CHAPITRE III - Réunions de la commission de défense à vienne (autriche) (20, 21 et 22 février 2006)

Cette visite aux institutions militaires autrichiennes a comporté les événements suivants :

Le lundi 20 février , briefing à la Landesverteidigungsakademie (académie militaire) avec les exposés suivants :

- discours d'introduction par le Général Roland Ertl, Chef d'État-major des armées ;

- exposé d'un représentant du Bureau de la politique de sécurité sur la politique de sécurité autrichienne ;

- exposé de Brig Wolfgang Wosolsobe, Directeur du Groupe de projet EU06, sur la politique de défense autrichienne et les aspects militaires du programme de la présidence autrichienne en matière de PESD ;

- exposé du Colonel (GS) Thomas Heinold, Division Plans et politique, sur la transformation des forces armées autrichiennes.

Le mardi 21 février , visite du commandement autrichien des opérations internationales (AUTINT) à Graz et visite d'entreprises de défense.

Le mercredi 22 février , réunions de la Commission de défense de l'Assemblée de l'UEO avec les membres des Commissions de défense du Nationalrat et du Bundesrat et de la Délégation autrichienne de l'Assemblée de l'UEO.

Ont participé à ces réunions, outre le Président Jean-Pierre Masseret , MM. Guy Lengagne, Jean-Pierre Kucheida, Rudy Salles et André Schneider.

CHAPITRE IV - Séminaire tenu à londres sur le thème « construisons une europe sure dans un monde meilleur : la responsabilite et l'action des parlements pour mobiliser l'opinion publique sur les questions de securite et de defense » (25 et 26 avril 2006)

À l'invitation de la délégation britannique aux assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, ainsi que de la chambre des Communes, un séminaire s'est tenu à Londres, au Parlement (Porticullis House), les 25 et 26 avril 2006 avec pour thème : « construisons une Europe sûre dans un monde meilleur : la responsabilité et l'action des parlements pour mobiliser l'opinion publique sur les questions de sécurité et de défense » .

Les discours d'ouverture ont été prononcés par M. Tony Lloyd, MP, Président de la délégation britannique, M. Jean-Pierre Masseret, Président de l'UEO et M. Reinhard Bosch, Président de la Commission de défense, Nationalrat, Autriche, représentant la présidence de l'Union européenne.

C'est M. Lloyd qui accueille les membres de l'Assemblée participant au séminaire. Le thème de ce séminaire, « Construisons une Europe sûre dans un monde meilleur : la responsabilité et l'action des parlements pour mobiliser l'opinion publique sur les questions de sécurité et de défense », est particulièrement important pour les citoyens européens. La salle où se tient le séminaire porte le nom de l'ancien Premier ministre britannique Attlee, grande figure de l'immédiat après-guerre, en poste en 1948 lors de la signature par le Royaume-Uni du Traité de Bruxelles sur lequel est fondée l'UEO. Les opinions publiques souhaitent aujourd'hui plus de sécurité, mais elles sont souvent réticentes à accepter la nécessité de budgets de défense conséquents. Le prédécesseur de Clement Attlee, Winston Churchill, sans doute l'homme politique britannique le plus marquant de son siècle, a lui-même connu l'oubli politique dans la période d'avant-guerre, parce qu'il prônait le réarmement, alors nécessaire, mais à contre-courant d'une opinion publique encore traumatisée par la Première guerre mondiale. Aujourd'hui, après la fin de la guerre froide, beaucoup d'incertitudes pèsent néanmoins sur la sécurité de l'Europe et ces incertitudes vont croissant. Comment convaincre les opinions publiques que d'importants budgets de défense sont plus que jamais nécessaires ? A la fin de la guerre froide, nombreux sont ceux qui ont caressé l'espoir de récolter les dividendes de la paix. Or, il s'agit au contraire de convaincre les citoyens du bien-fondé de nos choix politiques en vue d'assurer leur sécurité. Mais, dans les faits, il est très difficile de faire accepter l'idée d'un budget de défense en croissance. Comment, en tant que parlementaires, présenter aux citoyens les choix politiques en matière de sécurité pour qu'ils les acceptent ? Comment influencer l'opinion publique afin de faire de la sécurité de l'Europe un sujet prioritaire pour les citoyens ?

Le Président Jean-Pierre Masseret salue à son tour les participants au séminaire et dit son plaisir de se retrouver au Parlement britannique. Ce séminaire nourrit des ambitions qui se justifient par une conviction : notre vie quotidienne, demain, dépendra directement du projet politique qui fera de l'Union européenne un acteur respecté et respectable de l'organisation du monde. Or, ce projet politique nécessaire n'existera pas sans une politique commune et autonome de défense et de sécurité.

En tant que parlementaires engagés et au fait des questions de défense et de sécurité, les membres de l'Assemblée de l'UEO ont une double tâche. La première est de dépasser la frilosité des exécutifs européens qui hésitent devant l'obstacle communautaire. La seconde est de clarifier, pour nos concitoyens, les enjeux de la PESD. Ce séminaire doit aborder sans tabou ces deux aspects en privilégiant la responsabilité des parlementaires comme moyen de mobiliser et d'éclairer l'opinion publique.

Nos concitoyens perçoivent très clairement que sans paix, ni sécurité, rien n'est possible : ni progrès économique, ni progrès social, ni progrès démocratique. La guerre est forte de trop de souffrances, d'injustices et de barbarie, pour que nous restions sans agir devant les enjeux démocratiques et sociétaux de ce début de siècle. 50 % des citoyens européens pensent que les menaces qui pèsent sur la paix sont plus fortes en 2006 qu'en 2005. Le terrorisme est naturellement perçu comme la menace la plus forte, juste devant les armes de destruction massive. Trois pays ont un haut niveau de conscience des menaces nouvelles : le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie. Lorsqu'on interroge les citoyens européens sur les actions concrètes qui, à leurs yeux, justifieraient une intervention militaire de l'Union européenne, 96 % répondent « les catastrophes naturelles », 80 % répondent « le terrorisme », mais 65 % seulement envisagent une intervention militaire en cas d'agression contre un pays membre de l'Union européenne ou de l'OTAN. Dans le même temps, 82 % jugent essentielle et souhaitable une politique européenne en matière de défense. Enfin, 80 % considèrent que l'Union devrait pouvoir décider de faire intervenir ses forces de défense sans l'appui des États-Unis, mais 31 % seulement pensent qu'elle en a, de façon certaine, les moyens. Les sondages d'opinion montrent combien il est indispensable et urgent pour les membres de l'Assemblée, parlementaires engagés, de préciser les enjeux fondamentaux. Les enjeux sont le maintien des valeurs démocratiques, les libertés individuelles et collectives, la sécurité, la paix et la stabilité (à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des frontières de l'Union européenne). La prise en compte de ces enjeux passe par une prise de conscience accrue des dangers. Elle exige de nous le sentiment de partager un destin commun. Nos destins individuels auront souvent à s'effacer devant le destin collectif de nos valeurs. Il faut avant tout faire partager à nos concitoyens l'objectif des « valeurs » et leur expliquer aussi la nécessité de consentir à des dépenses budgétaires pour se doter des moyens indispensables afin de défendre ces valeurs et réaliser nos objectifs collectifs. Sans cela, le projet de « destin collectif » de l'Europe ne pourra pas exister.

L'Europe a un sérieux besoin d'esprit de solidarité : solidarité entre les citoyens et solidarité entre les pays. Les membres de l'Assemblée de l'UEO, rompus aux questions de défense et de sécurité, ont une responsabilité particulière pour donner une plus grande visibilité à la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Comment y parvenir ? Nous devons intensifier les débats sur les missions de la PESD, évoquer la concurrence UE/OTAN et exiger un modus vivendi entre ces deux organisations. Les problèmes de défense et de sécurité, en rapport avec la situation internationale de plus en plus inquiétante, ne permettent pas d'attendre la fin du débat sur le sort du Traité constitutionnel et sur son impact quant à la gestion de la PESD.

Le Président propose des débats concrets permettant d'aboutir à des prises de position pour encourager l'établissement de coopérations renforcées ou structurées et pour soutenir le développement de l'Etat-major de l'Union européenne, de l'Agence européenne de défense (AED), des groupements tactiques, de la lutte antiterroriste, etc. Il faut aller plus loin, plus vite, avec plus d'ambition.

De plus, il serait important d'améliorer la coopération interparlementaire. Même si le Parlement européen n'a pas de compétence définie en matière de PESD, sa Sous-commission défense en discute. Il est normal que le PE, qui tire sa légitimité de son élection au suffrage universel direct, souhaite traiter de toutes les questions européennes, y compris la défense et la sécurité. L'Assemblée de l'UEO, quant à elle, est l'émanation des parlements nationaux. Il faut inventer un système de concertation et de travail en commun dans l'intérêt des citoyens de demain. La légitimité, la pertinence et l'utilité de notre Assemblée ne sont pas à démontrer. Dans l'avenir, on pourra penser à une autre dénomination, à un autre mode de fonctionnement. Mais ce qui est sûr, c'est que l'Europe a besoin d'un lieu, d'une structure favorisant les débats entre membres des parlements nationaux. Ce séminaire permettra de formuler des propositions nouvelles.

Que l'Assemblée de l'UEO perdure n'est pas une question « existentielle ». L'enjeu dépasse de loin cette question. L'Europe sera-t-elle encore un acteur essentiel du monde demain ? Si le « grand frère » américain venait à s'éloigner du vieux continent, l'Europe pourrait-t-elle exister et agir par elle-même ? Il s'agit de questions plus vitales ayant trait à la sécurité et à la défense, au progrès économique, social et culturel, et au rayonnement de l'Europe dans le monde.

M. Bosch, Président de la Commission de défense (Nationalrat, Autriche) , représentant la présidence de l'Union européenne, rappelle que l'Autriche est un pays neutre. Cette neutralité reste un élément clé de la politique de sécurité de ce pays. L'Autriche participe pourtant activement à la politique européenne de sécurité et de défense. De plus, sans être membre de l'OTAN, elle participe au Partenariat pour la paix (PpP) de cette organisation. Les Balkans sont une région particulièrement importante pour l'Autriche, qui est engagée en Bosnie-Herzégovine avec 250 à 300 militaires et au Kosovo avec un petit contingent. Parmi ses objectifs prioritaires, la présidence autrichienne a placé la stabilisation dans les Balkans et l'intensification du travail politique en matière de sécurité et de défense.

Par ailleurs, l'Autriche a entrepris de réformer ses forces armées pour faire face aux nouvelles menaces. L'armée autrichienne est passée de 130 000 hommes à 50 000 hommes. Elle a diminué en quantité mais gagné en qualité. Pour autant, le service militaire continue d'être obligatoire. Cette réforme indispensable des forces armées nécessite des fonds.

L'Autriche n'est pas membre de l'OTAN et elle espère que l'Union européenne sera capable de s'engager parfois de manière autonome, en s'émancipant des Etats-Unis, pour défendre sa propre vision politique du monde.

En ce qui concerne la question des opinions publiques, il faut rendre les citoyens des pays européens réceptifs aux réformes de défense nécessaires pour assurer leur sécurité. L'armée autrichienne, par exemple, est reconfigurée pour agir dans le cadre d'interventions internationales, pour servir de soutien en cas de catastrophes naturelles et pour renforcer les contrôles aux frontières afin d'éviter l'immigration illégale.

Tous les pays européens connaissent des difficultés budgétaires car « les caisses sont vides ». Cela justifie d'autant plus le besoin de fédérer les efforts de défense au niveau européen. Il convient d'expliquer clairement les objectifs en matière de sécurité à nos concitoyens, conclut M. Bosch.

Les cinq séances portaient respectivement sur les thèmes suivants :

Première séance : L'Europe au XXIe siècle

Quels seront la position et le statut de l'Europe au XXIe siècle ? Le taux de croissance économique stupéfiant de certains pays asiatiques, pour ne citer que la Chine et l'Inde, va modifier de façon décisive la position relative des puissances économiques dans le monde. Compte tenu de sa démographie et de ses taux de croissance, l'Europe ne figurera très probablement plus dans le peloton de tête des puissances mondiales.

L'Union européenne va devoir réfléchir à sa position future dans le monde, y compris sous l'angle de sa politique étrangère, de sécurité et de défense. Que faut-il faire pour assurer la paix et la stabilité à l'intérieur de ses frontières et garantir la continuité de l'approvisionnement en matières premières et en énergie pour préserver un niveau de vie suffisant pour sa population ? Faudra-t-il nouer de nouvelles alliances ou transformer et renforcer les anciennes, tout en s'efforçant de déterminer les besoins sécuritaires communs à tous les membres de ces alliances ?

Au cours de cette première séance : Rt. Hon. James Arbuthnot , Président de la Commission de défense du Parlement britannique, M. Pascal Boniface , Directeur de l'Institut français des relations internationales et stratégiques-IFRI, Mme Olivia Bosch , Directeur de recherche, Chatham House (Royal Institute of International Affairs) , Londres.

M. Arbuthnot déclare que c'est un grand plaisir pour lui de parler devant l'Assemblée de l'UEO et qu'il est particulièrement utile de rencontrer des collègues d'autres parlements nationaux et du Parlement européen.

Pour la sécurité de l'Europe au XXIe siècle, il est important d'évoquer les vraies menaces d'aujourd'hui - le terrorisme et l'insurrection - qui viennent de l'intérieur, contrairement aux menaces traditionnelles dues à des attaques extérieures. Il est difficile de trouver des solutions directes à ces nouvelles menaces. Parfois, elles peuvent être combattues à la source, comme c'est le cas présentement en Afghanistan. La prolifération nucléaire constitue une autre menace, et il est important de perpétuer la dissuasion nucléaire et d'augmenter la coopération franco-britannique dans ce domaine.

Les changements climatiques et l'accès à l'eau, plus que l'occupation des terres, peuvent aussi provoquer des différends.

Pour se défendre contre ces menaces, la réponse est financière. Un pays ou un continent riche a les moyens de se défendre, ce qui pose des questions sur le déclin de la compétitivité de l'Europe par rapport à celle de la Chine ou de l'Inde.

Une autre question concerne le futur rôle de l'OTAN. L'Alliance est présente en Afghanistan, non pas pour défendre l'Atlantique nord : c'est une organisation militaire qui fonctionne pour des raisons historiques. Mais l'histoire ne suffit pas à justifier sa survie, il lui faut se trouver une cause qui lui fait défaut pour l'instant. Il est important d'accroître la coopération en matière de défense en Europe et d'évaluer l'avenir des relations transatlantiques, hautement appréciées par le Royaume-Uni mais qui n'ont aucun caractère automatique.

L'incertitude est la principale menace pesant sur l'Europe, et les gouvernements doivent se préparer à l'imprévu en faisant preuve de mobilité, de souplesse et d'adaptabilité.

Les pays européens n'affectent pas assez de crédits à leurs budgets de défense, en raison notamment de la pression insuffisante exercée par les politiciens élus. Les parlementaires ont le devoir d'expliquer au public pourquoi il faut conserver les dépenses de défense dans le monde incertain dans lequel nous vivons. Compte tenu des tensions pesant sur les budgets de défense, les ressources disponibles doivent être utilisées plus efficacement, dans les domaines de la recherche et de la technologie (où l'Europe a pris un retard considérable par rapport aux États-Unis et aux marchés émergents de la Chine ou de l'Inde).

L'AED peut faire la différence en la matière, mais les États membres doivent dépasser les intérêts politiques à court terme. L'Europe doit restructurer son industrie de défense et la Stratégie industrielle de défense du Royaume-Uni a reconnu que l'industrie et le gouvernement devaient évoluer.

En ce qui concerne l'opinion publique, la Commission de défense du Royaume-Uni estime jouer un rôle important de liaison entre le gouvernement/le ministère de la défense et l'électorat. L'activité parlementaire doit impérativement être accessible au public, En ce qui concerne l'opinion publique, la Commission de défense du Parlement britannique juge important son rôle de maillon entre le gouvernement/ministère de la défense et l'électorat. L'action parlementaire doit être accessible et lisible, et le ministère de la défense teste de nouveaux moyens de communication des informations (par exemple par le biais d'un forum interactif destiné à recueillir des avis sur l'éducation des enfants du personnel des forces armées). La commission invite aussi le gouvernement à tenir sa promesse d'organiser un débat public sur l'avenir de la dissuasion nucléaire stratégique du Royaume-Uni.

Les organisateurs du séminaire ont souligné, à juste titre, estime l'orateur, que l'opinion publique était cruciale pour la défense future de l'Europe. Si les gens ne s'en rendent pas compte, la bataille contre les ministères des finances sera perdue.

M. Jean-Guy Branger (Sénateur, Président de la Commission du Règlement et des immunités de l'Assemblée de l'UEO) est intervenu pour déclarer que pour faire bouger les choses, il faut réunir certaines conditions. L'addition des populations des États-Unis et de l'Europe représente actuellement près de 10 % de la population mondiale. Ce pourcentage devrait diminuer dans les dix prochaines années pour tomber à 6,5 %. Manifestement, les États-Unis traversent une période difficile et vont voir leurs immenses capacités se réduire pendant la prochaine décennie. Le corollaire de cette évolution sera l'abandon de l'Europe par les Etats-Unis. Elle doit pour cela assumer la responsabilité de sa propre sécurité. L'Europe doit être sur ses gardes, car elle ne figure pas en haut des priorités des États-Unis. Les événements ne jouant pas en faveur de l'Europe, les gouvernements doivent être réalistes et pratiques et prendre la décision de développer une PESD claire et forte.

Deuxième séance : L'opinion publique européenne face à la sécurité et la défense européennes

Résultats des sondages d'opinion, Eurobaromètre, et éventuellement réponses reçues sur le site interactif de l'UE, et résultats des sondages d'opinion nationaux sur la politique de sécurité et de défense et les dépenses de défense.

Analyse de l'opinion publique, dans l'ensemble positive ; la majorité écrasante de la population européenne est, assez logiquement, favorable à une politique européenne de sécurité et de défense. Toutefois, les questions posées dans ces sondages ne sont peut-être pas de nature à faire prendre conscience aux citoyens l'importance des conséquences que peut avoir, sur les plans financier et autres, l'acceptation de responsabilités nouvelles ou plus lourdes. La population est-elle prête à s'engager et à « mettre la main au porte-monnaie » ? Pour la plupart des citoyens, comme pour les gouvernements, le secteur de la défense est le premier visé en cas de restrictions budgétaires.

Au cours de cette deuxième séance : M. Karel Kovanda , Directeur adjoint aux relations extérieures générales de la Commission européenne, M. Franz Kernic , Institut für Strategie und Sicherheitspolitik de Vienne, M. Julio Miranda Calha , Président de la Commission de défense du Parlement portugais, et M. Geoffrey van Orden, MEP , Royaume-Uni, Vice-président de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, ont pris la parole.

M. Kovanda rappelle tout d'abord les résultats très positifs des enquêtes de l'Eurobaromètre, montrant un soutien élevé des citoyens à un rôle accru de l'Union sur la scène politique mondiale. De plus, 82 % se déclarent convaincus de la nécessité de son indépendance vis-à-vis de la politique étrangère américaine. Les citoyens européens sont très préoccupés par leur sécurité, surtout dans les nouveaux pays membres, mais connaissent à peine les organisations comme l'UEO, l'OSCE et même l'OTAN. C'est pourquoi l'Union a adopté un plan de communication, le « plan D », pour multiplier les débats, les discussions et le dialogue en Europe.

De surcroît, la demande de sécurité ne porte pas seulement sur l'aspect militaire, mais sur d'autres menaces pour la stabilité et la paix comme le terrorisme, le crime organisé et l'exclusion sociale. L'Union apparaît comme un garant des droits de l'homme, non seulement grâce à ses actions humanitaires dans le cadre d'opérations dans des zones de crise, mais en tant qu'acteur crédible de la sécurité. Deux citoyens sur trois se déclarent d'accord avec la création d'une force de réaction rapide européenne, mais s'interrogent aussi sur la légitimité de ces actions, et donc sur le contrôle démocratique des politiques de sécurité.

Les statistiques doivent être considérées avec la plus grande prudence : des surprises sont toujours possibles, surtout si l'on demande une augmentation des budgets de défense. Dans ce domaine, les gouvernements ont besoin du soutien de l'opinion publique, qui leur sera plus facilement acquis si les projets dans ce domaine sont menés au niveau de l'Union dans le cadre d'une PESD plus sûre d'elle et innovante.

Troisième séance : Priorités et limites de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD)

Etant donné la position actuelle de l'opinion publique et la réduction du champ des possibilités, quelles sont les priorités pour la PESD, et quelles en sont les limites ?

La Stratégie européenne de sécurité distingue cinq grandes menaces : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, les conflits régionaux, les Etats déliquescents et la criminalité organisée. Le Traité sur l'Union européenne établit une liste générale et potentiellement ambiguë des tâches et des actions qui pourraient être entreprises pour assurer la mise en oeuvre de la PESC (les missions de Petersberg), mais il ne fixe aucune limite géographique à l'action de l'Union européenne pour parer aux menaces.

Les moyens financiers n'augmenteront pas. Les États membres de l'UE devront donc accroître leurs efforts pour améliorer leur rentabilité. Il faut une meilleure organisation et une utilisation efficace et intégrée des ressources, ce qui impose de procéder à une transformation rationnelle des forces et de mettre au point un bon concept d'acquisition en consolidant les points forts et en optimisant les investissements.

Dans le passé, la politique de sécurité et de défense, ainsi que le maintien de forces armées chargées de garantir la sécurité et la défense du territoire national, ont toujours figuré parmi les caractéristiques essentielles de la souveraineté d'un pays. De même, ils étaient l'orgueil de la nation et constituaient un vecteur d'identité nationale.

Quelles sont les perspectives et les limites du transfert de ces compétences et capacités à un organe supranational, en l'occurrence l'Union européenne ? Les grands pays sont-ils moins enclins à réaliser un tel transfert que les petits ? Dans quelle mesure les pays sont-ils prêts à s'engager dans la spécialisation des tâches, ce qui pourrait les conduire à renoncer à des éléments essentiels de leurs forces armées nationales afin de pouvoir en renforcer d'autres ?

Au cours de cette troisième séance : M. Robert Walter , MP, Président de la Commission de défense de l'Assemblée de l'UEO, Mme Claude-France Arnould , Directeur pour les questions de défense au Conseil de l'Union européenne, et M. Mikko Elo , Président de la délégation finlandaise (présidence entrante de l'Union européenne), ont présenté leurs observations.

Mme Claude-France Arnould explique qu'elle va présenter le point de vue pratique d'une « femme de terrain », c'est-à-dire exposer les priorités et les limites actuelles de la PESD.

Commençant par les priorités, il est impératif d'acquérir les moyens nécessaires pour pouvoir passer à l'action. Il importe donc de mettre en oeuvre et de développer les missions de Petersberg (celles-ci sont très larges et ne se limitent pas toujours à des opérations de basse intensité). Il est essentiel également d'aller au-delà de Petersberg et de développer des capacités civiles pouvant aussi servir à soutenir les opérations des Nations unies. Enfin, l'UE doit pouvoir appuyer les organisations régionales et sous-régionales, comme elle le fait avec l'Union africaine.

L'UE met actuellement au point ses capacités de riposte aux catastrophes. Des mesures significatives étaient attendues en mai 2006 dans le domaine des capacités de transport aérien sur le territoire de l'UE et à l'extérieur de son territoire.

En ce qui concerne les capacités civiles, l'UE est active en Bosnie-Herzégovine par le biais de sa mission Althea et elle est prête à prendre le relais de la MINUK au Kosovo. La relève de l'opération de la KFOR est également à l'étude.

Le développement d'une approche civilo-militaire globale est de plus en plus considéré comme prioritaire, de même que la cohérence avec le troisième pilier. Des structures ont été mises en place à ces fins, telles que le Comité politique et de sécurité (COPS), l'État-major de l'UE (EMUE) et la Cellule civilo-militaire.

Des progrès sont à noter en ce qui concerne les groupements tactiques, y compris dans des États sur lesquels on ne comptait pas (les États nordiques). Ces groupements sont un exemple frappant de la mise sur pied de capacités supplémentaires, auxquelles il faut ajouter la Force de gendarmerie européenne.

S'agissant des limites de la PESD, certaines, telles que la distance, semblent artificielles car l'Union européenne a fait la preuve de son aptitude à passer à l'action partout dans le monde. D'autres concernent les capacités : dans ce domaine aussi, il est essentiel de développer des capacités pouvant être utilisées par tous les membres de l'UE, à l'intérieur et à l'extérieur de son territoire. Sur le plan politique, il convient de rationaliser les relations avec l'OTAN en matière de planification militaire : l'absence de continuité est patente.

Pour terminer, Mme Claude-France Arnould a expliqué que la priorité demeure l'amélioration des capacités au niveau national, par exemple dans le domaine des groupements tactiques.

Quatrième séance : La PESC et la PESD peuvent-elles se passer de la Constitution européenne ?

Le sort du projet de Constitution européenne a-t-il révélé les limites du pouvoir de l'UE ? Les parlementaires de tous les pays membres connaissaient-ils l'état d'esprit de l'opinion publique ? En matière de sécurité et de défense, les parlementaires devraient-ils guider l'opinion publique ou simplement lui emboîter le pas ? Leur tâche consiste peut-être en effet à sensibiliser cette dernière, notamment en lui fournissant les informations essentielles. Néanmoins, si le public ne peut être convaincu, les parlementaires devront peut-être s'incliner et se rallier à l'avis exprimé par les citoyens.

Le Traité de Nice fournit-il une base solide pour mener une PESC/PESD efficace ? Toutes les possibilités offertes par ce Traité ont-elles été pleinement exploitées ? Examen des actions proposées dans la Stratégie européenne de sécurité pour faire face aux menaces :

- politique étrangère et diplomatie active ;

- politique d'élargissement ;

- prévention des conflits ;

- renouvellement des forces et des armes, mise sur pied de capacités.

Sans une Constitution européenne, est-il possible de poursuivre le développement de la PESC et de la PESD ?

Dans cette séance, sont intervenus M. Karl von Wogau , Allemagne, Président de la Sous-commission Sécurité et défense du Parlement européen, M. Jean-Claude Mignon , Député, membre, outre de la Délégation française à l'UEO, de la Commission de la défense de l'Assemblée nationale, et M. Rob de Wijk, Institut Clingendael, La Haye.

M. Jean-Claude Mignon , représentant le Président de la Commission de défense de l'Assemblée nationale M. Guy Teissier, aborde, pour sa part, le sujet délicat des conséquences, pour la PESD et la PESC, des difficultés, pour employer un euphémisme, rencontrées lors de la ratification du projet de Constitution européenne. Il s'agit d'un sujet politiquement délicat à aborder pour un Français dans une telle enceinte, comme on s'en doute. Sujet de regret aussi, car la Commission de la défense de l'Assemblée nationale s'est largement attachée, au cours de cette législature, à étudier les questions de défense européenne et à essayer, à son niveau, d'en faire progresser l'idée. Sujet essentiel enfin, car l'Europe de la défense se trouve à un tournant de son histoire, et ce bien au-delà de la seule question institutionnelle.

Bien des dispositions du projet de Constitution auraient représenté un progrès substantiel tant pour la PESC que pour la PESD, qu'il s'agisse de la création d'un poste de ministre des affaires étrangères de l'Union européenne ou de la possibilité donnée à des groupes d'États d'approfondir leurs relations au travers des coopérations structurées permanentes. Ces apports positifs l'étaient d'autant plus que, si l'on se rappelle les travaux menés dans le groupe de travail préparatoire confié à Michel Barnier, c'est finalement un consensus très large qui avait pu être trouvé alors que d'aucuns auraient pu croire qu'une fois de plus, les questions de défense auraient constitué un facteur de division plutôt que d'unité.

Pour M. Jean-Claude Mignon, cette capacité à avancer dans la même direction est le témoignage de l'acquis de la PESD et de la pleine conscience des progrès substantiels qu'elle a réalisés, finalement en un temps très court.

On peut schématiquement distinguer deux phases dans les progrès récents de la PESD. Une première étape, entre 1999 à 2003, s'est étendue de la rencontre de Saint-Malo et du Conseil européen de Cologne, en juin 1999, à la malheureuse crise irakienne.

Elle a été caractérisée par la définition d'objectifs clairs - être capable de remplir les missions dites de Petersberg et disposer d'une capacité d'action autonome. Cette dernière préoccupation a notamment été à l'origine de la création de nouveaux organes politiques et militaires permanents (Comité politique et de sécurité, Comité militaire, État-Major de l'UE) permettant à l'Union européenne d'assurer l'orientation politique et la direction stratégique nécessaires à des opérations d'envergure. Ces structures ont pu être testées au cours des opérations Concordia, dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, et Artémis, en République démocratique du Congo. Par ailleurs, un travail considérable d'identification des lacunes capacitaires a été réalisé. La crise irakienne et les dissensions qu'elle a entraînées ont certes conduit à une pause, mais de fait très courte.

Les initiatives ont ensuite repris et ont connu de nombreuses traductions concrètes en 2005, paradoxalement l'année même où la progression institutionnelle de l'Union a ralenti brusquement. 2005 marque en effet la véritable mise en place de l'Agence européenne de défense, créée l'année précédente et porteuse de grandes espérances. De manière moins visible mais significative, c'est aussi l'année où les états-majors de niveau stratégique ont été déclarés aptes à s'« européaniser » pour, le cas échéant, planifier et conduire une opération militaire conduite par l'Union. Dans le même esprit, la chaîne de commandement a été testée de façon élaborée à l'occasion d'un grand exercice européen de commandement, MILEX 05, qui est considéré par tous comme un succès. Les groupements tactiques constituent un succès au regard du nombre de candidats et de participants. Enfin, la création d'une Force de gendarmerie européenne apporte un outil supplémentaire pour la gestion de crises.

Quels sont les enseignements que l'on peut retenir de l'ensemble de ce processus? D'une part, que la politique de défense trouve un avantage comparatif dans son caractère intergouvernemental, qui autorise des évolutions rapides si les États y consentent. D'autre part, que les progrès réalisés ont été assez largement indépendants des progrès institutionnels.

Faut-il pour autant se contenter du statu quo en la matière, en se disant que les institutions finiront par suivre ? La réponse à cette question dépend largement de l'ampleur des défis à relever dans un avenir proche. Or, de ce point de vue, il est possible que le rythme des progrès concrets de la PESD s'affaiblisse à moyen terme, compte tenu de l'ampleur des questions à traiter.

Le premier défi, malheureusement bien connu, c'est celui de l'hétérogénéité et de l'insuffisance des budgets consacrés à la défense en Europe. Les budgets et les moyens effectifs sont très largement concentrés dans trois États : le Royaume-Uni, la France et, dans une moindre mesure, l'Allemagne. Les crédits sont d'ores et déjà insuffisants au regard des ambitions, pourtant assez modestes, de la PESD et les évolutions en cours ne sont dans l'ensemble guère encourageantes.

Le second défi, d'ailleurs étroitement lié au premier, c'est celui de la spécialisation progressive. Il est sans doute plus délicat à aborder pour la France et le Royaume-Uni, car il implique d'abandonner la volonté de maîtriser l'ensemble du spectre des moyens militaires modernes. Dans une large mesure, c'est pourtant cette volonté qui a guidé les décisions d'investissements des quinze dernières années, avec des résultats pour le moins mitigés.

L'idée de confier explicitement telle ou telle capacité à un autre Etat mieux à même de la maîtriser reste toutefois politiquement difficilement acceptable, du moins publiquement. Il s'agit d'une véritable révolution mentale à la fois pour les politiques et les militaires, même s'il n'est pas impossible que les seconds (les militaires) soient plus avancés dans l'acceptation du processus. La spécialisation permettra une meilleure répartition des ressources, une meilleure efficacité et, au bout du compte, c'est une des conditions pour rendre plus attractif l'effort budgétaire dans le domaine de la défense pour les États qui ont un rattrapage à effectuer.

Si les évolutions récentes ont montré que la PESD pouvait avancer concrètement malgré la lenteur des progrès institutionnels, les prochaines étapes à franchir seront plus difficiles. Elles nécessitent des remises en cause profondes des modes de pensée, voire des stratégies nationales. Dès lors, il semble indispensable d'essayer de faire progresser, autant que possible au même rythme, les réalisations concrètes et les initiatives institutionnelles. Et cela de façon suffisamment rapide, en espérant que des événements dramatiques ne nous rappelleront pas trop tôt et trop brutalement l'ampleur de nos insuffisances.

Cinquième séance : Améliorer la coopération parlementaire internationale dans le domaine de la sécurité et de la défense

La poursuite du transfert de responsabilités traditionnellement nationales, notamment dans des domaines de souveraineté aussi fondamentaux que la politique étrangère et de sécurité et la défense, exige de la prudence de la part des parlements comme des gouvernements. Dans ces domaines, le soutien populaire est indispensable à la réussite de toute entreprise, comme l'a démontré l'échec du projet de Constitution européenne. En matière de PESC ou de PESD, les parlements nationaux doivent être particulièrement conscients de l'importance du soutien de l'opinion par-delà les frontières. Les parlementaires sont censés tenir compte de l'opinion publique. Forts de leur connaissance des dossiers, ils doivent rencontrer régulièrement leurs homologues des autres parlements des États membres de l'Union européenne pour échanger leurs vues et examiner les moyens d'améliorer et de développer la PESD tout en tenant compte des diverses sensibilités exprimées par l'opinion publique dans les différents pays membres.

Il conviendra de présenter des propositions visant à améliorer le processus de consultation et d'information réciproque entre les parlements nationaux et leurs commissions compétentes, en vue de définir la meilleure méthode pour permettre une participation plus intense des parlements nationaux aux consultations régulières de l'Assemblée avec les instances européennes compétentes pour la PESD.

Au cours de cette cinquième séance , M. Hubert Haenel , Sénateur, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a pris la parole. Après avoir remercié l'Assemblée de l'UEO et le Parlement britannique d'avoir ainsi permis de partager des réflexions sur les moyens de rendre effectif le contrôle des parlements nationaux sur la PESD, il a souligné que, de manière générale, les parlements ont été mis à l'écart des décisions européennes et que, « collectivement », ils n'existent pas. Les citoyens ont eu la même impression ; ils ont eu le sentiment d'un déficit démocratique et se sont sentis coupés de l'Union européenne : les résultats des référendums ont montré ce malaise.

Le cas de la PESD est particulièrement significatif, car l'opinion publique s'est montrée favorable à que l'Europe s'affirme davantage en matière de sécurité et de défense, mais cela ne pourra pas se concrétiser sans suivi démocratique : ces questions restant du domaine de la souveraineté nationale, elles échappent à la compétence du Parlement européen, et les parlements nationaux doivent exercer leur contrôle tant au niveau national qu'à l'échelon de l'Union : au travail collectif des gouvernements doit répondre le contrôle collectif des parlements.

Or, ce contrôle doit être d'abord effectif, ce qui suppose qu'il y ait un véritable dialogue avec le Conseil. Il faut aussi que ce contrôle soit régulier, organisé, et que les parlementaires nationaux disposent d'un minimum de moyens collectifs en termes administratifs comme en termes d'expertise. Enfin, ce contrôle doit être « visible » par les citoyens et se dérouler dans une enceinte identifiable.

Aujourd'hui, les parlements nationaux ne disposent pas d'un instrument répondant pleinement à toutes ces caractéristiques : il y a des réunions des présidents de commissions, il y la COSAC (Conférence des Oorganes Spécialisés dans les Affaires Communautaires). Et il y a l'Assemblée de l'UEO.

On peut dire que c'est plutôt sur l'Assemblée de l'UEO que repose aujourd'hui le contrôle de la PESD : elle est la seule instance parlementaire européenne dans laquelle des parlementaires nationaux peuvent assurer un suivi régulier des questions de sécurité et de défense, incluant un dialogue avec des responsables gouvernementaux. La qualité des travaux de l'Assemblée de l'UEO est bien connue, mais sa position est fragile. Le devenir du Traité de l'UEO est incertain. Le statut de l'Assemblée ne la rattache pas directement à l'Union européenne, alors que celle-ci a repris à son compte les activités de l'UEO et ses structures opérationnelles. Cette situation complexe ne fait pas de l'Assemblée une instance aisément identifiable par les citoyens. De plus, l'obligation que les délégations soient celles siégeant à l'Assemblée du Conseil de l'Europe apparaît comme un handicap.

L'Assemblée de l'UEO est aujourd'hui irremplaçable. Il faut réfléchir à une formule permettant de préserver ses acquis tout en lui donnant une base au sein de l'Union.

Le problème a été évoqué au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe, mais non résolu car il n'y a pas eu un débat approfondi sur cette question. De ce fait, l'apport du Traité constitutionnel est très modeste, se limitant à une disposition du protocole sur les parlements nationaux qui concerne la COSAC. Elle précise que cette dernière « peut également organiser des conférences interparlementaires sur des thèmes particuliers, notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune ».

Cette solution est manifestement insuffisante car des conférences interparlementaires ponctuelles ne peuvent absolument pas répondre au contrôle démocratique effectif de la PESD.

En revanche, l'idée d'intégrer la COSAC dans ce domaine est une idée intéressante. La COSAC aujourd'hui a seulement pour vocation de réunir les commissions européennes des parlements nationaux. Mais elle a le mérite, depuis le Traité d'Amsterdam, d'avoir une base dans le droit primaire de l'Union. Par ailleurs, un principe de la COSAC est que tous les membres sont représentés à égalité, ce qui est bien adapté au contrôle des politiques intergouvernementales. Le Parlement européen, quant à lui, est représenté par six de ses membres, comme l'est chacun des parlements nationaux : il peut ainsi être écouté.

Il est donc temps de réfléchir à un rapprochement entre l'Assemblée de l'UEO et la COSAC, afin d'avoir à terme une instance unique. Cette instance reprendrait les attributions et les moyens de l'Assemblée de l'UEO, et aurait une composition appropriée lorsqu'elle traiterait des questions de sécurité et de défense. Elle conserverait également les attributions actuelles de la COSAC et le principe de l'égalité entre pays membres. On obtiendrait ainsi une instance unique, identifiable par les citoyens, dotée d'un minimum de moyens et basée sur les traités : la composition s'adapterait selon les sujets abordés. Les parlements nationaux disposeraient ainsi d'un instrument pour leur contrôle collectif. C'est sur cette voie, estime l'orateur, que la PESD pourra se développer et la construction européenne progresser en élargissant sa légitimité, avec le soutien des citoyens et l'apport des parlements nationaux.

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Enfin, le Président Jean-Pierre Masseret a conclu les travaux du séminaire en reprenant les points essentiels soulevés au cours des débats. Il est incontestable que les questions de sécurité demandent une réponse collective, impliquant la solidarité en matière de défense : l'élément de référence reste pour cela l'article V du Traité de Bruxelles modifié. En ce qui concerne la PESD, il existe de nombreux instruments institutionnels, mais il manque la volonté politique de la rendre plus vivante et de faire reculer les limites présentes. Il doit être clair pour les citoyens que l'UE, qui a ses besoins propres, présente des différences avec l'OTAN : tel est l'enjeu politique si l'Union veut être acteur sur la scène mondiale pour apporter sa contribution à la paix et au développement, comme l'a très bien expliqué notre collègue grec, M. Vrettos, dans le rapport qu'il a soumis à l'Assemblée en juin 2005.

Des efforts seront assurément déployés pour développer la communication et les contacts entre l'Assemblée et les commissions de défense des parlements nationaux.

A l'heure où la revendication du contrôle parlementaire se manifeste de plus en plus fortement, l'Assemblée de l'UEO ne peut manquer de jouer son rôle car elle représente précisément les parlements nationaux dans leur ensemble. Les contacts avec le Parlement européen doivent être relancés : le Comité des présidents prendra une décision sur l'établissement d'une feuille de route lors de sa réunion du 16 mai prochain. Le Parlement européen doit accepter une forme de collaboration et ne pas vouloir être le dépositaire exclusif du contrôle démocratique des politiques européennes, surtout lorsqu'il s'agit de questions comme celles de la défense.

Le Président Jean-Pierre Masseret annonce que les conclusions du séminaire seront intégrées au rapport intitulé : « Les nouveaux défis d'une politique européenne étrangère, de sécurité et de défense commune - Réponse au rapport annuel du Conseil » (Rapporteur : Lord Tomlinson, Royaume-Uni, Groupe socialiste), que prépare actuellement la Commission politique pour la prochaine session plénière de l'Assemblée.

CONCLUSIONS DU SEMINAIRE

« Trois nouveaux jalons vers la sécurité de l'Europe »

1. Les défis auxquels nos pays se trouvent confrontés pour maintenir et défendre la position de l'Europe et les conditions de vie de ses peuples dans le monde du XXIe siècle face à l'évolution galopante de la situation internationale sur les plans économique, social, idéologique, démographique et sécuritaire exigent la définition de concepts qui soient aussi déterminés, courageux et intelligents que proches de nos concitoyens.

2. Le maintien des valeurs démocratiques, des libertés individuelles et collectives, de la sécurité, de la paix et de la stabilité à l'intérieur et à l'extérieur des frontières de l'Europe demeure essentiel pour le bien-être de nos citoyens et des générations futures.

3. La défense de ces valeurs passe par une conscience accrue des dangers et des risques auxquels elles sont exposées. Elle exige également de nous la conviction profonde de partager un destin commun et une responsabilité commune pour préserver nos valeurs, ce qui peut entraîner des sacrifices personnels, financiers et autres. C'est sur cette base qu'il nous faut établir un profond esprit de solidarité entre tous les citoyens et pays européens concernés.

4. Les enquêteurs de l'Eurobaromètre répètent à l'envi que « les gens veulent plus d'Europe » ; c'est une bonne chose mais cela ne suffit pas. Jusqu'à quel point le contribuable européen est-il prêt à payer pour sa sécurité ? Comparée à la santé, à l'éducation et à la justice sociale, quelle est la place de la défense dans la hiérarchie de ses priorités ?

5. Si l'on veut que le public dans nos pays soit plus réceptif à la menace qui pèse sur l'avenir de sa vie quotidienne, il faut entamer un débat interne, à l'intérieur de chaque pays européen et au coeur des sociétés. L'objectif est de compléter l'engagement très prononcé des citoyens, et notamment des jeunes, pour les projets humanitaires par une vision commune sur des questions de sécurité et de défense. Constituant le principal relais avec les citoyens et l'opinion publique, tous les parlementaires au fait de ces problèmes ont une responsabilité particulière dans l'organisation de ce débat.

6. En matière de gestion de crise internationale, il ne faut pas oublier que la perception publique des opérations de l'UE et de l'OTAN varie considérablement : il semble que l'opinion publique ait davantage confiance dans les opérations de l'OTAN, même si ce sont les mêmes pays qui contribuent aux deux types de mission. La concurrence entre l'UE et l'OTAN rend les opinions publiques perplexes. Il est crucial de parvenir à un réel « modus vivendi ».

7. Il convient de donner aux opérations internationales, notamment sous la bannière de l'UE, une plus grande notoriété, non seulement auprès du grand public, mais en particulier dans les parlements nationaux, au sein desquels il faut intensifier les débats sur les missions de la PESD. Il est urgent de conférer une plus grande visibilité à celle-ci et de renforcer son soutien auprès du public par le biais de l'action parlementaire.

8. Dans le suivi de la PESD ainsi que dans le processus régulier de consultation avec les décideurs européens et nationaux et dans leur dialogue avec les citoyens, les membres du Parlement européen et des parlements nationaux, et notamment ceux qui sont membres de l'Assemblée interparlementaire de sécurité et de défense de l'UEO, doivent travailler en synergie.

9. Les problèmes internationaux en suspens ne permettent pas d'attendre l'issue du débat sur le sort du Traité constitutionnel et son impact sur la gestion de la PESD. Il faut agir ensemble en se fondant sur l'ensemble des traités en vigueur et sur les réalisations concrètes.

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