités administratives indépendantes, mais il a été montré que ces procédés de fusion sont très délicats, peuvent ne pas réussir364(*), et il serait déraisonnable de courir de tels risques uniquement pour cet enjeu d'autonomie budgétaire qui se donne à voir, s'il y a moyen de préserver celle-ci par d'autres voies. Or, ces moyens existent.

17.1.6. La perspective d'un regroupement déconnecté de l'objet de la mission des Autorités administratives indépendantes. La perspective la plus solide consiste dans une modification du schéma actuel pour regrouper dans un unique programme toutes les Autorités administratives indépendantes. Cela est souhaité par certaines Autorités administratives indépendantes365(*), mais cela ne fait pas nécessairement l'unanimité, soit que les Autorités désapprouvent le fait que le classement par missions soit ainsi méconnu, alors même qu'elles se définissent elles-mêmes par la mission, soit qu'elles considèrent que l'essentiel est de neutraliser le pouvoir de régulation budgétaire du directeur de programme. A cet égard et en toutes hypothèses, à la constitution de ce programme commun spécifique devrait s'associer le fait que la direction du programme, qui ne saurait être donnée à un président d'une Autorité plutôt qu'à un autre, devrait voir son pouvoir de régulation en cours d'exercice neutralisé ou fortement tempéré366(*). Il aurait d'ailleurs peu de raison de s'exercer car en raison de la diversité des missions des différentes Autorités administratives indépendantes, l'ajustement de leurs moyens respectifs, qui n'a de sens que si les organismes en cause participent à une même finalité, perd son fondement. Cette solution paraît avoir suffisamment d'attrait pour avoir été proposée par un amendement sénatorial au cours de la discussion budgétaire pour 2006. Cet amendement n'a pas été soutenu par le Gouvernement, parce qu'une telle solution est contraire à l'idée de constituer des programmes autour d'objectifs communs367(*). Si l'on passe cette objection, la solution du regroupement des Autorités administratives indépendantes dans un programme propre a une condition et une conséquence.

17.1.6.1. La condition d'un regroupement dans un programme propre : la fixation de la qualité d'Autorité administrative indépendante. La condition est que l'on arrive à établir d'une façon certaine la liste des Autorités administratives indépendantes ! Cela présuppose la possibilité concrète d'insérer ou de ne pas insérer dans le programme budgétaire spécifique telle ou telle Autorité de l'Etat. Là aussi une loi-cadre donnant, si ce n'est des critères, à tout le moins des critères de qualification des Autorités administratives indépendantes serait d'une grande utilité. Dans ce même sens, il conviendra que le législateur se discipline pour préciser à chaque fois qu'il crée un organisme s'il s'agit d'une Autorité administrative indépendante ou non.

17.1.6.2. La conséquence d'un regroupement dans un programme propre. Si l'on procède ainsi, alors d'une manière dialectique et parce que la LOLF est une cristallisation d'une réforme de l'Etat, la catégorie des Autorités administratives indépendantes prendra de plus en plus de consistance. Là encore, c'est un choix politique que le législateur doit opérer. Ceux qui ont conçu la LOLF n'avaient manifestement pas envisagé l'étrangeté des Autorités administratives indépendantes par rapport aux autres organes de l'Etat, la modification de la LOLF l'impliquerait. Dès lors, par un mécanisme d'enchaînement, à la fois cette spécificité sera de plus en plus accrue, par ce seul fait de traiter à part, et évitera sans doute des solutions plus radicales (mais qui peuvent être aussi envisagées), telles que le couplage de l'attribution de ressources propres et d'une personnalité morale.

17.1.6.3. Le choix d'un lieu de rattachement. Si l'on continue sur cette voie d'une constitution d'un programme unique, demeure la question du rattachement du programme. Pour l'instant, les Autorités administratives indépendantes se répartissent majoritairement entre le Ministère de Économie et des Finances, pour ce que l'on aura tendance à désigner comme les régulateurs économiques (Conseil de la Concurrence, ARCEP, CRE, etc.), et les services du Premier Ministre, pour ce que l'on aura tendance à désigner comme des autorités protectrices des libertés publiques (CSA, Médiateur de la République, CADA). D'une façon plus résiduelle, la CNIL est rattachée au Ministère de la justice, la HALDE au ministère des affaires sociales, tandis que le Défenseur des enfants est rattaché au Ministère de la santé et des solidarités. Les Autorités sont plus ou moins satisfaites de ces rattachements368(*). Un regroupement dans un programme unique aurait l'avantage de ne pas figer ces distinctions discutables entre les Autorités administratives indépendantes (le CSA pouvant tout aussi bien être qualifié de régulateur économique du secteur de l'audiovisuel). Cette neutralité n'est pas le moindre avantage d'une telle solution. L'expérience semble montrer que l'insertion des Autorités administratives indépendantes dans le programme de régulation économique dont le Secrétaire général du Ministère de Économie et des Finances est le responsable se passe concrètement de façon très satisfaisante369(*), mais parce qu'il s'agit toujours d'une indépendance apparente, c'est-à-dire qui se donne à voir, le regroupement de toutes les Autorités administratives indépendantes dans un programme unique placé auprès du Premier Ministre et dont le Secrétaire général du Gouvernement serait le responsable serait un choix plus judicieux.

17.1.6.4. Le risque paradoxal de la constitution d'un programme spécifique au regard de la pression de la négociation budgétaire. Cependant, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, ce regroupement peut exposer de fait les Autorités administratives indépendantes à un risque qu'elles n'encouraient guère jusqu'ici, du fait du faible montant de leur budget par rapport au budget général de l'Etat. Passant jusqu'ici en termes budgétaires presque inaperçues de la Direction du budget, elles en étaient de ce fait protégées. La constitution d'un programme unique mettant en masse leurs budgets respectifs attirera la vigilance accrue de cette Direction, ce qui pourrait tendre à une négociation plus difficile, voire à des arbitrages opérés entre les Autorités administratives indépendantes, ce qui du fait qu'elles n'ont pas une fonction commune, serait très dommageable.

17.1.7. La suppression de la fongibilité des moyens et sa compensation par un accroissement de la reddition de comptes. L'essentiel est de protéger les Autorités administratives indépendantes du pouvoir de régulation d'un directeur de programme en cours d'exercice budgétaire. Si l'on songe à transformer chaque Autorité en programme autonome ou si l'on songe à les regrouper dans un programme propre et autonome, c'est toujours à cette fin là. Une solution peut consister à aller directement à la conséquence  ! Il suffit alors de considérer que les

budgets des Autorités administratives indépendantes sont « sanctuarisés »370(*) c'est-à-dire qu'indépendamment de la place à laquelle ils sont insérés dans la LOLF, et quel que soit le directeur du programme, le pouvoir de régulation en cours d'exercice ne pourrait s'exercer sur elles371(*). Cela serait supportable en raison du fait que les budgets en cause ne sont guère significatifs en masse, et cela permettrait à moindre frais de changement institutionnel, d'obtenir directement le résultat en considération duquel des bouleversements sont envisagés.

17.1.8. La suppression asymétrique du pouvoir de régulation du directeur de programme. L'on peut considérer que la solution pure et simple de la sanctuarisation ne s'impose pas nécessairement, car ce phénomène jouerait dans les deux sens. En effet, le directeur du programme ne pourrait certes porter atteinte au budget de l'Autorité administrative indépendante, mais en contrepartie on peut penser qu'il ne lui portera pas secours si son budget s'avère en cours d'exercice le nécessiter. Au contraire, on peut pragmatiquement penser qu'en raison de la modestie des budgets des Autorités administratives indépendantes, celles- ci bénéficieraient de la fongibilité des moyens en cours d'exercice budgétaire. Si l'on devait par pragmatisme prendre cette projection en considération, on pourrait songer à un mécanisme dans lequel le directeur du programme ne conserverait son pouvoir de fongibilité qu'au bénéfice des Autorités administratives indépendantes, mais ne pourrait l'exercer à leur détriment. L'on pourrait certes songer à une mesure plus médiane, dans laquelle un organisme externe pourrait fournir l'autorisation d'y procéder mais, en l'état du droit positif et de l'organisation politique, un tel organe manque. En effet, la Cour des comptes ne pourrait pas jouer un tel rôle372(*), car son statut de contrôleur des comptes, y compris dans le sens de contrôleur de l'efficacité de l'action par l'usage des moyens au regard des buts, ne peut lui permettre de devenir en quelque sorte l'ordonnateur public des dépenses de l'Etat.

17.1.9. L'adaptation de la LOLF, occasion d'accroître la spécificité et l'unicité des Autorités administratives indépendantes. Ainsi, s'il ne s'agit que d'ajuster la LOLF et le principe d'une indépendance des Autorités administratives, indépendance qui doit se donner à voir, alors il faut mais il suffirait de neutraliser le pouvoir de régulation du directeur de programme. S'il s'agit de saisir l'occasion de la LOLF, qui exige en toutes hypothèses une adaptation pour préserver les Autorités administratives indépendantes, alors on peut constituer un programme spécifique, non plus tant pour des questions budgétaires mais bien plutôt pour faire ressortir et la spécificité des Autorités administratives indépendantes et leur profonde unité, indépendamment de la diversité de leur mission. Cela rejoindrait alors l'idée qui fonderait l'adoption d'une loi-cadre les concernant. Là encore, il s'agit d'un choix politique dont le Parlement doit être l'arbitre.

CHAPITRE IX - LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET L'ÉVALUATION DE LEUR ACTIVITÉ

18.0. L'articulation entre indépendance et reddition des comptes. Il s'agit du fil conducteur de l'ensemble de cette étude : pour qu'il y ait une indépendance à la fois effective et supportable, il faut que l'organisme qui en bénéficie, et ici l'exigence est consubstantielle à l'idée même d'Autorité administrative indépendante, rende des comptes. L'ampleur de la liberté et l'ampleur des comptes rendus doivent être équivalentes. Nous avons vu par ailleurs que, dans la tradition française de l'Etat budgétaire, la réforme de l'Etat prenait pour l'instant cette forme. Il est donc essentiel d'analyser le contrôle budgétaire des Autorités administratives indépendantes, dont nous avons vu qu'à l'égard du Gouvernement il était devenu de plus en plus faible373(*), mais qui peut être exercé par d'autres organismes. Plus encore, le contrôle budgétaire ne doit être appréhendé que comme une forme particulière de ce qui est l'enjeu plus vaste : la reddition des comptes.

SECTION 18 : LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE EXERCÉ SUR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

1. L'allègement des procédures ordinaires de contrôle

18.1.1. Le contrôle budgétaire de fait exercé lors de la préparation du PLF. De fait, pour l'instant, la discussion budgétaire se déroule en amont avec le Ministère de Économie et des Finances. De fait, il ne semble pas que ces discussions soient plus douloureuses ou plus politiques avec les Autorités administratives indépendantes qu'avec d'autres administrations ou établissements traditionnels. La réflexion doit plutôt aller d'un autre côté.

18.1.2. La disparition du contrôleur financier. La façon la plus ordinaire d'exercer un contrôle est de placer auprès de l'organisme public ou utilisant des fonds publics un contrôleur financier, lequel est sous l'autorité de la direction du budget. Nous avons vu que le contrôle financier a disparu dans la plupart des Autorités administratives indépendantes374(*) et a vocation à disparaître dans toutes et par principe. Il faut donc explorer d'autres pistes.

18.1.3. Le possible contrôle par l'Inspection des finances. Il s'agit presque d'une mention pour mémoire. Non pas que l'Inspection des finances n'ait pas prise sur les Autorités administratives indépendantes, car aucun texte ni aucune règle ne l'exclut a priori, même s'il est vrai que la Direction du Budget, écartée du contrôle par l'absence de contrôle financier, pourrait par cette voie retrouver une place que le système lui refuse désormais. Peut-être y a-t-il eu dans le passé de telles enquêtes. Mais, et c'est la difficulté, il est difficile de le savoir car les rapports de l'Inspection demeurent généralement secrets. Le caractère secret de ce type général de contrôle est conforme à l'organisation traditionnelle de l'Etat. Certes, l'on pourrait soutenir que, puisque une spécificité méthodologique des Autorités administratives indépendantes réside dans la transparence375(*), l'on pourrait songer à demander la publicité de tels rapports. Mais l'effet pervers pourrait être que, dans la mesure où les autres entités de l'Etat ne bénéficient pas ou ne subissent pas une telle diffusion publique, les Autorités administratives indépendantes apparaissent de ce seul fait comme ce qui ne fonctionne pas dans la République.

2. Bilan de la mise en oeuvre des mécanismes du contrôle budgétaire dont dispose le Parlement

18.1.4. Le contrôle budgétaire sur les Autorités administratives indépendantes opéré par le Parlement à l'occasion des procédures générales de vote. De droit, si l'on ne choisit pas la solution de ressources propres dont bénéficieraient des Autorités dotées d'une personnalité morale376(*), le budget de l'Etat est voté par le Parlement et ce qui conduit celui-ci à exercer ex ante un contrôle. Cette puissance du Parlement sera d'autant plus effective que par ailleurs les Autorités administratives indépendantes viendront rendre des comptes devant le Parlement sur le bon usage qu'elles auront fait de leur pouvoir au regard de la mission que le législateur leur a confiée. Si ce second mode d'accountability prend l'importance requise, il permettra au Parlement d'exercer avec plus d'information et donc plus d'efficacité le contrôle ex ante lors de l'attribution du budget. Nous retrouvons ici l'avantage et la difficulté liés au fait que le volume budgétaire des Autorités administratives indépendantes par rapport au budget général de l'Etat est très faible : à la fois, cela permet d'agir sur ces volumes sans que le budget général n'en soit sensiblement affecté, et il faut alors chez les parlementaires, naturellement soucieux des grosses masses au sein du budget, une conscience particulière de l'importance des budgets des Autorités administratives indépendantes, non pas en tant que tels, non pas en termes strictement budgétaires mais dans la perspective plus générale de l'indépendance et de la crédibilité de ces Autorités.

18.1.5. L'organisation de l'aptitude technique des Autorités administratives indépendantes à la négociation budgétaire. En effet, il apparaît, remarque de fait mais remarque essentielle, que la discussion budgétaire, dont le président des Autorités administratives indépendantes ou leur directeur général ont la charge, se passe d'autant mieux que ces personnes particulières connaissent les rouages de l'Etat, notamment parce qu'ils y ont fait précédemment carrière, qu'ils ont fait antérieurement l'ENA, etc. Or, de fait cela restreint le pouvoir de nommer les présidents s'il faut de fait les choisir parmi ce cercle là. En outre, certaines Autorités administratives indépendantes ont des missions dont la concrétisation appelle des présidents ayant des compétences extérieures à la sphère de l'Etat, par exemple compétence industrielle ou compétence médicale, etc. De fait, la négociation budgétaire leur est plus difficile. En outre, certaines Autorités administratives indépendantes sont assez puissantes et connues pour faire poids lors de la négociation, mais d'autres sont très petites et peu connues, lesquelles n'accèdent pas aux mêmes interlocuteurs et la négociation ne se fait pas à part égale. On pourrait alors faire une suggestion, laquelle pourrait croiser la perspective d'un programme autonome regroupant les Autorités administratives indépendantes dans la LOLF.

18.1.6. L'aide technique mutualisée entre les Autorités administratives indépendantes. Pour pallier la moindre connaissance que certains dirigeants d'Autorités administratives indépendantes ont des rouages budgétaires et la faiblesse inhérente à certaines Autorités de petite taille, on pourrait concevoir que le législateur prévoie, par exemple dans la loi-cadre sur les Autorités administratives indépendantes, un service technique qui serait à la disposition de chacune, et pourrait les aider à être des interlocuteurs de poids. Certes, si en outre la LOLF est modifiée pour que soit créé un programme spécifique377(*), l'attribution d'un tel service sera d'autant plus aisée. Mais puisque l'essentiel est sur cette question là de neutraliser le pouvoir de régulation du directeur du programme en cours d'exercice budgétaire378(*), le législateur pourrait concevoir dans son principe (l'organisation étant renvoyée au décret) un tel service. Cela aurait alors l'avantage précisément de compenser la dispersion des Autorités administratives indépendantes dans divers programmes entre plusieurs ministères. Ainsi, un tel service serait à la fois plus difficile à bâtir en l'absence d'un programme spécifique dans la LOLF, mais c'est aussi là qu'il sera le plus utile.

3. Bilan du contrôle a posteriori exercé par la Cour des comptes

18.1.7. L'actualité du contrôle de la Cour des comptes par rapport au besoin de contrôle sur les Autorités administratives indépendantes. Puisqu'il a été sur de très nombreux points souligné que l'évolution acquise du droit des Autorités administratives indépendantes, et l'évolution qui se profile (notamment en matière d'accroissement des pouvoirs, d'attribution de personnalité morale, d'indépendance budgétaire), ne sont bénéfiques et supportables que si les Autorités administratives indépendantes rendent des comptes sur l'usage qu'elles font de leur pouvoir d'une façon efficace et proportionnée au regard de la mission que le législateur leur a confiée. Cette reddition des comptes ne peut être faite au Gouvernement, car la reddition se transformerait alors en contrôle. La première institution à laquelle on pense est naturellement la Cour des comptes. En effet, celle-ci a pleins pouvoirs pour élaborer des rapports sur les Autorités administratives indépendantes, et elle y procède régulièrement. Par exemple, des rapports ont été menés à propos de l'ART ou de la COB. On pourrait donc estimer que l'institution devant laquelle la reddition des comptes doit s'opérer est trouvée. Pourtant, la difficulté vient du fait que la Cour des comptes passe assez lentement d'un contrôle de la régularité de l'usage des moyens budgétaires à un contrôle de l'efficacité de cet usage, notamment au regard de la mission de l'Autorité examinée.

18.1.8. La potentialité du contrôle de la Cour des comptes par rapport au besoin de contrôle sur les Autorités administratives indépendantes. Pour que la Cour des comptes remplisse pleinement son rôle, il convient qu'elle achève sa mue, c'est-à-dire se transforme en évaluateur d'efficacité. Cela suppose d'ailleurs des outils dont la Cour ne dispose pas, car il est très délicat et coûteux d'opérer une mesure de la part de l'action des Autorités administratives indépendantes sur l'état d'un secteur ou d'une situation sociale, etc. tel qu'on peut le mesurer.

18.1.9. Les trois stades requis pour une évaluation rencontrant une reddition des comptes par les Autorités administratives indépendantes. L'exercice est des plus difficiles, puisqu'il faut tout d'abord évaluer la situation (par exemple, ouverture effective à la concurrence, prévention effective des risques, détection effective des défauts d'un système, amélioration effective des discriminations, etc.), puis il faut mesurer ce que l'Autorité examinée a fait en la matière, en utilisant les moyens dont elle dispose pour cela, non seulement les moyens budgétaires, mais encore les moyens normatifs, juridiques, humains, etc., et enfin il faut reconstituer les causalités entre cette utilisation des moyens et l'état de la situation sur laquelle la mission de l'Autorité porte. Une véritable accountability des Autorités administratives indépendantes requiert ces trois très difficiles stades. Pour l'instant, il ne semble pas que la Cour des comptes, qui serait l'institution publique légitime à le faire, soit en mesure de le faire, ceci requérant tout à la fois une nouvelle conception de ce qu'est un contrôle d'efficacité, et l'attribution de nouveaux moyens, notamment d'expertise, à la Cour des comptes. Si l'on peut tirer conséquence du fait que la Cour des comptes est pourtant une institution publique légitime pour y procéder, et si l'on tire espoir des mutations observables de la Cour, alors il faut que le législateur prévoie à son bénéfice les moyens nécessaires pour une expertise d'une telle ampleur, qui dépasse très largement la seule question du contrôle de l'efficacité budgétaire. Ce souhait laisse encore libre la voie pour une réflexion sur une accountability, qui offrirait en outre une légitimité renforcée au bénéfice des Autorités administratives indépendantes, du fait qu'elle pourrait s'opérer directement vis-à-vis du Parlement.

18.1.10. Les indicateurs de performance. On sait que la LOLF a pour objectif la rationalisation de la gestion des finances de l'Etat en faisant passer les finances publiques d'une logique de moyen à une logique de résultat. Efficience et efficacité doivent être, pour toutes les autorités publiques, le moteur de l'utilisation des deniers qui leur sont alloués par la loi de finances. Ainsi, comme toute autorité administrative, les AAI doivent s'engager sur des résultats par la rédaction d'un projet annuel de performances. Ce projet devra présenter les actions, les coûts associés et les objectifs poursuivis ainsi que les résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix sera justifié. La rédaction d'un tel rapport est d'une importance capitale pour le contrôle parlementaire des AAI par le biais du vote de la loi de règlement qui fera apparaître les écarts entre les objectifs attendus de l'autorité, ses prévisions budgétaires et la réalité des dépenses engagées.

En matière budgétaire du moins, sincérité, efficacité et responsabilité sont les pendants de l'indépendance et de l'autonomie d'action des AAI.

SECTION 19 : LE SUIVI DE L'ACTIVITÉ DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES : LA REDDITION DE COMPTES

4. Mesure des comptes que les autorités administratives indépendantes doivent rendre

19.1.1. L'impossibilité d'une responsabilité directement politique et l'insuffisance d'une responsabilité simplement comptable des Autorités administratives indépendantes. Il s'agit ici de tirer une première conclusion des développements précédents. Il n'est pas possible de prévoir pour les Autorités administratives indépendantes une responsabilité politique directe, seul le Gouvernement rendant des comptes sur ce mode là devant le Parlement. De la même façon, tautologiquement, il convient d'exclure toute responsabilité des Autorités administratives indépendantes devant le Gouvernement. Il est tout aussi acquis qu'une responsabilité simplement comptable ou financière ne suffit pas à correspondre à l'ampleur requise, c'est-à-dire une véritable reddition des comptes sur la corrélation entre l'usage des moyens et la concrétisation des missions.

19.1.2. La confrontation de l'usage des moyens par rapport aux finalités de l'exercice des pouvoirs par l'Autorité administrative indépendante. C'est ainsi que l'on pourrait définir la véritable reddition des comptes dont l'on pourrait dire que les Autorités administratives indépendantes doivent en être les « bénéficiaires », dans la mesure où cela leur offre une forte légitimité et un accroissement de leur crédibilité. Il est d'ailleurs remarquable que les Autorités administratives indépendantes réclament elles-mêmes une telle accountability.

19.1.3. Le lien entre unicité, pluralité et hiérarchie des missions au regard de l'impératif de reddition de comptes. C'est alors à travers cet impératif de reddition des comptes que la question des missions confiées aux Autorités administratives indépendantes prend une nouvelle importance379(*). En effet, si l'on définit la reddition des comptes comme la confrontation entre, d'une part, les résultats obtenus par l'Autorité grâce à l'usage qu'elle aura fait de ses moyens, et, d'autre part, les finalités pour la satisfaction desquelles l'Etat lui a offert, encore faut-il connaître clairement ces buts ! Cela va de soi, mais cela pose grand problème. En effet, et le reproche peut se tourner vers le législateur lui-même, les lois successives recouvrent trop souvent les Autorités administratives indépendantes de finalités qui s'apparentent à des manteaux d'arlequin. Par exemple, non seulement l'ouverture à la concurrence, mais encore l'aménagement du territoire, mais encore l'incitation à l'innovation, mais encore le maintien de l'emploi, mais encore la protection de l'environnement, mais encore le développement de la cohésion sociale, etc. Comme procéder dans ces conditions à une quelconque évaluation ?

19.1.4. La nécessité de fournir à travers des finalités claires et hiérarchisées les moyens d'une reddition des comptes. Il ne s'agit ici en rien de soutenir que le législateur n'aurait pas pleine souveraineté pour poser les objectifs que doivent poursuivre les Autorités administratives indépendantes qu'il a créées. Mais si l'on veut bien estimer que le système n'est légitime et tenable, soutenable pour reprendre un anglicisme aujourd'hui chez lui dans les analyses françaises, que si les Autorités sont évaluées, alors il est impératif non pas nécessairement que le Parlement ne pose plus qu'une seule finalité aux Autorités (théorie du mono-mandat), mais à tout le moins hiérarchise les divers mandats donnés aux Autorités administratives indépendantes. Dès lors, cela rend certes l'évaluation plus complexe car il convient, à travers la méthodologie précitée des trois stades380(*), d'ajouter la considération de cette hiérarchie et de vérifier que l'action de l'Autorité l'a bien respectée, lorsque deux finalités entrent en conflit. Mais enfin, cela rend l'évaluation possible, alors que celle-ci devient hors de portée lorsque de multiples finalités non hiérarchisées sont confiées par le législateur aux Autorités administratives indépendantes.

19.1.5. Le législateur, autorité politique légitime pour fixer cette hiérarchisation des finalités, condition nécessaire de la reddition des comptes. Donc, le Parlement qui voudrait construire ou améliorer la reddition des comptes des Autorités administratives indépendantes, pour mieux fonder cette indépendance même, ne peut éviter de procéder préalablement à une telle hiérarchisation. Faute de quoi, ce serait l'organe qui évalue qui devrait nécessairement opérer une telle hiérarchisation, ce qui revient à exercer un pouvoir de nature politique qui ne devrait pas lui être attribué. Il s'agit donc d'un point essentiel.

5. Bilan des moyens utilisés par les autorités administratives indépendantes pour rendre compte de leur activité

19.1.6. La réaction des parties prenantes. Le premier phénomène souvent visé pour soutenir qu'existe, par une sorte d'effet de nature, une reddition des comptes imposée aux Autorités administratives indépendantes, tient dans la réaction des parties prenantes. Pour prendre un exemple, le régulateur des télécommunications souligne fréquemment la satisfaction et des nouveaux opérateurs et des consommateurs de son action, ce qui constitue la meilleure des évaluations. Cette sorte d'indice de satisfaction comme mode d'évaluation des

Autorités administratives indépendantes est certainement utile, mais, à supposer cette satisfaction mesurable381(*), elle exige des conditions rarement réunies.

19.1.7. Les trois conditions, rarement réunies, pour que la satisfaction des parties prenantes constitue une évaluation utile. En premier lieu, il doit être possible de corréler l'action de l'Autorité et l'évolution de la situation soumise à l'action de l'Autorité, lien de causalité dont la reconstitution est techniquement périlleuse. En deuxième lieu, il faut qu'existent des consommateurs dont la satisfaction peut être mesurée. Cela est rarement le cas : les enfants ne peuvent refléter la satisfaction que l'on peut avoir de l'action du Défenseur des enfants ... En troisième lieu, cela suppose que l'ensemble des parties prenantes soit actif dans cette évaluation spontanée, notamment non seulement les entreprises mais encore les consommateurs et sans doute des parties prenantes plus larges encore, telles que la société civile et l'Etat lui-même. Or, l'observation montre que ce sont souvent les entreprises, et parfois une seule catégorie parmi la diversité des entreprises impliquées, qui expriment une satisfaction. Cela peut être pertinent si l'on peut observer que celles-ci appliquent spontanément les décisions de l'Autorité382(*), mais il demeure que cette sorte d'évaluation est partielle. Elle peut donner une vision inexacte, parfois inversée, de l'action du régulateur. Il a été souligné qu'une approbation du régulateur par les entreprises peut parfois faire douter de l'efficacité de celui-ci, lorsque la mission de l'Autorité consiste à brider, à contrôler, à donner des injonctions aux entreprises. Ces évaluations spontanées sont donc à manier avec précaution, et après vérification de l'existence des trois conditions précitées.

19.1.8. La transparence, fusion de l'usage du pouvoir et du compte qui en est rendu. L'accountability peut prendre une forme plus quotidienne et moins hasardeuse à travers la procédure383(*). En effet, lorsque les Autorités administratives indépendantes s'astreignent à fonctionner d'une façon transparente, non pas nécessairement concertée, cela accroît à la fois leur légitimité et le compte qu'elles rendent sur l'usage de leurs pouvoirs, reddition que l'on pourrait désigner comme étant « en direct », c'est-à-dire en même temps qu'ils s'exercent. Il y a fusion entre l'usage et la reddition, ce qui constitue une supériorité nette par rapport à des redditions des comptes, par exemple devant la Cour des comptes, qui oblige à cheminer plusieurs années afin qu'une évaluation soit disponible.

19.1.9. La motivation des décisions, mode juridictionnel de la reddition des comptes. Ce n'est pas seulement par le mouvement général de juridictionnalisation des Autorités administratives indépendantes384(*) que le principe de motivation a pris pied dans l'usage que les Autorités administratives indépendantes font de leur pouvoir. Cela tient au fait que la motivation, explicitant les raisons, les preuves et le lien entre les premières et les secondes, lien qui constitue le raisonnement même, constitue en elle-même une limite rationnelle à l'usage des pouvoirs. En outre, par cette obligation de raisonnement explicite, l'Autorité donne à voir sa compétence technique à saisir correctement une question, et l'adéquation de la compétence (juridique, économique, industrielle, etc.) avec le type de décision à prendre.

19.1.10. L'obligation de motivation, au-delà de la référence à l'activité juridictionnelle. Dès lors, le principe de motivation ne doit pas être pris dans un sens étroitement juridictionnel, c'est-à-dire comme socle d'un possible recours devant un juge, mais bien plutôt comme un mode de reddition des comptes. Dès lors, des décisions qui ne constituent pas par ailleurs une activité de type juridictionnel, ou même qui ne sont pas substantiellement soumises à un recours devant un juge, doivent pourtant être motivées. Par un tel renversement de perspective, ce sont les décisions générales plus encore que les décisions particulières qui doivent être motivées : c'est l'exercice du pouvoir normatif qui mérite le plus une motivation, façon forte de mieux fonder l'usage du pouvoir normatif par les Autorités administratives indépendantes. Il devrait en être ainsi en matière de tarification, d'édiction de règlements généraux, etc.

19.1.11. La publication d'un rapport annuel. Il est fréquent d'insister sur le fait que la publication d'un rapport annuel, publication à laquelle procède la quasi-totalité des Autorités administratives indépendantes, est certes le moyen pour celles-ci de faire connaître leur action, voire par le choix de tel ou tel thème d'attirer l'attention des autorités publiques et de l'opinion sur un enjeu particulier385(*), mais participe également de la reddition des comptes386(*). Celles-ci sont les premières

à y voir une forme d'accountabilily387(*). Le rapport annuel en est effectivement la forme la plus directe, puisque l'Autorité donne à voir toute son action, voire exprime sa doctrine, rendant par ce moyen plus prévisible et plus sécure son action future. Peut-on s'autoriser à rappeler une réalité triviale, qui requiert un lecteur pour que le rôle d'accountability puisse jouer ? Or, les lecteurs peuvent manquer, dans le désir de lire ses rapports annuels, dans la compétence requise pour le faire. Le plus souvent, et cela nous ramène à une difficulté précitée388(*), les lecteurs les plus assidus sont souvent les entreprises du secteur, ce qui suppose donc la fiabilité et l'exhaustivité de leurs appréciations. Dès lors, nul ne songerait à soutenir que ces rapports annuels, mine d'information, lieu d'expression de doctrine pour l'avenir, motivation d'une façon plus continue que décision par décision de l'action passée, sont inutiles. Ils sont une forme de reddition des comptes, mais ils ne peuvent suffire, notamment du fait de l'inertie des autorités politiques auxquelles ils sont fréquemment remis.

19.1.12. La remise du rapport annuel devant les autorités politiques adéquates. Il arrive fréquemment que les rapports annuels ne soient pas seulement publiés mais encore remis à des autorités politiques. Il n'est pas rare que cette remise se fasse à un ministre, bien que cela contredise le principe d'absence de lien entre les Autorités administratives indépendantes et le pouvoir exécutif389(*). La remise se fait le plus souvent soit au Président de la République, soit au Gouvernement, soit au Parlement. On retrouve ici que la légitimité et le prestige politique du destinataire contribue grandement à la légitimité de l'Autorité concernée. Cela est certes exact, mais il faut que cela soit associé à des lectures effectives et des discussions qui s'ensuivent avec l'Autorité.

19.1.13. La confrontation avec les autorités légitimes de la République. En effet, l'indépendance ne signifie pas le droit à un superbe isolement. Ce serait l'affaiblir que d'adopter cette conception là. Dès lors, les Autorités administratives indépendantes doivent être confrontées aux autorités légitimes de la République, au-delà de cette sorte de confrontation avec les autorités juridictionnelles que cristallisent les recours possibles contre leurs décisions soit devant le juge judiciaire, soit devant le juge administratif390(*).

6. Voies et moyens d'un meilleur suivi de l'activité des autorités administratives indépendantes

19.1.14. Distance entre les dispositifs et la pratique. Sur le papier, le système de reddition des comptes donne tout à fait satisfaction. A la contestabilité des décisions devant une juridiction, aux pouvoirs de nomination demeurés dans les mains des pouvoirs politiques traditionnels, s'ajoutent les pouvoirs du Parlement, auquel sont généralement adressés les rapports annuels391(*), de demander toujours des explications aux Autorités administratives indépendantes, en les conviant à des réunions ou la place de commission d'enquête devant laquelle des Autorités administratives indépendantes doivent fournir des informations et explications. Les Autorités administratives indépendantes insistent toutes, et sur la légitimité d'une telle reddition des comptes devant le Parlement392(*), et sur le fait que leur président est régulièrement amené à discuter avec les Commissions parlementaires spécialisées. Mais l'observation concrète, et ce sur un laps de temps significatif qui fait craindre qu'il ne s'agisse pas seulement d'un départ un peu lent dans l'apprentissage, montre que les parlementaires n'exercent pas ces pouvoirs aussi souvent et aussi systématiquement qu'il conviendrait, pouvoirs qui constituent pourtant pour le Parlement autant de devoirs, en raison de l'importance de l'accountability des Autorités indépendantes.

19.1.15. La légitimité politique du Parlement pour contrôler les Autorités administratives indépendantes. Pourtant, nul plus que le Parlement n'est légitime à recevoir cette reddition des comptes ! En effet, les Autorités administratives indépendantes sont nées de sa volonté et leur indépendance à l'égard du Gouvernement, plus encore leur indépendance à l'égard des acteurs économiques sur lesquels elles exercent leurs pouvoirs, se renforce de cette justification régulière, à la fois périodique et à la demande souveraine du Parlement. Pourquoi est-ce que cela ne s'opère pas, alors que la règle est prévue et intériorisée dans son principe et par les Autorités et par le Parlement ? La réponse est triviale : les parlementaires sont surchargés, les Autorités administratives indépendantes sont éparpillées et leur définition par leur mission en éparpille par reflet les experts393(*), la technicité des questions est rébarbative. L'exhortation ne sert à rien, car l'appel au Parlement pour qu'il exerce en la matière ses responsabilités se répète année après année. Quid facere ?

19.1.16. Proposition pour une reddition ex ante des comptes. Nous avons vu à travers le principe de transparence qu'il était possible de rendre des comptes sur les pouvoirs dans le même temps qu'on en fait l'usage394(*). Il s'agit ici d'aller plus loin puisqu'il serait concevable que les Autorités administratives indépendantes rendent en quelque sorte des comptes par avance. L'idée serait de faire interférer le Parlement dans les décisions de désignation des membres des Autorités administratives indépendantes.

19.1.17. L'audition devant le Parlement des personnalités pressenties pour intégrer ou diriger les Autorités administratives indépendantes. On pourrait concevoir que les personnes désignées par les autorités légitimes désignées par la loi pour le faire soient amenées avant de prendre leur fonction à se présenter devant le Parlement pour discuter, dans ce qui serait une transplantation des hearings que le Congrès nord-américain organise à propos de la nomination faite par la Maison Blanche pour certains postes.

19.1.18. La prudence requise dans l'organisation de telles auditions. Certes, la France n'est pas les Etats-Unis et le système politique de check and balance est éloigné de notre tradition395(*). En outre, le fonctionnement de ce système est en dérive aux Etats-Unis, notamment par des phénomènes de harcèlement par le Congrès, par l'impossibilité pour l'exécutif de désigner des candidats dont la personnalité serait trop forte, alors que la force de caractère est bienvenue dans ces matières, par des exigences de dévoilement de pensée qui finissent par porter atteinte à la vie privée et à la liberté d'expression. Mais nous sommes très loin de ces excès. L'idée serait de désigner une formation adéquate commune aux deux chambres du Parlement, qui pourrait être puisée dans les Commissions parlementaires de l'Assemblée Nationale et du Sénat, pour organiser une telle audition.

19.1.19. Les marges disponibles quant aux conséquences Sans même prévoir des conséquences juridiques à de telles auditions, la seule tenue, voire l'émission d'un avis sur la personnalité pressentie, avis non contraignant mais avis motivé, pourrait avoir un effet rétroagissant sur les personnes dotées du pouvoir de nommer, accroissant leur souci de désigner des personnalités légitimes en elles-mêmes (par leur compétence technique, ou leur stature scientifique ou morale, etc.), en ne se contentant pas d'une légitimité transitive par la seule stature de celui qui nomme396(*).

19.1.20. Aller encore plus loin ? Si l'on veut que le Parlement joue effectivement le rôle central qu'il a vocation à exercer, s'il doit être mis au centre du système des Autorités administratives indépendantes, alors l'on pourrait concevoir que les deux chambres réunies pourraient exercer un droit de veto. Une perspective si radicale doit être prise avec prudence. En premier lieu, certaines apories peuvent apparaître lorsque la nomination de certains membres des Autorités administratives indépendantes échoit au président de l'Assemblée Nationale et au président du Sénat, ce qui amènerait à concevoir qu'une chambre s'oppose à une nomination opérée par son propre président. L'objection n'est pas insurmontable, car l'on pourrait concevoir de troquer ce pouvoir de nomination contre ce pouvoir de veto, les textes étant modifiés pour que le Parlement n'ait plus de pouvoir de nomination mais désormais un pouvoir, plus général, de veto. L'objection la plus puissante est d'ordre politique. Un tel système, sous le ciel de la rationalité, ferait progresser le système en organisant cette sorte de démonstration de compétence et d'adéquation dans les nominations. Mais il ne faut pas cacher qu'on organiserait alors de ce fait un système de check and balance, qui changerait les équilibres politiques, voire la nature du système politique français.

19.1.21. Une conception a minima. C'est pourquoi une conception a minima, c'est-à-dire l'organisation d'auditions devant une formation parlementaire entre le moment où les personnalités concernées sont désignées par l'autorité désignée par la loi pour le faire et le moment où elles entrent en fonction, entraînant un effet d'autodiscipline, une vérification prudence des incompatibilités, etc.

19.1.22. Proposition pour une reddition ex post des comptes. Dans une conception plus traditionnelle, plus acceptable donc, il convient de donner plus d'effectivité à la reddition des comptes que les Autorités administratives indépendantes doivent rendre au Parlement, sans qu'il soit nécessaire de modifier les textes pour cela, puisqu'il s'agit de rapprocher la pratique, pauvre, des textes, riches, sauf à profiter d'une éventuelle loi-cadre pour réaffirmer l'importance de cet aspect de l'organisation des Autorités administratives indépendantes. Il s'agirait alors d'insister sur ce principe, cette insistance symbolique étant contreproductive si elle ne s'accompagne pas d'une plus grande effectivité. Pour cela, il faut sans doute à la fois techniciser le rapport entre le Parlement et les Autorités administratives indépendantes, par une sorte de technocratisation du contrôle, et conserver ce qui est l'âme du Parlement, à savoir une unité composée de personnalités très diverses en prise supérieure avec les réalités quotidiennes de la population française.

19.1.23. La perspective de spécialisation par l'objet. . Dans ces conditions, même si le principe en est simple, la mise en oeuvre est difficile car il n'est pas utile de conseiller encore la création d'une nouvelle structure, pour amasser encore de l'ineffectivité. L'on pourrait tout de même songer à faire une juste mesure entre la conception traditionnelle qui ne saisit les Autorités administratives indépendantes qu'à travers l'objet de leur mission397(*) et une conception sans doute trop radicale qui négligerait cette téléologie pour fondre dans une seule catégorie des Autorités administratives indépendantes à partir de leurs caractéristiques institutionnelles communes. Pour cela, s'il apparaît qu'il faut réunir dans une formation plus ou moins formelle des membres des deux chambres, il faudrait que s'y mêlent des personnalités ayant des légitimités et des compétences diverses.

19.1.24. La composition de l'organe devant lequel rendre des comptes. En pratique, cet organe formel ou informel doit être composé de personnes ayant des compétences sur les objets économiques et sociaux en cause et ayant des compétences sur toutes les règles qui sont l'objet de la présente étude. Si l'on estime que l'accountability des Autorités administratives indépendantes doit l'insérer davantage dans la société globale, alors il ne serait pas inconcevable qu'y soient associées des personnalités qualifiées. Certes, une telle formation, par une telle composition, se met à ressembler ... à une Autorité administrative indépendantes, mais le fait que l'autorité fondamentalement parlementaire qui exercerait cette activité de reddition des comptes soit en reflet avec l'Autorité effectivement administrative est plutôt un gage d'efficacité.

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Les nouveaux acteurs de la régulation : démembrement ou renouvellement de l'état ?, pp. 12-16

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Quilchini, Paule

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Réguler n'est pas juger. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de régulation économique, pp. 1060-1070

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Secret défense : entre comitologie et état de droit

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L'Harmattan

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Les attributions normatives de la commission des sondages, pp. 2287-2367

Revue de droit prospectif

Rousseau, Dominique

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L'évolution des politiques jurisprudentielles constitutionnelles. Les politiques jurisprudentielles relatives aux institutions de la république. Le contrôle des règles relatives à la distribution des compétences, pp. 281-286

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Centre de droit privé et de sciences criminelles d'Amiens (CEPRISCA)

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Les Autorités administratives Indépendantes dans le domaine économique et financier

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Collet, Martin

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Le contrôle juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes

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Le désordre des autorités administratives indépendantes, l'exemple du secteur économique et financier

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Gentot, Michel

 

Les autorités administratives indépendantes

Montchrestien

Université Paris Val de Marne - Faculté de droit Paris XII Saint Maur

2001

Les autorités administratives indépendantes dans le domaine économique et financier sous la direction de Jean-Jacques Israël

Rapport dactylographié

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR MME MARIE-ANNE FRISON-ROCHE

ANSA (Association nationale des sociétés par actions)

- M. Robert Baconnier, président
- M. Jean-Paul Valuet, secrétaire général

La Poste

- M. Jean-Paul Bailly

UFC Que choisir

- M. Alain Bazot, président
- M. Décric Musso, chargé des relations institutionnelles
- M. Julien Dourgnon, (directeur des études et de la communication)

CSA

- M. Dominique Baudis, président
- M. Didier Rapone, directeur général

Conseil de prévention de lutte contre le dopage

- M. Pierre Bordry, président

Cour d'appel de Paris

- M. Renaud Chazal de Mauriac, Premier président
- M. Yves Bot, procureur général

Société générale

- M. Daniel Bouton, président

- Mme Claire Brisset, défenseure des enfants

Cour de cassation

- M. Guy Canivet, premier président

DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes)

- M. Guillaume Cerruti, directeur
- M. Jean-Paul Valuet, secrétaire général

France Télécom

- M. Jacques Champeaux

ARCEP

- M. Paul Champsaur, président

Médiateur de la République

- M. Jean-Paul Delevoye

Conseil d'Etat

- M. Renaud Denoix de Saint-Marc, vice-président
- M. Bruno Genevois, président de la section du contentieux

Direction du budget

- M. Pierre-Mathieu Duhamel, directeur

Banque Lazard

- M. André Dupont-Jubien, associé gérant
- M. Matthieu Pigasse, associé gérant

Bouygues Télécom

- M. Emmanuel Forest, directeur général adjoint licences et régulation

Direction du Trésor

- M. Thierry Franq, chef de l'économie
- M. Hervé de Villeroché, sous-directeur assurances
- M. Alexis Zajdenweber, adjoint au chef du bureau Epargne
et marché financier)
- M. Maya Atig, chef du bureau établissements de crédit
et entreprises d'investissement

Directeur des affaires juridiques civiles

- M. Marc Guillaume, directeur

Conseil de la concurrence

- M. Bruno Lasserre, président

CADA

- M. Jean-Pierre Leclerc, président

Tribunal de grande instance de Paris

- M. Jean-Claude Magendie, président
- M. Jean-Claude Marin, procureur de la République

Direction de l'énergie

- M. Dominique Maillard

Conseil constitutionnel

- M. Pierre Mazeaud, président

RTE (gestionnaire du réseau de transport d'électricité)

- M. André Merlin, président
- M. Alain Cavret, directeur

Suez

- M. Gérard Mestrallet, président

Caisses d'Epargne

- M. Charles Milhaud, président

Banque de France

- M. Christian Noyer, gouverneur, président du CECEI

AMF

- M. Michel Prada, président
- M. G. Rameix, secrétaire général

Cour d'appel administrative de Paris

- M. Pierre-François Racine, président

Direction du développement des médias

- M. Patrick Raude, directeur

Halde

- M. Louis Schweitzer, président

Comité national d'éthique

- M. Didier Sicard, président

CRE

- M. Jean Syrota, président

Haut commissariat aux comptes

- Mme Christine Thin, présidente

Fédération française de football

- M. Frédéric Thiriez, vice-président

CNDS

- M. Pierre Truche, président
- M. Jean-Paul Valuet, secrétaire général

CNIL

- M. Alex Türk, président

- M. Jean-Marc Sauvé, secrétaire général du Gouvernement

- M. Alain Seban, conseiller de la Présidence de la République
en matière de médias

ÉTUDE DE DROIT COMPARÉ SUR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES RÉALISÉE SOUS LA DIRECTION DE M. JEAN-MARIE PONTIER

SYNTHÈSE DES RAPPORTS NATIONAUX

par M. Jean-Marie PONTIER
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III
directeur de l'École doctorale sciences juridiques et politiques,
directeur du Centre de recherches administratives

_______

S'il serait trop prétentieux d'affirmer que les autorités administratives indépendantes (ci-après dénommées AAI) se retrouvent dans tous les pays, il est en revanche incontestable qu'il s'agit d'un type d'institutions extrêmement répandu, car son existence a pu être relevée dans presque tous les pays ayant fait l'objet de l'enquête. Il faut immédiatement ajouter que les réalités sont en même temps assez différenciées de ce que l'on trouve en France, et il serait vain de vouloir chercher à définir une sorte de « modèle commun » des autorités en question, car ce modèle n'existe pas.

Dans certains cas, c'est même en forçant le trait, en procédant à des assimilations peut-être abusives que l'on parle d'autorités administratives indépendantes. Ainsi, par exemple, en Allemagne, la première réponse qui est donnée à la question des AAI consiste à dire qu'elles n'existent pas, le concept d'AAI n'existe pas dans ce pays. La notion d'AAI ne correspond à aucune catégorie du droit applicable à l'administration, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des Länder. Ce qui pourrait correspondre à ce type d'institutions est constitué par les « autorités administratives fédérales supérieures autonomes » (Selbstsändige Bundesoberbehörden). Dans la mesure où le rapprochement est toujours un peu artificiel, il est possible également de faire entrer dans ces institutions similaires des organismes qui sont l'équivalent au plan des Länder de ce que l'on rencontre à l'échelle du Bund.

Les origines des AAI sont incontestablement anglo-saxonnes. Aux XVII-XVIIIèmes siècles apparaissent en Grande-Bretagne des organismes autonomes, appelés « Quasi-independent Boards » pour assurer des tâches qui n'étaient pas considérées comme relevant de l'administration publique (quelquefois des activités caritatives dont on sait qu'en France elles étaient assurées par des organismes religieux).

Les autorités administratives indépendantes sont véritablement nées en Amérique du nord à la fin du XIXème siècle, bien que les pays scandinaves fassent valoir que dès le début de ce XIXème siècle des organismes assimilables à ce que nous appelons des autorités administratives indépendantes ont été créées. Aux États-Unis, est créée en 1887 la Commission du commerce entre États (Interstate Commerce Commission), avec pour objet de contrôler et de limiter le pouvoir des entreprises ferroviaires de transport qui avaient tendance à imposer des tarifs élevés aux fermiers et aux autres clients. Puis d'autres organismes du même type furent créés, toujours aux États-Unis, notamment, en 1914, la Federal Trade Commission et, en 1934, la Federal Communications Commission, qui a joué et continue de jouer un rôle important.

Au Canada, le développement du chemin de fer entraîne la création, par le législateur, d'organismes de ce type : en 1851 le « Railway Act prévoit de créer un Bureau des Commissaires du chemin de fer (Board of Ralluray Committee of the Privy Council), la question étant de savoir s'il convient de transférer à un organe indépendant des pouvoirs exercés jusque-là par des ministres. Après un débat, le « Railway Act » de 1903 crée le Bureau des Commissaires des chemins de fer (Board of Railway Commissioners) qui servira de modèle pour les institutions à venir. Avec la première guerre mondiale, et comme en de nombreux pays, les interventions de l'État se développent, et se traduisent au Canada par la création d'organismes du type autorités administratives indépendantes : Canadian Wheat Board, Food Control Board, Wage Trade Board, etc. Le même phénomène se reproduit après la seconde guerre mondiale.

Certains États comme les pays scandinaves font remonter des institutions qu'ils rangent parmi les autorités administratives indépendantes au XIXème siècle, voire même au début de celui-ci. La présentation effectuée par les rapporteurs de ces derniers États soulève une question que l'on examinera ensuite, celle de savoir ce qu'il convient d'entendre par autorité administrative indépendante. Dans la plupart des pays européens, les autorités administratives indépendantes apparaissent au cours de deux vagues successives, l'une dans les années 1970, l'autre dans les années 1990.

Relevons immédiatement la diversité de la terminologie utilisée. Dans de nombreux États on ne parle pas d'autorités administratives indépendantes, il n'existe pas de traduction équivalente, on utilise une autre terminologie. Ainsi, aux États-Unis, terre de naissance et de prédilection de ces institutions que nous qualifions ainsi, on parle d'Agencies. Mais la notion d'Agency est loin d'être univoque dans le pays même, elle est susceptible de recouvrir des réalités extrêmement diverses.

Au Canada on rencontre les termes de Commission, Bureau, Conseil, Agence. Dans d'autres pays on parle également facilement de « commission » pour désigner ces autorités, ou bien encore de « conseil ». De même, en Grande Bretagne il existe une multiplicité d'organismes regroupés sous les dénominations de « quangos » (« quasi autonomous non-governmental organisations ») et de « non departmental public bodies » (NDPB), mais qui, nous allons le voir, comportent des institutions aux statuts comme aux fonctions et aux pouvoirs très différents. Et, alors même que l'on recourt à la même terminologie qu'en France, il convient de signaler une très nette réticence à utiliser le terme d' « administratives » à propos de ces autorités, plusieurs pays préférant parler simplement d' « autorités indépendantes ». À l'échelon de l'Union européenne la terminologie est encore moins fixée, on parle de Centre, Fondation, Agence, Office, Observatoire, mais il ne faut rien déduire de précis de cette diversité d'appellations.

I - La délimitation incertaine des AAI

Le premier trait que l'on peut relever dans presque tous les pays étudiés est l'hésitation que l'on perçoit pour qualifier une autorité ou un organisme dans la catégorie de ce que nous dénommons AAI. Peut-être convient-il, ici, de distinguer le cas des pays anglo-saxons de celui des autres pays, en raison des différences qui les séparent.

1. Le cas des pays anglo-saxons

Aux États-Unis, où il existe une prolifération d'organismes de toutes sortes, les seuls que l'on puisse ranger dans cette catégorie sont les Agences réglementaires indépendantes (Independant Regulatory Agencies (IRA), qui se subdivisent elles-mêmes en « Agences réglementaires indépendantes » et « Agences exécutives ».

La Grande Bretagne présente, de ce point de vue, des analogies avec les États-Unis. Si le nombre de départements ministériels y est en effet limité (une vingtaine), en revanche on recense cent vingt « Agences exécutives » (Next Steps Agencies), chargées de l'administration quotidienne, et plus de mille deux cent organismes publics extérieurs aux structures ministérielles, ce sont les Non-departmental Public Bodies (NDPB). Ces NDPB se subdivisent en environ trois cents NDPB « exécutifs », chargés de seules tâches d'exécution, à l'exclusion de toute possibilité de réglementation, sept cents organismes consultatifs, soixante-quinze « Tribunals », c'est-à-dire des organes spécialisés à compétence juridictionnelle, composés de juges non professionnels, et plusieurs dizaines d'organes de régulation ou de contrôle.

Un terme est utilisé pour désigner tous ces organismes, c'est celui de « Quangos », c'est-à-dire Quasi Autonomous non-governmental Organisations. Mais il n'a jamais été donné de définition officielle de ces derniers, conformément au traditionnel pragmatisme britannique, et il est exclu de considérer tous ces organismes comme des équivalents de nos AAI, le caractère hétéroclite de ces institutions conduisant à y inclure non seulement des entités publiques hors ministère mais également des associations, des écoles, voire des autorités de police.

Il faut donc, à l'intérieur de ces Quangos, faire un tri, puisqu'il n'existe aucun recensement officiel d'organismes équivalents à celles-ci, ni même équivalent aux « Independant Regulatory Agencies » américaines. Selon les auteurs britanniques deux indices permettent de retenir l'un d'entre eux comme un organisme réglementaire indépendant, l'indépendance que garantit sa composition et la nature de sa mission qui doit consister en un pouvoir suffisant de régulation. La politique menée par Mme Thatcher à partir de 1988, consistant à confier les tâches d'administration quotidienne à des « agences » situées au sein des ministères a entraîné la création de nombreux organismes dotés de pouvoirs et d'autonomie variables.

2. Les autres pays

En Allemagne, et sous les réserves énoncées précédemment sur le rapprochement des organismes que l'on trouve avec les AAI, diverses formes juridiques se rencontrent. Certaines autorités administratives sont les Zentralstelle, qui ont un lien étroit avec les autorités des États fédérés, et qui ont une mission d'information et de coordination. D'autres sont des Anstalten des öffentlichen Rechts (instituts de droit public) qui, parce qu'ils ont la personnalité juridique, ont une plus grande indépendance. Par exemple le Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (c'est-à-dire l'équivalent de notre autorité des marchés financiers) est organisé sous cette forme.

En Belgique, les auteurs du rapport font valoir que certaines institutions ont une qualification douteuse, la distinction entre la nature de juridiction administrative, d'un côté, organisme purement consultatif, de l'autre, étant loin d'être évidente. C'est le cas, par exemple, de la Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels, qui serait plus une juridiction qu'une AAI. En Espagne, la distinction à opérer est celle entre les organismes dotés d'une « autonomie spéciale » et les « entités rattachées à l'administration », seuls les premiers pouvant être rangés dans la catégorie des AAI.

En Grèce, la grande distinction à retenir est celle entre les « autorités indépendantes consacrées constitutionnellement ou constitutionnelles » et les « autorités administratives indépendantes prévues par la législation ». En Italie, les autorités administratives indépendantes apparaissent dans les années 70, et la politique de création de ces autorités est largement inspirée de l'expérience française. Pour autant les choses sont loin d'être claires. L'expression d'autorité indépendante recouvre dans ce pays des réalités très diverses : il peut s'agir de simples services administratifs, il peut s'agir d'organismes consultatifs, il peut enfin s'agir d'organismes disposant d'un véritable pouvoir de décision. La doctrine est d'ailleurs très partagée pour qualifier ces organismes et certains parlent de « pouvoirs neutres », tandis que d'autres parlent de « pouvoirs de garantie ».

En Norvège, où les autorités de cette nature semblent relativement anciennes, le rapport norvégien fait entrer dans cette catégorie des institutions créées en 1816, à condition d'accepter cette terminologie, la notion d'autorité administrative indépendante n'apparaissant ni dans la Constitution, ni dans les lois, et ayant commencé à être évoquée d'abord dans les manuels de droit administratif, par référence aux expériences que l'on peut trouver dans les autres pays.

Aux Pays-Bas la notion d'autorité administrative indépendante a également été introduite en 1974 par la doctrine, un professeur de droit ayant développé la notion de zelfstandig bestuursorgaan qui désigne une institution créée par la loi ou par le gouvernement et ayant une mission de service public, mais ne faisant pas partie d'un ministère et n'étant pas soumise à l'autorité d'un ministre. Une telle définition a conduit à identifier, d'abord 25, puis quelque 200 institutions de ce type.

En Suisse, qui constitue un exemple intéressant dans la mesure où sa structure fédérale à trois niveaux offre de multiples exemples de modalités d'organisation de l'administration, on peut distinguer les autorités indépendantes rattachées à l'administration centrale et les autorités indépendantes entièrement autonomes, les premières agissant au nom et pour le compte de l'État, mais sans lui être subordonnées, les secondes étant représentées par l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI) ainsi que par une entité intercantonale chargée de contrôler l'importation et la mise en vente de médicaments en Suisse (SWISSMEDIC).

Les pays d'Europe centrale et orientale, longtemps placés sous le régime communiste qui ne pouvait en aucune manière reconnaître des institutions de cette nature, semblent rattraper rapidement leur « retard » en ce domaine, si l'on en juge par le nombre d'autorités de ce type déjà instituées dans ces pays, un petit pays tel que la Lituanie ayant déjà plus d'une vingtaine d'autorités.

Même si ces pays sont d'un moindre intérêt pour une réflexion sur les autorités administratives indépendantes française, il est cependant intéressant de noter que, peut-être dans le cadre ou dans la perspective d'une intégration dans l'Europe communautaire, et en vue d'apparaître comme de « bons élèves », ils se sont mis à créer de nombreuses AAI dans tous les domaines, ainsi que le montrent les rapports sur la Pologne, la République tchèque, la Lituanie ou la Roumanie.

Le cas de l'Union européenne est encore différent : il n'existe pas de véritables autorités administratives indépendantes au sens que l'on donne à cette expression dans notre pays. Si l'on met à part les organes techniques que l'Union a jugé nécessaires de créer au fur et à mesure et qui ne relèvent pas de la même problématique (il s'agit de ce que l'on appelle la comitologie, c'est-à-dire l'aide que les comités techniques apportent à la Commission dans l'exercice de ses compétences), les divers organismes qui ont été institués peuvent ressembler parfois à des AAI, mais cette ressemblance est trompeuse.

Le seul organisme comparable à nos AAI est évidemment le médiateur européen, institué par une décision du Parlement européen du 9 mars 1994 modifiée le 14 mars 2002. Le médiateur contribue, selon cette décision, à déceler les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes communautaires, à l'exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles et à faire des recommandations en vue d'y remédier.

En dehors du médiateur, aucun des organismes créés, des agences, ne dispose de véritable pouvoir, n'est indépendant des organes communautaires. Ces organismes s'inscrivent dans une perspective particulière, celle de définir une « gouvernance européenne ». Le rôle des États demeure en tout état de cause essentiel. Ainsi, le règlement instituant l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, qui pourrait faire penser à une AAI, déclare que cette « autorité » a été mise en place en vue de favoriser le fonctionnement en réseaux européens des organismes nationaux.

II - Diversité des institutions comparables à des AAI

Le terme de diversité est celui qui paraît le mieux caractériser l'ensemble des institutions que, dans les différents pays considérés, on peut classer comme des AAI ou comparer à des AAI. La diversité des dénominations est moins grande encore que la variété que l'on peut rencontrer dans les règles qui régissent les AAI comme dans le champ de leur intervention.

La diversité est celle des domaines dans lesquels elles interviennent, et qui ne semble le céder en rien à celle que l'on trouve en France. On peut distinguer semble-t-il, dans le cadre de la perspective d'une comparaison avec la France, deux grandes catégories de domaines.

1. Les domaines d'intervention des AAI largement communs à de nombreux pays

Il est d'abord possible de relever des domaines de création d'AAI communs à de nombreux pays, si ce n'est à tous. Ces domaines sont ceux qui concernent l'économie, et l'on relève que l'ouverture au marché d'un certain nombre d'activités s'est traduite, et continue de se traduire, par la création d'organismes de contrôle qui peuvent être considérés comme des AAI.

Des autorités de cette nature ont été instituées dans le domaine des banques, de la bourse, de la concurrence : on trouve en Belgique une Commission bancaire, financière et des assurances (CFBA) ; en Espagne, outre la Banque d'Espagne (rangée par le rapport dans cette catégorie), la Commission nationale du marché des titres et la Commission nationale du marché des valeurs, le Tribunal de défense de la concurrence ; aux États-Unis, les Regulatory agencies (au nombre de plus d'une cinquantaine) et, outre la FTC, précitée, la Commodity futures trading Commission, chargée de réguler certains marchés, la Security end exchange Commission, chargée de garantir la sécurité des marchés financiers et des transactions ; en Grande Bretagne, la Competition Commission est une sorte d'équivalent, sous les réserves émises précédemment quant à la situation britannique, de notre Conseil de la Concurrence ; en Grèce, la Commission de la concurrence, le Gouverneur de la Banque de Grèce (qui est un cas particulier d'autorité indépendante), la Commission des opérations de bourse, le Médiateur bancaire (chargé d'examiner, selon des procédures transparentes, les litiges des cocontractants avec les banques) ; en Italie, la Commissione nazionale per le società e la borsa (CONSOB), l'Autorità garante della concorrenza e del mercato ; en Lituanie toute une série d'AAi (ex. le Service de la concurrence, la Commission des valeurs) ; en Norvège l'Inspection des marchés financiers (Kredittilsynet) ; en République tchèque le Bureau pour la protection de la compétition économique ; en Roumanie l'Autorité des marchés financiers, le Conseil de la concurrence, la Commission de surveillance des assurances ; en Suisse la Commission fédérale des banques, la Commission de la concurrence.

Parmi les domaines où, de manière généralisée, on rencontre des AAI, il faut faire figurer le domaine de la radio, de la télévision, de l'audiovisuel. On ne trouve aucun pays dans lequel il n'ait pas été institué, sous une dénomination variable, un ou plusieurs organismes ayant cette finalité.

Ainsi, en Belgique, on trouve, pour la communauté wallonne (l'équivalent existant, pour la Communauté flamande, le Vlaams Commissariaat voor de Media), le Conseil supérieur de l'audiovisuel, chargé de la régulation du secteur de la radiodiffusion télévision en langue française) ; en Espagne, l'Entreprise publique de la radio et de la télévision espagnoles (RTVE) est considérée comme une autorité administrative indépendante sur laquelle la Chambre des Députés exerce un contrôle direct.

Au canada, la Canadian Radio-Television and telecommunications Commission (CRCT) est un organisme collégial, institué par la loi (plus exactement par trois lois) qui dispose d'une autonomie supérieure à celle des autres Agences canadiennes dans la mesure où ses décisions ou réglementations n'ont pas à obtenir l'approbation préalable du Cabinet, ce dernier pouvant cependant adresser des directives à la CRCT. Aux États-Unis, la Federal Communications Commission est bien connue, elle a compétence pour contrôler l'ensemble des communications, qu'elles soient intérieures ou à destination de l'étranger.

En Grande Bretagne l'Independent Television Commission joue le rôle de notre CSA ; en Grèce, le Conseil national de la radiotélévision, institué en 1989, est l'une des autorités ayant un statut constitutionnel et a pour mission d'exercer un contrôle (qui peut également prendre la forme d'une autorisation préalable) sur la radio et la télévision, avec possibilité d'infliger des sanctions administratives, en vue d'assurer l'objectivité de l'information et la qualité des programmes ; en Italie, le Garante per la radiodiffusione e l'editoria a été remplacé, en 1997, par l'Autorità per le garanzie nelle communicazioni .

Dans les pays d'Europe centrale on trouve de similaires institutions (Commission de la radio et de la télévision en Lituanie, Conseil national pour la radio et la télévision (KRRiTV) en Pologne, chargé constitutionnellement de veiller au respect de la liberté d'expression, du droit à l'information et de l'intérêt public à la radio et à la télévision, Conseil pour les émissions radiophoniques et télévisuelles en république tchèque, chargé par la loi de garantir la pluralité de l'offre des programmes, l'indépendance du contenu des émissions, l'observation des prescriptions juridiques, l'attribution et l'annulation des licences, Conseil national de l'audiovisuel en Roumanie) ; en Suisse la Commission fédérale de la communication a un rôle identique à ceux des organismes cités précédemment. Dans un pays fédéral, tel que l'Allemagne, on trouve à la fois une loi fédérale et une loi dans chaque Land.

Un autre domaine, commun aux pays dans lesquels une étude a été poursuivie, est celui que l'on pourrait qualifier de domaine de la protection des droits des citoyens. Ce domaine peut donner lieu à une multitude d'autorités, et il paraît compréhensible que l'on trouve des variations d'un pays à un autre. Il existe tout d'abord un type d'autorité qui, de plus ou moins loin, est comparable à notre Médiateur. Mais l'institution de ce type que l'on rencontre n'a pas nécessairement le statut d'AAI.

En Belgique, par exemple, le Médiateur fédéral est une juridiction administrative, non une AAI. En revanche, dans d'autres pays, l'institution peut être considérée comme une AAI. Ainsi, en Grèce, on trouve l'Avocat du citoyen, autorité administrative indépendante prévue par la Constitution et inspirée de l'Ombudsman suédois, qui a succédé au Médiateur de l'administration, qui n'avait pas fonctionné. Cet « Avocat du citoyen » est un intermédiaire entre les citoyens et les services publics, les collectivités locales et les personnes morales de droit privé, en vue de protéger les droits de l'administration, de lutter contre les dysfonctionnements administratifs et d'assurer le respect de la légalité. Relevons qu'il est également chargé de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant, fonction qui, en France (mais aussi dans un pays tel que la Lituanie) est assurée par une AAI spécifique. En Italie le Difensore civico, qui est comparable à notre médiateur, et que l'on trouve à l'échelon local et régional, n'est pas une véritable AAI.

La protection des droits des citoyens est également à l'origine d'une autre AAI qui semble en définitive plus répandue et plus généralisée que celles apparentées au Médiateur, une autorité chargée de la protection des données personnelles. Et peut-être faut-il voir dans l'institution de ce type d'autorité, et tout au moins en Europe, l'influence plus ou moins directe de la Communauté européenne.

Ainsi, en Espagne, l'« Agence de protection des données » dispose d'un pouvoir disciplinaire ; en Grande Bretagne la Data Protection Registrar, instituée en 1984 et réaménagée en 2000, a des fonctions comparables à celles de la CNIL en France ; en Grèce, l' « Autorité de protection des données à caractère personnel », visée par la Constitution sans être expressément nommée, a pour mission de garantir la protection des données personnelles de tout individu contre la collecte, le traitement et l'usage, en particulier par des moyens électroniques ; en Italie une institution similaire, prévue par la loi pour garantir des droits constitutionnels, et dont l'appartenance à la catégorie des AAI est discutée par une partie de la doctrine est le Garante per la tutela delle persone e di altri soggetti rispetto al trattamento dei dati personali. En Allemagne on trouve un Délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information (Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz und für die Informationsfreitheit), avec des délégués à l'échelon de chaque Land, chargé de conseiller les autorités fédérales (Bundestag aussi bien que gouvernement), de réaliser des contrôles, de traiter des demandes, de collaborer en matière de protection des données sur la scène européenne et internationale, de rédiger des rapports d'activité et des avis.

Un autre domaine donnant lieu, partout, à des institutions pouvant être considérées comme des AAI est celui de l'économie, des organismes étant créés en vue d'opérer une régulation, ce terme revenant très fréquemment dans les rapports. Le domaine privilégié de la régulation semble être celui de l'énergie.

Ainsi, en Allemagne, l'Agence fédérale pour les réseaux d'électricité, de gaz, des télécommunications et ferroviaires (Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation und Eisenbahnen), créée sous forme de Bundesoberbehörde , exerce les compétences administratives de régulation qui lui sont confiées par la loi, le ministère fédéral pouvant lui adresser des instructions et exerçant également un contrôle de légalité des actes de l'Agence. En Belgique, où la « matière » de l'électricité et du gaz est partiellement régionalisée (avec une commission wallonne et une commission flamande) on trouve une Commission de régulation de l'électricité et du gaz (CERG), qui a, d'une part, une mission de conseil auprès des autorités publiques pour tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des marchés du gaz et de l'électricité, d'autre part, une mission de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs. Notons que, récemment, une Chambre de litiges et un Service de conciliation et d'arbitrage ont été institués au sein de la CERG en vue de préserver la concurrence sur les marchés de l'électricité et du gaz.

Au Canada la régulation est assurée par le National Energy Board, créé en 1985, dont on peut souligner, au passage, l'importance, par le nombre d'agents dont il dispose, environ trois cent cinquante. Le rapport sur le Canada indique que cet organisme fonctionne comme un organe quasi-juridictionnel, ses décisions étant susceptibles de recours devant la Cour d'appel fédérale.

En Espagne, une Commission nationale de l'énergie se voit attribuer des fonctions de surveillance et de contrôle des installations et des opérateurs des marchés de l'énergie. En Grèce, une Autorité régulatrice de l'énergie a été créée en 1999 conformément aux exigences de la Directive 96/92/CE pour suivre et contrôler le fonctionnement du marché de l'énergie. Cette Autorité propose des mesures à adopter, donne des avis sur l'octroi des permis prévus par la loi, peut imposer des amendes, informe la Commission de l'Union européenne de l'avancement de la libération des marchés de l'énergie électrique et du gaz naturel. Le ministre du développement contrôle la légalité de ses actes, lesquels sont susceptibles de recours en annulation devant la Cour administrative d'appel d'Athènes. En Italie, l'Autorità per l'energia elettrica e il gas est chargée de surveiller les ententes qui restreindraient la concurrence, les abus de position dominante, les opérations de concentration.

2. Les domaines qui paraissent plus spécifiques

Les différents États étudiés présentent certaines spécificités du point de vue de leurs AAI. Certaines de celles-ci répondent à un besoin particulier du pays considéré, ou à une organisation différente de celle que nous connaissons en France pour une activité déterminée. Ainsi, au Canada, il existe une Canadian Transportation Agency (CTA, qui a succédé, en 1996, à la National transport Agency) chargée de la régulation dans le domaine du transport, en particulier en ce qui concerne les réglementations en matière d'acquisition ou de fusions de sociétés et d'encadrement des activités de transport. Dans ce même pays le Canada industrial Relations Board (CIRB) est chargé d'intervenir en matière de règlement des conflits du travail et peut imposer des sanctions en cas de pratiques irrégulières des employeurs (ceci ne s'appliquant, naturellement, qu'au secteur privé). En Grèce a été créée, de même, une « Autorité régulatrice des transports intérieurs maritimes », chargée de faire respecter la libre concurrence en ce domaine.

On ne s'étonnera guère de trouver en Belgique une « Commission permanente de contrôle linguistique » (anciennement dénommée Commission de contrôle), chargée de faire respecter les prescriptions légales en ce domaine et tenant à l'existence, dans ce pays, de trois langues nationales (allemand, français, néerlandais) et de quatre régions linguistiques (région de langue française, région de langue néerlandaise, région bilingue de Bruxelles-Capitale, région de langue allemande). Mais il est également intéressant de relever, en Belgique, l'existence d'une « Commission chargée du renouvellement du culte musulman », autorité créée par une loi de 2004, cette commission ayant un caractère provisoire, étant chargée de garantir le bon déroulement des élections au sein de la communauté musulmane et devant disparaître ensuite. Toujours en Belgique, et dans un tout autre domaine, qui peut être source de réflexion pour la France, la région de Bruxelles-Capitale a institué, en 2004, une « Commission royale des monuments et des sites de la région de Bruxelles-Capitale » (qui a pris la suite de la Commission royale des monuments et des sites, qui avait été créée par décret royal en 1835 et qui a subsisté jusqu'à la régionalisation), chargée de donner un avis sur toute question se rapportant à un bien relevant du patrimoine, et pouvant adresser des recommandations de politique générale sur la problématique de la conservation du patrimoine.

La sûreté ou la sécurité nucléaire donne lieu à la création d'organismes destinés à surveiller la production d'électricité d'origine nucléaire. Aux États-Unis, la Nuclear Regulatory Commission est un organisme collégial chargé de veiller à la protection de la santé et de l'environnement. En Espagne le « Conseil de sécurité nucléaire » s'est vu reconnaître des compétences d'inspection et de contrôle en matière de sécurité nucléaire et radiologique, il peut également proposer l'ouverture d'une enquête disciplinaire.

Aux États-Unis, dans presque tous les domaines il est possible de trouver une autorité pouvant être plus ou moins assimilée à une AAI. Ainsi, dans le domaine de la consommation, la Consumer product safety commission intervient dans le cadre de la protection de la sécurité du consommateur et de la prévention des risques en matière de consommation ; le Defense nuclear safety board , institué par le Atomic Energy Act de 1984 est compétent en matière de sûreté nucléaire ; l'Equal employment opportunity commission institué par le Civil Rights Act de 1964 est chargé de veiller à l'application des exigences fédérales en matière de non-discrimination à l'emploi ; la Federal mine safety and health review commission, instituée par le Federal Mine Safety and Health Act de 1977, veille au respect des normes relatives à la santé et à la sécurité établies pour l'ensemble des activités minières du pays ; le Federal retirement Thrift investment Board, institué par le Federal Employees Retirement System Act de 1986, est chargé d'administrer un système d'épargne retraite au profit des agents fédéraux ; la Nuclear regulatory commission, instituée par l'Energy Reorganization Act de 1974, est chargée d'un contrôle de l'utilisation civile de l'énergie nucléaire dans le but de protéger la santé et l'environnement ; l'Occupational Safety and Health review commission, instituée par l'Occupational Safety and Health Act de 1970, est chargée de régler les conflits relatifs à des conditions de travail dangereuses, etc.

En Grande Bretagne on trouve des organismes chargés de protéger l'égalité et de lutter contre les discriminations, la Commission for Racial Equality et l'Equal Opportunities Commission.

En Grèce, l'« Autorité de garantie du secret des communications », dont l'existence est garantie constitutionnellement, est chargée de garantir le secret des lettres et la libre correspondance des communications par tout moyen ; le « Haut Conseil de sélection du personnel », qui a également reçu une consécration constitutionnelle, a pour mission de contrôler les procédures de recrutement des agents de l'État, des collectivités territoriales et du secteur public en général, en vue d'introduire dans les procédures de sélection des agents des garanties de mérite, d'objectivité et de transparence ; elle proclame les postes à pourvoir, peut notifier au Premier ministre et à la Chambre des députés les infractions commises. Notons encore, de création législative, un « Haut Conseil de règlement des litiges sportifs », qui est un organe disciplinaire et juridictionnel de second ressort considéré comme une AAI.

Dans ce même pays, est considéré comme une AAI le Conseil national de l'éducation, créé par la loi, bien qu'il n'ait que des attributions consultatives et le rapport indique, à juste titre nous semble-t-il, que cette dénomination est contestable, cette institution ressemblant fort à un Conseil supérieur de l'éducation tel qu'il peut en exister en France et dans d'autres pays. La même observation et le même doute valent pour la Commission des objecteurs de conscience instituée par une loi de 1997.

En Italie il faut relever l'existence d'une AAI particulière, la Commissione di garanzia dell'attuazione della lege sullo sciopero nei servizi publlici essenziali, c'est-à-dire sur l'exercice du droit de grève dans les services publics les plus importants. Au Portugal on peut relever, parmi les AAI, une Commission nationale d'objection de conscience, une Commission pour le contrôle du secret d'État, un Conseil d'éthique pour les sciences de la vie. En Suisse deux autorités sont présentées comme « entièrement autonomes », l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI), qui demeure cependant soumis à une certaine surveillance du Conseil fédéral (mais ce dernier ne peut donner d'instructions particulières), qui perçoit directement des taxes pour les activités relevant de la souveraineté de l'État et des rémunérations qu'il demande pour les prestations de service et les indemnités qui lui sont versées au titre de certaines prestations ; SWISSMEDIC a un fonctionnement similaire.

Un domaine assez particulier donne lieu en quelques pays à une autorité administrative indépendante, celui des jeux de hasard. Ainsi, en Belgique, a été instituée une « Commission des jeux de hasard », qui a principalement pour tâche de contrôler l'application de la loi sur les jeux de hasard et de ses textes d'application, en particulier d'appliquer les dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et la fraude fiscale. À ce titre la Commission octroie les licences d'exploitation et peut prononcer des avertissements, suspendre ou retirer la licence d'exploitation. De même, en Grèce, il existe une Commission de surveillance et de contrôle des jeux de hasard, instituée en 2004, dans le but de surveiller les jeux de hasard, cette commission disposant de compétences consultatives mais également de compétences de décision et de sanction. Une semblable commission se retrouve en Lituanie et en Suisse.

Les différences sont également relatives à la nature juridique des AAI. Le plus souvent ces autorités ont une nature législative. Cependant, dans certains cas, il leur a été donné une nature constitutionnelle, ce qui est une manière de mieux les protéger. Cela revient également à créer des AAI à deux vitesses ou à deux protections, à considérer que certaines méritent plus que d'autres d'être protégées, y compris du pouvoir législatif.

Toujours en ce qui concerne la nature juridique de ces institutions, on peut se demander si, dans certains pays au moins, la création de telles autorités ne provient pas de l'absence de certaines formules que nous connaissons, en particulier l'établissement public. Tous les pays ne connaissent pas cette formule, et le sentiment que l'on éprouve face à certaines de ces autorités est que le recours à la formule s'explique par l'absence d'autres possibilités juridiques que permet, en France, l'établissement public. En revanche certains de ceux qui disposent dans leur arsenal juridique de l'établissement public dotent leurs autorités administratives indépendantes de ce statut.

La diversité des statuts juridiques applicables est un autre trait caractéristique des AAI que l'on trouve dans les pays étudiés. Il n'existe aucune formule type qui permettrait de répondre de l'ensemble des institutions créées. Tantôt, en effet, les autorités créées ne disposent pas de la personnalité juridique et sont de simples services administratifs, ce qui peut faire douter de l'indépendance que, dans chaque pays, on estime indispensable à l'existence d'une telle autorité. Cependant cette appréciation doit être nuancé, l'exemple de pays tels que la France montrant que la quasi-totalité des AAI n'a pas la personnalité juridique (on reviendra sur ce point en conclusion). Tantôt, et beaucoup plus logiquement, tout au moins dans la perspective des autres pays, la personnalité juridique est attribuée à l'institution. Tantôt, également, l'autorité en question n'est qu'un organisme consultatif. Dans cette hypothèse on peut fortement douter que l'on ait affaire à une AAI telle qu'on l'entend en France, car si l'on se met à considérer les organismes consultatifs comme des AAI, on se trouverait avec des milliers d'AAI, et la notion n'aurait plus guère de signification. Les pouvoirs reconnus à ces autorités sont également extrêmement variables. 

III - Organisation, fonctionnement, pouvoirs

1. L'organisation et le fonctionnement

L'organisation des AAI est destinée à leur assurer une « indépendance » à l'égard des pouvoirs publics. Mais il convient de souligner qu'en aucun pays on ne considère cette « indépendance » comme absolue, elle est toujours relative, il s'agit toujours d'une question de dosage. La nuance est entre les pays dans lesquels on estime que même le législateur ne doit pas porter atteinte à ces autorités et ceux, très majoritaires, qui estiment que ces autorités doivent être soumises au législateur, que celui-ci est le seul à pouvoir décider en définitive.

En ce qui concerne tout d'abord la composition des AAI, dans la plupart des pays les AAI sont des institutions collégiales, certains insistent même sur ce point en considérant que la collégialité est une condition indispensable. Tel est le cas des États-Unis. Cependant, dans plusieurs pays il est également admis que l'autorité soit constituée d'une seule personne, c'est le cas de certaines autorités en Belgique qui prennent le nom de « commissaire », ce dernier pouvant être assisté de commissaires adjoints ; ou bien c'est le président seul d'une institution qui est considéré comme une autorité administrative indépendante. En Grande Bretagne, après un temps (les années 80-90) où la majorité des organismes indépendants étaient dirigés par un responsable unique, on s'est orienté ensuite vers des organismes à direction collégiale, le « Bureau » étant présidé par un directeur, le Chairperson.

La création d'une AAI peut résulter de toutes sortes de normes. La création par voie constitutionnelle n'est certes pas le cas le plus fréquent, mais se trouve au moins dans deux pays européens, et pour certaines autorités, en Grèce et au Portugal. Cette création constitutionnelle ne joue d'ailleurs que pour certaines AAI, ce qui aboutit à des AAI à « deux vitesses ». La consécration constitutionnelle donne évidemment une protection supérieure à l'autorité en question. Soulignons seulement le fait, d'un point de vue français, que si la nature constitutionnelle d'une autorité peut séduire, la tendance à faire « remonter » trop de choses dans la Constitution présente un risque évident, la fonction de la Constitution pouvant s'en trouver altérée.

Quelquefois cette création ne peut être effectuée, dans plusieurs pays, que par la loi, et tel est le cas en Allemagne, où cette exigence résulte directement de la Loi fondamentale (art. 87, al. 3), mais plus souvent encore on peut noter une sorte de partage des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en matière de désignation des autorités administratives indépendantes. Parfois une loi spéciale est même exigée par la Constitution. La loi comporte dans certains cas comme l'Espagne la réglementation essentielle relative à l'organisation et au fonctionnement de l'autorité, parfois elle renvoie au gouvernement le soin d'établir cette réglementation.

En ce qui concerne les organes de l'Union que l'on peut rapprocher des AAI, leur création résulte d'actes du droit communautaire dérivé, c'est-à-dire de règlements. Cependant, certaines, issues de la mise en oeuvre des deuxième et troisième pilier (politique étrangère et de sécurité commune, pour le deuxième, coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures pour le troisième) présentent des caractéristiques spécifiques. Ainsi Europol résulte par exemple d'une Action commune du Conseil, puis d'une convention, pour son statut, et Eurojust d'une décision du Conseil.

Le statut applicable à l'autorité est tantôt un régime de droit public, ce qui est la situation la plus courante dans les pays « continentaux », tantôt un régime de droit privé, que l'on trouve facilement aux États-Unis, le statut étant fonction de ce que prévoit la loi créant l'autorité. Dans les États fédéraux la création d'une autorité administrative indépendante peut résulter aussi bien d'une loi fédérale que d'une loi d'un État membre, comme en Allemagne.

En ce qui concerne la désignation, des règles différentes sont adoptées selon les pays. Souvent l'autorité est désignée par le Parlement, ou par la Chambre basse du Parlement, parfois par une commission spéciale au sein du Parlement. Ce mode de désignation l'emporte, et de loin, sur la nomination par l'exécutif.

Il arrive cependant que ce dernier se voit reconnaître un tel pouvoir, mais c'est sous le contrôle du Parlement et, par exemple, en Espagne, la Chambre des députés peut opposer un veto à la nomination par le gouvernement, à condition qu'il soit « justifié », tandis qu'en Italie la nomination des présidents d'AAI par le président de la République doit être approuvée par une loi. Dans ce même pays on distingue trois procédés de désignation, les autorités à désignation parlementaire, les autorités à désignation gouvernementale, les autorités à désignation conjointe.

Il faut relever une particularité de la désignation aux États-Unis, où les mandats sont décalés dans le temps, les différents membres de ces institutions n'étant pas nommés en même temps. Parfois la nomination est faite, pour partie, par le Parlement, pour partie par l'autorité administrative elle-même.

Une différence considérable est à relever, selon les pays, quant aux qualités exigées des membres des AAI. Dans certains cas les nominations sont très politiques ou politisées, le meilleur exemple étant celui des États-Unis. La conséquence en est les critiques portées contre les personnes composant ces institutions, jugées incompétentes. À l'autre extrême on trouve des pays, tels la Grèce, dans lesquels les qualités des membres des AAI sont au contraire déterminantes : selon la Constitution grecque les personnes membres des AAI doivent présenter les qualifications correspondantes, qualifications qui sont définies par les lois instituant ces autorités. Dans un pays tel que la Grande Bretagne, le plus souvent il est fait appel à des experts non partisans, ou à des personnalités indépendantes. Dans de nombreux pays continentaux la situation est intermédiaire, les nominations, sans être nécessairement franchement « partisanes », se portent sur des personnalités politiques, anciens ministres ou parlementaires. À l'échelon européen, le médiateur est choisi parmi des « personnalités » qui « offrent toute garantie d'indépendance et réunissent les conditions requises dans leur pays pour l'exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles ou possèdent une expérience et une compétence notoires pour l'accomplissement des fonctions de médiateur ».

Tous les pays, et c'est le cas, également, de la Communauté européenne avec le médiateur, insistent sur l'indépendance des AAI, certains en font une condition de la qualification d'AAI. Mais dans un pays comme l'Allemagne le « principe de démocratie » s'oppose à une trop grande indépendance, toute autorité publique devant être surveillée par une autorité légitimée par le Parlement. Par ailleurs, les moyens d'assurer cette indépendante sont très variables. Partout des incompatibilités sont instituées. La non soumission au gouvernement est également présentée comme une garantie d'indépendance, ce qui n'empêche pas de reconnaître un certain pouvoir à l'autorité gouvernementale, comme la révocation en cas d'incapacité permanente dans l'exercice de la fonction (Espagne), ou en cas de condamnation pénale, lorsqu'elle est possible.

En Norvège on semble considérer comme possible la création d'une AAI sans que pour autant soient supprimés les liens de subordination et de hiérarchie par rapport à l'administration ministérielle. Dans ce pays les auteurs considèrent que l'on peut dresser une sorte d' « échelle » de l'indépendance de ces autorités. L'indépendance est également réalisée, dans certains cas, par la possibilité pour l'autorité de percevoir des taxes pour les services qu'elles rendent en plus des attributions provenant du budget d'un ministère. Dans un pays comme la Grèce il est précisé que les membres des AAI sont liés uniquement par la Constitution et par les lois et « obéissent à leur conscience », à l'instar des magistrats.

Il est à noter que certains pays ont entrepris de « rationaliser » les AAI qui ont tendance, un peu partout, à se multiplier, avec des statuts et pouvoirs très divers. Il est ainsi à signaler qu'aux Pays-Bas le gouvernement a proposé, en 2000, une Kaderwet zelfstandige bestuursorganen, c'est-à-dire une loi-cadre relative aux AAI destinée à fixer des règles générales identiques (sauf dérogation expresse) pour toutes les AAI, une AAI y étant définie comme un « organe administratif de l'Administration centrale, investi de pouvoirs publics par la loi, par décret en vertu de la loi ou par arrêté ministériel en vertu de la loi, et qui n'est pas subordonné hiérarchiquement à un ministre ». Ce projet de loi est toujours en suspens, à l'heure actuelle, devant le Sénat.

2. Les pouvoirs des AAI

Les pouvoirs des AAI sont extrêmement variables. On peut écarter de la catégorie des AAI les organismes, parfois classés par les pays eux-mêmes dans cette catégorie, mais avec de forts doutes, ces institutions ne correspondant pas à ce que l'on considère en France comme tel.

Il convient également d'ajouter que, selon les traditions politiques des pays, les pouvoirs de ces autorités ne peuvent pas être appréciés de la même manière, en ce sens que l'influence réelle ne dépend pas seulement des pouvoirs prévus par les textes : l'autorité « morale » d'une institution peut être un facteur plus important de son influence sur les pouvoirs publics et sur la société que les attributions qui lui sont remises, et cela vaut essentiellement dans les pays anglo-saxons, spécialement la Grande Bretagne.

Selon la doctrine britannique, en effet, les organes indépendants de régulation ont avant tout une fonction de « légitimation stratégique ». Le rapport sur la Grande Bretagne signale ainsi que les Agences indépendantes peuvent être le moyen, pour le gouvernement, de s'engager dans des réformes délicates suscitant l'hostilité de l'électorat, en confiant à ces dernières l'exécution d'une politique (ainsi, par exemple, pour la Commission for racial Equality). Dans ce pays, les organes indépendants de régulation disposent de « policy powers », ce qui peut être traduit approximativement par pouvoirs d'orientation de politique administrative.

Dans les autres pays, où une comparaison avec nos propres autorités semble possible, ou moins contestable, les AAI ou ce que l'on peut considérer comme telles peuvent disposer de trois types de pouvoirs, tantôt réunis, tantôt n'existant que partiellement.

Le premier pouvoir est le pouvoir d'enquête auprès des administrations. Ce pouvoir est lui-même très différencié selon les AAI et selon les pays. Il peut aller, comme aux États-Unis, jusqu'à contraindre des personnes à fournir des informations, inspecter les locaux où les personnes travaillent, ordonner des comparutions de fonctionnaires, ces derniers ne pouvant se dérober à cette demande sous peine de poursuite et de sanctions.

Un deuxième pouvoir est le pouvoir de réglementation d'une activité ou d'un domaine. Ce pouvoir peut prendre la forme de directives générales ou de normes très précises. Dans plusieurs pays ces autorités sont compétentes pour établir des normes très techniques, par exemple en matière de marchés financiers, de télécommunications, de l'énergie, etc. Il peut consister également en l'attribution d'autorisations, par exemple dans le domaine de l'audiovisuel.

Un troisième pouvoir est le pouvoir de sanction. Ces sanctions peuvent être administratives mais peuvent également être quasi-juridictionnelles, certains auteurs parlant, dans leur pays, de pouvoirs « para-juridictionnels », c'est-à-dire le pouvoir de résoudre des conflits qui normalement relèvent des juridictions (ex. au Portugal). D'autres évoquent le rôle « quasi-juridictionnel » de certaines AAI. Dans plusieurs pays on relève l'existence d'un pouvoir disciplinaire au profit de l'autorité. Aux États-Unis, certaines agences se voient reconnaître un pouvoir de poursuite judiciaire, voire de jugement (ex. l'Equal Employment Opportunity Commission, chargée d'appliquer les dispositifs fédéraux anti-discriminatoires), d'autres ont une compétence en matière de « mode alternatif des conflits » (Alternative Dispute Resolution, ex. la Federal Maritime Commission).

3. Le contrôle sur les AAI

Quant au contrôle exercé par les pouvoirs publics sur ces autorités, plusieurs rapports considèrent les modalités de désignation des membres comme une forme de contrôle. Dans un certain nombre de pays, tel par exemple l'Allemagne, il est parlé de la « surveillance » exercée par un ministre sur l'autorité (surveillance, à la fois, du ministre fédéral et du ministre du Land), mais qui doit cependant respecter son indépendance, le contrôle étant un contrôle de légalité des actes de l'autorité effectué par le ministre. Ce contrôle de légalité des actes par une autorité ministérielle apparaît comme une situation assez fréquente.

À plus forte raison en est-il du contrôle que la ou les chambres du Parlement exercent sur ces autorités. Ce contrôle est considéré comme un contrôle normal, légitime.

Les décisions de certaines AAI intervenant dans le domaine économique peuvent être parfois « suspendues » (ex. en Belgique pour la Commission de régulation de l'électricité et du gaz). Le contrôle peut aussi consister en l'exigence pour l'autorité de produire chaque année un rapport, ce rapport devant être obligatoirement transmis, quelquefois, à la Chambre des députés ou aux deux chambres.

Il est précisé dans plusieurs pays que les décisions des autorités sont susceptibles de recours devant le juge, ce dernier étant, dans les pays de tradition juridique française, le juge administratif, et dans les autres pays, surtout s'ils sont de Common Law, devant le juge judiciaire.

On peut également rencontrer, en Europe, et pour certaines autorités intervenant dans des domaines sensibles politiquement, la présence auprès de l'autorité d'un commissaire du gouvernement (ex. pour certaines autorités intervenant dans le domaine de l'audiovisuel). Les présidents de certaines autorités peuvent être convoqués et appelés à témoigner devant une chambre du Parlement (ex. Espagne pour le président de la Commission nationale du Marché des Valeurs, après un scandale financier).

Aux États-Unis, une fois de plus, les choses sont particulières, dans la mesure où les « agences » entretiennent des relations suivies avec le Congrès comme avec la Présidence, et que ces rapports sont tout autant politiques que juridiques. Le Congrès exerce toute une série de contrôles, qui vont de la demande de rapports à la tenue d'audiences en passant par les enquêtes. Une dépendance existe également à l'égard de l'exécutif, et qui résulte notamment du fait que les biens des agences sont gérés par la « General Services Administration » rattachée à l'exécutif, ainsi que des contrats que ce dernier passe avec les agences. Un autre mode de contrôle exercé par le président résulte du pouvoir (« Responsability of the President to take care that the laws be faithfully executed ») prévu par l'article II, § 3 de la Constitution fédérale. Dans tous les pays il est signalé que le contrôle du budget des autorités est une arme aux mains du pouvoir exécutif et/ou législatif pour contrôler les AAI.

La question que l'on se pose au terme d'une étude sur les AAI dans les autres pays est de savoir si l'on peut en tirer des enseignements pour notre propre pays. Les exemples étrangers sont instructifs en ce qu'ils nous montrent que d'autres possibilités d'organisation sont possibles, que d'autres domaines que ceux que nous connaissons peuvent faire l'objet d'une intervention d'AAI. En même temps, la comparaison trouve des limites rapides et évidentes. Les expériences des différents pays en ce domaine paraissent trop différentes pour pouvoir en tirer des conclusions. Le modèle français n'est sans doute pas un modèle idéal, mais il présente une certaine cohérence, c'est un modèle qui présente également une originalité certaine.

L'un des problèmes en France est sans doute de savoir, surtout dans la perspective envisageable de « couvrir » de nouveaux domaines par des AAI, s'il ne conviendrait pas de regrouper au moins certaines d'entre elles au sein de sortes de « superAAI » dont un des mérites au moins serait l'unification inévitable des règles et des procédures applicables. Ainsi l'on a pu constater que, dans certains pays, les fonctions qui sont celles que nous avons attribuées à une AAI particulière, le Défenseur des enfants, étaient assurées par l'équivalent du médiateur. De même on peut s'interroger sur la multiplication d'autorités dans le domaine de la régulation. La prise en compte de la spécificité de chaque domaine n'implique peut-être pas nécessairement la création, dans chaque cas, d'une AAI.

Sans vouloir empiéter sur ce que souhaite faire le Sénat, il est possible d'avancer que la multiplication des AAI en France entraîne, outre des coûts qui peuvent ne pas être négligeables, une fragmentation des compétences et une absence de vision d'ensemble de problèmes qui, bien que relevant d'autorités différentes, présentent un certain nombre d'analogies.

En même temps cela soulèverait probablement une nouvelle question, relative au statut des ces autorités, en particulier quant à la question de l'attribution de la personnalité morale. Actuellement les AAI n'ont pas la personnalité morale, en dehors d'exceptions telles que l'AMF et la CRE. Ces exceptions sont-elles justifiées ? Il appartient naturellement au Parlement de décider de faire ou non d'une AAI une personne morale, mais on peut au moins s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait ou non à unifier les statuts et, éventuellement, à proposer un modèle unique d'AAI.

L'une des difficultés que l'on rencontrait, s'agissant des personnes morales, était qu'en dehors des collectivités publiques territoriales (État et collectivités territoriales) notre droit public ne connaissait qu'une catégorie, celle des établissements publics. Mais le Parlement comme le juge administratif ont ouvert de nouvelles possibilités en reconnaissant l'existence de nouvelles catégories de personnes publiques en dehors des collectivités territoriales et des établissements publics. Peut-être y aurait-il là une voie à explorer dans la perspective d'une réforme des AAI.

ALLEMAGNE

par le professeur Christian AUTEXIER,
Mmes Hélène LANGLOIS, Jessica RICHTER et Bettina SÜSKIND
de l'Université de Sarrebruck

_______

L'objet de l'étude est de répondre à un certain nombre de questions relatives aux organismes allemands que l'ont peut considérer comme homologues des autorités administratives indépendantes du droit français :

- modalités de création ;

- position de ces entités par rapport aux pouvoirs 1égislatif, exécutif et judiciaire

- conditions de nomination de leurs membres ;

- garanties d'indépendance de leurs membres ;

- prérogatives ;

- modalités de contrô1e de leur activité par les pouvoirs 1égislatif ou exécutif

- conditions de leur indépendance financière.

Dans la mesure du possible, l'étude évaluera l'influence du droit communautaire dans la création d'agences et d'autorités indépendantes en Allemagne. Elle indiquera, le cas échéant, les modalités d'implication de ces instances dans l'élaboration et l'application du droit communautaire.

I - Délimitation du champ de la recherche

II - Présentation de ces organismes au regard des questions posées

III - Synthèse des résultats

I - La délimitation du champ de la recherche

La notion d'autorité administrative indépendante est inconnue du droit allemand. Elle n'y correspond à aucune catégorie du droit de l'administration publique, au niveau fédéral comme à celui des Länder.

Elle n'existe pas même sous la forme d'une expression commode qui pourrait désigner de manière allusive ou suggestive, à la manière d'un chiffre ou d'un code, un phénomène dont on pressent l'unité à travers la diversité institutionnelle. Tout au plus peut-on relever ici et là des références à des formes nouvelles du management public à l'étranger et en particulier aux agences américaines et au « quangos » britanniques398(*).

Le parti a donc été pris d'utiliser une définition française du concept d'Autorité administrative indépendante, définition tirée en l'occurrence de l'étude des AAI par le Conseil d'État dans son rapport public 2001 (=> 1.1).

De la même manière que le Conseil d'État a fait application de ces critères pour qualifier ou non comme AAI des organismes pour lesquels il n'y avait ni détermination législative, ni jurisprudentielle, nous avons décidé d'en faire application à une quinzaine d'organismes allemands intuitivement perçus comme proches, voire homologues d'autorités françaises. L'application des critères a permis de réduire à huit organismes la taille de l'échantillon (=> 1.2).

Avant de présenter ces organismes en seconde partie sous la forme de fiches de synthèse (=> 2), il a paru nécessaire pour en faciliter la compréhension de rappeler brièvement le contenu des notions allemandes utilisées pour définir ces organismes, ainsi que celui de quelques expressions doctrinales ou jurisprudentielles (=> 3).

1.1. Les critères de reconnaissance des AAI

La grille de reconnaissance tirée de l'analyse du rapport 2001 du Conseil d'État a été la suivante :

Grille de dépistage et d'analyse des organismes allemands homologues des AAI
(Stand : 19.10.2005)

Critères généraux

   

1) Elles sont crées par une loi

À défaut elles sont reconnues comme telles par le juge

 

2) Elles ne sont pas des juridictions

Pas d'autorité de la chose jugée (keine Rechtskraftswirkung einer Gerichtsentscheidung)

Le contrôle de la légalité de leurs décisions n'est pas confié à un juge de « Révision »

3) Elles n'ont en principe pas la personnalité morale

Exceptions : AMF (Marchés financiers) et CRE (régulation de l'énergie)

Ce ne sont ni des établissements publics, ni des groupements d'intérêt public - sauf exception-

Elles ne sont ni KÖrperschaft des Ör

Ni Anstalt des Ör

Ni Stiftung des Ör

4) Elles sont de nature administrative

- pas de personnalité juridique distincte de l'État

- pas hiérarchiquement soumises au premier ministre ou à un ministre

- leurs actes (individuels sont normalement soumis au juge administratifs (parfois à une juridiction judiciaire)

- leur action peut engagée la responsabilité de l'État

- mais elles peuvent agir en justice sans devoir se faire représenter par un ministre

- toutefois, leur budget est normalement inséré dans celui d'un ministère

- Überprüfbare VA

Domaine d'activité

   

- Médiation

- Protections des droits/libertés

- Évaluation pluridisciplinaire ou

expertise

- Garantie de l'impartialité d'une décision publique

- Autorité de régulation

 

Autolimitation du pouvoir exécutif par

- le développement de standards

- souci d'effectivité par interactivité entre la règle de droit et le fait

Organisation et fonctionnement

   

Nomination par une autorité non administrative

Ex : Président d'une Assemblée parlementaire

 

Indépendance organique

. Collégialité

. Pas de présence prédominante de membres issus des ministères

. Non-révocabilité des membres

. Durée sufissamment longue du mandat dans l'AAI

. (si nomination par autorité de l'Exécutif : pas de renouvellement possible du mandat)

 

Indépendance fonctionnelle

. Le budget de l'AAI échappe aux pressions gouvernementales ou ministérielles

. Liberté dans le choix des collaborateurs

 

Pouvoirs de l'AAI

   

. Pouvoir réglementaire

. Pouvoir d'avis

. Pouvoir de décision dans cas concret

. Pouvoir de sanctionner

(Si oui, caractère effectivemment non décisoire de l'avis)

. sanctions de nature administrative

. sanction analysée comme entrant dans le champ de l'article 6 - 1 CEDH

(sinon on serait en face d'un organe juridictionnel)

1.2. L'établissement d'un échantillon d'organismes allemands satisfaisant aux critères

Parallèlement à l'établissement de cette grille, nous avions dans un premier temps établi une liste d'une quinzaine d'organismes allemands qui pouvaient, subjectivement, paraître proches de la notion d'AAI.

Ces organismes ont alors été soumis au test des critères de la grille ci-dessus.

Cette démarche à permis de réduire l'échantillon à la huitaine d'organismes satisfaisant le mieux aux critères de la grille. Sont alors disparus de l'échantillon des organismes purement consultatifs, comme la commission centrale d'éthique.

Nous avons surtout laissé de côté les organismes qui ont été créés au niveau de chacun des États-membres de la Fédération. La prise en compte des Landesmedienanstalten est l'exception qui confirme la règle.

L'échantillon retenu se compose des organismes suivants  (dans l'ordre chronologique d'apparition):

Deutsches Patent- und Markenamt / Office des brevets et des marques

(Héritier de l'Office créé en 1877, actuellement régi par la loi sur les brevets dans sa version refondue en 1989 et modifiée à de multiples reprises depuis lors)

[Bob : Bundesoberbehörde rattachée au Ministère fédéral de la Justice].

Bundeskartellamt / Conseil de la concurrence

(01.0.1958: Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB))

[Bob : Sebstständige Bundesoberbehörde]

Landesmedienanstalten / établissements des Länder pour l'audiovisuel : appellation générique des autorités des Länder pour le contrôle de l'audiovisuel privé

[AÖR, établissements de droit public]

Bundesbeauftragter für den Datenschutz und für die Informationsfreiheit / Le Délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information

(Créé initialement pour la seule protection des données (Bundesdatenschutzgesetz (BDSG)) du 20 décembre 1990 ; compétence étendue au domaine de la liberté de l'information par une loi du 5 septembre 2005)

[Statut spécifique : Le Délégué est «dans une relation de service régie par le droit public ». Ceci semble, de facto, correspondre à une Bundesoberbehörde]

Umweltgutachterausschuss/ Commission des vérificateurs environnementaux

(art. 21 de la loi du 7 décembre 1995)

[KÖR : Collectivité de droit public à personnalité limitée]

Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht / établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers

(Loi du 22 avril 2002)

[AÖR, établissement de droit public]

[se substitue à trois autorités antérieurement distinctes :

- l'Office fédéral de contrôle du crédit (Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen),

- l'Office fédéral de contrôle du commerce des valeurs mobilières (Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel),

- l'Office fédéral de contrôle des assurances (Bundesaufsichtsamt für das Versicherungswesen)].

Bundesagentur für Arbeit / Agence fédérale pour l'emploi

(Loi du 23 décembre 2003 : art. 367 du troisième livre du Soziagesetzbuch)

Nouvelle dénomination de l'ancien Reichsantanstalt für Arbeitsvermittlung und Arbeitslosenversicherung (1927) devenu Bundesanstalt für Arbeit en 1969

[KÖR : collectivité de droit public]

Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunication, Post und Eisenbahnen /

Agence fédérale des réseaux : électricité, gaz, télécommunications, poste et chemins de fer

(Loi du 12 juillet 2005)

[Bob : Sebstständige Bundesoberbehörde]

[nouvelle dénomination de l'ancienne «autorité de régulation des télécommunications et de la poste»].

Bundesbeauftragter für die Informationsfreiheit / Le Délégué fédéral à la liberté de l'information (accès aux documents de l'administration fédérale)

(Loi du 5 septembre 2005)

Les missions du Délégué fédéral sont exercées par le Délégué à la protection des données.

1.3. Présentation succincte des notions et catégories du droit public allemand qui apparaissent dans les textes et commentaires relatifs aux organismes de l'échantillon

Nous voulons en cette fin d'introduction présenter de manière rapide quelques catégories du droit allemand. D'abord celles qui correspondent aux trois formes juridiques entre lesquelles se répartissent les organismes de l'échantillon :

Anstalt des öffentlichen Rechts, [AÖR, établissements de droit public]

Körperschaft des öffentlichen Rechts [KÖR : collectivité de droit public]

Bundesoberbehörde [Bob : Autorités fédérales supérieures: art. 87.III Loi fondamentale]. Nous avons constaté avec amusement, que dans la traduction de la loi fondamentale pour le service de presse et d'information du gouvernement fédéral (par Autexier, Flauss, Fromont, Grewe, Jouanjan, Koenig), nous avions traduit dès 1989 selbständige Oberbehörde par autorité administrative supérieure fédérale indépendante.

(Voir au minimum en langue française : Christian Autexier, Introduction au droit public allemand (PUF 1997), n° 160, 166 et 169).

Quelques expressions apparaissent souvent dans les publications relatives aux organismes retenus :

- Ministerialfreier Raum

- Regulierungsbehörde.

II - Présentation des organismes de l'échantillon

[Voir les fiches jointes, par organisme, par catégorie juridique et par ordre d'ancienneté, cotées : 2.1.1 à 2.3.2.]

III - Synthèse- des résultats

1. Il existe bien en Allemagne des organismes fonctionnellement comparables aux AAI. On s'en doutait, mais l'application des critères dégagés de l'étude du Conseil d'État en apporte confirmation.

2. La création par le législateur est la règle.

3. Au niveau fédéral, la forme juridique la plus courante est celle des Bundesoberbehörden de l'art. 87 al.3 de la Loi fondamentale. Ces autorités n'ont pas la personnalité morale et sont rattachées à l'un des ministères fédéraux, avec un budget particulier dans la nomenclature budgétaire. Le contrôle des actes est théoriquement exercé par le ministre de rattachement.

4. Les autres formes utilisées sont celles de l'établissement (Anstalt) de droit public ou de la collectivité (Körperschaft) de droit public.

5. Même si nous avons par souci de clarté classé les diverses autorités étudiées en fonction de leur nature juridique, il convient de relativiser la pertinence du critère. Ainsi, il est arrivé qu'un nouvel organisme issu de la fusion de 3 Bundesoberbehörden soit constitué sous la forme juridique d'un Anstalt doté de la personnalité juridique, cette qualité étant officiellement conférée pour bien assurer l'autonomie budgétaire (cas du Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht)

6. Lorsque les autorités en question dispose de pouvoirs quasi-juridictionnels, le contentieux des actes est confié à l'autorité judiciaire.

7. Il y a une incontestable tendance à concentrer ces autorités indépendantes

- soit que le nouvel organisme soit issu de la fusion d'autorités préexistantes (Exemples : Bundesanstalt für Finanzdiensleistungsaufsicht en 2002 et Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunication, Post und Eisenbahnen en 2004) ;

- soit qu'une nouvelle mission soit ajoutée à celle d'un organisme préexistant (Exemple : la garantie de l'accès aux documents de la Fédération, confiée en 2005/06 au Délégué à la protection des données.

8. Les nouvelles autorités de régulation ne forment pas encore une catégorie bien claire. Elles sont critiquées par une partie de la doctrine comme remettant en cause le modèle traditionnel de l'administration publique allemande.

9. Les relations avec l'Union européenne (dans la mesure où elles ont des raisons d'être, paraissent être de type croisé : l'autorité est créée ou modifiée afin de satisfaire un impératif du droit européen, tandis que la coopération entre autorités nationales homologues est perçue comme une activité de groupe de pression au niveau européen ou international.

2.1.1. L'Office fédéral de contrôle des brevets et des marques (OABM) Deutsches Patent-und Markenamt (DPMA)

Bibliographie :

Monographies :

Althammer Werner, Das Deutsche Patentamt, Aufgaben Organisation und Arbeitsweise, Köln, 1970

Benkard Georg, Patentgesetz, 9e éd., München 1993

Busse Rudolf, Patentgesetz, 5e éd., Berlin, 1999

100 Jahre Marken(R)-Amt, sous la dir. du Deutschen Patentamt (wiss. Red. Frank Peter Goebel), München 1994

Article :

Zimmer Steffen Stellung und Aufgaben der nationalen Patentämter neben dem Europäischen Patentamt, in : GRUR 1979, 609 s.

Sites Internet :

DPMA : http://www.dpma.de

Patentgesetz : http://transpatent.com/gesetze/patginh.html

Verordnung über das DPMA : http://tranpatent.com/gesetze/dpmav.html

Markengesetz : http://transpatent.com/gesetze/marken.html

Deutsche Kostenverordnung beim DPMA : http://transpatent.com/gesetze/vwkostv.html

Texte de base :

- Patentgesetz (PatG) dans sa version consolidée du 16 décembre 1980 et plusieurs fois modifiée jusqu'au 29 août 2005.

L'histoire de l'office allemand des brevets et des marques (OABM) et de ses deux prédécesseurs, l'office impérial des brevets et l'office des brevets du Reich, remonte à plus de 120 ans :

- Le 25 mai 1877, la première loi uniforme sur les brevets est adoptée aux termes de laquelle est prévue la mise en place d'une autorité chargée de délivrer les brevets.

- Le 1er juillet 1877, l'office impérial des brevets est officiellement crée à Berlin.

- En 1919, l'autorité est rebaptisée « office des brevets du Reich ».

- En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'office des brevets interrompt son activité.

- Le 1er octobre 1949, le § 2 de la loi relative à l'office des brevets du 12.08.1949, le rattache au Ministère fédéral de la justice ; l'office s'installe dans les locaux du Musée allemand, à Munich.

- En 1951, une agence est ouverte, à Berlin, dans l'ancien office des brevets du Reich.

- En 1959, l'office des brevets emménage dans ses propres locaux à Munich.

- Lors de la réunification, l'Office devient l'autorité centrale pour le secteur de la protection de la propriété industrielle de l'ensemble de l'Allemagne, reprenant les dossiers en cours devant l'office des brevets de la RDA.

- En 1998, l'office allemand des brevets et des marques acquit le nom qu'il porte aujourd'hui et ce, afin de tenir compte de l'importance croissante des marques dans le monde des affaires.

L'OABM occupe une place centrale en Allemagne dans le domaine de la protection industrielle avec trois implantations à Munich, Jena et Berlin, et emploie au total près 2400 collaborateurs. Son siège central se trouve dans son agence de Munich.

L'office s'organise autour de 5 directions générales : section 1 (brevets), section 2 (information), section 3 (marques), section 4 (administration centrale), section 5 (agence de Jena).

1. Modalités de création

Les dispositions législatives relatives à l'OABM sont contenues dans la loi sur les brevets et dans celle sur les marques.

D'après ces dispositions, l'office a pour mission d'accorder des droits de protection industrielle et de les administrer ainsi que d'informer le public de l'existence des droits de protection produisant des effets en Allemagne.

Par ailleurs, l'office exerce pour le compte de l'État un contrôle sur la chambre des avocats spécialisés en matière de brevets et sur « les sociétés d'exploitation ».

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

La nature exacte de l'office fut contestée au cours des premières années de la République de Bonn. En dépit de son classement par le législateur fédéral (L. du 12.08.1949) comme autorité rattachée au Ministère fédéral de la justice, certaines des ses compétences permettaient d'y voir une autorité juridictionnelle. L'hésitation fur levée lorsque fut créée en 1961 le tribunal fédéral des brevets sur le fondement de l'habilitation prévue à l'al. 1er de l'art. 96 LF. La juridiction nouvelle est chargée de trancher des questions portant sur la validité ou le retrait des brevets. Il n'est plus contestable depuis lors que l'office est une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) rattachée au ministère fédéral de la justice, comme le jugeait déjà la Cour fédérale administrative dans un arrêt du 13.06.1959 (BVerwGE 59, 258). Ses membres n'exercent pas une activité de nature juridictionnelle, mais une activité de la puissance publique au sens de l'art. 19 IV. LF (BVerwGE 07.09.1982, 2 B 72/81), ce qui n'exclut pas que la procédure suivie devant l'office soit de forme quasi juridictionnelle (cf. par ex. le § 46 de la loi de 1946).

C'est le ministère fédéral de la justice qui règle la création et le fonctionnement de l'office des brevets et détermine, par voie de règlement, la forme de la procédure devant lui pour autant qu'aucune disposition n'ait été prise par voie législative (§ 28 PatG ; 65 MarkenG).

De par sa position dans la structure administrative et son organisation interne, l'office n'est pas une juridiction, mais une autorité administrative. Il présente toutefois certaines similitudes avec une juridiction notamment pour ce qui est de son règlement intérieur et de la procédure.

Les décisions (sachliche Entscheidungen) prises par l'office peuvent en principe faire l'objet d'un recours devant le tribunal des brevets (§ 73 et s. PatG ; § 66 MarkenG). Sous certaines conditions précisées par la loi, les décisions du tribunal des brevets peuvent également être contestées auprès de la Cour fédérale de justice (§ 100 et s. PatG ; § 83 MarkenG).

Les juges et procureurs peuvent exiger de l'office qu'il émette des avis sur des questions concernant des brevets lorsque des avis divergents émanant de plusieurs experts ont été présentés au cours de la procédure (§ 29 PatG). En outre, l'office n'est pas autorisé à prendre des résolutions ou à donner des avis en dehors de son domaine d'activité légal sans l'autorisation du ministère fédéral de la Justice.

3. Nomination des membres

L'office se compose d'un président et d'autres membres (§ 26 I de la loi). Tous doivent posséder l'aptitude aux fonctions de juge conformément à la loi sur les juges allemands (c'est-à-dire avoir passé avec succès les deux examens d'État qui sanctionnent les études juridiques) ou être experts techniques (§ 26 I 1 et 2 PatG). La loi détermine la qualification et l'expérience requises pour devenir membres techniques (§ 26 II PatG).

Le président dirige l'administration de l'office. Il détient le pouvoir d'organisation qu'il exerce sous réserve de dispositions législatives contraires. Il est donc autorisé, d'après ce pouvoir d'organisation, à pourvoir à certains postes de l'office et ce, sans que cette prérogative lui ait été expressément attribuée.

Les membres sont nommés par le Président fédéral ; ils exercent leur fonction à vie (§ 26 I 3 PatG).

4. Garanties d'indépendance

Les membres sont nommés à vie (§ 26 I 3 PatG).

5. Indépendance financière

Le budget de l'OABM est inscrit au budget du ministère fédéral de la Justice. Ses recettes lui permettent cependant de fonctionner de manière autonome.

6. Droit communautaire

Noter les relations avec l'Office européen des brevets.

2.1.2. L'office fédéral de contrôle des ententes Bundeskartellamt (BkartA)

Bibliographie :

Monographies :

Bunte Hermann-Josef, Kartellrecht mit neuem Vergaberecht, München 2003

Burkhardt Jürgen, Kartellrecht, München 1995

Emmerich Volker, Kartellrecht, 9. Aufl., München 2001

Immenga/Mestmäcker, GWB, Kommentar zum Kartellgesetz, 3. Aufl., München 2001

Rittner Fritz, Wettbewerbs- und Kartellrecht, 6. Aufl., Heidelberg 1999

Wiedemann Gerhard (sous la dir.), Handbuch des Kartellrechts, München 1999

Articles :

Jochum Heike, Das Bundeskartellamt auf dem Weg nach Europa, in : VerwA 2003, 512 s.

X...., Die Wächter des Wettbewerbs, in : DRiZ 1997, 276 s.

Textes de référence :

Website : www.bundeskartellamt.de

Texte de base :

- Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB), version consolidée du 15 juillet 2005 (in der seit 13. Juli 2005 geltenden Fassung, BGBl. I/2005, p. 2114 et s. ( http://transpatent.com/gesetze/gwb.html)

1. Modalités de création

L'office est une autorité de contrôle de la concurrence, créée par la loi contre les restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschrankungen - GWB -, parfois appelée « Kartellgesetz »), entrée en vigueur au 01.01.1958. Il s'agit d'une loi anti-trusts, relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites ainsi que des abus de position dominantes. Cette loi a été modifiée sept fois, les dernières modifications étant intervenues au cours de l'été 2005.

L'office fut constitué à Berlin dès la fin de l'année 1957, en sorte qu'il put effectivement fonctionner dès le 01.01.1958, à propos d'affaires encore pendantes au ministère fédéral de l'économie. Depuis le 1er octobre 1999, le siège de l'Office a été transféré à Bonn, où il occupe environ 300 personnes, en majorité des juristes et des économistes.

Sauf dispositions contraires de la GWB, l'office n'est pas compétent pour des circonstances ne dépassant pas le territoire d'un des Länder : la compétence incombant alors aux autorités du Land.

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

L'Office fédéral de contrôle des ententes est une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) rattachée au Ministère fédéral en charge de l'Economie et du Travail (§ 51.I GWB et Art. 87.III LF).

Les décisions de l'office sont prises au terme d'une procédure quasi juridictionnelle par des sections de jugements à caractère collégial. Cette organisation des sections de jugement (1 Président, 2 assesseurs) a été délibérément voulue par le législateur pour rompre avec la « pratique précédente de décisions bureaucratiques » (Rapport de 1957, p. 34). Les sections sont composées en fonction des grands secteurs de l'économie. La répartition des affaires entre les diverses sections est assurée par le Président de l'Office, conformément à un règlement intérieur de l'Office, approuvé par le Ministère de l'Economie et du Travail (§ 51.II GWB).

Pour certains types d'affaires, l'Office a constitué des subdivisions ou des commissions spéciales (par ex. la direction des principes - Grundsatzabteilung - qui procède à l'étude de questions particulières du droit des ententes et assure la coopération avec d'autres autorités de protection de libre concurrence, par exemple avec les deux forums que constituent l'ECA (European Competition Authorities) et l'ICN (International Competition Network), ou encore la Commission spéciale anti-trusts.

Pour ce qui concerne les aspects juridiques de son organisation, l'Office est soumis au contrôle hiérarchique (Dienstaufsicht) et au contrôle des actes (Fachausicht) du ministère fédéral de l'Economie. Le ministère en charge de l'Economie et du Travail peut adresser à l'Office des instructions générales, qui doivent être publiée au Bulletin fédéral (§ 52 GWB). L'importance pratique de ces instructions paraît être fort limitée, seules cinq instructions générales étant intervenues de 1958 à 1999 (Rittner 1999, p. 398, note 47). Un pouvoir d'instruction dans un cas particulier n'est pas prévu par la loi, mais est largement admis dans son principe par la doctrine ; là encore, la pratique est rare, un seul cas d'instruction informelle (Burkhardt 1995, 264) ayant été mentionné jusqu'en 1995. Cette retenue de l'autorité ministérielle à l'égard de son pouvoir d'instruction, soit générale, soit particulière, confère à l'Office son indépendance de fait, très largement saluée. L'Office dispose d'une capacité d'expertise qui contraint le ministère à très largement renoncer au contrôle qu'il pourrait exercer sur l'Office : une situation qui rappelle la « magistrature d'influence » reconnue à la COB par J. Donnedieu de Vabres399(*).

Les décisions de l'Office peuvent être attaquées par (l'éventuel) demandeur, par les personnes ou entreprises visées par la décision, ainsi que par les tiers concernés ayant été appelés en cause : il peut s'agir d'abord d'un pourvoi devant le tribunal régional supérieur (OLG) de Düsseldorf (§ 63.I. GWB), puis d'un recours pour violation du droit devant la Cour fédérale de Justice (= BGH) (§ 74 GWB).

Lorsque l'Office a interdit une fusion, une autorisation ministérielle peut être demandée au Ministre fédéral de l'Economie (§ 42 GWB) ; cette institution « autorisation ministérielle » a pour fonction de permettre dans des cas particuliers très limités, de corriger pour des raisons macro-économiques des décisions fondées par l'Office en termes de politique économique ou de politique de concurrence.

3. Conditions de nomination des membres

La vision traditionnelle, imprégnée du modèle bureaucratique de Max Weber, conduit à accorder un poids prépondérant au chef d'une Administration. Madame Jochum conteste fortement la pertinence du modèle weberien pour le cas du Bundeskartellamt (Jochum 2003, 526). En effet, si le Président de l'Office en est bien le chef, et est bien soumis de ce fait à un pouvoir d'instruction dont nous avons déjà signalé les limites, ces pouvoirs du Président n'ont guère de poids en face du véritable pouvoir qui est celui des sections de jugement, parfaitement indépendantes, et celui de la direction des principes. La présence majoritaire dans ces sous structures de membres ayant le statut de fonctionnaires sans limitation de durée (fonctionnaires « auf Lebenszeit », restant en activité jusqu'à leur retraite) est l'élément qui garantit l'indépendance de l'institution, au point que s'il y a un risque, ce serait plutôt celui des divergences de « jurisprudence » entre les différentes sections (Jochum 2003, 527).

4. Garanties d'indépendance des membres

Pour ce qui concerne l'indépendance relativement à leur statut, (indépendance par rapport à l'Exécutif) on renverra aux éléments mentionnés supra 2 et 3.

L'indépendance par rapport aux acteurs économiques, autrement dit la neutralité des membres et de l'institution, est renforcée par la clause d'incompatibilité du § 51.V GWB, aux termes de laquelle les membres de l'Office ne doivent ni posséder, ni diriger , ni être membre du directoire ou du conseil de surveillance d'une entreprise, d'un cartel ou d'une association professionnelle ou d'un groupement économique.

5. Prérogatives

La mission centrale de l'Office fédéral de contrôle des ententes est la mise en oeuvre de l'interdiction des ententes illicites, du contrôle des fusions d'entreprises, ainsi que l'exercice de contrôle sur les activités illicites d'une entreprise en position dominante sur le marché. L'office peut notamment faire obstacle à des fusions d'entreprises, interdire des comportements illicites, imposer des conditions et prononcer des amendes (§ 82 GWB).

L'Office dispose par ailleurs d'importants moyens d'enquête (§ 57.I. GWB). Il peut citer des témoins et les contraindre à comparaître au moyen d'amendes ou d'ordonnances de comparution. Il ne lui est pas permis de prononcer des peines d'emprisonnement (§ 57.II GWB). L'Office peut également, sous certaines conditions, saisir des objets susceptibles de servir de moyen de preuve (§ 58 GWB). Aux termes du § 59 GWB, il a le droit de se renseigner et d'enquêter. Le § 86a GWB peut assortir le prononcé de ses injonctions des mesures prévues pour l'exécution des décisions administratives. Le montant de l'astreinte va de 1000 € (minimum) à 10 millions € (maximum).

6. Modalités du contrôle par les pouvoirs législatif ou exécutif

L'office publie tous les deux ans un rapport sur son activité, ainsi que sur la situation et l'évolution du secteur confié à son contrôle. Le rapport doit également reproduire les instructions générales du Ministère de l'Economie et du Travail (§ 52 GWB ; cf. supra, 2). Il publie également de manière continue les règles relatives à son activité (§ 53 I.2. GWB). Le gouvernement fédéral transmet immédiatement au Bundestag le rapport de l'Office fédéral de contrôle des ententes, accompagné de ses observations.

7. Les moyens de l'indépendance financière

Le budget de l'Office est retracé dans le budget de la Fédération. Il s'élevait à 18,068 millions d'Euros en 2005. Ce montant apparaît certes au budget sous le chapitre 09.04, tandis que celui du ministère fédéral de l'Economie et du Travail forme le chapitre 09.01 : cette dissociation du budget de l'Office par rapport à celui du Ministère auquel il est pourtant rattaché (cf. supra, 1.) est le reflet financier de l'autonomie de l'Office.

8. Droit communautaire

Depuis la 5ème réforme (1989) de la loi contre les restrictions à la concurrence, l'Office fédéral est habilité à appliquer le droit communautaire de la concurrence, et non plus seulement le droit allemand, dans la mesure où cette compétence n'appartient pas à la Commission européenne (§ 50 GWB).

L'Office travaille de concert avec la Commission et les autorités en charge de la concurrence dans les autres États-membres. À ce titre, l'Office est habilité en vertu de l'art. 12 al. 1er du règlement (CE) n° 1/2003 à communiquer et transmettre à la Commission et aux autorités de la concurrence des autres États-membres de la Communauté, en application des art. 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne, tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles, notamment secrets de fabrication et secrets d'affaires, ainsi qu'à en recevoir et qu'à les utiliser comme moyen de preuve (§ 51 GWB).

2.1.3. Le délégué fédéral à la protection des données et à la liberté de l'information Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz und für die Informationsfreiheit

Bibliographie :

Monographie :

Flanderka Fritz, Der Bundesbeauftragte für den Datenschutz, thèse, Université de Heidelberg, 1988, 168 p.

Articles :

Büllesbach Alfred, Das neue Bundesdatenschutzgesetz, NJW, 1991, pp. 2593 à 2600.

Schmitz Heribert, Jastrow Serge-Daniel, Das Informationsfreiheitsgesetz des Bundes, NVwZ, 2005, pp. 984 à 995.

Textes de référence :

Website : www.bfd.bund.de

Textes de base :

- §§ 21 à 26 de la loi fédérale relative à la protection des données (Bundesdatenschutzgesetz (BDSG)) du 20 décembre 1990 (BGBl. I 1990, p. 2954, 2955), dans sa version consolidée du 14 janvier 2003 (BGBl. I 2003, p. 66) modifiée par le § 13 de la loi du 5 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2722).

- § 12 de la loi portant réglementation de l'accès à l'information de la Fédération (Gesetz zur Regelung des Zugangs zu Informationen des Bundes / Informationsfreiheitsgesetz (IFG)) du 5 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2722).

1. Modalités de création

Le délégué fédéral à la protection des données est également compétent em matière d'accès à l'information (§ 12, al. 2 IFG).

Au niveau des 16 Länder, il existe aussi des délégués à la protection des données et ce, conformément à leur législation respective. Parmi eux, seuls les délégués des Länder dotés d'une loi relative à la liberté d'accès à l'information sont appelés à intervenir en matière d'information. Il s'agit pour le moment de Berlin, du Brandenbourg, de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et du Schleswig-Holstein.

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

« In einem öffentlich-rechtlichen Amtsverhältnis zum Bund » (§ 22, al. 4 BDSG).

3. Conditions de nomination

Le délégué fédéral est élu par le Bundestag sur proposition du Gouvernement fédéral puis nommé par le Président fédéral (§ 22, al. 1 BDSG). La durée de ses fonctions est de 5 ans voire de 10 ans en cas de réélection. Une seule réélection n'est possible (§ 22, 3 BDSG)

Ses fonctions s'achèvent :

- à la fin de la durée de son mandat,

- avant la fin de la durée de son mandat.

C'est le Président fédéral qui prononce la fin anticipée du mandat du délégué fédéral soit à la demande de celui-ci, soit sur proposition du Gouvernement fédéral (§ 23, al. 1 BDSG). Cette dernière hypothèse n'est toutefois possible que s'il existe des raisons qui, d'après un juge nommé à vie, justifient ce renvoi (§ 23, al. 1 BDSG).

Actuellement, le délégué fédéral exerce ses fonctions avec l'aide de 70 collaborateurs. Le personnel et le matériel nécessaires à son activité doivent être mis à sa disposition par le Ministère fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5, phrase 3 BDSG).

Les emplois sont pourvus avec l'approbation du délégué fédéral (§ 22, al. 5, phrase 4 BDSG). La mutation, le détachement ou la reconversion de ses collaborateurs nécessitent également l'approbation du délégué fédéral (§ 22, al. 5, phrase 5 BDSG).

4. Garanties d'indépendance des membres

Le délégué fédéral remplit ses missions en toute indépendance et en toute impartialité ; il n'est soumis qu'à la loi (§ 22, al. 4 BDSG). «Die bedeutet z.B., dass weder einzelne Minister noch die Bundesregierung ihm fachaufsichtlich Weisungen in Bezug auf seine Amtstätigkeit geben können».

5. Prérogatives / Domaines d'activité

Il revient au délégué fédéral de :

- conseiller le Bundestag, le Gouvernement fédéral, les ministres ainsi que l'ensemble des autorités et organismes publics de la Fédération (§ 26 BDSG),

- de réaliser des contrôles (§§ 24, 25 BDSG),

- de traîter des demandes (§ 21 BDSG),

- de collaborer en matière de protection de données sur la scène internationale et européenne.

- de rédiger des rapports d'activité et des avis.

Les contrôles qu'il réalise sont importants. Il jouit, pour ce faire, de pouvoirs d'investigation étendus (accès aux données/documents, accès aux locaux...). Les résultats de ces contrôles, entrepris pour s'assurer que la réglementation en matière de protection de données est réellement appliquée et respectée, sont consignés dans un rapport.

Le délégué ne fait que constater les violations à la protection des données. Il appartient ensuite au ministère compétent ou au supérieur hiérarchique de s'exprimer et de prendre éventuellement les mesures adéquates pour remédier aux violations constatées (§ 22, al. 1 et 3 BDSG). Dans cette optique, on peut dire que le délégué est davantage un médiateur.

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Contrôle de légalité (Rechtsaufsicht) de la part du Gouvernement fédéral (§ 22, al. 4 BDSG).

Contrôle hiérarchique (Dienstaufsicht) de la part du ministre fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5 BDSG).

Rédaction d'un rapport d'activité tous les deux ans, dans lequel le délégué fédéral informe le Bundestag et le public des évolutions essentielles intervenues en matière de protection des données ainsi que les points forts de son activité.

7. Conditions de leur indépendance financière

Les dépenses liées au personnel et au matériel du délégué relèvent d'un chapitre particulier du budget du ministère fédéral de l'Intérieur (§ 22, al. 5, phrase 3 BDSG).

? Une indépendance fonctionnelle partielle

8. Influence européenne

Coopération européenne et internationale sur les questions relevant de la protection des données.

2.1.4. Agence fédérale pour les réseaux d'é1ectricité, de gaz, des té1écommunications et ferroviaires Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation und Eisenbahnen

Bibliographie :

Monographies :

BOSMAN MATTHIAS, DIE BESCHLUSSKAMMERN DER REGULIERUNGSBEHORDE FÜR TELEKOMMUNIKATION UND POST, MÜNSTER, 2003

HEUN SVEN-ERIK (SOUS LA DIR.), HANDBUCH TELEKOM-MUNIKATIONSRECHT, COLOGNE, 2002

TRUTE HANS-HEINRICH ; SPOERR WOLFGANG ; BOSCH WOLFGANG, TELEKOMMUNIKATIONSGESETZ MIT FTEG, 1ÈRE ÉD., BERLIN, NEW YORK, 2001

Articles

BREUER RÜDIGER, UMSETWNG VON EG-RiCHTLINIEN IM NEUEN ENERGIEWIRTSCHAFTSRECHT, IN : NVwZ 2004, P. 520 ET S.

KÜHNE GUNTHER ; BRODOWSKI CHRISTIAN, DAS NEUE ENERGIE-WIRTSCHAFTSRECHT NACH DER REFORM 2005, IN : NVwZ 2005, P. 849 ET S.

SCHOLTKA BORIS, DAS NEUE ENERGIEWIRTSCHAFTSGESETZ, IN : NJW, 2005, P. 2421 ET S.

Textes de référence :

Website : www.bundesnetzagentur.de

Texte de base:

- Transposition des directives : 2003/54/CE, 2003/55/CE, 2004/67/CE

1. Création

L'Agence fédérale pour les réseaux a été créée par l'article 2 de la loi du 12.07.2005, portant réorganisation du droit de l'énergie.

Cet article 2 inclut les 11 §§ de la nouvelle loi relative à l'Agence fédérale pour les réseaux (BNAG).

Cette réorganisation du secteur des réseaux s'inscrit dans la mise en oeuvre :

- de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2003, concernant 1'établissement du marché intérieur de l'é1ectricité et abrogeant la directive 96/92/CE,

- de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 26 juin 2003, concernant 1'établissement du marché intérieur du gaz et abrogeant la directive 98/30/CE,

- et de la directive 2004/67/CE du Conseil, en date du 26 avril 2004 et concernant des mesures visant à garantir 1'approvisionnement en gaz naturel.

La nouvelle Agence fédérale pour les réseaux prend la succession de l'autorité de régulation pour les té1écommunications et la poste, créée par la loi du 25.07.1996 relative aux té1écommunications, modifiée par la loi du 05.05.2004 : l'agence porte désormais la dénomination d'Agence fédérale pour les réseaux d'électricité, du gaz, des té1écommunications et des chemins de fer.

Cette nouvelle Agence pour les réseaux est donc l'autorité de régulation des secteurs : électricité, gaz, té1écommunications, poste et (à partir du 01.01.2006) infrastructures ferroviaires.

Elle est chargée de la mise en oeuvre des trois lois relatives

- à l'énergie (EnWG) ;

- aux té1écommunications (TKG)

- aux chemins de fer (AEG : entrera en vigueur au 01.01.2005).

2. Nature juridique de l'Agence fédérale pour les réseaux

L'agence fédérale pour les réseaux est créée sous la forme d'une autorité fédérale supérieure (Bundesoberbehörde) indépendante et rattachée comme l'Office fédéral de contrô1e des ententes au Ministère fédéral de l'Economie et du Travail (§ 1, 2° phrase de la loi BNA). Son siège est également à Bonn.

Elle exerce les compétences administratives fédérales qui lui sont confiées par la loi ou sur lefondement de la loi (§ 2.11 Loi BNA).

Le Ministère fédéral peut lui adresser des instructions publiées au bulletin fédéral (§ 61 EnWG, § 117 TKG). Il exerce également le contrô1e de légalité (Rechtsaufsicht) et le contrô1e des actes (Fachaufsicht) de l'Agence400(*).

L'agence est dirigée par un Président/une Présidente, qui la représente à l'extérieur. La Présidence est assistée d'un comité consultatif (Beirat) composé de 16 représentants du Bundestag et 16 représentants du Bundesrat. Ces représentants sont proposés par les assemb1ées concernées et nommés par le gouvernement fédéral (§§ 5 à 7 loi BNA).

Un comité des Länder est également formé. Il se compose de représentants des autorités de régulation en matière d'énergie dans chaque Land (§§ 8 à 10 loi BNA).

Les décisions de l'Agence dans son activité de régulation sont prises par des organes collégiaux de décision (Beschlußkammer) formés conformément aux dispositions des deux lois préexistantes (§ 59 EnWG, § 132 TKG). La composition de ces organes collégiaux permet d'assurer une indépendance quasi-juridictionnelle.

3. Nomination de la Présidence

Le président et les deux vice-présidents sont nominés par le Gouvernement fédéral sur la proposition du comité (§ 3.III loi BNA). Si la proposition du comité n'est pas approuvée par le Gouvernement fédéral, une seconde proposition peut être faite dans les quatre semaines par le comité, sans préjudice du droit de décision en dernière instance qui reste au Gouvernement fédéral.

Le président est placé sur la base d'un contrat dans une situation de droit public avec la Fédération, pour une durée limitée à 5 ans. Un renouvellement est permis (§ 4.I loi BNA).

Les organes collégiaux de décision statuent en formation de trois membres (1 président, 2 assesseurs) qui doivent être fonctionnaires et avoir l'aptitude à exercer des fonctions de juge ou avoir l'une des qualifications requises pour un emploi de catégorie A (Laufbahn des höheren Dienstes).

Il n'a pas été possible de trouver des indications plus précises sur la manière dont sont constitués ces organes collégiaux, en dehors du fait qu'ils sont nommés par le ministère fédéral et qu'ils sont placés dans certains cas (§§ 11 et 19 TKG) sous la direction du président, avec les deux vices-présidents comme assesseurs401(*). La comparaison avec l'Office fédéral de contrô1e des ententes n'est donc pas possible.

4. Garanties d'indépendance

Die Mitglieder der Beschiusskammern dürfen weder ein Unternehmen der Energiewirtschaft innehaben oder leiten noch dürfen sie Mitglied des Vorstands oder Aufsichtsrats eines Unternehmens der Energiewirtschaft sein (§ 59 III EnWG).

Der Präsident der BNA darf neben seinem Amt kein anderes besoldetes Amt, kein Gewerbe und keinen Beruf ausOben und weder der Leitung eines auf Erwerb gerichteten Unternehmens noch der Regierung oder einer gesetzgebenden Körperschaft des Bundes oder eines Landes angehören (§ 4 III Gesetz über BNA).

5. Prérogatives

Vorabkontrolle der Netznutzungsentgelte, § 23a EnWG

Genehmigung der Entgelte für den Netzzugang § 21 EnWG, §§ 30 ff. TKG

ex-post Kontrolle der Netznutzungsentgelte, § 30 EnWG

Ermittlungen, § 68 EnWG

Auskunftsverlangen und Betretungsrecht, § 69 EnWG

Beschlagnahme, § 70 EnWG

Die Regulierungsbehörde erstellt den Frequenznutzungsplan auf der Grundlage des Frequenzbereichszuweisungsplanes, § 54 1 TKG

Anordnungen und andere geeignete Maßnahmen im Rahmen der Nummernverwaltung, § 67 1 TKG

Untersagen, § 126 TKG

Auskunftsverlangen, § 127 TKG

Ermittlungen, § 128 TKG

Beschlagnahme, § 129 TKG

Vorläufige Anordnungen, § 130 TKG

6. Modalités de contrôle par les pouvoirs législatif et exécutif

Alle 2 Jahre hat die BNA den gesetzgebenden Körperschaften des Bundes einen Bericht über ihre Tätigkeit sowie über die Lage und die Entwicklung auf dem Gebiet der Telekommunikation und ihrem Aufgabenbereich nach dem EnWG vorzulegen (§ 63 III EnWG, § 121 TKG)

(Gegen Entscheidungen der Bundesnetzagentur ist im Falle energiewirtschaftlicher Frage die Beschwerde vor dem OLG Düsseldorf statthaft (§ 75 EnWG), im Anschluss daran die Rechtsbeschwerde zum BGH, § 86 EnWG. Aus § 137 NTKG ergibt sich, dass gegen Entscheidungen der BNA im Rahmen des TKG der Verwaltungsrechtsweg eröffnet ist.)

7. Condition d'indépendance financière

Kostendeckung grds. durch Gebühren und Auslagen, ansonsten Finanzierung zu höchstens 60 % durch Jahresbeiträge der Betreiber von Energieversorgungsnetzen (§ 92 I EnWG).

Im Rahmen desTKG werden kostendeckende Gebühren und Auslagen erhoben.

2.2.1. Les établissements des médias des Länder Die Landesmedienanstalten

Bibliographie :

Monographies :

Fechner Frank, Medienrecht, 3e éd., Tübingen, 2002

Herrmann Günter, Rundfunkrecht, Munich, 1994

Motz Thomas, Rechtsschutz gegen Handlungen der Landesmedienanstalten, Francfort/Main, 1999

Stettner Rupert , Die Stellung der Bayerischen Landeszentrale für Neue Medien im Rundfunksystem nach dem Bayerischen Mediengesetz, Munich, 1999

Wagner Christoph, Die Landesmedienanstalten, Organisation und Verfahren der Kontrolle privater Rundfunkanstalter in der Bundesrepublik Deutschland, Baden-Baden, 1990

Articles :

Bamberger Christian, Sicherung der Meinungsvielfalt durch die Landesmedienanstalten, in : ZUM 2000, p. 551 et s.

Bourgeois Isabelle, Médias français et allemandes. Convergences et divergences dans le contexte européen, Revue d'Allemagne et des pays de langue allemande, tome 37, numéro 1, janvier-mars 2005. pp. 65 à 86.

2.2.2. Établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht

Bibliographie :

Monographies :

Caspari Karl-Burkhard, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe «Rechtsfragen der europäischen Integration», Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, 27 p.

Pitschas Rainer, Integrierte Finanzdienstleistungsaufsicht, Berlin, Duncker & Humblot, 2002, 362 p.

Articles :

Cahn Andreas, Verwaltungsbefugnisse der Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht im Übernahmerecht und rechtsschutz Betroffener, ZHR, 2003, pp. 262 à 300.

Rageade Jean-Philippe, Le contrôle du marché financier en Allemagne, LPA, 1998, pp. 14 à 16.

Schoedermeier Marie-Danielle, Le contrôle du marché financier en Allemagne, LPA, 1998, pp. 11 à 14.

Textes de référence :

Website : www.bafin.de

Textes de base :

- Art. 1er de la loi sur le contrôle intégré des prestations de services financiers (Gesetz über die integrierte Fianzdienstleistungsaufsicht) du 22 avril 2002 (BGBl. I 2002, p. 1310) dans sa version modifiée au 22 septembre 2005 (BGBl. I 2005, p. 2809), relatif à la loi sur l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers (Gesetz über die Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht / Finanzdienstleistungsaufsichtsgesetz).

- §§ 3 (abrogé) à 11 (abrogé) de la loi sur le commerce des valeurs mobilières (Gesetz über den Wertpapierhandel) du 26 juillet 1994 (BGBl. I 1994, p. 1749) dans sa version consolidée du 9 septembre 1998, modifiée par l'art. 10a de la loi 22 mai 2005 (BGBl. I 2005, p. 1373).

1. Modalités de création

Crée le 1er mai 2002, par la loi sur l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers (Gesetz über die Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht / Finanzdienstleistungsaufsichtsgesetz (FinDAG)), l'établissement fédéral de contrôle des prestations de services financiers réunit sous un même toit trois autorités qui, jusque là, étaient distinctes :

- l'Office fédéral de contrôle du crédit (Bundesaufsichtsamt für das Kreditwesen),

- l'Office fédéral de contrôle du commerce des valeurs mobilières (Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel),

- l'Office fédéral de contrôle des assurances (Bundesaufsichtsamt für das Versicherungswesen).

Un contrôle homogène de l'ensemble des acteurs de la vie financière (établissements de crédit, établissements financiers, entreprises d'assurances et de valeurs mobilières) est donc désormais assuré en Allemagne.

Siège : Bonn et Francfort/Main

2. Position (par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire)

Établissement de droit public directement rattaché à la Fédération doté de la capacité juridique (K.-B. Caspari, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe « Rechtsfragen der europäischen Integration », Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, p. 3).

3. Conditions de nomination des membres

Il se compose :

- d'un président et d'un vice-président

- d'un conseil d'administration

- d'un comité spécialisé

A. Le président et le vice-président sont nommés par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement fédéral (§ 9, al. 2 FinDAG).

B. Le conseil d'administration comprend :

- le président et le vice-président qui représentent chacun le ministère fédéral des Finances,

- 19 membres (2 autres représentants du ministère fédéral des Finances, 1 représentant du ministère fédéral de l'Economie et de la Technologie, 1 représentant du ministère fédéral de la Justice, 5 membres du Bundestag, 5 représentants des établissements de crédit, 4 représentants des entreprises d'assurances, 4 représentants des sociétés de placement de capitaux),

- éventuellement un représentant de la Banque fédérale allemande qui peut assister aux séances du conseil d'administration sans toutefois disposer d'un droit de vote (§ 7, al. 3 FinDAG).

Les membres du conseil d'administration sont désignés par le ministère fédéral des Finances. Ils doivent satisfaire aux conditions d'éligibilité au Bundestag (§ 7, al. 5 FinDAG). Les députés du Bundestag sont désignés sur proposition du Bundestag lui-même (§ 7, al. 6 FinDAG).

C. Le comité spécialisé est composé de 24 membres désignés par le ministère fédéral des Finances issus du monde de la finance, du crédit, des assurances, de la Banque fédérale allemande et d'associations de consommateurs. Il est chargé de conseiller l'établissement fédéral dans l'accomplissement de ses tâches (§ 8, al. 1 et 2 FinDAG).

L'établissement fédéral comprend trois grands domaines d'activité : Banques - Assurances - Commerce des valeurs mobilières, placés chacun sous la direction d'une personne.

En 2003, l'établissement fédéral employait près de 1300 collaborateurs et contrôlait environ 2400 établissements de crédit, 800 établissements financiers et 700 entreprises d'assurances (K.-B. Caspari, Allfinanzaufsicht in Europa, Referat im Rahmen der Vortragsreihe « Rechtsfragen der europäischen Integration », Bonn, rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität, 2003, p. 3).

4. Garanties d'indépendance de leurs membres

Certains membres de l'établissement fédéral, tels le président, le vice-président, les trois premiers directeurs des trois domaines (banques, assurances, valeurs mobilières) ont le statut de fonctionnaire. Ils bénéficient donc des garanties attachées à ce statut.

Le supérieur hiérarchique du président, du vice-président et des trois premiers directeurs est le ministère fédéral des Finances. Le président est le supérieur hiérarchique des autres fonctionnaires (§ 9, al. 3 FinDAG).

5. Prérogatives / Domaines d'activité

Pouvoirs de contrôle, de prévention et de santion.

Afin de remplir le rôle qui est le sien, à savoir garantir le bon fonctionnement, la stabilité et l'intégrité de l'ensemble du système financier allemand, l'établissement fédéral peut avoir recours à des moyens de contrainte prévus par la loi sur l'execution administrative (Verwaltungs-Vollstreckungsgesetz). De tels moyens peuvent également être utilisés envers une personne morale de droit publique. Le montant de l'astreinte est de 250 000 euros maximun (§ 17 FinDAG).

L'établissement a, qui plus est, pour mission :

- de garantir la solvabilité des banques, des institutions financières et des entreprises d'assurances.

- de protéger les clients et les investisseurs.

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Contrôles

Double contrôle du ministère fédéral des Finances : contrôle de légalité et contrôle fonctionnel (Rechts- und Fachaufsicht) (§ 2 FinDAG).

Statuts

Les missions et les pouvoirs du Président et du conseil d'administration de l'établissement fédéral sont précisés dans les statuts. L'adoption et les modifications des statuts sont réalisées par le ministère fédéral des Finances par voie de règlement (§ 5, al. 2 et 3 FinDAG).

Règlement intèrieur

Le Président de l'établissement fédéral règle l'organisation interne et ce, par le biais d'un règlement intérieur. L'adoption et les modifications du règlement intèrieur nécessitent le consentement du ministère fédéral des Finances (§ 6, al. 2 FinDAG).

7. Conditions de leur indépendance financière

Son financement est entièrement assuré par les institutions et entreprises contrôlées et ce, sous la forme de taxes et de contributions (Gebühren und Umlagen).

L'établissement est indépendant du budget fédéral.

8. Influence européenne

La loi sur les valeurs mobilières (Gesetz für den Wertpapierhandel) du 26 juillet 1994 (BGBl. I 1994, p. 1749) dans sa version consolidée du 9 septembre 1998 (BGBl. I 1998, p. 2708). Modifications opérées à la fin des années 1990 afin de transposer en droit allemand plusieurs directives européennes.

Voir aussi la collaboration avec les différents États membres de l'Union européenne expressément prévue au § 7 de la la loi sur les valeurs mobilières (Gesetz für den Wertpapierhandel).

2.3.1. Commission des vérificateurs environnementaux Umweltguta-chterausschuß

Bibliographie :

Monographie :

Ewer Wolfgang, Der Umweltgutachterausschuß. Die Einbeziehung Privater in verselständigte Verwaltungsträger, Baden-Baden, Nomos, 2000, 365 p.

Articles :

Breuer Rüdiger, Zunehmende Vielgestaltigkeit der Instrumente im deutschen und europäischen Umweltrecht - Probleme der Stimmigkeit und des Zusammenswirkens, NVwZ, 1997, pp. 833 à 845.

Lütkes Stefan, Ewer Wolfgang, Schwerpunkte der bevorstehenden Revision der Umweltauditverordnung (EWG) Nr. 1836/93, NVwZ, 1999, pp. 19 à 26.

Lütkes Stefan, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, pp. 230 à 235.

Mayen Thomas, Der Umweltgutachterausschuß - ein strukturelles Novum ohne hinreichende demoktatische Legitimation ?, NVwZ, 1997, pp. 215 à 219.

Srobel Wilhelm, Das Umweltauditgesetz mit dem neuen Umweltgutachter, DStR, 1995, pp. 1715 à 1721.

Textes de référence :

Website : www.umweltgutachterausschuss.de

Textes de base :

- Règlement (CE) n° 1836/93 du Conseil du 29 juin 1993 permettant la participation volontaire des entreprises du secteur industriel à un système communautaire de management environnemental et d'audit (J.O. n° L 168 du 10 juillet 1993, pp. 0001 à 0018) -Abrogé-.

- Règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement Européen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) (J.O. n° L 114 du 24 avril 2001, pp. 0001 à 0029).

- §§ 21 à 27 de la loi du 7 décembre 1995 portant application du règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 permettant la participation volontaire des organisations à un système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) (Gesetz zur Ausführung der Verordnung (EG) Nr. 761/2001 des Europäischen Parlaments und des Rates vom 19. März 2001 über die freiwillige Beteiligung von Organisationen an einem Gemeinschaftssystem für das Umweltmanagement und die Umweltbetriebsprüfung (EMAS) (UAG) ) (BGBl. I 1995, p. 1591).

- Règlement intérieur de la commission des vérificateurs environnementaux (Geschäftsordnung des Umwelgutachterausschusses) du 20 septembre 2002 ( www.umweltgutachterausschuss.de) en vigueur depuis le 10 octobre 2002.

1. Modalités de création

La commission des vérificateurs environnementaux tire son fondement dans la loi du 7 décembre 1995 (§ 21, al. 1, phrase 1 UAG : «Une commission de vérificateurs environnementaux est créée au sein du ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire») et, par ricochet, dans le règlement (CE) n ° 1836/93 du 29 juin 1993, aujourd'hui abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 761/2001 du 19 mars 2001.

2. Position (par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire)

La commission est une collectivité de droit public indépendante dotée d'une capacité juridique partielle ; elle est dotée de droits et d'obligations propres (Tätigkeitsbericht UGA III ; S. Lütkes, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, p. 234 ; T. Mayen Thomas, Der Umweltgutachterausschuß - ein strukturelles Novum ohne hinreichende demoktatische Legitimation ?, NVwZ, 1997, p. 215 ).

Elle ne dispose pas d'une personnalité juridique propre. Aussi ne peut-elle pas, par exemple, recruter, elle-même, son personnel (S. Lütkes, Das Umweltauditgesetz - UAG, NVwZ, 1996, p. 234).

Le ministère fédéral de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire exerce sur elle un contrôle de légalité (Rechtsaufsicht). Il vérifie notamment que les tâches qui lui ont été assignées par la loi sont bel et bien exécutées (§ 27, al. 1 UAG).

3. Conditions de nomination de leurs membres

La commission est composée de 25 membres choisis au sein :

- du monde de l'entreprise,

- des vérificateurs environnementaux,

- de l'administration de la Fédération et des Länder (autorités compétentes en matière d'économie et d'environnement),

- des syndicats,

- des associations de protection de l'environnement.

C'est le ministère fédéral de l'Environnement qui nomme chacun des ces membres (ainsi que leur suppléant) pour 3 ans, sur proposition du Gouvernement fédéral, de la conférence des ministres de l'Économie et de l'Environnement des Länder et des organisations fédérales faîtières correspondantes (§ 22, al. 3 UAG).

4. Garanties d'indépendance de leurs membres

Les membres de la commission agissent de manière de non professionnelle ; les dispositions des §§ 83 et 84 de la loi sur la procédure administrative non contentieuse relative, d'une part, à l'exercice d'une activité à titre non professionnelle et, d'autre part, à l'obligation de discrétion, leur sont applicables (§ 22, al. 1 UAG).

Ils ne sont soumis à aucune instruction (§ 22, al. 1 UAG).

5. Prérogatives / Domaines d'activité

En vertu du § 21, al. 1 UAG, la commission est chargée :

- d'édicter des directives sur l'interprétation et l'application de la loi (UAG). Ces directives ont force obligatoire à l'égard de l'organisme d'accréditation (Zulassungsstelle) ;

- de dresser la liste des vérificateurs ;

- de faire des recommandations ;

- de conseiller le ministère fédéral de l'Environnement sur toutes les matières relevant de l'accréditation et du contrôle ;

- de soutenir l'élargissement du système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS).

L'organisme d'accréditation (Zulassungsstelle) est tenu de remettre, deux fois par an, un compte rendu à la commission sur son activité d'accréditation et de contrôle. Cette dernière peut, en outre, lui demander de répondre à certaines questions (§ 21, al. 2 UAG).

6. Modalités de contrôle de l'activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Le pouvoir exécutif intervient essentiellement par le biais du ministère fédéral de l'Environnement.

Celui-ci est présent lors de la création, de l'organisation, de l'activité et de la fin de la commission.

* Création : voir C. Conditions de nomination des membres.

* Organisation : l'adoption et les modifications du règlement intérieur nécessitent le consentement du ministère fédéral de l'Environnement (§ 23, al. 1 UAG ; § 9 règlement intérieur de la commission).

* Activité : le ministère fédéral de l'Environnement peut assister aux séances de la commission et, s'il le demande, prendre la parole (§ 27, al. 2 UAG).

Il contrôle la légalité des résolutions et des décisions (Beschlüsse und Entscheidungen) de la commission, dispose à son égard d'un pouvoir d'autorisation, de constestation, d'annulation et de contrainte (§ 27, al. 3 UAG).

* Fin : la dissolution de la commission peut être prononcée par le le ministère fédéral de l'Environnement (§ 27, al. 4 UAG).

La commission rédige, tous les 3 ans, un rapport d'activité.

7. Influence européenne

Double Influence :

- au niveau de sa création (voir A. Les modalités de création) ;

- au niveau de ses activités. De fait, aux termes du § 21, al. 1, phrase 2, n° 5 UAG, la commission a pour mission de « promouvoir l'élargissement de EMAS » (système communautaire de management environnemental et d'audit).

2.3.2. Agence fédérale pour l'emploi (Bundesagentur für Arbeit)

Bibliograhie :

Monographie :

Waibel Christoph, Neues zur Rechtsnatur der Bundesagentur für Arbeit ?, in : ZfS 2004, p. 225 et s.

Textes de référence :

Website : http://www.arbeitsagentur.de

Texte de base : Livre III du Code social (SGB III) ( http://bundesrecht.juris.de/bundesrecht/sgb_3/)

L'agence fédérale pour l'emploi (AFE) est l'institution qui, en Allemagne, est chargée de gérer et de promouvoir l'emploi. Avec plus de 90000 collaborateurs, elle est la plus importante prestatrice de services sur le marché du travail.

1. Modalités de création

L'agence est une collectivité de droit public directement rattachée à la Fédération ; elle est dotée de la capacité juridique et jouit de l'autonomie de gestion (§ 367 I SGB III). Elle a succédé en 2003 à l'Établissement fédéral pour l'emploi (Bundesanstalt für Arbeit) (loi du 13 décembre 2003, BGBl. I, p. 2876).

Sa structure administrative se divise essentiellement en trois niveaux (§ 367 1 SGB III) : elle comprend une agence centrale à Nuremberg (§ 367 IV SGB III), 10 directions régionales, 178 agences pour l'emploi et environ 660 bureaux.

L'agence peut, par ailleurs, créer des bureaux particuliers (§ 367 II 2 SGB III) : l'institut de recherche sur le marché du travail et sur l'emploi à Nuremberg, l'office central de placement à Bonn, l'institut de formation à Lauf près de Nuremberg, l'école supérieure d'administration publique - section administration de la gestion de l'emploi à Mannheim.

L'agence est l'administration chargée de réaliser les tâches mentionnées dans le IIIe livre du Code social. Elle ne doit utiliser ses moyens que pour des objectifs prévus et autorisés par la loi (§ 368 I SGB III).

2. Position par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire

L'AFE est soumis au contrôle du ministère fédéral de l'Économie et du Travail. Celui-ci veille au respect de la loi (contrôle de légalité - § 393 I SGB III).

3. Conditions de nomination de ses membres

Un comité de direction se trouve à la tête de l'agence. Il se compose d'un président et de deux autres membres. Il a notamment pour mission :

- de diriger et de gérer l'agence ;

- de représenter l'agence dans les procédures judiciaires et extrajudiciaires (§ 381 I und II SGB III).

Le conseil d'administration exerce un contrôle sur le comité de direction ainsi que sur l'administration (§ 373 I SGB III).

4. Garanties d' indépendance de ses membres

Parallèlement à leur fonction, les membres du comité de direction ne doivent exercer aucune autre activité rémunérée ni tout autre emploi ; ils ne doivent pas non plus appartenir à la direction d'une entreprise poursuivant un but lucratif, à un gouvernement ou à une assemblée législative de la Fédération ou d'un Land. Par ailleurs, ils ne sont pas autorisés à rendre des avis extrajudiciaires à titre onéreux. Leur appartenance à un conseil de surveillance, à un conseil d'administration, à un comité consultatif ou à tout autre organe nécessite l'approbation du ministère de l'Économie et du Travail. Il revient à ce dernier de décider dès lors qu'un traitement est versé (§ 382 V SGB III).

5. Prérogatives

L'agence fédérale se dote de statuts (§ 372 I SGB III).

6. Modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif

Un rapport d'activité, rendu par le comité de direction et approuvé par le conseil d'administration, doit être présenté chaque année au ministre fédéral de l'Économie et du Travail (§ 393 II SGB III).

ALLEMAGNE

par Mme Marine de LA TOUR
de l'Université de Munich

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I - Remarques préliminaires

II - Statuts juridiques

III - Présentation de quelques organismes significatifs

IV - Liste et adresses des organismes

I - Remarques préliminaires

a) Ici ne seront présentés que les organismes fédéraux. Une étude similaire pourrait être effectuée au niveau des états fédérés auxquels revient la compétence de principe en matière administrative.

b) Le concept d'Autorité Administrative Indépendante n'existe pas en Allemagne, du moins dans le sens qu'il a en France. Cela est dû probablement à la différence des structures administratives des deux pays. L'Allemagne étant un État fédéral, la répartition des compétences administrative entre la fédération et les États fédérés est une matière constitutionnelle. La Loi Fondamentale de 1949 contient de longs développements relatifs à l'administration et prévoit déjà différents cadres juridiques pour les organismes que le législateur sera amené à créer. Les organismes correspondant aux AAI s'insèrent donc dans des formes constitutionnellement prévues.

II - Statuts juridiques

À côté de cas particuliers d'organismes directement liés au Parlement, la majorité des organismes correspondant en France aux AAI ont la forme d'« autorités administratives fédérales supérieures autonomes » (selbstsändige Bundesoberbehörde).

1. Les autorités administratives fédérales supérieures autonomes

L'administration fédérale se compose en principe de trois niveaux : celui des plus hautes autorités administratives (Gouvernement, Ministères, Bundesbank par disposition constitutionnelle), celui des autorités administratives moyennes et celui des autorités inférieures. L'administration par les autorités administratives fédérales autonomes constitue une exception à ce système hiérarchisé : l'autorité fédérale autonome est seule compétente sur l'ensemble du territoire et dispose d'une autonomie organisationnelle, sans pour autant posséder la personnalité juridique402(*).

La possibilité de création de tels organismes est expressément prévue par la Loi Fondamentale à l'article 87 alinéa III. Comme évoqué précédemment, la compétence de principe en matière administrative appartient aux États fédérés. C'est à eux qu'il revient en particulier d'exécuter les lois fédérales, à moins que la Loi Fondamentale ne le prévoie autrement. L'article 87 al. III est une de ces exceptions à la compétence des États fédérés. Il prévoit que, dans un domaine pour lequel la fédération possède la compétence législative, une autorité fédérale supérieure autonome ou une personne morale de droit publique directement liée à l'État fédéral peut être créée par une loi fédérale.

Il n'existe apparemment pas de type unifié d'autorité fédérale supérieure autonome. Elles sont rattachées à un ministère tout en possédant une autonomie d'organisation et de fonctionnement. Elles ne sont liées que par les directives générales de leur ministère de rattachement et non par des directives spéciales relatives à des cas particuliers. Parfois, la loi qui les institue prévoit une liberté complète par rapport aux directives de leur ministre403(*). Cette indépendance particulière n'est possible que quand elle s'appuie sur une disposition constitutionnelle autre que l'article 87 III de la Loi Fondamentale404(*). Les autorités administratives autonomes ont un budget propre à l'intérieur du budget de leur ministère.

La diversité et la souplesse de leur régime juridique tient à leur mode de création. Les autorités de régulation et de contrôle sont presque toujours créées par la loi qui règle le domaine qui les concerne405(*). Leur institution et la définition de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs procédures d'action fait suite aux règles matérielles qu'elles ont pour mission de faire observer.

Les mouvements de privatisation, initiés pour la plupart pour répondre aux exigences du droit communautaire, ont contribué à accroître l'importance de ces autorités administratives autonomes. Le domaine des postes et télécommunications en est un exemple significatif. La privatisation conduit à supprimer l'appareil administratif hiérarchique et à le remplacer par une autorité autonome qui n'a plus à effectuer que des tâches de contrôle, de coordination et de régulation.

2. Autres formes juridiques

Certaines des autorités administratives ont la forme de « Zentralstelle ». Cette pssibibité d'organisation est prévue à l'Art 87 al. I de la Loi Fondamentale. Elle est très voisine de celle des autorités administratives précédemment décrites, la différence essentielle résidant dans un lien plus fort avec les autorités correspondantes des États fédérés. Les Zentralstellen ont avant tout une mission de coordination et de concentration d'informations. Sous cette forme sont organisés le Zollkriminalamt dépendant du ministère des finances et chargé du contrôle des opérations douanières et le Bundeskriminalamt rattaché au ministère de l'intérieur et chargé de la coordinations des informations dans le domaine de la police criminelle, domaine normalement réservé à la compétence des États fédérés.

Certaines enfin sont des « Anstalten des öffentlichen Rechts » (Instituts de droit public), possédant la personnalité juridique, et dotées par là en général d'une plus grande indépendance. Leur régime juridique est encore moins unifié que celui des autorités administratives autonomes. Elles aussi doivent être créées par une loi et le législateur

dispose d'une grande liberté quant à leur organisation. Le Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'AMF) est organisé sous cette forme406(*).

La banque fédérale est un cas particulier. Elle est ici évoquée car elle possède des attributions qui vont au-delà de la politique monétaire ; elle coopère avec la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht pour la surveillance des opérations bancaires. Il est expressément prévu dans la Loi fondamentale qu'elle se situe au plus haut niveau de l'ordre administratif, au même titre que le Gouvernement et les ministères. Cela lui assure une indépendance très importante par rapport au pouvoir exécutif. Les membres du comité directeur sont nommés par le Président fédéral, le président, le vice-président et deux autres membres sur proposition du Gouvernement, les quatre autres membres sur proposition du Bundesrat (la chambre basse représentant les États fédérés) avec l'accord du Gouvernement. Ils sont nommés en général pour 8 ans, ce qui couvre la durée de deux législature et assure leur indépendance.

Enfin, pour ce qui concerne directement le contrôle de l'administration et les relations entre le pouvoir exécutif et les particuliers, les organismes compétents sont directement dépendants du Parlement, que ce soit sous forme de commission parlementaire ou de chargé d'affaire du Parlement407(*).

III - Présentation de quelques organismes significatifs

Les organismes suivants ont été choisis pour essayer de couvrir à la fois des domaines d'activités variés et des statuts juridiques divers.

1. La régulation des réseaux : La Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

La « Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen » (Agence fédérale des réseaux pour l'électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer) est l'organisme chargé de la régulation des réseaux, recouvrant pour partie les attributions du CSA, de l'Autorité de Régulation des Télécommunications, de la Commission de Régulation de l'Energie et de l'ARCEP.

C'est une « Autorité administrative supérieure fédérale autonome » dans le domaine d'activité du ministère de l'économie et du travail. Elle résulte d'une légère transformation de l'Autorité de Régulation des Télécommunications et Postes (Regulierungsbehörde für Telekommunikation und Post), créée par la Loi sur les télécommunications du 25 juillet 1996408(*). Cette loi, en particulier dans sa version remaniée du 22 juillet 2004, transpose les directives communautaires et y adapte le système allemand de télécommunications.

L'Agence fédérale des réseaux est chargée de veiller sur l'évolution des marchés de l'électricité, du gaz, des télécommunications, des postes, et à partir de janvier 2006 des infrastructures ferroviaires, par la libéralisation et la dérégulation. Elle gère en particulier la définition des fréquences disponibles409(*), délivre les autorisations d'exploitation, contrôle l'interopérabilité des réseaux, veille au respect des impératifs de service universel, et assure une surveillance générale. Elle dispose de pouvoirs de sanction étendus410(*). Alors qu'en général, les actes administratifs doivent avoir fait l'objet d'un recours interne à l'administration avant d'être soumis au contrôle juridictionnel, les décisions de l'Agence sont directement attaquables devant les juridictions administratives. Les voies de recours contre le jugement qui s'en suit sont en général exclues.

L'Agence fédérale des réseaux a à sa tête un président et un Conseil. Le président est nommé pour une période renouvelable de 5 ans par le Gouvernement fédéral qui doit entendre l'avis du Conseil411(*). Le Conseil se compose de 16 membres du Bundestag (la chambre haute du Parlement) et de 16 représentants du Bundesrat (la chambre représentant les gouvernements des États fédérés). Il existe aussi une commission des Länder qui regroupe les autorités de régulation des États fédérés. Les décisions sont prises en général par des chambres de décision (Beschlusskammer) constituées sur les indications du ministère de l'économie et du travail. L'Agence rend tous les deux ans un rapport au Parlement sur ses activités, sur la situation et l'évolution du domaine des télécommunications, sur l'état de la concurrence, en présentant les nécessités d'évolution ou d'adaptation de la régulation. Le Gouvernement fédéral prend position sur ce rapport face au pouvoir législatif. En outre, l'Agence présente chaque année un rapport public sur l'évolution du marché des télécommunications et la planification de son activité future.

L'Agence est financée par des redevances prélevées ponctuellement lors des différents services qu'elle rend (délivrance d'autorisations et de fréquences...), et par des cotisations attachées à l'utilisation des réseaux412(*). Ses coûts administratifs de fonctionnement doivent être ainsi couverts.

2. La protection des données : le Beauftragte für den Datenschutz

La protection des données est assurée de façon décentralisée. La loi sur la protection des données du 14 janvier 2003 prévoit que, dans chaque service public ou privé ayant à gérer des données, doit être nommée une personne nommée « Datenschutzbeauftragte », spécialement chargée de la protection des informations et données. Le responsable du service concerné n'a pas de pouvoir hiérarchique sur le Datenschutzbeauftragte ; les éventuels conflits sont réglés par l'autorité administrative supérieure.

Au niveau fédéral, il existe aussi un Datenschutzbeauftragte qui se présente lui-même comme équivalent allemand de la CNIL. Il a un statut juridique unique. Il est élu par le Bundestag à la majorité de ses membres sur proposition du Gouvernement fédéral et nommé par le Président fédéral. Son mandat est de 5 ans renouvelables une fois. Son indépendance est expressément affirmée dans la Loi sur la protection des données. Il est soumis à un contrôle de légalité, mais non d'opportunité, de la part du Gouvernement fédéral. Ses services et son personnel dépendent du ministère de l'Intérieur, mais le Bundesbeauftragte doit donner son accord pour toute nomination. Il ne peut être révoqué que par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement, et seulement pour des raisons qui justifieraient le renvoi à vie d'un magistrat.

3. Les fonctions de médiation entre l'État et les « administrés »

L'Allemagne n'a pas de Médiateur de la République ou d'Ombudsman. Des fonctions équivalentes sont exercées en partie par une commission parlementaire appelée Petitionssausschuss (Commission des Pétitions). Son existence est prévue expressément à l'article 45c de la Loi Fondamentale et correspond aux exigences du droit fondamental à être entendu par les instances parlementaires inscrit à l'article 17 de la Loi Fondamentale.

Certains parlements des États fédérés ont en plus de leur commission parlementaire un « chargé d'affaire » pour recevoir les plaintes et suggestions des citoyens (Bürgerbeauftrage).

La Commission des pétitions dispose de pouvoirs d'informations importants vis à vis du Gouvernement et des autorités administratives fédérales, ainsi que vis-à-vis des autres organismes et personnes de droit publics dans la mesure où ils sont soumis au contrôle du Gouvernement413(*).

La Commission effectue tout d'abord un travail de médiation. Elle peut émettre une recommandation de décision adressée au Bundestag. Le Bundestag peut alors prendre une décision sur la pétition. Cette décision, qui n'a que le caractère de recommandation en raison de la séparation des pouvoirs, est transmise au Gouvernement ou à l'organe concerné.

À côté de cette Commission non spécialisée, il existe un délégué parlementaire remplissant une mission analogue dans le domaine particulier de la Défense.

IV - Liste et adresses des institutions

Ici sont répertoriés les organismes les plus significatifs. Leurs sites Internet disposent tous de pages d'information en anglais et parfois en français.

Datenschutzbeauftragter

http://www.bfd.bund.de

Petitionssausschuss (Commission des pétitions)

http://www.bundestag.de/parlament/gremien15/a02/index.html

Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux)

Home: http://www.bundesnetzagentur.de

La loi sur les Télécommunications est disponible en français à l'adresse suivante : http://www.bmwa.bund.de/Redaktion/Inhalte/Pdf/Gesetz/telekommunikationsgesetz-fr,property=pdf,bereich=,sprache=de,rwb=true.pdf

Bundeskartellamt (équivalent du Conseil de la concurrence)

http://www.bundeskartellamt.de/

Site en Francais: http://www.bundeskartellamt.de/wFranzoesisch/index.shtml

Bundesanstalt für Finanzdienstleitungsaufsicht (équivalent de l'Autorité des Marchés Financiers)

http://www.bafin.de

Bundesbank (Banque fédérale)

http://www.bundesbank.de

Statistisches Bundesamt (Institut fédéral des statistiques)

http://www.destatis.de

Deutsche Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques)

http://www.dpma.de

Bundesprüfstelle für jugendgefährdende Medien (Autorité administrative autonome chargée de la protection de la jeunesse dans le domaine des médias). http://www.bundespruefstelle.de

Integrationsbeauftragte (Beauftragte für Migration, Flüchtlinge und Integration) - Chargé d'affaire du Gouvernement pour l'immigration, les réfugiés et l'intégration

Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral pour les médicaments et les produits médicaux)

http://www.bfarm.de

Robert-Koch-Institut (Autorité de surveillance et de prévention des maladies)

http://www.rki.de

Paul-Ehrlich-Institut (Institut chargé de la recherche, du contrôle et des autorisations d'exploitation dans le domaine des biotechnologies et des traitements médicaux spécifiques)

http://www.pei.de

Bundeskriminalamt (Office de coordination et d'information en matière de police criminelle)

http://www.bka.de

Zollkriminalamt (Office de la protection et de la répression des fraudes en matière douanière)

http://www.zollkriminalamt.de

Bundessortenamt (Organisme chargé de la protection et de l'autorisation des espèces végétales)

http://www.bundessortenamt.de

Bundesamt für Güteverkehr (Office fédéral pour la circulation des biens)

http://www.bag.bund.de

Biologisches Bundesanstalt für Land und Fortwirtschaft (Organisme chargé de la protection de l'environnement en matière agricole)

http://www.bba.de

AUTRICHE

par Mme Katarina BAUER
sous la direction du professeur Dr. Heinz SCHÄFFER
de l'université de Salzburg

(traduction par Marcel MORITZ
Allocataire-moniteur IREDIC - Université Paul Cézanne Aix-Marseille II)

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SOMMAIRE

I - Les chambres administratives indépendantes

II - Les autres autorités indépendantes prévues par la constitution

1. Les formations collégiales dotées d'un pouvoir juridictionnel

2. Les autorités collégiales scolaires

3. Les autres autorités indépendantes de contrôle prévues par la constitution (hors de son titre VI)

III - Les autorités indépendantes de régulation

1. La régulation des transports

A. La Schienen-Control Gmbh

B. La Schienen-Control Kommission

2. La régulation des Communications - Radio, poste et télécommunication

A. Kommaustria

B. Le Bundescommunikationssenat

C. RTR Gmbh

D. La commission de contrôle des télécommunications

3. La régulation du secteur de l'énergie

A. Energie-Control Gmbh

B. Energie-Control Kommission

4. La surveillance des marchés financiers : la FMA (autorité des marchés financiers)

L'actuel système juridique autrichien repose sur le principe de la séparation des pouvoirs, dans l'esprit de Montesquieu : pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif sont indépendants et fermement séparés.

Le pouvoir exécutif de l'État se trouve délégué à des autorités administratives qui, à la différence des organes législatifs, ne peuvent produire que des « lois » dans le sens matériel, par le biais d'arrêtés et d'actes unilatéraux, et qui, à la différence des organes judicaires, ne disposent pas d'une autonomie hiérarchique.

Cependant, on relève aujourd'hui l'existence de quelques exceptions à ce modèle rigide. De plus en plus furent créées des autorités administratives indépendantes qui ne disposent pas des garanties classiques du pouvoir judiciaire (indépendance dans la prise de décisions garantie par l'inamovibilité et l'irrévocabilité des juges).

Depuis 1988, il existe une tendance constante en Autriche à la juridictionnalisation de l'administration. Cette tendance se traduit par la création d'autorités administratives indépendantes dont les compétences se rapprochent de celles des tribunaux. Ces autorités constituent un écart par rapport au schéma hiérarchique traditionnel.

I - Les chambres administratives indépendantes (verwaltungssenate)

Pour garantir l'État de droit, la constitution autrichienne prévoit en son 6ème chapitre l'existence de deux Cours suprêmes : une Cour constitutionnelle et une Cour administrative.

Il aura fallu attendre 1988 pour que soient créées des chambres administratives indépendantes.

La cause majeure de la création de ces chambres indépendantes réside dans le fait que les Cours suprêmes (Cour constitutionnelle et Cour administrative) ne sont pas en mesure de répondre à l'ensemble des questions de droit à elles posées. Ces Cours sont trop spécialisées, chacune dans son domaine. En effet, la Cour constitutionnelle n'est en charge que du contrôle de la conformité des textes à la constitution. De son côté, la Cour administrative se comporte en une Cour de cassation qui ne juge pas au fond et ne statue donc pas sur les faits du litige

Les chambres administratives indépendantes ont donc été créées pour palier à cette faiblesse. Elles furent introduites dans la constitution par la loi constitutionnelle 1988/685 et intégrées dans le droit positif. Elles sont principalement en charge des plaintes déposées à l'encontre de l'administration.

- La création de ces instances

Dans chaque Land il existe une chambre administrative indépendante. Cette existence est prévue par la constitution (article 129). Ces chambres administratives indépendantes appartiennent structurellement à l'administration des Lander et sont chargées de garantir la légalité de l'ensemble de l'administration publique.

- Positionnement de ces instances par rapport aux trois pouvoirs

Les chambres administratives indépendantes sont des autorités administratives. Cependant, eu égard à leur liberté décisionnelle, et à la forte indépendance de leurs membres, ces instances constituent des autorités administratives d'une nature particulière.

- Statut des membres de ces instances

Les membres des chambres administratives indépendantes sont, d'après l'article 129 b paragraphe 1 de la constitution, nommés pour une durée minimale de 6 ans par le gouvernement du Land. Au moins un quart des membres doit être composé d'anciens fonctionnaires de la fédération (Bund). L'organisation des chambres administratives indépendantes et le statut de leurs membres relèvent de la législation du Land. La procédure est fixée par une loi fédérale.

- Garanties d'indépendance des membres

Dans l'exécution des tâches qui leur incombent en vertu des articles 129a et 129b de la constitution, les membres des chambres administratives indépendantes ne sont assujettis à aucune instruction.

Les affaires à traiter par ces chambres devront être réparties à l'avance entre leurs membres, pour une période qui sera fixée par une loi du Land ; une affaire qui, en vertu de cette répartition, appartient à un certain membre de la chambre administrative indépendante ne peut lui être retirée qu'en cas d'empêchement et par décision du président.

Avant l'expiration de leur mandat, les membres des chambres administratives indépendantes ne peuvent être révoqués que dans les cas prévus par la loi, et seulement par une décision de la chambre administrative indépendante.

Les membres des chambres administratives indépendantes doivent être experts en droit. Pour la durée de leur mandat, ils ne doivent exercer aucune activité de nature à susciter des doutes quant à l'indépendance de leur fonction.

- Les compétences des chambres administratives indépendantes

Aux termes de l'article 129 a paragraphe 1 de la constitution, les chambres administratives indépendantes sont appelées à statuer, après épuisement d'éventuelles voies de recours administratives :

- dans les procédures concernant les contraventions administratives à l'exception des affaires relevant du droit fiscal pénal de la Fédération ;

- sur les recours de personnes qui prétendent avoir été lésées dans leurs droits par l'exercice direct du pouvoir de commandement et de contrainte de la part des autorités administratives, à l'exception des affaires relevant du droit fiscal pénal de la Fédération ;

- dans d'autres matières qui leur sont dévolues par les lois fédérales ou de Land régissant les différents domaines de l'administration ;

- sur les recours en carence dans les affaires visées au point 1 ci-dessus et dans la mesure où il s'agit de plaintes introduites par des particuliers ou bien de questions relevant du droit fiscal pénal du Land, ainsi que dans les affaires visées au point 3 ci-dessus.

De plus, la loi peut autoriser l'introduction directe d'un recours contre les décisions administratives de première instance devant la chambre administrative indépendante dans les matières relevant de l'administration fédérale indirecte ainsi que dans les affaires visées aux articles 11 et 12 de la constitution. De telles lois ne peuvent être publiées qu'avec l'approbation des Lander concernés.

Les chambres administratives indépendantes doivent faire connaître leurs décisions sous la forme d'arrêts. Lorsque le litige concerne un acte administratif que la chambre déclare non-conforme, c'est l'ensemble de cet acte qui est invalidé. Si cet acte, déclaré non conforme à la loi, demeure, l'administration concernée doit immédiatement se mettre en conformité avec la position de la chambre administrative indépendante.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur ces autorités administratives indépendantes

a) Étant donné que les chambres administratives indépendantes font partie de l'administration, leur activité est, comme celle de toute administration, indirectement contrôlée par le Parlement. En effet, dans son rôle d'auxiliaire du parlement, la Cour des comptes a un rôle important à jouer dans le cadre de son pouvoir de contrôle financier. De même, le Volkanwalschaft (procureur), dans le cadre du contrôle global de la bonne marche de l'administration, peut également intervenir.

b) Les membres des chambres administratives indépendantes sont par ailleurs statutairement fonctionnaires du Land et sont soumis au droit du travail en vigueur dans le Land.

En ce qui concerne les questions disciplinaires, c'est la chambre administrative indépendante réunie en formation collégiale qui est compétente, afin de garantir l'indépendance de ses membres.

c) Les décisions des chambres administratives indépendantes sont soumises au contrôle a posteriori de la Cour constitutionnelle et de la Cour administrative.

- Condition de l'indépendance financière des chambres administratives indépendantes

L'administration de chaque Land doit fournir aux chambres administratives indépendantes les moyens matériels et humains nécessaires à leur bon fonctionnement.

II - Autres autorités indépendantes prévues par la constitution

1. Formations collégiales dotées d'un pouvoir juridictionnel

Depuis le 19ème siècle, l'Autriche est dotée d'exceptions au mode classique de gestion administratif. Ainsi, il existe des organes collégiaux comportant au moins un juge et dont les compétences sont prévues par l'article 133 paragraphe 4 de la constitution, lequel dispose :

« Échappent à la compétence de la Cour administrative :

Les affaires tranchées en dernière instance par une autorité collégiale, si, d'après les lois de la Fédération ou des Lander portant organisation de ces autorités, ses membres comptent au moins un juge, si les autres membres ne sont pas non plus soumis à aucune instruction dans l'exercice de leurs fonctions, si les décisions de cette autorité ne peuvent être annulées ou modifiées par des instances administratives supérieures et si, nonobstant le fait que toutes ces conditions soient réunies, la recevabilité d'un recours devant la Cour administrative n'est pas stipulée expressément ».

Du fait de la présence d'un juge au sein de cette formation collégiale, les décisions prises par cette dernière se sauraient faire l'objet d'un recours auprès de la Cour administrative, contrairement aux décisions prises par les chambres administratives indépendantes (v. ci-dessus), sauf si la loi le prévoit expressément. Par contre un recours auprès de la Cour constitutionnelle demeure toujours possible.

De facto, le pouvoir interprétatif de ces autorités collégiales est donc très important et susceptible d'affecter la hiérarchie et la séparation des pouvoirs. Cependant, la création de telles autorités collégiales est, d'après la jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle, uniquement possible si elle est fondée sur des motifs légitimes et importants, ceci afin de préserver un champ de compétence certain au ministère concerné.

2. Autorités collégiales scolaires

Une autre particularité du droit autrichien peut être relevée en matière de gestion scolaire. Celle-ci est placée sous la tutelle du ministère de l'éducation par l'intermédiaire d'autorités scolaires.

Ainsi, l'article 81 a paragraphe 2 de la constitution prévoit qu'une autorité scolaire appelée « conseil scolaire de Land » (Landesschulrat) sera instituée dans chaque Land et un « conseil scolaire de district » (Bezirksschulrat) dans chaque district politique. Dans le Land de Vienne, le conseil scolaire de Land assume aussi les attributions du conseil scolaire de district et porte l'appellation de « conseil scolaire municipal de Vienne » (Stadtschulrat fur Wien).

Les compétences matérielles des conseils scolaires de Land et de district font l'objet d'une loi fédérale.

3. Autres autorités indépendantes de contrôle prévues par la constitution (hors de son titre VI)

Le constituant a désormais élargi le champ des autorités administratives indépendantes. Ainsi furent créées des autorités nouvelles, proches dans leur structure et dans leur fonctionnement des chambres administratives indépendantes, avec pour mission de soulager d'une certaine manière la Cour administrative.

Il s'agit :

- Du finanzsenat indépendant, lequel a été considéré par une récente décision constitutionnelle (2002/97) comme une autorité administrative indépendante pour l'ensemble du territoire du Bund.

Il est compétent pour les contestations fiscales en général.

- Du Bundesvergabeamt : Compétent pour les questions relatives aux contrats et marchés publics.

- De la Berufungskommission im Beamtendienstrecht : Compétente pour les mutations des fonctionnaires et les questions relatives aux sanctions disciplinaires les concernant.

- De l'Umweltsenat : Compétent pour les questions relatives à la protection de l'environnement.

- De la Datenschutzkommission : Compétente pour les questions relatives à la protection des données personnelles.

III - Les autorités indépendantes de régulation

Avec l'ouverture des marchés, l'Autriche a créé des autorités de régulation dans la droite ligne d'une constante juridicisation de l'administration (sic). Ces autorités ont pour but de peser sur les marchés afin de garantir leur approvisionnement constant.

En ce sens la régulation a pris le relais de l'ancien monopole public pour permettre à l'État de continuer à garantir le bon fonctionnement des marchés.

Des autorités administratives indépendantes de nature financière ont vu le jour dans des domaines variés et sensibles comme les communications (radio, poste et télécommunications), l'énergie, la finance (banques, assurances et caisses de retraite) et les transports (chemins de fer). Dans ces domaines, les entreprises sont soumises à un régime d'autorisation préalable et à des contrôles permanents. Les autorités administratives indépendantes compétentes peuvent intervenir activement si elles constatent un disfonctionnement grave.

Le champ d'application des compétences de ces autorités administratives indépendantes est constitutionnellement limité. Aux termes des décisions rendues par la Cour constitutionnelle, ces limites sont les suivantes :

- La création d'une autorité administrative indépendante doit obéir à une nécessité globale et majeure.

- Les compétences fondamentales de l'État (sécurité intérieure et extérieure, police de l'ordre public, etc.) ne peuvent faire l'objet de délégation à une autorité administrative indépendante.

- La délégation de compétences au profit d'une autorité administrative indépendante est soumise à un contrôle de son efficience et de sa clarté.

- Conformément à la constitution, le pouvoir de direction et les responsabilités de gestion des organes majeurs de l'État doivent être préservés.

On note l'existence de quatre catégories d'autorités administratives indépendantes de ce type compétentes pour les transports, la communication, l'énergie et les finances.

Ces quatre autorités feront l'objet des développements suivants.

1. La régulation du secteur des transports

Les chemins de fer étaient depuis toujours (malgré plusieurs passages d'une gestion privée à une gestion publique) sous le joug d'une réglementation étatique. La libéralisation des marchés ferroviaires décidée par l'Union européenne a conduit à une ouverture des réseaux. Le but de cette libéralisation est l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, l'accroissement de la concurrence entre ces derniers, ainsi qu'une rationalisation de l'exploitation du réseau existant.

La libéralisation du marché ferroviaire pose toutefois le problème central de l'accès au réseau pour les entreprises ferroviaires. Cette situation exige la création d'une autorité administrative indépendante en vue de la régulation de l'accès au réseau ferré.

En Autriche furent créées en ce sens deux autorités administratives indépendantes : Schienen-Control GMBH et Schienen-Control Kommission.

A. La Schienen-Control GMBH

- La création de cette autorité

En vertu de l'article 76 de la loi relative aux chemins de fer, la Schienen-Control GMBH est une société de capitaux dont l'actionnaire unique est le Bund.

Son capital social est de 726.728 €, son siège est à Vienne. Elle n'a pas de but lucratif.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La Schienen-Control GMBH est une personne morale de droit privé disposant de pouvoirs juridiques délégués sous contrôle par l'administration centrale. Il s'agit donc d'un organe de régulation séparé de l'ordre administratif général. Le choix d'une société de capitaux détenue par le Bund à 100 % s'explique par le fait qu'il permet au ministère concerné d'agir en tant que représentant de l'actionnaire unique et d'avoir ainsi une influence directe sur la gestion de la société.

- Conditions de nomination de ses membres

La Schienen-Control GMBH dispose d'un conseil de surveillance et d'une assemblée générale nsi que du nombre nécessaire de collaborateurs et d'un directeur général. L'article 76 paragraphe 4 de la loi relative aux chemins de fer dispose que :

« le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie est en charge de la présence au sein du conseil de surveillance d'un représentant du ministère des finances ».

Étant donné la nature juridique de la Schienen-Control GMBH, les autres employés de la société disposent d'un contrat de droit privé.

- Indépendance de ses membres

L'article 79 paragraphe 1 de la loi relative aux chemins de fer dispose que l'activité de la Schienen-Control GMBH est contrôlée par le ministère des transports, de l'innovation et de la technologie. Ce ministère peut donner des instructions fondées par écrit à la Schienen-Control GMBH (article 79 paragraphe 2). Il peut également demander aux dirigeants de la Schienen-Control GMBH tous renseignements et documents nécessaires à sa mission de contrôle (article 79 paragraphe 3).

Le ministère dispose aussi du pouvoir d'annuler la nomination du dirigeant de la Schienen-Control GMBH si ce dernier ne fourni pas une information demandée ou n'exécute pas un ordre ministériel (article 79 paragraphe 4).

Par conséquent, les membres de la Schienen-Control GMBH ne disposent pas d'une totale indépendance, le ministère ayant une influence sur l'activité et la prise de décisions de cette autorité administrative indépendante.

La garantie d'une certaine indépendance de la Schienen-Control GMBH réside en fait dans son contrôle par une seconde autorité administrative indépendante, la Schienen-Control Kommission, laquelle est une administration collégiale dotée d'une autorité juridictionnelle indépendante.

- Ses compétences

Il s'agit des compétences suivantes (article 77 de la loi relative aux chemins de fer) :

- Décisions relatives à la mise à disposition du réseau.

- Contrôle de la conformité de l'exploitation aux règles de sécurité.

- Contrôle de l'attribution et des modalités financières des mises à disposition du réseau.

- Prise de mesures coercitives permettant de forcer l'accès au réseau.

- Observation du marché.

- Observation de la bonne mise à disposition des infrastructures.

- Gestion administrative de la Schienen-Control Kommission.

- Échanges d'informations avec les autorités administratives indépendantes étrangères.

La Schienen-Control GMBH a le pouvoir d'émettre des décisions contraignantes dans les domaines suivants :

- Communication d'information.

- Fixation de délais pour la mise en conformité aux normes de sécurité.

- Appréciation de la nécessité de disposer d'un certificat de conformité aux normes de sécurité et délivrance de ce dernier.

- Demandes d'informations.

- Prise de mesures coercitives.

- Autres décisions nécessaires à l'exécution de sa mission.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Schienen-Control GMBH soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement un rôle certain. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de la Schienen-Control GMBH est soumise au contrôle de son ministère de tutelle, le ministère des transports, de l'innovation et de la technologie (v. supra).

c) Le pouvoir judiciaire :

Une autorité administrative indépendante séparée, la Schienen-Control Kommission est en charge des recours contre les décisions de la Schienen-Control GMBH.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la Schienen-Control GMBH sont forfaitairement calculés et mis à la charge de l'ensemble des utilisateurs du réseau au prorata de leur utilisation. Le recouvrement annuel de ces frais est assuré par la Schienen-Control Kommission.

De ce fait, l'indépendance de la Schienen-Control GMBH est garantie, notamment par rapport à certaines entreprises ou sponsors.

B. La Schienen-Control Kommission

- La création de cette autorité

Il s'agit d'une autorité collégiale, accessoire à la Schienen-Control GMBH, disposant d'un pouvoir juridictionnel.

Du fait de ce pouvoir, il s'agit d'une autorité de régulation indépendante du ministère. Cette autorité administrative indépendante a été créée par la loi, et obéit à une nécessité spécifique, conformément aux exigences constitutionnelles (v. supra).

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La Schienen-Control Kommission est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel. Conformément à l'article 84 de la loi relative aux chemins de fer, ses décisions ne peuvent être remises en cause par l'administration. Elles sont toutefois soumises à un possible contrôle sur appel auprès de la Cour administrative.

- Conditions de nomination de ses membres

Au moins un membre de cette autorité administrative indépendante doit avoir le statut de magistrat. Conformément aux dispositions de l'article 82 de la loi, cette autorité administrative indépendante se compose d'un président et de deux autres membres, chaque membre disposant d'un suppléant.

Le président et son suppléant, qui doivent avoir le statut de magistrat, sont nommés par le ministère de la justice. Les autres membres et leurs suppléants doivent être des professionnels du transport et sont nommés sur proposition du ministère des transports, de l'innovation et de la technologie.

Il existe certaines incompatibilités empêchant la candidature à cette commission pour :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État.

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission.

- Les personnes touchées d'inéligibilité.

La durée du mandat est de 5 ans. Son renouvellement est possible. Les membres de la commission sont tenus au secret.

- Indépendance de ses membres

Le paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante. Cette indépendance est aussi garantie par l'article 83 de la loi relative aux chemins de fer.

- Ses compétences

L'article 81 paragraphe 2 de la loi relative aux chemins de fer confère à la commission les missions suivantes :

- Décisions relatives aux recours concernant l'accès et l'usage des infrastructures.

- Attribution de marchés.

- Autorisation de règlements cadres d'une durée supérieure à 10 ans.

- Contrôle des contributions versées par les sociétés exploitantes pour l'utilisation du réseau.

- Décisions afférentes aux recours formés contre les administrations autorisant l'exploitation du réseau et les sociétés d'exploitation.

- Contrôle de l'attribution des marchés.

- Recours contre les décisions de la Schienen-Control GMBH.

Les décisions de la Schienen-Control Kommission sont prises à la majorité absolue sans abstention possible et ont autorité de chose jugée. Un recours contre ces décisions est toutefois possible devant la Cour administrative.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Schienen-Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Schienen-Control GMBH excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que la Schienen-Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garanti son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la Schienen-Control Kommission ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

La Schienen-Control Kommission est, aux termes de l'article 81 de la loi, mise en place aux côtés de la Schienen-Control GMBH, cette dernière étant en charge de sa gestion et de son financement.

Les membres de la commission se voient verser une indemnité par la Schienen-Control GMBH, ce procédé garantissant l'indépendance de la commission au travers de l'indépendance de la Schienen-Control GMBH.

2. Communications - Radio, poste et télécommunications

Après l'ouverture du secteur de la communication, il s'avérait fondamental de rendre effectives des règles soumettant les nouveaux acteurs privés au respect des contraintes nécessaires à la satisfaction des exigences démocratiques.

En ce sens fut créée Kommaustria, une commission compétente en matière de communication, en tant qu'entité autonome. Cependant, cette commission est soumise à l'autorité du chancelier, et est de plus contrôlée par une chambre administrative spécialisée (Bundeskommunikationssenat).

Le contrôle de la communication s'opère donc par le biais de ces deux organes : Kommaustria et le Bundeskommunikationssenat.

A. Kommaustria

- La création de cette autorité

Kommaustria fut créée par une loi du 1er avril 2001 pour la régulation administrative du secteur des communications. Cette administration est directement soumise à l'autorité du chancelier.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Kommaustria est une administration distincte de l'ordre administratif étatique, spécialisée dans la régulation du secteur de la communication. Cette administration est directement placée dans le ressort de la chancellerie.

- Conditions de nomination de ses membres

Kommaustria comporte un directeur et le nombre nécessaire de fonctionnaires. Le directeur est nommé sur appel à candidature. La structure décisionnelle est monocratique en ce sens que les décisions sont prises par le directeur seul, les autres membres de la commission pouvant se voir déléguer certaines compétences par le directeur. Les décisions prises doivent l'être sur le fondement des lois applicable.

- Indépendance de ses membres

Ainsi qu'il l'a été vu, les membres de Kommaustria dépendent hiérarchiquement du chancelier et ne jouissent donc pas d'une réelle indépendance. Au sens large une forme d'indépendance existe du fait de la possibilité de saisine du Bundeskommunikationssenat.

- Ses compétences

Il s'agit des suivantes :

- Attribution des marchés aux opérateurs de radio et de télévision privés.

- Autorisation d'utilisation des émetteurs.

- Introduction du numérique.

- Gestion des fréquences.

- Régulation des moyens techniques aux fins de développement des médias.

- Contrôle du respect des lois par les opérateurs privés.

- Respect de la réglementation publicitaire.

- Respect des attributions de marchés et des règles anti-concentration.

Kommaustria dispose également de certaines compétences spécifiques qui lui sont attribuées par la loi dans le secteur des médias (presseförderungsgesetz de 2004 et Publizistikförderungsgesetzes partie 2 de 1984).

Kommaustria est compétente pour prendre des décisions dans son champ de compétence (comme par exemple l'attribution de fréquences à un opérateur privé). Elle est également compétente pour sanctionner les opérateurs sur le fondement des lois applicables, lesquelles comportent la procédure à suivre.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que Kommaustria soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de Kommaustria est soumise au contrôle de la chancellerie (v. ci-dessus). La chancellerie peut donner des ordres écrits et fondés à cette administration et le chancelier dispose du pouvoir d'annuler la nomination de son directeur.

c) Le pouvoir judiciaire :

Une autorité administrative indépendante séparée, le Bundeskommunikationssenat est en charge des recours contre les décisions de Kommaustria.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de Kommaustria sont forfaitairement calculés et mis à la charge des opérateurs en fonction de leur chiffre d'affaire, une partie (0,75 millions d'euros par an) de ces frais étant couverts par le Bund.

B. Le Bundeskommunikationssenat

Il s'agit d'une autorité compétente pour connaître des recours formés contre les décisions de Kommaustria.

Il ne s'agit pas d'une autorité de régulation au sens strict mais plutôt d'une autorité de contrôle de Kommaustria et du secteur public de la communication audiovisuelle.

- La création de cette autorité

Elle a été créée par l'article 11 paragraphe 1 de la loi KOG relative aux communications.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Le Bundeskommunikationssenat est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel, conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution.

L'article 11 paragraphe 4 de la loi KOG fait du Bundeskommunikationssenat l'autorité de contrôle de la Kommaustria et lui permet de suppléer aux éventuelles carences de cette dernière.

- Conditions de nomination de ses membres

Le Bundeskommunikationssenat comporte 5 membres dont 3 doivent avoir le statut de magistrat. Le président et son suppléant sont nommés parmi ces 3 magistrats par le Bundeskommunikationssenat lui-même.

Les membres du Bundeskommunikationssenat sont nommés par le président de la république autrichienne sur proposition du gouvernement pour une durée de 6 ans.

En ce qui concerne les magistrats membres de cette administration, la proposition du gouvernement est dictée par les contraintes suivantes :

-un candidat est désigné par le président de la haute Cour de justice

-deux candidats sont désignés par le président de la Cour suprême du Land [oberlandesgerichtes] dans le ressort duquel se situe le siège du Bundeskommunikationssenat.

[...]

- Indépendance de ses membres

Elle est garantie par l'article 12 paragraphe 1 de la loi KOG.

Par ailleurs le paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante.

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 11 paragraphe 2 de la loi KOG, le Bundeskommunikationssenat connait :

- Des moyens de droit soulevés à l'encontre des décisions de la Kommaustria.

- Des plaintes pour abus de droit.

L'administration ne peut remettre en cause les décisions du Bundeskommunikationssenat, seul un recours devant la Cour administrative est possible.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que le Bundeskommunikationssenat soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Kommaustria excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que le Bundeskommunikationssenat soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garantie son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions du Bundeskommunikationssenat ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 12 paragraphe 8 de la loi KOG, les membres du Bundeskommunikationssenat, reçoivent une indemnité versée par Kommaustria. Or, cette dernière étant en partie financée par l'État, le financement du Bundeskommunikationssenat est indirectement partiellement assuré par l'État de sorte que son indépendance financière n'est pas réellement garantie par la loi.

Dans le domaine des télécommunications a été créée une autre autorité administrative indépendante, la Rundfunk und Telekom Regulierungs Gmbh (RTR) ainsi qu'une commission de contrôle qui lui est associée, la TeleKom-control Kommission (TKK).

C. RTR Gmbh

- La création de cette autorité

La RTR fut créée par une loi du 1er avril 2001 pour la régulation administrative du secteur des communications. Cette société de capitaux est à but non lucratif. Son siège est à Vienne.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La RTR est une administration distincte de l'ordre administratif étatique général. Cette personne morale de droit privée, dont l'actionnaire unique est le Bund, reçoit une mission administrative afin de palier l'absence d'organe public gestionnaire de ces compétences.

- Conditions de nomination de ses membres

La RTR comporte deux directeurs : l'un est responsable des questions de radiophonie, l'autre de celles afférentes à la télécommunication. Le directeur responsable de la radiophonie est nommé par le chancelier, et celui responsable des télécommunications par le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie. La RTR compte environ 80 collaborateurs soumis au droit privé du travail.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 6 paragraphe 1 de la loi KOG :

-En ce qui concerne les questions relatives à la radiophonie, le travail de la RTR est supervisé par le chancelier.

-En ce qui concerne les questions relatives aux télécommunications, le travail de la RTR est supervisé par le ministre des transports, de l'innovation et de la technologie.

Chacune de ces autorités est à même de signifier par écrit à la RTR des injonctions motivées et peut requérir la communication de documents et d'informations qui lui sont utiles pour mener à bien son travail de tutelle.

L'article 6 de la loi KOG dispose que le personnel de la RTR est soumis hiérarchiquement à la commission de contrôle des télécommunications (paragraphe 3) ainsi qu'à celui de Kommaustria dans le cadre de ses missions (paragraphe 4).

Il en résulte que les membres de la RTR ne sont pas indépendants.

- Ses compétences

Il s'agit des compétences suivantes :

- Gestion de la commission de contrôle des télécommunications et de la Kommaustria.

- Expertises décisionnelles au profit de la commission de contrôle des télécommunications et de la Kommaustria.

- Centre de compétence pour les médias audiovisuels et les télécommunications, rédaction de publications.

- Gestion financière du secteur des médias audiovisuels et des télécommunications (définition du marché, fixation du montant des contributions à verser par les opérateurs, etc.).

- Mise sur le marché des réseaux vacants, réception des offres.

- Attribution et contrôle de l'utilisation des paramètres de communication (par ex. numéros téléphoniques).

- Médiation.

- Fixation des loyers pour l'utilisation des réseaux.

-Publication de l'identité des différents acteurs du marché.

-Gestion et distribution du fond de soutien à l'industrie cinématographique et du fond pour le développement du numérique.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la RTR soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose ainsi dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité de la RTR est soumise au contrôle de la chancellerie en ce qui concerne les activités relatives à la radiophonie. En ce qui concerne les télécommunications, la compétence appartient au ministre des transports, de l'innovation et de la technologie.

L'autorité de tutelle dispose du pouvoir d'émettre des injonctions écrites à la RTR.

En fonction de l'autorité pour laquelle elle oeuvre (KommAustria ou TKK), la RTR est soumise hiérarchiquement à l'une ou l'autre des ces administrations.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la RTR sont soumises au contrôle des deux Cours suprêmes (Cour constitutionnelle et Cour administrative).

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la RTR sont couverts pour partie par l'État et pour partie par les opérateurs (ce financement dépendant du chiffre d'affaires réalisé).

Le capital de la RTR appartient à 100 % à l'État et est géré par la chancellerie avec l'aval du ministère des transports, de l'innovation et de la technologie. Le capital de la RTR s'élève à 5.741.153 € et a été entièrement libéré par le Bund.

Du fait de ce financement, la RTR est indépendante des personnes privées ou sponsors.

D. La commission de contrôle des télécommunications (Telekom-Control Kommission)

- La création de cette autorité

La commission de contrôle des télécommunications est une autorité indépendante dotée d'un pouvoir juridictionnel conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Les décisions de la commission de contrôle des télécommunications ne font pas l'objet d'un contrôle systématique (sauf cas prévus par la loi), mais la Cour administrative peut cependant être saisie sur appel des décisions prises par ladite commission.

- Conditions de nomination de ses membres

Aux termes de l'article 118 paragraphe 1 de la loi relative aux télécommunications, la commission de contrôle des télécommunications se compose de 3 membres dont un magistrat, un spécialiste des technologies de la communication et un spécialiste des questions juridiques et économiques.

Leur mandat, d'une durée de 5 ans, est renouvelable. Des suppléants sont également nommés.

Certaines incompatibilités sont prévues (article 118 paragraphe 3), frappant :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État.

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission.

- Les personnes touchées d'inéligibilité

- Indépendance de ses membres

L'article 116 paragraphe 3 de la loi relative aux télécommunications renvoie aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution, lequel dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions ».

Au travers de ces dispositions est garantie l'indépendance de tous les membres de cette autorité administrative indépendante.

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 117 de la loi relative aux télécommunications, le TKK connaît des compétences prévues par les articles 9 paragraphe 2 ; 18 paragraphe 3 ; 25 ; 31 ; 32 ; 37 ; 23 paragraphe 2 ; 38 ; 41 ; 44 paragraphes 1 et 2 ; 46 paragraphe 2 ; 47 ; 48 ; 49 paragraphe 3 ; 26 et 45 ; 52 paragraphe 3  et 54 paragraphe 3-2 ; 56 ; 57 ; 60 ; 91 paragraphes 3 et 4 ; 111 ; 127 de la loi relative aux télécommunications [NDRL : Compétences non spécifiées par l'auteur].

L'administration ne peut remettre en cause les décisions du TKK, seul un recours devant la Cour administrative est possible.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que le TKK soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la RTT excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que le TKK soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garantie son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions du TKK ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 116 paragraphe 2 de la loi relative aux télécommunications, le TKK a son siège auprès de la RTR, laquelle assure sa gestion. Par conséquent, on en déduit que le financement du TKK incombe à la RTR. Cette dernière est, comme nous l'avons vu, indépendante.

[NDRL : Il nous semble qu'en réalité l'indépendance financière ne soit pas si parfaite par rapport à l'État, lequel finance en partie la RTR et donc aussi le TKK].

3. La régulation du secteur de l'énergie

Le secteur de l'énergie représente un enjeu économique majeur et est soumis à la pression des exigences communautaires. Par conséquent, les marchés de l'électricité et du gaz sont soumis à un contrôle administratif rigoureux et à l'influence des politiques publiques. Cette influence se traduit par le maintien forcé de la concurrence et par la fixation d'un cadre juridique strict.

En ce sens ont été créées des autorités de régulation. Il s'agit de l'Energie-Control Gmbh (ECG) et de l'Energie-Control Kommission (ECK).

A. Energie-Control Gmbh

- La création de cette autorité

Energie-Control Gmbh fut créée par une loi de libéralisation du marché de l'énergie. Elle a débuté son activité le 1er mars 2001. L'article 5 paragraphe 1 de la loi sus-visée dispose :

« Pour garantir la régulation dans le domaine de l'électricité et du gaz est créée une société à responsabilité limitée avec un capital de 3.700.000 €. Le siège de cette société est à Vienne. Elle n'a pas de but lucratif ».

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

Energie-Control Gmbh est une personne morale de droit privé, dont l'actionnaire unique est le Bund. Elle dépend du ministère de l'économie et du travail.

- Conditions de nomination de ses membres

D'après l'article 5 paragraphe 1 de la loi sur l'énergie et ses autorités de régulation, le ministre de l'économie et du travail est en charge d'assurer que le conseil de surveillance d'Energie-Control Gmbh comporte un représentant du ministère des finances. La société Energie-Control Gmbh est soumise au droit commun des sociétés à responsabilité limitée.

Les employés de cette société relèvent du droit privé.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 3 paragraphe 2 de la loi sur l'énergie et les autorités de régulation, le ministre de l'économie et du travail est chargé notamment :

- De contrôler le travail de la société Energie-Control Gmbh

- De gérer la participation du Bund dans cette société

- De fixer les grandes lignes de son activité

Il est donc important de noter qu'Energie-Control Gmbh et ses employés ne sont pas indépendants mais relèvent de la tutelle du ministère de l'économie et du travail.

- Ses compétences

Elles sont très nombreuses et sont relatives à la gestion globale du marché de l'énergie (électricité, gaz, énergies propres et renouvelables, etc) dans ses composantes les plus diverses : application des règles de concurrence, expertise, mise en oeuvre du marché communautaire, développement des réseaux, édiction de statistiques tarifaires pour les consommateurs, application du droit des livraisons intra-communautaire, surveillance du marché, droit de sanction en cas de violation des règles applicables, édiction de normes pour le bon fonctionnement du marché, résolution de litiges (donnant lieu à la rédaction d'un rapport annuel remis au ministère de l'économie et du travail et au ministère de la justice), vérification du respect des normes relatives à la production d'énergie écologique, fixation des compensations pécuniaires en cas de fusion de réseaux de propriétaires différents, compensations pour les frais d'infrastructure engagés avant la période de libéralisation du marché de l'énergie (et dont les autres opérateurs profitent désormais), etc.

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que Energie-Control Gmbh soit une société détenue à 100 % par l'État confère au parlement une mission de contrôle. La Cour des comptes dispose en effet dans son rôle d'auxiliaire parlementaire d'un pouvoir de contrôle financier.

b) Le pouvoir exécutif :

L'activité d'Energie-Control Gmbh est soumise au contrôle du ministère de l'économie et du travail. Ce dernier dispose du pouvoir d'émettre des injonctions écrites et motivées à Energie-Control Gmbh. Le ministre dispose également du pouvoir d'annuler la nomination du directeur de cette société.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions d'Energie-Control Gmbh peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Energie-Control Kommission.

- Conditions de son indépendance financière

Energie-Control Gmbh a le droit de demander à être financée par les opérateurs des réseaux électriques à haute tension ainsi que par les opérateurs du secteur du gaz, chacun contribuant au financement de la régulation de son secteur d'activité.

Ainsi cet organe demeure indépendant des entreprises prises isolément ou de sponsors éventuels (sic).

B. Energie Control Kommission (commission de contrôle de l'énergie)

- La création de cette autorité

La commission de contrôle de l'énergie a été créée par l'article 15 paragraphe 2 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie. Elle est entrée en fonctions le 1er mars 2001. La gestion de cette commission incombe à Energie-Control Gmbh.

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La commission de contrôle de l'énergie est une autorité collégiale dotée d'un pouvoir juridictionnel conformément à l'article 133 paragraphe 4 de la constitution (v. supra).

Toutefois cette commission comporte une spécificité :

Contrairement aux hypothèses précédentes, si une des parties à un litige conteste la décision rendue, elle peut en faire appel auprès d'une juridiction de droit commun. La décision rendue par la commission n'aura alors pas force exécutoire et les parties devront se plier à la décision rendue par le tribunal.

- Conditions de nomination de ses membres

Aux termes de l'article 17 paragraphe 1 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, la commission de contrôle de l'énergie se compose de 3 membres dont un magistrat. Ce dernier est désigné parmi une liste de 3 candidats arrêtée par le président de la Cour suprême. Les deux autres membres sont nommés sur proposition du ministre de l'économie et du travail : l'un doit être un spécialiste de la technique, l'autre des questions juridiques et économiques. Leur mandat, renouvelable, est de 5 ans. Des suppléants sont prévus.

Certaines incompatibilités sont envisagées (article 17 paragraphe 3 de la loi), frappant :

- Les membres du gouvernement central et de celui des Lander ainsi que les secrétaires d'État ;

- Les personnes proches des sociétés susceptibles de faire appel à la commission ;

- Les personnes touchées d'inéligibilité.

- Indépendance de ses membres

Étant donné que cette commission relève des dispositions de l'article 130 paragraphe 4 de la constitution414(*), son indépendance est garantie par les dispositions du paragraphe 2 de l'article 20 de la constitution, lequel dispose que :

«  Si une loi fédérale ou de Land a institué une autorité collégiale appelée à statuer en dernière instance, dont les décisions ne sont pas soumises à annulation ou à modification par voie administrative et à laquelle appartient au moins un juge, les autres membres de cette autorité collégiale ne sont pas non plus soumis à des instructions dans l'exercice de leurs fonctions »

Cette indépendance est de surcroît confirmée par les dispositions de l'article 19 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie :

« Les membres de la commission de contrôle de l'énergie sont soumis aux dispositions de l'article 20 paragraphe 2 de la constitution et ne sauraient donc dans l'exercice de leur mission recevoir de directives ».

- Ses compétences

D'après les dispositions de l'article 16 paragraphe 1 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, la commission de contrôle de l'énergie connaît des compétences variées dont :

-  L'autorisation des conditions générales d'utilisation des réseaux.

- La fixation des tarifs d'utilisation des réseaux.

- La fourniture d'énergie électrique.

- L'interdiction des clauses prohibées par la loi.

- Les décisions concernant le libre accès aux réseaux électriques.

- La résolution des litiges entre acteurs du réseau.

- La résolution des litiges financiers relatifs à la fourniture d'énergie.

- L'autorisation et la révocation d'autorisations d'exploitation.

- La sécurisation de l'approvionnement constant en gaz.

- La fixation des tarifs du gaz.

- La résolution des litiges relatifs aux refus d'accès aux réseaux du gaz.

- La planification de l'évolution des réseaux.

- La fixation des conditions d'attribution des marchés.

[...]

Par ailleurs la Energie Control Kommission connaît des recours à l'encontre des décisions de Energie Control Gmbh, sauf cas exclus par la loi (article 16 paragraphe 3 de la loi précitée).

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative indépendante

a) Le pouvoir législatif :

Le fait que la Energie Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat en son sein, ainsi que sa gestion et son financement par le biais de la Energie Control Gmbh, excluent tout contrôle de la part du pouvoir législatif.

b) Le pouvoir exécutif :

Le fait que la Energie Control Kommission soit une autorité comportant la présence d'un magistrat exclu tout contrôle de la part de l'exécutif et garanti son indépendance.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions la Energie Control Kommission ont force de chose jugée et ne peuvent être modifiées ou annulées par l'administration. Un recours demeure toutefois possible devant la Cour administrative.

- Conditions de son indépendance financière

Selon l'article 17 paragraphe 7 de la loi portant création d'organes de régulation dans le secteur de l'énergie, les membres de la Energie Control Kommission ont droit à une indemnité couvrant leurs frais professionnels et à une indemnité journalière, ces indemnités étant fixées par le ministère de l'économie et du travail en accord avec le ministère des finances. La Energie-Control Kommission a son siège auprès de la Energie-Control Gmbh, laquelle prend en charge sa gestion courante et son financement. Étant donné que la Energie-Control Gmbh est indépendante financièrement, la Energie-Control Kommission l'est donc aussi (sic).

4. La surveillance des marchés financiers

La Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA)

- La création de cette autorité

Cette autorité des marchés financiers est une autorité administrative indépendante intégrée pour la surveillance du marché financier autrichien. Elle relève du droit public.

Ainsi, la loi relative à la création de cette autorité dispose en son article 1er (lequel a valeur constitutionnelle) que :

« Pour le contrôle des banques, assurances, marchés cotés et fonds de pension est créée sous le nom de Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA) une administration relevant du droit public, disposant de sa propre personnalité juridique, et d'une totale indépendance.

Le siège de la FMA est à Vienne. Son champ d'activité s'étend à l'ensemble du pays. Elle a le droit d'utiliser l'emblème national ».

- Son positionnement par rapport aux trois pouvoirs

La FMA est séparée de l'ordre administratif national, en vue d'assurer son efficacité. Il s'agit d'une autorité administrative indépendante créée sous contrôle parlementaire selon un modèle éprouvé à l'étranger et dotée de pouvoirs constitutionnellement garantis.

- Conditions de nomination de ses membres

D'après l'article 4 de la loi sus-visée, la FMA est composée d'un conseil d'administration et d'un conseil de surveillance.

D'après l'article 5, le conseil d'administration comporte deux membres, nommés par le Président sur proposition du gouvernement après appel à candidature par le ministère des finances. Leur mandat de 3 ans est renouvelable pour 5 ans.

Les membres doivent être des spécialistes de la question de la régulation des marchés financiers. Ils ne doivent pas être frappés d'inéligibilité et doivent occuper leur poste à plein temps.

D'après l'article 4, le conseil de surveillance se compose d'un président, d'un suppléant à la présidence, de 4 autres membres et de 2 membres cooptés. Les membres sont, à l'exclusion des cooptés, nommés par le ministère des finances. Le suppléant du président et deux des quatre autres membres doivent être des personnes présélectionnées par la banque nationale. Leur mandat est de 5 ans. Il est renouvelable.

La FMA peut embaucher le nombre nécessaire de collaborateurs sous le régime du contrat de travail de droit privé.

- Indépendance de ses membres

D'après l'article 22 paragraphe 2 de la loi précitée, les décisions de la FMA sont insusceptibles de recours.

L'indépendance des membres est garantie par l'article 1er de la loi portant création de cette autorité, lequel a valeur constitutionnelle (v. ci-dessus, point 1)

- Ses compétences

Il incombe à la FMA la surveillance :

- des organismes de crédit.

- des organismes d'assurance.

- des fonds de pension.

- des fonds d'investissement.

- des courtiers.

- des sociétés cotées et des bourses de cotation.

Il s'agit donc d'une compétence large portant sur l'ensemble du secteur financier.

La FMA peut émettre des décisions dans le cadre de ses compétences et est en charge de leur bonne application (en accord avec la loi VVG 53/1991).

- Le contrôle exercé par les trois pouvoirs sur cette autorité administrative

a) Le pouvoir législatif :

La nature administrative de la FMA soumet cette dernière au contrôle du Parlement. La Cour des comptes et le procureur exercent en pratique ce contrôle.

La FMA doit remettre un rapport annuel au ministre des finances et au Parlement.

b) Le pouvoir exécutif :

Malgré le fait que la FMA soit une autorité administrative indépendante, le ministre des finances doit veiller à ce que la FMA respecte son champ de compétence et les obligations qui sont les siennes. Le ministre des finances peut demander à tout moment des renseignements à la FMA sur son travail.

c) Le pouvoir judiciaire :

Les décisions de la FMA peuvent faire l'objet d'un recours auprès des chambres administratives indépendantes dans un délai de 2 semaines. Les décisions de ces dernières pouvant, comme il l'a été vu précédemment, faire l'objet d'un pourvoi auprès de la Cour administrative ou de la Cour constitutionnelle.

d) La FMA doit également rédiger un bilan annuel soumis au contrôle d'un commissaire aux comptes indépendant. De ce fait la FMA est également soumise à un contrôle privé.

- Conditions de son indépendance financière

Les frais de fonctionnement de la FMA sont pris en charge par l'ensemble des acteurs des marchés financiers, la FMA leur facturant ses services. Ce mode de financement a vu sa constitutionnalité confirmée par une décision de la Cour constitutionnelle (n° 16.641/2002). Les frais de fonctionnement de la FMA sont limités par l'application d'un plan financier intégrant des critères d'économie, de rentabilité et d'efficacité économique.

BELGIQUE

par Mme Diane DÉOM, MM. Thomas BOMBOIS, Thibault CEDER,
Gautier PIJCKE, David RENDERS et Benoît GORS

du département de Droit public
de l'Université Catholique de Louvain

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I - Note liminaire

Les fiches qui suivent présentent, selon un modèle standardisé, une dizaine d'institutions de droit belge pouvant intéresser la recherche que vous menez.

Pour les sélectionner, nous nous sommes basés sur trois critères :

- il s'agit d'institutions relevant du pouvoir exécutif fédéral ou fédéré415(*) ;

- elles disposent de prérogatives de décision, mais sans caractère juridictionnel ;

- elles disposent d'une large indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.

Nous avons choisi de présenter principalement des institutions fédérales, dont les homologues régionaux ou communautaires sont mentionnés le cas échéant. Certaines institutions régionales ou communautaires sont cependant décrites, lorsqu'elles nous ont semblé intéressantes par leur originalité.

Nous avons donc écarté, après examen, un certain nombre d'institutions qui, malgré les apparences, ne pouvaient être assimilées à des autorités administratives indépendantes (v. la liste ci-après).

Dans l'un ou l'autre cas, nous avons choisi de présenter une institution dont la qualification est douteuse ; la fiche mentionne alors cette incertitude.

La législation belge peut être consultée, en version coordonnée, sur le site suivant :

http ://www.moniteur.be

dans lequel il y a lieu d'activer la rubrique « Législation consolidée ».

Institutions écartées après examen

Commission permanente de recours des réfugiés

Conseil de la concurrence

Il s'agit de juridictions administratives.

Commission pour le contrôle des dépenses électorales

Médiateur fédéral (et ses homologues régionaux)

Ces institutions sont rattachées au Parlement.

Autorité de régulation économique (en matière de transport aérien)

Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

Commission consultative des étrangers

Commission d'accès aux documents administratifs (et ses homologues régionaux),

Commission nationale permanente du pacte culturel

Commission royale des monuments, sites et fouilles pour la région wallonne

Institut wallon de l'évaluation, de la prospective et de la statistique

Ces organismes ne disposent que d'attributions consultatives.

Agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile

Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire

Commission du contrôle médical de l'institut national d'assurance maladie invalidité

Institut belge des services postaux et des télécommunications

Institut pour l'égalité des femmes et des hommes

Office de contrôle des mutualités

Ces organismes sont soumis au pouvoir hiérarchique ou au pouvoir de tutelle d'un Ministre.

II - Commissariat général aux refugiés et aux apatrides (C.G.R.A.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides est, depuis 1988, l'instance principale appelée à se prononcer sur les demandes d'asile en Belgique. Il est dirigé par un Commissaire général assisté de deux Commissaires adjoints. Ceux-ci travaillent en toute indépendance, sont tenus à l'impartialité et ne reçoivent d'instructions d'aucune instance.

Le C.G.R.A. a été créé par une loi du 14 juillet 1987 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (voy. articles 57/2 et suivants).

Le 24 juin 2005, le Conseil des ministres a approuvé un projet de réforme de la procédure d'asile, justifié notamment par l'arriéré important du Conseil d'État dans cette matière. Cette réforme vise à accélérer l'ensemble de la procédure d'asile.

Les nouvelles demandes d'asile devraient être examinées, sur la forme comme sur le fond, directement par le C.G.R.A. Un refus pourra donner lieu à une possibilité de recours devant un « Conseil de Contentieux des étrangers » (une juridiction indépendante). Le Conseil d'État n'aurait plus à connaître que de rares recours en second degré.

2. Missions

Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides est compétent pour reconnaître, refuser, retirer ou confirmer la qualité de réfugié ainsi que pour délivrer les documents visés à l'article 25 de la Convention de Genève et à l'article 25 de la Convention de New York.

La procédure d'asile se déroule, pour l'instant, devant trois instances : L'Office des étrangers (O.E.), le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (C.G.R.A.) et la Commission permanente de recours des réfugiés (C.P.R.R.).

L'Office des étrangers gère l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en général. Il enregistre la demande d'asile et examine, en première instance, sa recevabilité. L'Office des étrangers, qui compte plus de 1.500 membres du personnel, fait partie du Service public fédéral Intérieur.

S'il déclare la demande recevable, le C.G.R.A. procède à un examen au fond, sur base duquel il décide d'accorder ou de refuser le statut de réfugié. Si le C.G.R.A. se prononce pour un refus de reconnaissance, un recours est ouvert devant le C.P.R.R. (et uniquement devant lui, aucun recours n'est possible, à ce stade, devant le Conseil d'État). Ce recours peut aboutir soit à une confirmation de la décision du C.G.R.A. (dans ce cas un recours au Conseil d'État est possible), soit à la reconnaissance du statut de réfugié.

Le C.P.R.R. est donc une juridiction administrative.

Si l'Office des étrangers déclare la demande irrecevable, un recours urgent peut être introduit devant le C.G.R.A. En cas de confirmation de la décision, un recours au Conseil d'État est possible.

Le C.G.R.A. est par ailleurs la seule instance à pouvoir décider du retrait du statut de réfugié.

3. Composition

Le Commissariat est dirigé par le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, assisté de deux commissaires adjoints.

Ils sont nommés par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre. Ils sont nommés pour une période de 5 ans, renouvelable.

Ces fonctions sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat politique.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Comme on l'a lu, le Commissaire général et ses adjoints sont nommés par le Roi pour une durée déterminée. Le Roi fixe le statut administratif et pécuniaire du Commissaire général et de ses adjoints.

L'indépendance de l'institution est cependant consacrée expressément par la loi : aux termes de l'article 57/2 de la loi précitée, le Commissaire général ou ses adjoints prennent leurs décisions et émettent leurs avis.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

L'article 57/25 de la loi précise que « le Ministre (de l'Intérieur) met à la disposition du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (...) le personnel et les moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission », sans que des garanties précises soient prévues à cet égard.

En pratique, plus de 450 collaborateurs permettent de traiter efficacement l'afflux considérable de demandes. Ces services effectuent un examen complet de chaque demande et rédigent une proposition de décision motivée ; le Commissaire général ou l'un de ses adjoints prend ensuite la décision finale.

6. Indications pratiques

Le C.G.R.A. ne dispose pas d'un site Internet propre, mais des informations utiles peuvent être trouvées sur le portail fédéral belge : www.belgium.be

III - Commission bancaire, financière et des assurances (C.B.F.A.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission bancaire a été créée dès 1935, dans le cadre d'une restructuration générale du secteur bancaire décidée suite à la crise financière de 1929.

En 2002, le législateur a intégré l'Office de contrôle des assurances dans la Commission bancaire et financière, de sorte que la CBFA constitue actuellement l'autorité unique de contrôle du secteur financier (en ce compris les assurances) en Belgique. Actuellement, la CBFA est organisée par la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.

Aux termes de cette loi, la Commission est « un organisme autonome ayant la personnalité juridique ».

2. Missions

Les missions de la Commission sont très importantes et très vastes.

Il s'agit principalement :

- d'assurer le contrôle des établissements de crédit, des entreprises d'investissement, des organismes de placement collectif, des sociétés de gestion d'organismes de placement collectif, des conseillers en placement, et des bureaux de change ;

- d'assurer le contrôle des entreprises et des opérations d'assurances, ainsi que l'intermédiation en assurances et la distribution d'assurances ;

- d'assurer le contrôle des entreprises et des opérations de crédit hypothécaire ;

- d'assurer le contrôle du respect des dispositions de la loi relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celles-ci.

- ainsi que :

- de veiller au respect des règles visant la protection des intérêts de l'investisseur lors des transactions effectuées sur des instruments financiers et de veiller au bon fonctionnement, à l'intégrité et à la transparence des marchés d'instruments financiers ;

- de contribuer au respect des règles visant à protéger les épargnants et investisseurs contre l'offre ou la fourniture illicite de produits ou services financiers.

Dans ce cadre, la Commission dispose de prérogatives diverses, relevant de l'exercice de la puissance publique. On peut citer notamment :

- la capacité de réglementer « sur des points d'ordre technique », en complément des lois et arrêtés, dans tous les domaines relevant de ses compétences ; ces règlements doivent être approuvés par arrêté royal et ils peuvent être modifiés par arrêté royal.

- la capacité de prononcer des astreintes ou des amendes administratives, Ce pouvoir de sanction de la Commission est prévu dans diverses matières : marchés secondaires d'instruments financiers, publicité des participations dans les sociétés cotées, prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, statut et contrôle des établissements de crédits, marchés secondaires, statut et contrôle des entreprises d'investissements.

- des compétences d'autorisation et de retrait d'autorisation, par exemple pour l'agrément d'un établissement de crédit.

- un pouvoir d'injonction à l'égard des entreprises contrôlées ainsi que la possibilité d'adopter des mesures conservatoires telles que, par exemple, la nomination d'un commissaire spécial dans une société de bourse.

3. Composition

Les organes de la C.B.F.A. sont le conseil de surveillance, le comité de direction, le président et le secrétaire général.

Les missions du conseil de surveillance sont d'ordre général : discussion de la politique générale de l'institution, surveillance de son bon fonctionnement, propositions aux autorités publiques. Ses dix à douze membres sont, dans le respect de la parité linguistique, désignés comme suit. Sept à 9 membres sont nommés par le Roi, sur proposition conjointe du ministre des Finances et du ministre qui a l'Economie dans ses attributions, pour une durée renouvelable de six ans. Les trois autres membres sont nommés par le Roi parmi les régents de la Banque nationale de Belgique. Aucune condition de diplôme ou d'expertise n'est formellement prévue.

Le comité de direction fixe les orientations et les priorités générales en matière de politique de surveillance, et établit un plan d'action annuel en matière de contrôle. Il assure l'administration et la gestion de la C.B.F.A., nomme les membres du personnel, et dispose du pouvoir de gestion en général. Il arrête aussi (sur avis du conseil de surveillance) les règlements. Il fixe encore des circulaires, recommandations et lignes de conduite.

Le comité de direction, composé dans le respect de la parité linguistique, compte six membres. Trois parmi les membres du comité de direction de la Banque nationale ; les trois autres ne peuvent pas en faire partie. Tous sont désignés par le Roi, pour une durée renouvelable de six ans.

Des chambres spécialisées peuvent être constituées auprès du comité de direction, afin de remplir par délégation de ce dernier des tâches urgentes, des tâches d'exécution ou de gestion courante. Elles réunissent des membres du comité et des membres du personnel de la C.B.F.A. Certaines autres délégations peuvent être consenties à un ou des membres du comité.

Le président dirige la C.B.F.A. Il préside le comité de direction et le conseil de surveillance. Il est nommé par le Roi, sur proposition conjointe du ministre des Finances et du Ministre qui a l'Economie dans ses attributions, pour une durée renouvelable de six ans.

Le secrétaire général est chargé de l'organisation administrative générale et de la direction administrative des services. Le secrétaire général est nommé par le Roi pour une durée renouvelable de six ans.

Les membres des organes et les membres du personnel de la C.B.F.A. n'encourent aucune responsabilité civile en raison de leurs décisions, actes ou comportements dans l'exercice des missions légales de la C.B.F.A., sauf en cas de dol ou de faute lourde.

Certaines dispositions ont pour but d'assurer l'indépendance des membres de la Commission par rapport aux entreprises contrôlées. Au cours de leur mandat, le président et au moins la moitié des membres du comité de surveillance ne peuvent ni détenir une participation dans une entreprise soumise au contrôle permanent de la C.B.F.A., ni exercer une fonction ou un mandat que ce soit dans une entreprise soumise au contrôle permanent de la Commission ou dans une association professionnelle représentant les entreprises soumises à ce contrôle. Par ailleurs, le président, les membres du comité de direction et le secrétaire général ne peuvent exercer aucune fonction dans une société commerciale ou à forme commerciale ni dans un organisme public ayant une activité industrielle, commerciale ou financière, soit personnellement soit par l'intermédiaire d'une personne morale, et cela pendant leur mandat et, sauf dérogations, jusqu'à deux ans après la fin de celui-ci.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les autorités politiques interviennent, comme on vient de le voir, dans la désignation de tous les membres des organes de la C.B.F.A., qui sont tous nommés pour une durée déterminée (bien que renouvelable). Seules quelques causes d'incompatibilité sont prévues. L'indépendance de la C.B.F.A. à l'égard des autorités politiques n'est pas formellement énoncée par la loi, mais résulte surtout d'une forte tradition.

Les décisions de la C.B.F.A. ne sont soumises à aucune tutelle, si ce n'est dans quelques cas où une approbation ministérielle est prévue, comme par exemple pour les règlements.

Dans certains domaines, un recours était jadis ouvert auprès du Ministre, mais ce système a été supprimé récemment. Certaines décisions de la C.B.F.A. sont susceptibles d'un recours spécial auprès de la Cour d'appel de Bruxelles, d'autres relèvent de la compétence du Conseil d'État. Un recours administratif préalable doit être introduit auprès du comité de direction de la C.B.F.A.

Enfin, on notera que la C.B.F.A. publie chaque année un rapport sur ses activités et le transmet aux présidents de la Chambre des représentants et du Sénat.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

La C.B.F.A. peut recruter et occuper du personnel propre, dans les liens d'un contrat de travail. Des membres du personnel statutaire de certaines institutions financières peuvent également être détachés auprès de ses services.

Les frais de fonctionnement de la C.B.F.A. sont supportés par les entreprises soumises à son contrôle ou dont les opérations sont soumises à son contrôle, dans les limites et selon les modalités fixées par le Roi.

Sa comptabilité est tenue selon les méthodes du droit des entreprises, et contrôlée par des réviseurs d'entreprise. Fiscalement, elle est assimilée à l'État.

6. Indications pratiques

La Commission siège à Bruxelles. Son site Internet est le suivant : http//www.cbfa.be

IV - Commission de régulation de l'éléctricité et du gaz

Cette matière étant partiellement régionalisée, il existe également des régulateurs régionaux des marchés de l'énergie, qui sont les suivants :

- la Commission wallonne pour l'énergie (CWAPE) : décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité. Site Internet http :// www.cwape.be

- de Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt (VREG) : decreet van 30 april 2004 tot oprichting van het publiekrechtelijk vormgegeven extern verzelfstandigd agentschap Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt. Site Internet http ://www.vreg.be

- l'Institut Bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE-BIM) : arrêté royal du 8 mars 1989 créant l'Institut bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE) et ordonnance 27 avril 1995 portant modification de l'arrêté royal du 8 mars 1989 créant l'Institut bruxellois pour la Gestion de l'Environnement (IBGE). Site Internet http :// www.ibgebim.be

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission de régulation de l'électricité et du gaz (en abrégé C.E.R.G.) est instituée par deux lois fédérales : d'une part, la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, et, d'autre part, la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché du gaz et au statut fiscal des producteurs d'électricité. Le mécanisme des recours contre ses décisions a été modifié tout récemment, par les lois des 20 et 29 juillet 2005.

Cette Commission trouve son origine dans le mouvement européen d'ouverture de certains secteurs spécifiques à la concurrence, dont l'énergie constitue un exemple privilégié.

2. Missions

La C.R.E.G. possède deux rôles essentiels : une mission de conseil auprès des autorités publiques pour ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des marchés du gaz et de l'électricité, d'une part, une mission de surveillance et de contrôle de l'application des lois et règlements y relatifs, d'autre part.

Il est institué deux organes internes au sein de la C.R.E.G. chargés d'exercer concrètement ces deux attributions générales. Ces organes sont le Comité de direction et le Conseil général.

Le Comité de direction assure la gestion opérationnelle de la C.R.E.G. Il accomplit les actes nécessaires et utiles à l'exécution de sa double mission.

En application de la mission de conseil de la C.R.E.G., le Comité de direction donne des avis motivés et soumet des propositions dans les cas prévus par les lois relatives à l'électricité et au gaz, ou par leurs arrêtés d'exécution. Il peut également effectuer, de sa propre initiative ou à la demande du Ministre ou d'un Gouvernement de Région, des recherches et des études relatives aux marchés de l'électricité et du gaz.

Dans le cadre de la mission générale de surveillance et de contrôle de la C.R.E.G., le Comité de direction doit coopérer avec le service de la concurrence dans l'instruction des affaires introduites en vertu de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique. À cet effet, une Chambre de litiges et un service de conciliation et d'arbitrage ont été institués récemment au sein de la C.R.E.G. Le Comité de direction doit jouer un rôle organisateur à l'égard de ces nouvelles instances. Toutes ces instances ont pour tâche de préserver la concurrence. Cette tâche est claire pour le service de la concurrence : ce service est chargé spécifiquement et exclusivement de l'application du droit belge de la concurrence contenu dans la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence. La Chambre de litiges et le service de conciliation et d'arbitrage, quant à eux, collaborent à la préservation de la concurrence sur les marchés de l'électricité et du gaz.

La Chambre de litiges est une juridiction administrative qui tranche les différends de nature pré-contractuelle entre le gestionnaire et les utilisateurs de l'infrastructure de transport, relatifs à l'accès à cette infrastructure.

Le service de conciliation et d'arbitrage est un service créé par la loi, qui peut concilier ou trancher par voie de sentence arbitrale tout différend relatif à l'accès à l'infrastructure de transport, aux règles applicables à l'utilisation de cette infrastructure de transport (notamment le règlement technique du réseau de transport électrique et le code de bonne conduite applicable aux sociétés de transport de gaz) et aux tarifs applicables à l'utilisation du réseau de transport électrique. Les parties ne sont pas obligées de soumettre ces différends au service de conciliation et d'arbitrage ; elles peuvent également s'adresser aux tribunaux ordinaires.

Toujours dans le cadre de sa mission de surveillance, le Comité de direction doit :

- contrôler l'indépendance et l'impartialité de la gestion du réseau de transport d'électricité et la non discrimination dans l'accès des tiers au réseau de gaz ;

- contrôler le respect des conditions de certaines autorisations ;

- contrôler l'application du règlement technique pour la gestion du réseau de transport d'électricité et l'accès à celui-ci ;

- contrôler l'exécution du plan de développement par le Gestionnaire du Réseau de Transport (GRT) et la sécurité d'approvisionnement en gaz ;

- contrôler et évaluer l'exécution des obligations de service public imposées, en matière d'électricité, aux producteurs, intermédiaires et GRT, et en matière de gaz, aux titulaires d'une autorisation de transport ou de fourniture ;

- contrôler la comptabilité des entreprises du secteur de l'électricité et du gaz en vue notamment de vérifier le respect des dispositions légales relatives à la comptabilité et aux comptes annuels et l'absence de subsides croisés, en matière d'électricité, entre les activités de production, de transport et de distribution, en matière de gaz, entre les activités de transport, de distribution et de stockage de gaz naturel ;

- coopérer avec le Comité de Contrôle de l'Electricité et du Gaz, selon les modalités définies par le Roi, en vue de lui permettre de vérifier l'absence de subsides croisés entre catégories de clients ;

- approuver les principales conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz et en contrôler l'application par les entreprises de transport en ce qui concerne leurs réseaux respectifs ;

- contrôler et évaluer l'application par les entreprises de transport de gaz des dispositions légales quant aux refus valables d'accès à leur réseau de transport.

Par ailleurs, le Comité de direction :

- instruit, dans le domaine de l'électricité, les demandes d'autorisation pour la construction de nouvelles installations de production d'électricité et la construction de nouvelles lignes directes, et dans le domaine du gaz, les demandes de délivrance d'autorisations de transport et de fourniture ;

- établit et adapte le programme indicatif des moyens de production d'électricité et le plan indicatif d'approvisionnement en gaz naturel ;

- approuve annuellement les tarifs de raccordement au réseau de transport d'électricité et d'utilisation de celui-ci, ainsi que les tarifs des services auxiliaires qu'il fournit ;

- approuve annuellement les tarifs de raccordement et d'utilisation du réseau de transport de gaz que l'entreprise de transport exploite, ainsi que les tarifs des services auxiliaires qu'elle fournit et en contrôle l'application par les entreprises de transport en ce qui concerne leurs réseaux respectifs.

Le Conseil général supervise le Comité de direction en évaluant la manière dont il exécute ses tâches et en formulant des avis et recommandations à ce sujet au Ministre et au Comité de direction.

Il formule aussi un avis sur toute question qui lui est soumise par le Comité de direction. Il peut demander des études ou avis au Comité de direction. Il définit, d'initiative ou à la demande du Ministre, les orientations de l'application de la loi électricité et de la loi gaz et de leurs arrêtés d'exécution.

Enfin, le Conseil général est un forum de discussion sur les objectifs et les stratégies de la politique énergétique dans le secteur de l'électricité et du gaz.

Dans l'accomplissement des missions qui lui sont assignées, la C.R.E.G. peut requérir le gestionnaire du réseau et les gestionnaires des réseaux de distribution ainsi que les producteurs, distributeurs, fournisseurs et intermédiaires intervenant sur le marché belge de lui fournir toutes les informations nécessaires pour autant qu'elle motive sa demande. Elle peut également procéder à un contrôle de leurs comptes sur place.

La C.R.E.G. a en outre reçu d'autres « pouvoirs et droits »416(*) pour mener ses missions. Elle peut :

- obtenir des producteurs, distributeurs, intermédiaires et fournisseurs, tout renseignement, y compris des renseignements particuliers aux entreprises, sur les matières relevant de sa compétence et de sa mission ;

- obtenir de ceux-ci des rapports sur leurs activités ou certains aspects de celles-ci ;

- obtenir de ceux-ci des études sur tout sujet relatif à sa compétence tarifaire à l'égard des clients finals qui n'ont pas la qualité de client éligible.

Surtout, la C.R.E.G. peut donner des injonctions à toute personne physique ou morale établie en Belgique, en vue du respect des dispositions légales dont elle contrôle l'application. Si ces injonctions ne sont pas respectées, elle peut infliger des amendes administratives pouvant atteindre des montants très élevés (jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires annuel d'une entreprise).

3. Composition

Le Comité de direction est composé d'un président et de trois autres membres nommés par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres pour un terme renouvelable de six ans.

Le président et les membres du comité de direction sont choisis en raison de leurs compétences, notamment dans les matières relevant des directions qu'ils sont appelés à diriger417(*).

La composition du Conseil général est relativement complexe.

La loi du 29 avril 2003 fixe les principes généraux applicables à cette composition et charge le Roi de déterminer la composition et le fonctionnement du Conseil.

Le Conseil est composé de représentants du gouvernement fédéral, des organisations représentatives des travailleurs, des employeurs, des classes moyennes et des associations environnementales, et des producteurs, du gestionnaire du réseau, des

gestionnaires des réseaux de distribution, des intermédiaires, des fournisseurs et des consommateurs. Les gouvernements de région seront invités à déléguer des représentants418(*).

Les membres du Conseil sont en principe nommés par le Ministre - fédéral qui a l'énergie dans ses attributions - pour un terme renouvelable de trois ans. Néanmoins, la nomination de certains membres en fonction de leur origine ne pourra se faire, selon le cas, que sur proposition du Gouvernement régional concerné, ou qu'après délibération en Conseil des ministres ou encore que sur proposition des organisations représentatives concernées.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres de la C.R.E.G. sont nommés soit par le Roi, soit par le Ministre qui a l'énergie dans ses attributions pour un terme renouvelable, ce qui peut laisser penser que si la C.R.E.G. dispose d'une certaine indépendance par rapport aux pouvoirs publics, celle-ci n'est pas totale.

Le Gouvernement fédéral ne dispose pas d'un pouvoir de tutelle proprement dit. Toutefois, la loi du 20 juillet 2005 lui a conféré le pouvoir de suspendre certaines des décisions de la C.R.E.G., principalement en matière tarifaire. Cette suspension peut intervenir pour des motifs soit de violation de la loi, soit de lésion de l'intérêt général, soit encore de contrariété avec les lignes directrices de la politique énergétique du pays, en ce compris les objectifs du gouvernement relatifs à l'approvisionnement du pays en énergie. La C.R.E.G. est alors tenue de modifier sa décision initiale en se conformant aux motifs de l'arrêté qui l'a suspendue.

L'indépendance de la C.R.E.G. est donc, dans cette mesure, limitée.

Il faut également souligner que la loi du 29 avril 1999 dispose que dans le cadre de ses attributions, le service de médiation « ne reçoit d'instruction d'aucune autorité ».

Sur le plan du financement, on observe que certaines des interventions de la C.R.E.G. sont financées - directement - par des redevances419(*).

Chaque année, la C.R.E.G. doit établir un rapport qui est remis au Ministre compétent, qui le communique aux chambres législatives fédérales. Ce rapport porte sur trois points :

- l'exécution de ses missions ;

- l'état de ses frais de fonctionnement et de leur mode de couverture, y compris une situation actif/passif ;

- l'évolution du marché de l'électricité.

Enfin, on notera que les décisions par lesquelles la C.R.E.G. prononce des sanctions sont susceptibles d'un recours spécifique devant la Cour d'appel de Bruxelles ou le cas échéant devant le Conseil de la concurrence, qui est une juridiction administrative.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Les services de la Commission sont organisés en quatre directions, à savoir :

- une direction du contentieux du marché ;

- une direction du fonctionnement technique du marché ;

- une direction du contrôle des prix et des comptes ;

- une direction administrative, responsable notamment de la gestion administrative et financière de la commission, des études juridiques, de la documentation.

6. Indications pratiques

La C.R.E.G. est située rue de l'Industrie, 26-38, à 1040 Bruxelles
(Tel : + 32 2 289 76 11 ; Fax : + 32 2 289 76 09 ; Courriel : info@creg.be)

La C.R.E.G. dispose d'un site Internet : www.creg.be

V - Commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman a été créée par une loi ad hoc du 20 juillet 2004. À la même date, un arrêté royal est adopté déterminant les jetons de présence promérités par les membres de cette Commission.

À la suite d'importantes dissensions au sein des organes représentatifs du culte islamique auprès des autorités publiques, le législateur fédéral a en effet estimé nécessaire d'anticiper le renouvellement intégral de l'assemblée générale et de l'Exécutif des musulmans de Belgique.

Dans la lignée de la politique suivie jusqu'alors, l'autorité publique institue une commission temporaire chargée de garantir le bon déroulement des élections au sein de la communauté musulmane. Cette Commission est dissoute de plein droit dès que l'arrêté royal portant reconnaissance des membres du nouvel Exécutif des Musulmans de Belgique est publié au Moniteur belge.

2. Missions

La Commission est chargée des missions suivantes :

1° prendre toutes les mesures nécessaires pour l'organisation des élections générales ;

2° veiller à la régularité des opérations électorales ;

3° organiser une médiation en ce qui concerne les litiges qui pourraient se présenter au cours des opérations électorales et en particulier :

a) sur les déclarations à effectuer par les électeurs et par les candidats ;

b) sur la preuve d'inscription sur la liste soit des candidats soit celle des électeurs ;

c) sur les conditions à respecter par les candidats ;

4° approuver la désignation des présidents et des assesseurs des bureaux de vote ;

5° prendre les mesures nécessaires afin de composer une délégation d'observateurs le jour des élections.

La Commission rédige également un rapport final après la clôture des opérations électorales. Ce rapport final est remis au ministre de la Justice. Une copie de ce rapport est communiquée à l'Exécutif des Musulmans de Belgique.

3. Composition

La Commission est composée de deux magistrats honoraires ou émérites et relevant d'un rôle linguistique différent, désignés par le ministre de la Justice ; de deux membres de la communauté musulmane de Belgique, l'un s'exprimant en français, l'autre en néerlandais, n'étant pas candidat pour le renouvellement des organes représentatifs de la communauté musulmane, désignés par le Ministre de la Justice ainsi que d'un expert ayant des connaissances approfondies de la législation électorale et du contentieux en matière d'opérations électorales, désigné par le ministre de l'Intérieur.

Les magistrats et les deux membres de la communauté musulmane ont une voix délibérative. L'expert n'a qu'une voix consultative.

La présidence de la Commission est assurée par le magistrat le plus âgé, l'autre magistrat ayant la qualité de vice-président.

La Commission ne peut délibérer que si au moins trois de ses membres avec voix délibérative sont présents. Elle décide à la majorité absolue. Un membre a le droit de faire acter dans le procès-verbal de la réunion, son opinion divergente.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Selon les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2004, un recours en annulation des décisions adoptées par la commission est ouvert devant le Conseil d'État. En revanche, aucun contrôle hiérarchique ni de tutelle n'est exercé par le Gouvernement fédéral sur l'activité de la commission.

Cependant, toute réunion de la Commission fait l'objet d'un procès-verbal dont copie est adressée au Ministre de la Justice et à l'Exécutif des Musulmans de Belgique.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Toutes les dépenses nécessaires à l'organisation des élections générales ainsi que les jetons de présence et les frais de déplacement fixés par le Roi et accordés aux membres de la Commission sont imputés sur le budget du Service public Fédéral Justice, à concurrence d'un montant de 300.000 euro.

6. Indications pratiques

La Commission a son siège dans les locaux occupés par la Commission de la protection de la vie privée.

VI - Commission des jeux de hasard (C.J.H.)

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission des jeux de hasard a été créée en 1999, dans le contexte d'une rationalisation de tout le secteur des casinos, salles de jeux, et débits de boissons proposant des jeux de hasard. Cette réforme a remplacé les dispositions, devenues obsolètes, d'une loi de 1902. On peut citer à titre d'exemple la situation des casinos, théoriquement interdits mais dont la présence était tolérée.

La loi du 7 mai 1999 maintient le principe de l'interdiction des jeux de hasard, mais organise la délivrance de licences qui permettent de lever cette interdiction.

La Commission est régie par cette loi du 7 mai 1999. Aux termes de cette loi, la Commission est instituée auprès du Ministère de la Justice et constitue « un organisme d'avis, de décision et de contrôle en matière de jeux de hasard ». Elle n'est pas dotée de la personnalité juridique.

2. Missions

Outre des attributions consultatives, la C.J.H. a principalement pour tâche de contrôler l'application de la loi sur les jeux de hasard et de ses arrêtés d'exécution. Elle reçoit les plaintes qui lui sont adressées à ce sujet et exerce une mission de surveillance au regard des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que contre la fraude fiscale.

Dans ce cadre, la Commission dispose de certaines prérogatives relevant de l'exercice de la puissance publique :

- elle octroie les licences d'exploitation nécessaires à l'exercice des activités économiques relevant de ce secteur,

- elle peut prononcer des avertissements, suspendre ou retirer la licence d'exploitation, et le cas échéant interdire provisoirement ou définitivement l'exploitation d'un ou de plusieurs jeux de hasard.

Elle peut charger un ou plusieurs de ses membres ainsi qu'un ou plusieurs des membres de son secrétariat, de procéder à une enquête sur place. Certaines de ces personnes ont la qualité d'officier de police judiciaire et disposent de prérogatives de type policier (droit de pénétrer dans des lieux privés ; de procéder à des auditions et constatations ; de saisir des documents et objets). Elles peuvent aussi établir des procès-verbaux d'infraction qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

3. Composition

La commission comprend 13 membres, dont un magistrat qui en assume la présidence, et un même nombre de membres suppléants. Ces membres sont nommés par le Roi et doivent représenter les Ministres de la Justice, des Finances, des Affaires économiques, de l'Intérieur, de la Santé publique ainsi que le Ministre responsable de la Loterie nationale.

Le président et son suppléant sont nommés par le Roi parmi les magistrats en fonction. Le président exerce ses fonctions à temps plein.

Les membres de la Commission et leurs suppléants sont nommés pour une durée de trois ans, renouvelable une seule fois pour une période de trois ans. Trois ans au plus tôt après la fin de leur mission, les membres et leurs suppléants peuvent poser à nouveau leur candidature à la fonction qu'ils ont exercée. Ils peuvent être nommés une nouvelle fois pour une durée non renouvelable de cinq ans. Bien qu'ils siègent en tant que représentants d'un Ministre, les membres de la Commission ne doivent pas avoir la qualité d'agents de l'État ni répondre à des conditions précises de compétence ou de diplôme.

Certaines dispositions ont pour but d'assurer l'indépendance des membres de la Commission par rapport aux entreprises contrôlées. Ils ne peuvent être nommés que s'ils n'ont pas exercé de fonctions dans un établissement de jeux de hasard et n'ont aucun intérêt personnel, direct ou indirect dans l'exploitation d'un tel établissement. Cette interdiction persiste dans les cinq années qui suivent la fin de leur mandat.

La commission rencontre au moins une fois par an, au sein d'un comité de concertation, les représentants des exploitants, ainsi que les représentants des travailleurs des exploitants.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres de la Commission sont nommés par le Roi (le gouvernement), ce qui implique une certaine politisation de sa composition. La loi prévoit simplement l'incompatibilité entre la qualité de membre et tout mandat électif. Le législateur n'a nullement consacré l'idée d'une indépendance particulière des membres de la Commission, qui (hormis le président) siègent du reste en tant que représentants d'un Ministre.

C'est pourquoi il n'est pas certain que la Commission réponde pleinement à la qualification d'autorité administrative indépendante.

Constatons toutefois que les décisions de la C.J.H. ne sont soumises à aucune tutelle et ne font l'objet d'aucun recours administratif, de sorte qu'elles sont directement susceptibles de recours devant le Conseil d'État.

La Commission est tenue de faire chaque année rapport de ses activités aux Chambres législatives et aux ministres de l'Economie, de l'Intérieur, des Finances, de la Justice et de la Santé publique.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Les membres de la Commission sont rémunérés par des jetons de présence (le président percevant son traitement de magistrat). La Commission est par ailleurs assistée par un secrétariat composé de fonctionnaires du ministère de la Justice.

Tous les frais inhérents à l'existence de la Commission et de son secrétariat sont mis entièrement à la charge des titulaires de licences, qui doivent s'acquitter à cette fin de rétributions spécifiques, versées à un fonds ouvert au sein du budget du Ministère de la Justice.

6. Indications pratiques

La Commission siège à Bruxelles.

Son site Internet est le suivant : http ://www.GAMINGCOMMISSION.fgov.be

On y trouve notamment les rapports d'activités annuels de la Commission, qui sont très détaillés.

VII - Commission permanente de contrôle linguistique

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission permanente de contrôle linguistique (C.P.C.L.), anciennement dénommée « Commission de contrôle », a été créée par la loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative. Son organisation est déterminée par l'arrêté royal du 4 août 1969 fixant le statut du président et des membres de la Commission permanente de contrôle linguistique et organisant le fonctionnement de celle-ci. Elle dispose de la personnalité juridique.

La C.P.C.L. joue un rôle important d'arbitre, de gendarme et de conseil dans le contentieux linguistique belge.

En effet, il existe en Belgique trois langues nationales (le néerlandais, le français et l'allemand) et quatre régions linguistiques (la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-Capitale et la région de langue allemande). Les modalités de communication entre le citoyen et l'autorité publique font l'objet de prescriptions légales spécifiques, contenues pour la plupart dans les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966.

C'est principalement au respect de cette réglementation que la C.P.C.L. est tenue de veiller.

2. Missions

La C.P.C.L. dispose de multiples attributions, dont seules quelques-unes constituent de véritables pouvoirs de décision.

Elle est compétente pour ouvrir des enquêtes sur toutes les violations de la législation sur l'emploi des langues dans les services publics du Royaume, des communautés et des régions, des provinces et des communes et dans tous les organismes qui en dépendent. Dans ce cadre, elle dispose du pouvoir d'entendre toutes les personnes intéressées, de se faire communiquer tous les documents nécessaires et de procéder à des constatations sur les lieux.

La C.P.C.L. est également compétente pour recevoir les plaintes des particuliers quant à l'application de la réglementation linguistique. Elle y répond par des avis qui ne lient ni l'autorité ni le plaignant mais qui, parce qu'ils font preuve d'objectivité, jouissent d'une grande autorité morale420(*). Le cas échéant, la C.P.C.L. peut joindre à son avis une mise en demeure à l'attention de l'autorité concernée, invitant celle-ci, dans un délai fixé par la Commission, soit à constater la nullité de l'acte posé, soit à prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer le respect de la réglementation linguistique. Si l'autorité concernée ne s'est pas conformée, dans le délai fixé par la Commission, à la mise en demeure, la C.P.C.L. peut prendre en lieu et place de l'autorité défaillante toutes les mesures nécessaires afin d'assurer le respect de la réglementation précitée et récupérer les frais des mesures qu'elle a prises auprès de l'autorité concernée. Elle exerce ainsi une sorte de tutelle de substitution sur les autorités concernées.

Elle dispose par ailleurs d'une compétence consultative sur toutes les affaires d'ordre général qui concernent l'application de la législation linguistique (par exemple, la fixation des cadres linguistiques). Dans certains cas, la consultation de la C.P.C.L. est obligatoire.

La C.P.C.L. est également habilitée à déférer aux autorités ou juridictions compétentes tous actes, règlements et documents administratifs, nominations, promotions et désignations qui auraient été faits en violation de la réglementation linguistique. Elle dispose ainsi d'une capacité spécifique pour agir en justice.

Elle exerce enfin un contrôle sur les examens linguistiques organisés dans la fonction publique.

3. Composition

La C.P.C.L. est composée de 11 membres nommés par le Roi, pour une période de quatre ans, parmi les candidats présentés par les assemblées délibérantes des Communautés (5 du coté francophone, 5 du coté néerlandophone et 1 du côté germanophone).

Le Roi fixe le statut de la commission et celui de son président.

La Commission est assistée par des agents de 1'État, mis à sa disposition par le gouvernement.

4. Contrôle des pouvoirs publics

La C.P.C.L., organisme ad hoc créé auprès du Ministère de 1'Intérieur dont il dépend financièrement, n'est pas soumis à la tutelle de ce dernier.

Ses membres, désignés par le Gouvernement sur présentation des assemblées, ne jouissent toutefois pas de l'indépendance propre aux juridictions. Tout au plus est-il prévu que la qualité de membre de la C.P.C.L. est incompatible avec 1'exercice de tout mandat politique.

La C.P.C.L. dresse annuellement un rapport d'activités détaillé qu'elle est tenue de transmettre à la Chambre des Représentants.

5. Indications pratiques

La C.P.C.L. est située 47, rue Royale à 1000 Bruxelles
(Tél. : 0032-2 500 21 11 - Fax : 0032-2 500 27 20).

Référence bibliographique : F. Gosselin, L'emploi des langues en matière administrative, Bruxelles, Kluwer, 2003.

6. Varia

En raison de la sensibilité particulière qui affecte la matière linguistique en Belgique, la loi a ouvert à la C.P.C.L. un délai exceptionnel de cinq ans pour faire constater la nullité d'actes administratifs établis en méconnaissance des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative (Voy. M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 458).

VIII - Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels

NB. La nature de cette institution est douteuse, car elle peut être considérée comme une juridiction administrative.

1. Fondement législatif, date et contexte de création

La Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux sauveteurs occasionnels est instituée par l'article 30, § 1er, de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres. Selon les travaux préparatoires de cette loi, l'intervention forfaitaire et subsidiaire de l'État dans le dommage subi par ceux qui ont éprouvé de graves atteintes au corps ou à la santé à la suite d'un tel acte de violence trouve son fondement dans un principe de solidarité collective entre les membres d'une même nation.

Un fonds spécial est créé et alimenté par les contributions versées, à titre de peine accessoire, par les condamnés à une peine criminelle ou correctionnelle. Depuis la loi du 19 décembre 2003, la contribution est fixée de manière forfaitaire à dix euro, tout en étant soumise à l'augmentation prévue par la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales. Une telle somme peut encore être modifiée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

La loi du 1er août 1985 est exécutée par l'arrêté royal du 18 décembre 1986 relatif à la Commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence alors que le règlement d'ordre intérieur de la Commission a été approuvé par un arrêté royal du 11 septembre 1987.

2. Missions

En vertu de l'article 30, § 1er, de la loi du 1er août 1985, la Commission a pour mission de statuer sur les demandes d'octroi d'une aide d'urgence (1), d'une aide financière (2) ou d'un complément d'aide (3).

1) La commission peut tout d'abord octroyer une aide d'urgence lorsque tout retard dans l'octroi de l'aide pourrait causer au requérant un préjudice important, vu sa situation financière. L'aide d'urgence peut être demandée dès la survenance de l'explosion ou de l'acte de sauvetage et, pour les victimes d'actes intentionnels de violence, dès après la constitution de partie civile ou l'introduction d'une plainte.

2) La Commission peut octroyer une aide financière aux personnes qui subissent un préjudice physique ou psychique important résultant directement d'un acte intentionnel de violence ou à certains de leurs proches ainsi qu'à ceux qui portent volontairement secours à des victimes en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle liée au domaine de la sécurité et en dehors de toute participation à une association quelconque structurée en vue de porter assistance et secours à des tiers, et qui sont dénommés « sauveteurs occasionnels ».

L'aide est accordée aux victimes ou à leurs proches sous certaines conditions. L'acte de violence doit, en principe, avoir été commis en Belgique. À ce moment, la victime doit de surcroît être de nationalité belge ou résider régulièrement en Belgique. Une décision judiciaire définitive sur l'action publique doit également être intervenue et le requérant doit avoir tenté d'obtenir réparation de son préjudice. La demande doit être introduite dans un délai de trois ans et il faut démontrer que la réparation du préjudice ne peut pas être assurée de façon effective et suffisante par l'auteur ou le civilement responsable, par un régime de sécurité sociale ou par une assurance privée, ou de toute autre manière.

L'aide financière est octroyée aux sauveteurs occasionnels qui répondent aux conditions suivantes :

1° être intervenu sur le territoire de la Belgique ;

2° avoir subi un préjudice soit en se portant volontairement au secours d'une victime d'un acte intentionnel de violence ou de l'explosion d'un engin de guerre ou d'un engin piégé soit en accomplissant un acte de sauvetage de personnes dont la vie était en danger ;

3° avoir introduit une demande d'aide dans un délai de trois ans à dater de l'un des actes ou de l'explosion visé au 2° ;

4° ne pas pouvoir obtenir réparation du préjudice de façon effective et suffisante par la personne civilement responsable, par un régime de sécurité sociale, par une assurance privée ou de toute autre manière.

La Commission peut procéder ou faire procéder à toutes investigations utiles qui sont destinées à vérifier la situation financière du requérant (le cas échéant) et de l'auteur de l'acte intentionnel de violence. Elle peut requérir de toute autorité des renseignements sur leur situation professionnelle, financière, sociale et fiscale, sans que puisse lui être opposée son obligation de garder le secret. Elle peut demander aux services de police de procéder à une enquête financière, moyennant l'autorisation du procureur général ou de l'auditeur général. La Commission peut se faire communiquer le dossier répressif ou une copie de celui-ci, moyennant l'autorisation du procureur général ou de l'auditeur général. La Commission peut charger l'office médico-légal de procéder ou de faire procéder à une expertise en vue de constater et de décrire les lésions encourues par la victime. Elle peut éventuellement désigner d'autres experts et entendre des témoins. Le résultat des mesures d'instruction est exclusivement destiné à l'examen de la demande et reste couvert par le secret professionnel.

La Commission statue par décision motivée. Le requérant est entendu par la commission s'il en fait la demande par écrit ou si elle l'estime nécessaire. Il peut à cet effet se faire assister ou représenter par son avocat. Il peut également se faire assister par le délégué d'un organisme public ou d'une association agréée à cette fin par le Roi. Le Ministre de la Justice ou son délégué peut rendre un avis écrit relatif au respect de la loi. Les décisions de la commission sont exécutoires de plein droit.

Le montant de l'aide est fixé en équité. La Commission peut notamment prendre en considération le comportement du requérant lorsque celui-ci a contribué directement ou indirectement à la réalisation du dommage ou à son aggravation ou la relation entre le requérant et l'auteur. L'aide est octroyée par cas et par requérant pour un dommage excédant 500 euro et est limitée à un montant de 62.000 euro. L'aide peut également être octroyée lorsqu'aucune décision judiciaire définitive sur les intérêts civils n'est intervenue. Dans ce cas, la Commission évalue elle-même le dommage qu'elle prend en considération. Cette évaluation ne lie pas les cours et tribunaux.

L'aide octroyée par la Commission est directement versée au requérant par le Ministre de la Justice, en tenant compte des moyens dont dispose le Fonds.

3) La Commission peut enfin octroyer un complément d'aide lorsqu'après l'octroi de l'aide, le dommage s'est manifestement aggravé.

3. Composition

La Commission est divisée en six chambres.

Le président et les vice-présidents de la commission sont des magistrats de l'ordre judiciaire. Le nombre de vice-présidents est égal au nombre de chambres moins un. La Commission comprend en outre autant d'avocats ou avocats honoraires et de fonctionnaires ou fonctionnaires retraités de niveau 1 qu'il y a de chambres. Selon l'arrêté royal du 18 décembre 1986, peuvent également être membres de la Commission les personnes qui jouissent des droits civils et politiques, disposent d'un diplôme universitaire ou d'un diplôme équivalent, et possèdent au moins 5 ans d'expérience professionnelle utile en matière d'estimation ou d'évaluation du préjudice physique ou psychique important résultant d'infractions.

La moitié des membres appartient au rôle linguistique français, l'autre moitié au rôle linguistique néerlandais. Le président, les vice-présidents et chaque membre ont un suppléant.

Le président, les vice-présidents, les membres et leurs suppléants sont désignés par le Roi. La moitié des fonctionnaires est désignée sur proposition du Ministre des Finances, l'autre moitié sur proposition du ministre qui a la Santé publique dans ses attributions.

Le mandat du président, des vice-présidents, des membres et de leurs suppléants a une durée de six ans, sans que le titulaire de ce mandat puisse dépasser l'âge de 70 ans. Le mandat est renouvelable.

La Commission est assistée par un secrétaire et au moins autant de secrétaires adjoints moins un et autant de secrétaires suppléants qu'il y a de chambres ; l'effectif du secrétariat de la Commission ne peut être inférieur à quatorze personnes. Ils sont désignés par le Ministre de la Justice. La moitié appartient au rôle linguistique français, l'autre moitié au rôle linguistique néerlandais.

Chaque chambre est présidée par le président ou un vice-président, ou par leur suppléant.

Les chambres statuent sur les demandes d'aide financière et sur les demandes de complément d'aide. Les présidents des chambres siègent seuls en matière de demandes d'aide d'urgence, en matière de demandes manifestement irrecevables ou manifestement non fondées, ou lorsqu'ils décrètent le désistement de l'instance ou raient l'affaire du rôle.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les autorités politiques interviennent, comme on vient de le voir, dans la désignation des membres de la Commission, qui sont tous nommés pour une durée déterminée (bien que renouvelable).

Quant aux décisions de la commission, l'article 34 quater de la loi du 1er août 1985 prévoit qu'un recours en annulation devant le Conseil d'État contre une décision de la commission est ouvert au requérant et au Ministre de la Justice, conformément à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'État. Il semble qu'il s'agisse de la seule voie de réformation prévue à l'encontre des décisions rendues par la commission.

En cas d'annulation par le Conseil d'État, la cause est renvoyée devant une chambre de la commission autrement composée. La chambre saisie sur le renvoi se conforme à l'arrêt du Conseil d'État sur les points de droit jugés par celui-ci.

Selon la qualification que l'on donne à la Commission, ce recours peut être qualifié soit de recours en annulation contre un acte d'une autorité administrative, soit comme recours en cassation administrative contre une décision juridictionnelle. La seconde interprétation est plus souvent soutenue.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Le président, le vice-président et les membres de la commission ont droit à des jetons de présence et bénéficient des indemnités de parcours et de séjour.

Les frais de fonctionnement de la Commission sont à charge du budget du Service fédéral Justice.

6. Indications pratiques

La Commission a son siège au Service public fédéral Justice.

Références :

Voy. le rapport de la Cour des comptes de Belgique sur l'aide financière de l'État aux victimes d'actes intentionnels de violence, septembre 2000.

IX - Commission royale des monuments et des sites de la région de Bruxelles-capitale

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Code bruxellois d'Aménagement du Territoire du 9 avril 2004.

L'aménagement du territoire est une matière qui ressortit à la compétence des Régions, en Belgique.

Dans le cadre de l'exercice de cette compétence, la Région de Bruxelles-Capitale, a, depuis 1993, institué une Commission, la Commission Royale des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale. Contrairement à son homologue wallonne, elle dispose d'attributions qui vont au-delà de la simple consultation (v. ci-dessous).

Ces institutions ont pris le relais de la prestigieuse Commission royale des monuments et des sites qui avait été créée dès 1835 par le Roi Léopold II et qui a subsisté jusqu'à la régionalisation de la matière.

2. Missions

Aux termes de l'article 11 du Code bruxellois d'Aménagement du Territoire, la Commission Royale des Monuments et des Sites de la Région de Bruxelles-Capitale est chargée de donner les avis requis par ce Code ou en vertu de celui-ci.

La Commission peut aussi donner un avis au Gouvernement, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative, sur toute question se rapportant à un bien relevant du patrimoine.

La Commission peut, enfin, adresser des recommandations de politique générale sur la problématique de la conservation du patrimoine.

Dans l'exercice des compétences d'avis et de recommandations qui lui sont confiées, la Commission royale des monuments et des sites assure la conservation des biens relevant du patrimoine inscrits sur la liste de sauvegarde ou classés, et veille à leur réaffectation en cas d'inexploitation ou d'inoccupation.

Parmi les avis qui doivent être rendus par la Commission, certains sont des « avis conformes ». Dans ces cas, l'autorité administrative qui est investie du pouvoir de décision, principalement quant au traitement des demandes de permis d'urbanisme, ne peut exercer ce pouvoir que de l'accord de la Commission.

Ces avis conformes sont principalement formulés dans le cadre de l'instruction de demandes de permis relatifs à des actes et travaux portant sur un bien inscrit sur la liste de sauvegarde ou classés.

Ces actes et travaux ne peuvent ainsi être autorisés, par le fonctionnaire-délégué de la Région de Bruxelles-Capitale, que de l'avis conforme de la Commission, en vertu de l'article 177, § 2, 4, du Code bruxellois de l'Aménagement du Territoire.

3. Composition

Aux termes de l'article 11, § 2, du Code bruxellois d'aménagement du territoire, la Commission royale des monuments et des sites se compose de 18 membres, nommés par le Gouvernement de la Région.

Douze membres sont choisis sur la base d'une liste double présentée par le Parlement régional et six autres sont choisis sur présentation de la Commission elle-même.

Les membres de la Commission émanent de l'ensemble des milieux concernés par la conservation du patrimoine, y compris les associations.

Chacune des disciplines suivantes est représentée : patrimoine naturel, archéologie, recherches historiques, patrimoine architectural, techniques de restauration. Par ailleurs, la Commission comporte au moins un licencié ou docteur en archéologie et histoire de l'art, un licencié ou docteur en histoire et un architecte.

Les membres sont nommés pour un mandat renouvelable de 6 ans.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Compte tenu de ce que les membres de la Commission sont nommés par le Gouvernement de la Région, pour un mandat limité dans le temps, un certain contrôle est exercé par les pouvoirs publics. Ce constat pourrait rendre discutable le caractère « indépendant » de la Commission.

Les avis de la Commission ne sont, par ailleurs, pas susceptibles de recours administratifs et ne sont sujets à des contrôles juridictionnels qu'au travers des actes administratifs unilatéraux qui, s'appuyant sur ces avis, sont adoptés par l'autorité administrative investie du pouvoir de décision.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Des fonctionnaires de l'administration régionale assurent le secrétariat de la Commission royale et son fonctionnement interne.

6. Indications pratiques

Site Internet : http ://www.monuments.irisnet.be

X - Conseil supérieur de l'audiovisuel

L'homologue de cette institution pour la Communauté flamande est le « Vlaams Commissariaat voor de Media » fondé par le décret flamand du 17 décembre 1997.

1. Fondement législatif, date et contexte de création

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel de la Communauté française (en abrégé C.S.A.) est institué par le décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion.

Aux termes de l'article 130 de ce décret, le C.S.A. est une autorité administrative indépendante jouissant de la personnalité juridique et chargée de la régulation du secteur de la radiodiffusion en Communauté française. À ce titre, il est fait interdiction au C.S.A. d'exercer toutes activités commerciales.

2. Missions

Le C.S.A. se voit attribuer par le décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion de multiples attributions. En réalité, le C.S.A. se compose de plusieurs organes qui se voient confier des missions spécifiques.

Les deux principaux organes du C.S.A. sont le Collège d'avis et le Collège d'autorisation et de contrôle.

Le Collège d'avis a pour mission principale de rendre, d'initiative ou à la demande du Gouvernement ou du Parlement de la Communauté française, des avis sur toute question relative à l'audiovisuel, en ce compris la communication publicitaire (à l'exception des questions relevant de la compétence du Collège d'autorisation et de contrôle).

Il est en outre chargé de se prononcer sur :

- les modifications décrétales et réglementaires que lui paraît appeler l'évolution technologique, économique, sociale, culturelle des activités du secteur de l'audiovisuel, ainsi que du droit européen et international ;

- le respect des règles démocratiques garanties par la Constitution ;

- la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions.

Il doit également rédiger et tenir à jour des règlements portant sur la communication publicitaire, sur le respect de la dignité humaine, sur la protection des mineurs et sur l'information politique en périodes électorales.

Le Collège d'autorisation et de contrôle exerce deux types de compétence : l'une d'autorisation, l'autre de contrôle. Ce dernier pouvoir est assorti de celui de sanctionner l'éditeur de services, le distributeur de services ou l'opérateur de réseau en cas de manquement à ses obligations légales ou conventionnelles.

Il est donc chargé :

- d'autoriser l'activité des éditeurs de services - sauf la chaîne publique (R.T.B.F.) et les télévisions locales - ainsi que l'usage de radiofréquences421(*) ;

- de rendre un avis préalable à l'autorisation par le Gouvernement de la Communauté française de Belgique de télévisions locales, ainsi que des avis sur tout projet de convention à conclure entre le Gouvernement et un éditeur de services ;

- de rendre, au moins une fois par an, un avis sur la réalisation des obligations découlant du contrat de gestion de la R.T.B.F. et des obligations des télévisions locales, ainsi que des obligations découlant des conventions conclues entre Gouvernement et éditeurs de services bénéficiant d'un droit de distribution obligatoire ;

- de faire des recommandations de portée générale ou particulière ;

- de constater toute infraction aux lois, décrets et règlements en matière d'audiovisuel et toute violation d'obligation conventionnelle ;

- de déterminer les marchés pertinents et les opérateurs de réseau puissants sur le marché et leurs obligations ;

- en cas d'infraction, de prononcer une sanction administrative allant de l'avertissement au retrait de l'autorisation.

Les autres organes du C.S.A. sont le Bureau et les services, au sein desquels une place spécifique doit être réservée au Secrétariat d'instruction.

Le Bureau a le pouvoir d'accomplir, de façon autonome, tous les actes nécessaires ou utiles à l'exercice des compétences du C.S.A. et à son administration. Il le représente en justice et à l'égard des tiers, peut contracter en son nom et en recrute le personnel, auquel il délègue certaines de ses attributions (gestion, préparation des travaux des Collèges, exécution des décisions, ...).

Le Bureau coordonne et organise les travaux du C.S.A., veille à la conformité des avis au droit interne et européen ou international et résout les conflits de toute nature qui apparaissent entre les Collèges.

Le Secrétariat d'instruction, reçoit les plaintes ou les remarques du public concernant les programmes de radio ou de télévision : atteintes à la dignité humaine, violence gratuite, protection des mineurs, application de la signalétique, durée de la publicité, ...). Il instruit toutes les plaintes qui lui sont adressées puis les soumet au Collège d'autorisation et de contrôle, qui peut constater l'infraction et, le cas échéant, la sanctionner. En vue d'assurer les missions qui lui sont confiées, le secrétariat d'instruction peut recueillir tant auprès de personnes physiques que de personnes morales toutes les informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations imposées aux titulaires d'autorisation; il peut également procéder à des enquêtes.

3. Composition

Le Bureau est composé du président et de trois vice-présidents, désignés par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de cinq ans, renouvelable. Les membres du Bureau font d'office partie des deux collèges.

Outre les membres du Bureau, le Collège d'autorisation et de contrôle est composé de six membres, dont trois sont désignés par le Conseil de la Communauté française et trois par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de quatre ans, renouvelable.

Ces membres sont choisis parmi des personnes reconnues pour leurs compétences dans les domaines du droit, de l'audiovisuel ou de la communication, mais qui ne peuvent y exercer une fonction de nature à créer un conflit d'intérêt personnel ou fonctionnel.

Outre les membres du Bureau, le Collège d'avis est composé de 30 membres (ayant chacun un suppléant) désignés par le Gouvernement. Leur mandat est d'une durée de quatre ans, renouvelable.

Ces membres et leur suppléant sont des professionnels issus des différents secteurs de l'audiovisuel (éditeurs et distributeurs de services de radio et de télévision, opérateurs de réseaux, cinéma, sociétés d'auteurs, producteurs, régies publicitaires, annonceurs, associations de consommateurs, sociétés de presse, journalistes, ...).

Assistent aux travaux avec voix consultative deux délégués du Gouvernement, le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française ou son représentant, trois délégués du Conseil d'éducation aux médias, ainsi que les président et vice-présidents sortants.

Les membres du Bureau, du Collège d'autorisation et de contrôle et du personnel du C.S.A. sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilités422(*).

Les compositions du Bureau et des deux Collèges garantissent la représentation des différentes tendances idéologiques et philosophiques.

4. Contrôle des pouvoirs publics

Les membres du C.S.A. sont nommés par le Gouvernement de la Communauté française.

En outre, un certain contrôle des pouvoirs publics peut être identifié par le biais des participations consultatives aux organes du C.S.A. :

- le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française assiste aux travaux du Collège d'autorisation et de contrôle avec voix consultative;

- le Secrétaire général du Ministère de la Communauté française ou son représentant, ainsi que deux délégués du gouvernement assistent aux travaux du Collège d'avis avec voix consultative.

De manière plus générale, le C.S.A. subit une forme de contrôle particulière de la part du Gouvernement de la Communauté française. Il existe en effet un commissaire du Gouvernement auprès du C.S.A. Ce commissaire veille à la bonne gestion administrative et financière du C.S.A. Néanmoins, il n'assiste qu'aux seules réunions du bureau du C.S.A.

En outre, le Commissaire ne peut exercer un recours auprès du Gouvernement qu'à l'encontre des décisions relatives à la gestion administrative et financière et au fonctionnement du C.S.A., qu'il estime être contraires aux normes de valeur législative et arrêtés d'exécution ou qu'il considère comme mettant en péril l'équilibre financier du C.S.A. Les décisions à l'égard des tiers échappent à son contrôle.

Le C.S.A. semble donc jouir d'une indépendance relative par rapport aux pouvoirs publics.

5. Éléments d'information quant à l'organisation

Le C.S.A. est financé principalement par la dotation annuelle allouée par la Communauté française. On note que sa gestion financière doit être assurée conformément aux dispositions de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public et de ses arrêtés d'exécution.

Le cadre du personnel du C.S.A. a été fixé par le gouvernement à 28 agents. Toutefois, seuls 19 agents sont aujourd'hui affectés au C.S.A.423(*).

6. Indications pratiques

Le C.S.A. est situé rue Jean Chapelié, 35, à 1050 Bruxelles
(Tel : +32 2/349.58.80 ; Fax : +32 2/349.58.97 ; Courriel : info@csa.be).

Le C.S.A. dispose d'un site Internet : http ://www.csa.be

Référence bibliographique : Le nouveau Conseil supérieur de l'audiovisuel (dir. F. Jongen), Bruxelles, Bruylant, 1998.

CANADA

par M. Guy SCOFFONI
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

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Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, Le Canada a connu, comme la Grande-Bretagne, une expansion considérable du rôle de l'État dans la société. Dépassant les fonctions de défense nationale et de maintien de l'ordre public, l'État canadien est devenu régulateur, entrepreneur ou gérant de la protection sociale.

Au Canada aujourd'hui, lois et règlements affectent tous les aspects de la vie des citoyens et le gouvernement régule l'ensemble du secteur privé, des industries minières aux activités de communications ou services.

Le développement historique d'une catégorie d'« Agences administratives indépendantes » au Canada fera l'objet de premières analyses. Seront ensuite présentées les modalités d'organisation et d'intervention de ces « Agences de régulation à statut législatif » (« Statutory Regulatory Agencies », S.R.A), selon la qualification en vigueur dans ce pays.

I - L'émergence des « agences de régulation »au canada

Le développement d'une structure administrative fédérale complexe, incluant des organes de régulation, n'est pas au Canada le résultat d'une approche globale et bien définie.

Il correspond surtout à l'évolution moderne de l'exercice des fonctions gouvernementales dans le cadre des réponses pragmatiques apportées par les pouvoirs publics canadiens à différents problèmes institutionnels au gré de la conjoncture.

La croissance de la sphère publique et l'affermissement des contrôles en matière socio-économique expliquent successivement l'avènement d'Agences de régulation au Canada.

1. La croissance de la sphère publique

Le déplacement de la « frontière » vers l'Ouest, la construction d'un grand système ferroviaire moderne, les rapports entre les différents groupes de population, l'administration des terres de manière générale ou les relations économiques entre les « Provinces », vont générer le besoin de nouvelles structures administratives, au gré de l'extension des fonctions gouvernementales.

Le meilleur symbole de ce changement est le développement du secteur ferroviaire concomitant de l'apparition des premières Agences réglementaires. En 1851, en effet, le « Railway Act » prévoit l'attribution de compétences réglementaires, notamment en matière d'approbation de tarifs, à un « Bureau des Commissaires du Chemin de fer » (« Board of Railuray Committee of the Privy Council »). Toutefois, le débat sur la question de savoir si le pouvoir exercé par ces ministres devait être pleinement transféré à des organes indépendants se trouve relancé à partir de la décennie 1880. Le « Galt Royal Commission Report » de 1888 considère ainsi, pour la rejeter finalement, l'institution d'une véritable Agence de régulation des Chemins de fer, sur le modèle de l'« Interstate Commerce Commission » qui venait d'être créée aux États-Unis. Le rapport soulignait néanmoins les problèmes posés par le manque d'expertise et la vulnérabilité à l'égard de pressions politiques des membres du « Railway Committee » basés à Ottawa.

Dans le même temps, les responsables gouvernementaux chargés du secteur ferroviaire manquaient aussi souvent de compétence et d'indépendance, faute de mise en place d'une fonction publique moderne respectant le principe de neutralité.

Ainsi, au tournant du XXème siècle, les rapports du Professeur S.J. Mc Lean au ministre des transports eurent un impact décisif. Ses propositions424(*) portaient sur la création d'une Commission réglementaire remplaçant le Railway Committee et fondée sur cinq principes qui constituent la première véritable conceptualisation des Agences réglementaires au Canada :

1- Une définition législative précise des pouvoirs de la nouvelle Commission.

2- Des fonctions réglementaires et d'orientation politique (Policy functions) et non seulement quasi-juridictionnelles ou consultatives.

3- Un pouvoir de décision finale attribué à la Commission sous réserve d'un appel devant le « Gouverneur en Conseil ».

4- Des exigences strictes de qualification des Commissaires : l'un doit être un expert en matière juridique, l'autre un spécialiste du domaine ferroviaire.

5- Un mandat pour les Commissaires équivalent à celui de juges.

Le « Railway Act » de 1903 créa ainsi, sur cette base, le « Bureau des Commissaires des Chemins de fer » (Board of Railway Commissioners) qui servira plus tard de modèle pour les réformes administratives à venir. Si de nombreuses compétences jusque-là gouvernementales sont transférées à ces nouvelles formes d'Agences de régulation, les textes organisent toutefois un dispositif de contrôle juridictionnel et politique étroit. Les tribunaux pouvaient décider de questions de droit ou de répartition des compétences et le Gouverneur en Conseil était à même, sur demande ou en se saisissant lui-même, de modifier toute décision du Bureau.

Cette question des relations entre Agences réglementaires et ministères spécialisés apparaît encore réglée aujourd'hui de manière incertaine.

Par la suite, le Canada utilisa à de nombreuses reprises ce modèle des Agences de régulation avec la création de l'« International Joint Commission » (« Boundary Waters Treaty » avec les États-Unis de 1909) ou du « Board of grain Commissioners » (« Canada Grain Act de 1912 »), chargés de missions de régulation et d'inspection.

2. Le développement des contrôles publics

La Première Guerre mondiale eut pour effet au Canada, de développer les interventions du gouvernement fédéral et de généraliser notamment, les contrôles publics en matière de prix, de marchés ou de loyers. Ceci entraîna la création de nouvelles Agences : « Canadian Wheat Board », « Food Control Board », « Wage Trade Board » et « Municipal Fair Price Committees ». De même pour la première fois, des réformes en matière de santé et d'aide sociale amenèrent l'institution d'un « Board of Pension Commissioners » (1916) remplacé par la « Canadian Pension Commission » en 1933.

En 1919, le « Combines and Fair Prices Act » donna de même au « Board of Commerce » de larges pouvoirs d'enquête et de décision en matière de prix et profits.

Après une période de pause dans la création d'organismes distincts des ministères, la « Grande Dépression » et le « New Deal » canadiens de 1935 relancèrent la création d'Agences de régulation. Parmi les plus durables, il convient de mentionner la « Canadian Broadcasting Corporation » (CBC) de 1932, qui fonctionna jusqu'en 1938. À cette date elle est remplacée par le « Board of Broadcast Governors » qui laissera place dans la période contemporaine à la « Canadian Radio-television Commission ».

L'intervention d'Agences de régulation fut également maintenue dans des secteurs déjà concernés, comme en matière de commerce et de prix. Dès 1931, le « Tariff Board » se vit attribuer d'importantes fonctions quasi-juridictionnelles aussi bien que de régulation.

En 1936 fut créé le « National Harbours Board » et en 1938, le « Board of Railway Commissioners » qui avait survécu jusque-là à de multiples critiques politiques, fut intégré dans un organe plus large le « Board of Transport Commissioners ».

Après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux organes spécialisés furent institués, comme l'« Atomic Energy Control Board » en 1946.

En matière sociale plusieurs textes renforcèrent les interventions fédérales, se traduisant notamment par l'institution du « Canada Labour Relations Board » (CLRB) ou de l'« Immigration Appeal Board » (IAB). En outre, la « Canadian Transport Commission » fut créée en 1967 pour permettre la fusion de trois organes distincts chargés de la régulation du secteur des transports, le « Board of Transport Commissioners », le « Air Transport Board » et la « Canadian Maritime Commission ».

Le « National Energy Board » (NEB), le « National Parole Board » (NPB), le « Pensions Appeals Board » (PAB), le Tariff Board et le « Unemployment Insurance Commission » qui s'intégra par la suite dans une nouvelle « Employment and Immigration Commission », furent également créés ou restructurés dans les années d'après-guerre.

La multiplication de telles Agences de régulation ne doit néanmoins pas faire oublier que dans de nombreux cas, les ministères eux-même exercent aussi des fonctions similaires d'orientation et de contrôle. Si elles n'illustrent donc pas à elles seules, le développement du phénomène de régulation au Canada, elles n'en jouent pas moins un rôle essentiel dans la période contemporaine.

II - Les modalités d'organisation et d'intervention des « Statutory Regulatory Agencies » (S.R.A)

Après une analyse des critères essentiels d'identification des Agences de régulation canadiennes, seront présentées quelques illustrations principales de cette catégorie d'organes.

Il convient d'ores et déjà de noter, à partir de la qualification de « Statutory Regulatory Agencies » ou « Agences de régulation à statut législatif », l'absence significative du terme « indépendantes ». À la différence du modèle américain en effet, les conditions d'une véritable indépendance ne s'avèrent généralement réunies, en raison du maintien de certains pouvoirs de contrôle des ministres d'un secteur donné sur les Agences.

1. Les critères d'identification

Trois séries d'éléments tenant à la création, aux missions et au contrôle exercé doivent être considérés.

A. La création des Agences de régulation

Sous des désignations diverses de Commissions, Bureaux, Conseils ou Agences (...), ces organes de régulation distincts des ministères sont institués par le législateur. Leurs statuts et fonctions se trouvent ainsi déterminés par le texte particulier qui les crée. Ces dispositions prévoient en particulier la composition de ces organes et la durée du mandat de leurs membres qui conditionnent de manière décisive leur degré d'autonomie.

Les responsables de ces Agences ne peuvent en outre faire l'objet d'une révocation que pour manquement grave à leurs obligations de fonction et non pas discrétionnairement ou pour raisons de convenance politique. Il faut noter qu'ils sont généralement nommés par décision gouvernementale, en dehors de procédures de recrutement au mérite devant la Commission de service public (Public Service Commission) et sans intervention ou confirmation parlementaire.

Ce point a pu faire l'objet de critiques au Canada dans la mesure où l'indépendance à l'égard des pressions politiques était un argument de la création même de ces Agences spécialisées et n'apparaît pas véritablement favorisée par le système adopté ».

B. Les missions des Agences de régulation

Le texte législatif instituant l'Agence définit l'étendue de ses missions. Elles incluent généralement toute la palette des activités de régulation : Réglementation de prix, de produits ou services, application des règles de concurrence, définition de standards de qualité des produits et protection du consommateur (on a ainsi estimé qu'au Canada comme aux États-Unis 30 % environ du produit national brut correspond à des activités soumises à une forme de régulation directe des prix ou de la production), régulation également des domaines des transports ou des communications à travers des pouvoirs de réglementation ou quasi-juridictionnels.

Des missions de régulation sont également confiées à des organes spécialisés dans les domaines divers de l'environnement, ou des marchés financiers, à l'instar de leurs homologues américains ou européens.

Le degré de généralité des compétences attribuées aux Agences détermine souvent leur degré d'autonomie. Plus la définition des missions apparaît extensive, plus l'organisme disposera d'une grande marge d'appréciation pour interpréter la législation ou prévoir de nouvelles règles d'application sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'approbation de l'Exécutif ou du Parlement. C'est en particulier le cas (V. infra) de la « Canadian Radio-Television and Telecommunications Corporation » (CRTC).

C. Le contrôle exercé sur les Agences de régulation.

Un trait caractéristique de ces organes réside dans leur action autonome c'est-à-dire distincte des départements traditionnels de l'Exécutif. Les principes d'organisation législative des Agences impliquent aussi que ces organes soient soumis au contrôle du Parlement « par le biais » des ministres concernés de l'Exécutif mais qu'ils ne se trouvent pas sujets à un contrôle direct de ces derniers.

Toutefois même si les ministres ne sont pas amenés à rendre des comptes au Parlement de manière quotidienne sur l'activité des Agences, il existe de nombreux dispositifs leur permettant d'influencer le travail des Agences de régulation : mécanismes d'appel « hiérarchique », de directive ou d'orientation par décision en Conseil.

Il faut relever notamment le pouvoir du Cabinet de modifier la décision d'une Agence. Par la voie de l'appel exercé, le ministre peut substituer sa décision à celle de l'organe de régulation. Les appels portent en général sur des questions importantes de politique des Agences. Les ministres peuvent alors soit les confirmer, soit les renvoyer devant les Agences pour nouvel examen.

Ce mécanisme d'appel gouvernemental coexiste par ailleurs avec l'ouverture de recours devant les tribunaux à l'encontre de décisions des Agences. Le contrôle juridictionnel de légalité administrative représente ainsi un deuxième niveau de contrôle effectif sur ces Agences.

Un contrôle administratif et financier s'exerce enfin sur ces organes. Le budget de chaque Agence s'inscrit en effet dans le cadre du budget du département ministériel de rattachement.

Au total, plusieurs éléments viennent limiter l'autonomie reconnue au départ à ces organismes. La possibilité d'un appel administratif devant le Cabinet et les pouvoirs de substitution qu'il implique limite en particulier l'indépendance des Agences. Cela sépare ainsi nettement l'expérience canadienne du modèle américain d'Agences « indépendantes » dans lequel ce droit de faire appel devant l'Exécutif n'existe pas.

2. Les modalités de fonctionnement des Agences de régulation

Quatre illustrations principales de l'intervention des « Statutory Regulatory Agencies » peuvent être retenues : la « Commission canadienne de radio-télévision et des télécommunications », réorganisée en 1985, la « Commission nationale de l'énergie » instituée en 1985, l'« Agence canadienne des Transports » créée en 1996 et le « Bureau canadien des relations industrielles » de 1999.

1°) La « Canadian Radio-Television and telecommunications Commission » (CRTC).

L'intervention de cette Agence de régulation est déterminée par trois lois, le « Canadian Radio-Television and Telecommunications Act » de 1985, le « Broadcasting Act » de 1991 et le « Telecommunications Act » de 1995. Le premier texte définit les structures de la Commission, le deuxième les modalités de régulation et d'octroi d'autorisation d'émettre et le troisième, la régulation du téléphone et autres modes de télécommunications.

Il s'agit d'un organisme collégial comprenant treize membres à plein temps et six à temps partiel, nommés pour une période de cinq ans. Ces membres peuvent être révoqués à tout moment par le Gouverneur en Conseil, sur la base d'une faute et non discrétionnairement. Leur mandat est renouvelable et des incompatibilités avec diverses fonctions dans les secteurs concernés sont prévues.

Le Gouverneur en Conseil désigne également un Président parmi les membres à temps complet ainsi que deux Vice-Présidents. Il détermine les salaires ou indemnités de présence des différents membres. La Commission compte aujourd'hui un total d'environ cinq cents agents.

Elle dispose d'une autonomie supérieure à la moyenne des Agences canadiennes dans la mesure où ses décisions ou réglementations n'ont pas à être approuvées au préalable par le Cabinet. Celui-ci peut toutefois adresser des directives à la Commission et contrôler, s'il est saisi d'un recours, ses décisions.

Enfin la Commission doit remettre chaque année au ministre concerné un rapport d'activités que celui-ci transmettra à chaque Chambre du Parlement.

Il convient de noter en dernier lieu que ses décisions, notamment dans le cadre de ses pouvoirs quasi-juridictionnels, relèvent de la compétence de la Cour d'appel fédérale.

2°) Le « National energy board »

Cet organisme est régi par trois lois de 1985 ; le « National Energy Board Act », le « Energy Administration Act » et le « Northern Pipeline Act ». Ces textes définissent ses missions de régulation, notamment l'octroi de licences en matière pétrolière et l'application des régimes d'importation ou d'exportation de gaz, pétrole ou électricité.

L'Agence se compose de neuf membres à plein temps et six à temps partiel nommés pour sept ans et révocables seulement pour faute grave. De nombreux membres ont une expérience acquise dans le secteur industriel. Elle compte enfin près de trois cent cinquante agents, chiffre en baisse depuis la « déréglementation » de la décennie 1980-1990.

Au plan de son indépendance, on relèvera qu'une approbation par le Cabinet des décisions de l'Agence est nécessaire, notamment dans les hypothèses d'autorisation d'importation ou exportation. Il semble toutefois qu'aucun refus d'approbation par le Cabinet ne se soit jamais produit. Par ailleurs l'Agence est compétente pour définir ses propres règles de procédure.

Il n'y a pas d'appel devant le Cabinet ou un ministre. Le National Energy Board fonctionne surtout comme une sorte d'organe quasi-juridictionnel. Il tient des audiences publiques très formelles. Ses décisions sont seulement susceptibles de recours devant la Cour d'appel fédérale.

3°) La « Canadian transportation agency »

Cette importante Agence a remplacé en 1996 la « National Transport Agency » en héritant des prérogatives de régulation de ses devancières. Elle dispose néanmoins d'un champ de compétences moins étendu que la première « Canadian Transport Commission » créée en 1967. Depuis la dérégulation des années 1980-1990, les réglementations en matière d'acquisitions ou fusions de sociétés et d'encadrement des activités de transport apparaissent en effet moins strictes que précédemment...

La Canadian Transportation Agency (C.T.A) est régie par le « Canadian Transportation Act » de 1996. Elle se compose de sept membres à plein temps, nommés pour cinq ans et révocables seulement pour faute grave et de trois membres à temps partiel nommés pour deux ans et révocables dans les mêmes conditions. Elle emploie aujourd'hui près de trois cents agents contre sept cents dans l'ancienne Commission de 1967.

En matière d'autonomie, il convient de relever que le C.T.A doit respecter dans ses décisions les orientations définies par les politiques gouvernementales mais sans que ses interventions soient soumises à un régime d'approbation préalable du Cabinet sauf si elles ont une portée réglementaire.

Il n'y a pas de possibilité d'appel devant le Cabinet mais ce dernier a la faculté de modifier unilatéralement une décision de l'Agence.

La C.T.A ne tient pas de véritables audiences et reste moins marquée que d'autres Agences de régulation canadiennes par des procédures quasi-juridictionnelles. La Procédure devant l'Agence est essentiellement écrite. Ses décisions relèvent cependant en appel de la Cour fédérale d'appel. La pratique a montré toutefois que celle-ci confirme dans une large majorité de cas, les décisions de l'Agence.

4°) Le « Canada industrial relations board »

Cet organe de régulation est régi par le Code du travail canadien. Il a été institué en janvier 1999 sur la base des recommandations du Rapport Sims de 1996. Il remplaçait ainsi le « Canada Labour Relations Board » créé en 1948. Ses missions portent sur le règlement des conflits du travail et l'imposition de sanction en cas de pratiques irrégulières d'employeurs du secteur privé.

Il comprend six membres à plein temps, représentant de manière paritaire employeurs et employés. Un nombre indéfini de membres à temps partiel peuvent également être nommés. Un Président ou deux (voire davantage) Vice-Présidents sont nommés par le Gouverneur en Conseil sur proposition d'un ministre, pour une période de cinq ans. Ils ne sont révocables comme les autres membres, que pour faute grave. La Commission emploie environ quatre-vingts personnes.

Le « Canada Industrial Relations Board » est un des organes les plus indépendants de la catégorie des Agences canadiennes de régulation. Ses décisions ne sont pas soumises à approbation ministérielle et il établit ses propres règles de fonctionnement. Il n'existe pas de possibilité d'appel de ses décisions devant le Cabinet ou un ministre. Cette indépendance plus marquée que pour d'autres organismes est justifiée dans le contexte canadien par la complexité des missions confiées à cet organe d'équilibre, qui doit trancher les litiges dans un délai de quatre-vingt-dix jours.

La Commission ne tient d'audiences que dans les cas (20 % environ des litiges) où les faits et la preuve doivent être plus utilement établis oralement. Le code du travail l'autorise à réexaminer ses propres décisions en cas d'erreur de droit notamment. Celles-ci peuvent aussi faire l'objet d'un contrôle restreint par la Cour fédérale d'appel.

On retiendra en définitive de l'expérience canadienne une grande variété de situations quant au degré d'autonomie des Agences de régulation avec néanmoins de manière générale une indépendance moins marquée que dans la plupart des organes similaires en droit comparé. À l'inverse des autres systèmes, des liens institutionnels directs demeurent entre ces Agences et le gouvernement ou les ministres concernés.

ESPAGNE

par M. Juan de la CRUZ FERRER,
professeur à l'Institut Jean Monnet de Droit européen et de droit administratif,
Université Complutense de Madrid

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I - Introduction

Comme chacun sait, le modèle d'« Autorités ou Agences indépendantes » trouve son origine à la fin du XIXème siècle, dans le Droit administratif nord-américain. Il s'agissait de rompre, dans certaines matières, avec l'Administration appelée regular, dont la caractéristique est d'être directement liée aux décisions du Président de la Nation. La première des Public Authorities ou Independent Agencies (comme on les appelle aux États-Unis) a été la Interstate Commerce Commission, créée en 1887 pour assurer la régulation et le contrôle de tout ce qui était relatif au commerce et aux transports entre les différents états. Ce sont, en fait, des Organismes publics intégrés formellement au Pouvoir Exécutif, mais qui conservent une liberté partielle par rapport à celui-ci, étant donné qu'ils dépendent à la fois de l'Exécutif et du Législatif, en vertu de la dynamique du système constitutionnel américain de « pouvoirs partagés » (« shared powers »).

II - Apparition des « autorités administratives indépendantes » au sein de l'organisation administrative espagnole

Influence du Droit communautaire

En Espagne, l'on a intégré le modèle anglo-saxon d'Administrations indépendantes pour la première fois en 1980 lors de la création de la Commision de Sécurité Nucléaire, conçue comme un « Organisme de Droit Public, indépendant de l'Administration Centrale, jouissant d'une personnalité juridique et d'un patrimoine propre, indépendant de ceux de l'État et seul Organisme compétent en matière de sécurité et de protection radiologique ».

Toutefois, le modèle d'Administrations indépendantes s'affirme dans certains secteurs avec le processus de libéralisation mené sur les instances de la réglementation de l'Union Européenne ; c'est alors qu'apparaissent la plupart des Organismes dotés d'une autonomie spéciale : la Commission Nationale du Marché des Valeurs, la Commission du Marché des Télécommunications, la Commission Nationale de l'Énergie, etc. Une Loi de 1980 accorde un certain degré d'autonomie à la Banque d'Espagne en fixant la durée du mandat de son Gouverneur et de son Sous-gouverneur à 4 ans - renouvelable - et en précisant expressément les causes possible de leur révocation. Mais c'est en 1994, alors qu'on introduit les prévisions du Traité de l'Union Européenne relatives à la politique monétaire, que l'on concède la pleine autonomie à la Banque dans ce domaine-là (une autonomie qui s'est matérialisée avec le début de la seconde phase de l'Union Économique et Monétaire) et que l'on renforce de même l'autonomie des organes de gouvernement de la Banque.

Le fondement logique et rationnel à la base de ces nouvelles formes d'Administration se trouve dans l'opportunité d'avoir des organismes régulateurs de surveillance et de contrôle des nouveaux marchés pour garantir leur bon fonctionnement et le principe de libre concurrence, grâce à une neutralité politique lors de la prise des décisions. L'on atteint ce but en accordant aux entités régulatrices une autonomie de gestion spéciale face à l'Administration active et en s'appuyant sur un personnel professionnel et hautement spécialisé.

En Espagne, il existe traditionnellement d'autres Administrations indépendantes, comme le sont les Universités Publiques, les Collèges Professionnels ainsi que les Chambres d'Industrie, de Commerce et de Navigation. Dans le présent travail, nous ne nous occuperons cependant pas de ces Administrations, la raison principale de leur autonomie spécifique se trouvant dans la nécessité de garantir leur « autogouvernement », vu leur nature corporative.

La législation espagnole se réfère aux Organismes dotés d'une autonomie spéciale comme à des « Entités rattachées à l'Administration » en les différenciant des Organismes « dépendants ».

La Loi 6/1997, du 14 avril, sur l'Organisation et le Fonctionnement de l'Administration Centrale (LOFAGE) considère comme dépendants de l'Administration Centrale les deux grands groupes d'Organismes publics qu'elle réglemente dans ses articles : les Organismes Autonomes et les Entreprises Publiques. Ces deux types d'Organismes « exercent des activités dérivées de l'Administration Centrale elle-même, en tant qu'organisations instrumentales différenciées et dépendantes de celle-ci ». Concrètement, « ils ont pour objet la réalisation d'activités d'exécution ou de gestion, qu'elles soient administratives - de développement ou de prestation - ou qu'elles aient un contenu économique, réservées à l'Administration Centrale ; ils en dépendent et sont rattachés, directement ou à travers un autre Organisme public, au Ministère correspondant à leur domaine, à travers l'organe que l'on détermine cas par cas ». La différence essentielle entre eux, c'est que les Organismes Autonomes sont régis entièrement par le Droit public alors que les Entreprises publiques sont soumises aux règles du Droit privé.

La LOFAGE envisage aussi des Entités distinctes de celles dont nous venons de parler. Elle prévoit en effet l'existence d'« Organismes Publics dotés d'un régime juridique particulier » et qui ont, de par la Loi, une indépendance fonctionnelle ou une autonomie de gestion spéciale par rapport aux organes centraux du Pouvoir exécutif (Gouvernement et Administration Centrale de l'État). Ce sont ces entités-là que la doctrine appelle « Administrations indépendantes ».

Le Tribunal de Défense de la Concurrence se trouve dans une position institutionnelle particulière car la législation lui confère la nature d'Organisme Autonome rattaché au Ministère de l'Économie et des Finances (il s'agit donc d'un Organisme public dépendant de l'Administration Centrale) mais, en même temps, on lui reconnaît expressément une pleine indépendance dans l'exercice de ses fonctions.

Les principales Administrations indépendantes (dotées d'une autonomie spéciale) dans le cadre de l'État sont : la Banque d'Espagne, la Commission Nationale du Marché des Titres, Le Conseil de Sécurité Nucléaire, l'Entreprise publique de Radio et de Télévision Espagnoles - RTVE -, l'Agence de Protection des Données, la Commission Nationale de l'Énergie, la Commission du Marché des Télécommunications et le Tribunal de Défense de la Concurrence.

III - Caractéristiques générales du rÉgime juridique des Administrations indépendantes

1. Création des « Administrations indépendantes »

Dans le cadre de l'État, la création d'un Organisme public doté d'indépendance fonctionnelle ou d'une autonomie spéciale - ou bien la reconnaissance d'une telle indépendance ou autonomie spéciale à un Organisme préexistant - doit toujours se faire par l'intermédiaire d'une Loi formelle du Parlement, comme c'est le cas pour la création de tout type d'Organisme public ayant une personnalité juridique.

D'ordinaire, la Loi créant l'Organisme contient elle-même la réglementation fondamentale de son organisation et de son fonctionnement (Statut), même s'il arrive que l'on renvoie cette réglementation au Gouvernement. Pour ce qui n'est pas prévu par le Statut, l'on appliquera les règles du Droit public ou du Droit privé en fonction de ce que le Statut lui-même dispose, ou, s'il ne prévoit rien, l'on appliquera les règles relatives aux Organismes publics dépendants qui, pour chaque situation, seront considérées comme pertinentes, en tenant compte des caractéristiques de chaque Organisme. En tout cas, l'exercice des pouvoirs de l'Administration est sujette au Droit public.

2. Position des Administrations indépendantes par rapport au pouvoir législatif, exécutif et judiciaire

A. Pouvoir législatif

Les « Administrations indépendantes », ainsi qu'on les nomme, sont sujettes au pouvoir législatif en ce qui concerne leur existence même, car, comme nous l'avons dit, leur Statut de création doit être approuvé par une Loi formelle.

B. Pouvoir Exécutif

La caractéristique principale de ces Administrations réside dans leur indépendance, ou autonomie spéciale, par rapport au Pouvoir Exécutif (Gouvernement ou Administration territoriale à laquelle elles sont rattachées). Cette indépendance fonctionnelle, ou autonomie spéciale, n'a pas le même degré pour chaque Entité, et elles ne doit pas forcément exister pour toute son activité. La LOFAGE dit expressément que cette autonomie spéciale peut se référer à des « aspects précis » (concrets) de l'activité de l'Organisme et, en fait, c'est ce qui se passe normalement. Par ailleurs, certaines Entités sont formellement rattachées à l'Administration Centrale (c'est le cas de la Commission du Marché des Télécommunications ou de la Commission Nationale de l'Énergie). Il faut aussi remarquer que les Statuts de quelques Organismes indépendants prévoient pour certaines décisions le même régime de recours impropres que celui qui existe pour certains Organismes dépendants de l'Administration territoriale (le régime de recours impropre permet de saisir les actes de l'Administration indépendante devant le titulaire de l'Administration territoriale à laquelle celle-ci se trouve rattachée).

C. Pouvoir Judiciaire

En Espagne, il n'y a pas d'actes administratifs exempts de contrôle judiciaire. Donc, tous les actes des Administrations indépendantes sont sujets au contrôle judiciaire, dans les mêmes termes que le sont ceux des Administrations territoriales. Pour les matières où le Statut de l'Administration indépendante soumet son action au régime de Droit privé (par exemple, pour la gestion de ses employés), le contrôle judiciaire correspond à la Juridiction civile ou aux Prud'hommes et non pas à la Juridiction administrative.

3. Régime de recours contre les actes des Administrations indépendantes

On peut recourir contre les actes des Administrations indépendantes directement auprès de ces entités, sans qu'un recours formel contre ces actes soit possible, en principe, auprès de l'Administration territoriale à laquelle elles sont rattachées. Cela s'explique parce que la technique de la personnalité juridique comporte précisément une séparation d'unités administratives aux effets d'imputation formelle des actes respectifs ; en sont exclus, bien sûr, les cas où la loi prévoit expressément le contraire, et cela n'affecte pas le régime de recours impropres dont nous avons parlé auparavant.

4. Capacité à interjeter un recours contentieux contre l'activité de l'Administration publique à laquelle elles sont rattachées

Les Entités dotées d'indépendance, ou autonomie spéciale, (Administrations indépendantes) peuvent déposer des recours contentieux contre l'activité de n'importe quelle Administration publique territoriale (y compris l'Administration à laquelle elles sont rattachées), conformément à ce qu'établit la Loi réglementant la Juridiction Administrative.

5. Régime de recours en cas de responsabilité extra-contractuelle

La responsabilité patrimoniale pour les dommages causés par les Entités indépendantes est invoquée uniquement, en principe, auprès de ces Entités, sans qu'une responsabilité patrimoniale directe de l'Administration à laquelle elles sont rattachées soit possible. En effet, l'Administration ne dirigeant pas l'activité de ces Organismes dotés d'autonomie spéciale, il n'est pas possible d'évoquer un lien de cause nécessaire entre le dommage et l'activité de l'Administration territoriale. Remarquons toutefois que cette responsabilité exclusive de l'« Administration indépendante » existera seulement (même si la législation espagnole ne dit rien expressément à ce sujet) dans les cas où les Organismes auxquels nous nous référons jouissent réellement d'autonomie dans leur action.

De façon générale, la législation espagnole envisage la responsabilité concurrente de plusieurs Administrations publiques dans les termes suivants : il y aura une responsabilité solidaire lorsque le dommage résultera de la gestion conjointe de plusieurs Administrations publiques, bien que l'on prévoie que l'instrument juridique réglementant l'action conjointe pourra déterminer le partage de la responsabilité entre ces différentes Administrations. Dans l'hypothèse d'un dommage produit par plusieurs Administrations, la responsabilité sera déterminée pour chacune d'entre elles en s'en tenant aux critères de compétence, de tutelle de l'intérêt public et d'importance de l'intervention ; il y aura une responsabilité solidaire lorsqu'une telle détermination sera impossible.

6. Nomination de leurs membres

Il appartient au Gouvernement, sur proposition du Ministre ayant compétence en la matière, de nommer (ou désigner) les membres de ces Organismes. Le Ministre, avant de faire une proposition, devra paraître devant la Chambre des Députés pour information sur les personnes qu'il prétend proposer. Dans le cas du Conseil de Sécurité Nucléaire, il est prévu, en plus, que la Chambre des Députés puisse opposer un veto justifié. Dans le cas de la Banque d'Espagne, il n'existe d'obligation d'information que pour les charges de Gouverneur et de Sous-gouverneur de la Banque.

Pour la nomination du Directeur de l'Agence de Protection des Données et pour les membres du Tribunal de Défense de la Concurrence, il n'est pas prévu que le Ministre comparaisse préalablement devant la Chambre.

En ce qui concerne l'Entreprise publique de la Radio et de la Télévision Espagnoles (RTVE), c'est le Gouvernement qui nomme son Directeur Général, alors que les membres de son Conseil d'Administration sont élus pour chaque législature à raison d'une moitié par la Chambre des Députés et de l'autre par le Sénat, avec une majorité des deux tiers dans les deux cas.

Les organes dirigeants des Administrations indépendantes seront nommés en fonction de leur compétence reconnue dans le secteur dont il est question.

En général, les mandats sont renouvelables une fois.

7. Garanties d'indépendance de leurs membres

Ne pas être soumis au Gouvernement ou à l'Administration Centrale de l'État et avoir un mandat pour une période déterminée constituent la principale garantie d'indépendance des membres des Administrations indépendantes. De façon générale, les causes de révocation du mandat sont les suivantes : fin de la période pour laquelle ils ont été désignés, âge limite, renonciations et certaines incompatibilités prévues par la Loi. Les Statuts des Organismes en question envisagent aussi que le Gouvernement puisse décider la révocation en cas d'incapacité permanente pour l'exercice de la charge, de non-accomplissement grave des obligations et de condamnation pour délit dolosif - dans le cas de la Banque d'Espagne, il suffit qu'il y ait mise en accusation. Pour ce qui est du Conseil de Sécurité Nucléaire, le Gouvernement pourra décider la révocation du mandat lorsqu'il considère qu'un membre n'a plus la capacité pour exercer ses fonctions ou qu'il a cessé de s'occuper avec diligence des devoirs de sa charge. Cette révocation devra être communiquée à la Chambre des Députés qui pourra s'y opposer.

Dans le cas de l'Agence de Protection des Données, l'organe de direction est unique, et son titulaire ne peut recevoir d'instructions d'aucune autorité, qu'elle soit interne ou externe.

Pour ce qui est du Directeur Général de l'Entreprise Publique RTVE, la garantie d'indépendance est pratiquement nulle, vu qu'il peut être révoqué par le Gouvernement si celui-ci considère que son action n'a pas répondu aux objectifs et aux principes fixés, ce qui, en pratique, équivaut à la possibilité de le révoquer de façon discrétionnaire.

8. Pouvoirs publics

Certains organismes ont des pouvoirs de réglementation du secteur, alors que d'autres ont seulement des pouvoirs exécutifs, des pouvoirs de contrôle et de supervision, des pouvoirs disciplinaires, des pouvoirs de consultation et de conseil.

A. Pouvoir réglementaire

En Espagne, la garantie des droits fondamentaux et des libertés publiques (liberté et propriété) comprend l'existence d'une « reserva de Ley » dans la réglementation des différents secteurs d'activité. Cela signifie que c'est le Parlement qui doit, d'ordinaire, établir la réglementation. Lorsque le gouvernement édicte des Décrets Royaux ayant rang de Loi, en cas de nécessité extraordinaire et urgente, l'on exige que le Parlement les ratifie ultérieurement. C'est pour cela que la réglementation sectorielle que peuvent réaliser le Gouvernement et l'Administration sera soumise à une autorisation légale préalable, les règlements étant toujours subordonnés aux Lois.

Ceci étant dit, la Banque d'Espagne et la Commission Nationale du Marché des Valeurs se voient attribuer d'amples facultés de réglementation dans les secteurs où elles sont compétentes. La Banque d'Espagne a un pouvoir de réglementation dans les domaines suivants : le système de compensation et de liquidation des paiements ainsi que la sécurité et l'efficacité des systèmes et des instruments de paiements (dans l'exercice des fonctions qui lui incombent comme partie intégrante du Système Européen des Banques Centrales), et elle est compétente surtout en matière d'intervention et de discipline des établissements de crédit. Les autres Administrations indépendantes ne font que proposer l'approbation de nouvelles réglementations ou les instruire ; on leur reconnaît dans certains cas un pouvoir limité de réglementation sur des aspects ayant un fort caractère technique (Conseil de Sécurité Nucléaire et Commission du Marché des Télécommunications). Le pouvoir normatif de la Commission Nationale de l'Énergie est, quant à lui, pratiquement inexistant.

B. Pouvoir de contrôle et de supervision

- Le Conseil de Sécurité Nucléaire : il a d'amples facultés d'inspection et de contrôle en matière de sécurité nucléaire et radiologique.

- La Banque d'Espagne : elle a d'amples facultés de supervision et de discipline sur les établissements de crédit, avec la faculté d'intervenir et de remplacer des administrateurs.

- La Commission Nationale du Marché des Titres : elle a d'amples facultés de supervision et d'inspection sur les marchés des titres et sur l'activité de ceux qui y interviennent, avec la faculté d'intervenir et de remplacer des administrateurs.

- Le Tribunal de Défense de la Concurrence : il a d'amples facultés de contrôle, même si les facultés de surveillance sont exercées directement par l'Administration Centrale.

- L'Agence de Protection des Données : elle a d'amples facultés de contrôle et de surveillance sur respect de la législation sectorielle.

- La Commission du Marché des Télécommunications : elle a un pouvoir de contrôle et de surveillance limité à une partie de l'activité des opérateurs.

- La Commission Nationale de l'Énergie : elle a d'amples fonctions de surveillance et de contrôle des installations et des opérateurs des marchés de l'énergie.

C. Pouvoir disciplinaire

Le Conseil de Sécurité Nucléaire : il peut seulement proposer l'ouverture d'une enquête disciplinaire.

La Banque d'Espagne : elle est compétente pour instruire tout type de dossier disciplinaire entrant dans les matières et le territoire de sa compétence et pour imposer des sanctions pour les infractions graves et légères. En ce qui concerne les infractions très graves, c'est le Ministère de l'Économie et des Finances qui impose ces sanctions sur proposition de la Banque d'Espagne, sauf en cas de « révocation de l'autorisation de l'établissement » ; celle-ci sera imposée par le Conseil des Ministres.

La Commission Nationale du Marché des Valeurs : elle est compétente pour ouvrir et instruire tous les dossiers disciplinaires entrant dans le cadre des matières et du territoire de sa compétence. Il lui revient de même d'imposer les sanctions pour les infractions graves et légères. En ce qui concerne les infractions très graves, c'est le Ministère de l'Économie et des Finances qui impose ces sanctions sur proposition de la Commission, sauf en cas de « révocation de l'autorisation de l'organisme » ; celle-ci sera dictée par le Conseil des Ministres.

Lorsque l'organisme ayant enfreint la législation sur le marché des valeurs sera un établissement de crédit, le dossier de la Banque d'Espagne sera obligatoire pour imposer la sanction correspondante.

- La Commission du Marché des Télécommunications : elle exerce un plein pouvoir de sanction par rapport à certaines infractions très graves que peuvent encourir les opérateurs du secteur ainsi que par rapport à certaines infractions graves et légères. Dans les autres cas, il lui revient d'ouvrir les dossiers disciplinaires et de faire les démarches nécessaires.

- L'Agence de Protection des Données : elle a plein pouvoir disciplinaire.

- Le Tribunal de Défense de la Concurrence : il possède d'amples facultés résolutoires des dossiers disciplinaires.

- La Commission Nationale de l'Énergie : elle n'a pas de pouvoir disciplinaire.

Les fonctions de l'Entreprise publique RTVE consistent dans la direction et le contrôle des sociétés de marché de radio et de télévision de l'État.

Le Tribunal de Défense de la Concurrence exerce des fonctions de consultation par rapport aux opérations de concentration et aux aides publiques.

9. Modalités de contrôle de leur activité par les pouvoirs législatif et exécutif

La législation espagnole envisage différentes modalités de contrôle des Administrations indépendantes par les pouvoirs législatif et exécutif.

- Pour ce qui concerne le Pouvoir législatif, presque tous ces organismes doivent présenter annuellement - directement ou à travers le Gouvernement - un dossier sur le déroulement de leurs activités. Dans le cas de la Banque d'Espagne, ces informations sont relatives aux objectifs et à l'exécution de la politique monétaire ; à cet effet, le Gouverneur de la Banque pourra être convoqué devant toute commission de la Chambre des Députés ou du Sénat ou devant une commission mixte.

Par ailleurs, l'on peut intimer aux titulaires des organes de gouvernement des Administrations de prêter déclaration - de même que tout autre personne - devant les Commissions d'Enquête de la Chambre des Députés - ou des Parlement Autonomes respectifs - pour analyser des affaires d'intérêt général. C'est ce qui s'est passé, par exemple, dans le cas du scandale financier « Gescartera » où le Président de la Commission Nationale du Marché des Valeurs a été amené à déclarer devant la Chambre.

Le statut de l'Entreprise publique de la radio et de la Télévision Espagnoles prévoit un contrôle direct de la part de la Chambre des Députés sur l'activité de cet Organisme et de ses sociétés, bien que, lors de l'exercice d'un tel contrôle, l'on doive respecter son fonctionnement adéquat.

- Pour ce qui concerne le Pouvoir exécutif, la situation varie en fonction des différentes Entités :

Il n'est prévu aucun contrôle du Gouvernement ou de l'Administration Centrale de l'État sur l'activité du Conseil de Sécurité Nucléaire, de l'Agence de Protection des Données et de la Commission du Marché des Télécommunications.

Dans le cas de la Banque d'Espagne, il n'existe aucun type de contrôle direct du Gouvernement ou de l'Administration Centrale sur les fonctions de la Banque en matière de politique monétaire, bien que la Banque doive informer régulièrement le Gouvernement sur les objectifs fixés et leur exécution. Pour le reste des matières - y compris celles qui sont relatives à la supervision des entités financières et des Établissements de crédit -, bien que la Banque les exerce en toute autonomie par rapport aux autres organes de l'Administration Centrale, ses actes et ses résolutions administratives sont susceptibles d'un recours ordinaire devant le ministre de l'Économie et des finances.

Les résolutions de la Commission Nationale du Marché des Titres épuisent la voie administrative, sauf celles qui ont un caractère disciplinaire et sauf les mesures d'intervention et de remplacement des administrateurs de sociétés, contre lesquelles on peut recourir auprès du Ministère de l'Économie et des Finances.

L'activité de la Commission Nationale de l'Énergie est sujette à un contrôle d'efficacité de la part du Ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et l'on peut recourir pratiquement contre toutes ses résolutions par la voie administrative auprès du titulaire du Département auquel elle est rattachée.

L'activité du Tribunal de Défense de la Concurrence est sujette elle aussi à un contrôle d'efficacité de la part du Ministère de l'Économie et des Finances auquel il est rattaché, mais l'on peut recourir directement contre les résolutions du Tribunal devant la Juridiction Administrative.

10. Garantie de leur indépendance financière

Ces entités ont un patrimoine propre, indépendant du patrimoine de l'État. Leurs principales sources de financement étant les taxes qu'elles peuvent prélever pour leurs services ainsi que les assignations du Budget général de l'État et les transferts provenant de l'Administration Centrale.

Bien que toutes les Autorités Indépendantes élaborent des avant-projets de leur budget, il revient au Gouvernement de les approuver postérieurement et de les intégrer au Budget Général de l'État pour qu'ils soient votés définitivement par le Parlement. Il n'y a que la Banque d'Espagne qui approuve son propre budget et qui le renvoie au Gouvernement afin qu'il soit transféré au Parlement pour approbation.

11. Résumé

Pour résumer, nous pouvons dire qu'en Espagne il existe un nombre significatif d'Administrations qui jouissent d'une indépendance ou d'une autonomie spéciale par rapport au Gouvernement. Leur création répond, dans la plupart des cas, à la nécessité de garantir la transparence et la neutralité de la réglementation et de la supervision des marchés nés lors du mouvement de libéralisation exigé pour intégrer l'économie espagnole à l'économie européenne. Parmi les Administrations indépendantes, se détachent la Banque d'Espagne et la Commission Nationale du Marché des Valeurs auxquelles l'on a attribué d'amples pouvoir de réglementation, d'exécution, de surveillance, de supervision, de contrôle et de sanction, dans leur domaine de compétence. D'autres Administrations indépendantes comme le Conseil de Sécurité Nucléaire, la Commission du Marché des Télécommunications, la Commission Nationale de l'Énergie ou le Tribunal de Défense de la Concurrence, jouissent de pouvoirs importants de supervision et de contrôle.

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ÉTATS-UNIS

par M. Guy SCOFFONI,
professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

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Si les États-Unis peuvent être considérés comme les premiers promoteurs de l'intervention d'organes administratifs indépendants dans la sphère publique, ces « Agences réglementaires indépendantes » (selon une traduction littérale d'« Independant Regulatory Agencies ») n'ont jamais fait l'objet d'une définition officielle.

Ni la grande loi fédérale sur la procédure administrative de 1946 (« Administrative Procedure Act ») ni aucun autre texte ne précise la nature de ces organes.

De surcroît le terme d'« Agency » recouvre en droit américain plusieurs réalités administratives et ne peut en aucun cas être réservé aux seules « Agences » dites « indépendantes ». On trouve en effet, aussi bien des « Agences » au sein des départements de l'Exécutif qu'en dehors d'eux et ils présentent des degrés d'indépendance variables. Une identification préalable de ces organes (au niveau fédéral) s'impose donc (Cf. infra I).

On peut toutefois noter d'ores et déjà qu'un consensus existe aux États-Unis pour considérer qu'une « Agence réglementaire indépendante » doit être avant tout composée de membres non susceptibles de révocation par le Président, sauf cause sérieuse c'est-à-dire que toute révocation discrétionnaire, de nature politique, est par principe, impossible. Par ailleurs, une telle « Agence indépendante » doit être dirigée par un organe collégial dont le nombre des membres appartenant à un même parti est le plus souvent limité. Elle doit en dernier lieu posséder à la fois un pouvoir réglementaire et un pouvoir quasi-juridictionnel, les modalités de contrôle de son activité par les pouvoirs législatif ou exécutif devant être définies par la loi fédérale spéciale qui l'organise.

Seront successivement analysées les conditions d'organisation et d'indépendance de ces organes (II) puis leurs missions et le contrôle qui les caractérise (I). Il convient de présenter au préalable les éléments principaux du contexte américain de développement de ces « Agences réglementaires indépendantes ».

SECTION PRÉLIMINAIRE
LE DÉVELOPPEMENT DES « AGENCES RÉGLEMENTAIRES INDÉPENDANTES » DANS LE CADRE FÉDÉRAL AMÉRICAIN

Le système américain des autorités de régulation a été organisé en réponse aux insuffisances du cadre de l'économie de marché. Il s'agissait d'abord de remédier aux situations privilégiées injustifiées de certaines entreprises et d'introduire davantage d'équité dans la régulation. Il s'agissait ensuite de mettre en place un ensemble de règles de nature à apporter des garanties de prévisibilité et sécurité aux opérateurs dans le système.

Plusieurs décennies plus tard, des pressions inverses se manifestèrent pour remettre en cause, avec un succès variable le système établi et amorcer le mouvement de dérégulation. Certaines de ces pressions venaient de groupements de consommateurs, d'autres d'entreprises mécontentes du niveau d'avantages qu'elles retiraient du système. Le contexte américain d'insertion de ces organes de régulation est donc fait d'allers-retours et de compromis idéologiques et circonstanciés.

I. L'origine du système des « Agences réglementaires indépendantes »

A. Si les débuts du système fédéral de régulation remontent au XVIIIème siècle, l'encadrement des interventions des acteurs économiques s'impose véritablement au lendemain, seulement, de la guerre de Sécession, dans une période d'industrialisation croissante.

La première Agence réglementaire indépendante est la Commission du Commerce entre États (« Interstate Commerce Commission »), instituée par le Congrès en 1887 pour limiter le pouvoir des entreprises de transport ferroviaire d'imposer des tarifs élevés aux fermiers ou autres clients qui utilisaient ces services.

Au début du XXème siècle, d'autres organes sont crées à des fins de régulation économique, dans les secteurs du commerce (Federal Trade Commission, 1914) des communications (Federal Communications Commission, 1934), de l'énergie (Federal Power Commission, 1935) ou des transports maritimes (Federal Maritime Commission, 1936) ou aérien (Civil Aeronautics Board, 1938) Comme on peut le voir, la plupart de ces premières agences indépendantes sont apparues durant la grande dépression comme le moyen de parvenir à un équilibre entre les nécessités des industries émergentes et les besoins de protection des citoyens.

Ces organes se présentent avant tout comme des instruments du Congrès dans la mesure où ils sont institués en dehors de la sphère de contrôle du Président. Ils vont encore se développer à partir des années soixante dans les domaines de la régulation sociale.

B. Les États-Unis adoptent en effet dans cette période, de nombreux programmes en matière de santé, d'aide sociale ou de sécurité des citoyens.

Ainsi, à la fin des années soixante, les accidents industriels constituaient une première cause de décès aux États-Unis et le Congrès adopta en conséquence l'« Occupational Safety and Health Act » de 1970. Le but était de réduire le nombre d'accidents mortels dans l'industrie et leurs conséquences. Pour atteindre cet objectif, est créée « l'Occupational Safety and Health Review Commission » dont la mission est de définir des standards de protection, d'élaborer des réglementations, de contrôler le bon respect de ces standards et règles, de poursuivre les responsables et proposer des sanctions en cas de violation. Depuis lors, cette « Agence » a adopté près de deux mille pages de règles et de standards divers...

Cet impressionnant pouvoir réglementaire n'était pas l'apanage des « agences » indépendantes créées dans le premier tiers du XXème siècle, en raison de la doctrine libérale dominante de « laisser faire ». La Federal Trade Commission se voyait par exemple confier la mission de lutter contre les « pratiques concurrentielles injustes » par le « Clayton Act » de 1914 mais ne reçut qu'au début des années soixante-dix un véritable pouvoir réglementaire, et ne dispose toujours pas du pouvoir de sanction... Par contre, ces « Agences » apparaissent plus « indépendantes » que celles instituées à partir de 1960 qui se trouvent soumises à un contrôle plus marqué du Président...

La multiplication des « Regulatory Agencies » dans les années soixante et soixante-dix c'est-à-dire jusqu'au début de la Présidence Reagan n'entraîne pas ainsi une augmentation corrélative de nombre des « Agences indépendantes ».

En effet, si ces « Regulatory Agencies » passent de 28 en 1960 à 56, soit un doublement, en 1980, la plupart des nouvelles « Agences » créées ne répondent pas aux critères d'indépendance et apparaissent plus liées à l'Exécutif.

II. L'évolution du système des « Agences réglementaires indépendantes »

Durant les années soixante-dix, de nombreuses études tendent à démontrer que le système de régulation fédérale constitue un obstacle à la croissance économique, limitant notamment la concurrence au sein du secteur privé. Ces préoccupations légitiment ainsi le mouvement de « déréglementation » (« dérégulation ») fondé sur un retour aux principes de libre-concurrence et à la recherche de tarifs moindres pour le consommateur qui va caractériser la période récente.

La première illustration est la loi sur la déréglementation du transport aérien de 1978 « Airline Deregulation Act » adoptée sous l'administration Carter.

Un autre élément majeur d'évolution se trouve dans le rôle croissant du Président en matière de régulation et de contrôle des Agences fédérales. Les deux mandats du Président Reagan, fortement hostile au système de régulation, consacrent ainsi l'encadrement du phénomène, à travers notamment la nomination à la tête des Agences fédérales, de personnes totalement acquises aux exigences de « déréglementation ».

L'impact de la Présidence Clinton en matière de régulation apparaît limité. Une certaine continuité avec l'ère Reagan se manifeste, avec toutefois davantage de flexibilité dans les relations entre l'Exécutif et les Agences fédérales et donc une marge d'autonomie plus grande pour ces dernières.

Enfin, l'arrivée au pouvoir de George W. Bush se traduit sans surprise par une hostilité renouvelée au système de régulation et un resserrement, souhaité par les milieux d'affaire, du contrôle de l'Exécutif sur les Agences fédérales, notamment dans le secteur de l'énergie...

A. Modalités d'organisation et indépendance des « Agences réglementaires indépendantes » (I.R.A.)

Les « Independant Regulatory Agencies » (IRA) s'inscrivent dans un ensemble fédéral composé de trois types d'organes :

- Le bureau exécutif du Président (Executive Office of the President) crée en 1939 : il comprend 1600 agents répartis autour de treize services, incluant notamment l'« Office of Management and Budget » (OMB), le « National Security Conseil » (NSC), le « Council of Economic Advisers » (CEA) et l'« Office of the Vice-Président ».

Ces organes sont considérés comme « staff agencies » qui à la différence de « line agencies » n'ont aucune fonction d'administration proprement dite, leur seule mission étant de conseiller le Président.

- Les Agences de niveau « ministériel » (« Cabinet-level Agencies ») au nombre de quatorze.

Elles emploient 1,6 million d'agents.

- Les Agences réglementaires indépendantes et les autres organismes gouvernementaux autonomes. On en recense une soixantaine regroupant plus d'un million d'agents.

Après une croissance régulière, en termes d'effectifs, depuis le milieu du XXème siècle, cet appareil administratif fédéral voit sa taille décliner depuis une quinzaine d'années. En 1980, il comptait ainsi 2,9 millions d'agents contre 2 750 000 aujourd'hui, la différence s'expliquant principalement par la privatisation d'un certain nombre de services...

Au sein de cet ensemble, les « Agences réglementaires indépendantes » répondent à des critères d'identification spécifiques et occupent une place originale par rapport aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Il convient d'analyser ainsi, successivement les modalités d'organisation de ces Agences et leurs conditions d'indépendance effective.

1. Les modalités d'organisation

a) La distinction entre « Agences réglementaires indépendantes » et « Agences exécutives »

1- La définition du terme « Agence » (Agency) apparaît particulièrement extensive selon la loi sur la Procédure administrative (A.P.A.) de 1946 : Toute « autorité du gouvernement des États-Unis » exerçant une compétence fédérale est ainsi visée.

Le Congrès et les tribunaux fédéraux font partie des exceptions expresses et ne peuvent être une Agency. Le Président des États-Unis n'étant pas mentionné, parmi les exceptions, pourrait-il être qualifié d'« Agency ». La question n'a été tranchée par la Cour Suprême qu'en 1992, dans une décision « Franklin v. Massachusetts » (505. US. 788) qui considère que ce dernier n'est pas une « Agence » au sens de la loi sur la Procédure administrative, ne pouvant être par principe directement chargé par une loi de l'application de celle-ci...

Une autre catégorie d'« autorités gouvernementales » dont la qualification d'« Agence » apparaît problématique est celle des « Sociétés gouvernementales » (« Government Corporations »). Certaines sont expressément reconnues comme telles par la loi qui les organise. Il en va ainsi de l'« Overseas Private Investment Corporations » alors que pour d'autres, telles « Amtrak » sur la « Corporation for Public Broadcasting » la loi les instituant écarte la qualification d'« Agence ». En effet, lorsque le Congrès utilise la forme de « société anonyme » pour prendre en charge ce qui serait autrement une affaire « gouvernementale », il entend généralement éviter que soient applicables à ces entités, les procédures administratives relatives aux « Agences »...

Au total, le terme d'Agence recouvre de multiples