ANNEXES : AUDITIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES

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LES OUTILS DE LA RÉFORME

LES ACHATS PUBLICS : 21 MARS 2006

Réunie le mardi 21 mars 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Delleur, directeur de l'agence centrale des achats au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de MM. Eric Lucas, secrétaire général adjoint pour l'administration du ministère de la défense, et Bernard Foissier, directeur général de l'économat des armées, sur la réforme des achats.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que la présente réunion débutait un cycle d'auditions visant, d'une part, à suivre les résultats des audits de modernisation mis en place par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et, d'autre part, à dresser un bilan des premières étapes de la réforme de l'Etat. Il a indiqué que la commission souhaitait se concentrer sur les aspects les plus concrets de la modernisation en cours, et qu'elle s'était, en conséquence, intéressée à la modernisation des achats de l'administration, engagée depuis plusieurs mois, sous l'égide de M. Alain Lambert, alors ministre délégué au budget, et dont des économies substantielles pouvaient être attendues.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que l'achat public était une fonction difficile, enserrée dans des contraintes juridiques fortes amenant parfois les acheteurs à se concentrer sur le respect formel des règles plus que sur l'efficacité économique de l'achat. Il a observé que les budgets consacrés aux achats étaient considérables, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie y consacrant, en 2004, 1,9 milliard d'euros sur 14,9 milliards d'euros de budget de fonctionnement.

Il s'est demandé si la création de l'agence centrale des achats du ministère des finances, recommandée par un audit réalisé en 2003-2004, avait permis de réaliser les économies annoncées et pouvait constituer un exemple à suivre pour les autres ministères. Il a indiqué que cet audit avait évalué les économies potentielles à environ 185 millions d'euros en trois ans, sous réserve d'une réforme profonde de l'organisation des achats du ministère.

M. Jean Arthuis, président , a précisé que la réforme visait à réaliser des économies en jouant sur l'effet de masse des commandes et en créant un pilotage centralisé des politiques d'achats afin de normaliser les consommations. Il a ajouté que la professionnalisation de la fonction achats devait permettre de mieux identifier les besoins, de standardiser les produits, de réduire le nombre de références, et de globaliser les commandes, en recourant notamment à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP). Il a toutefois estimé que la modernisation des procédures d'achat de l'Etat devait prendre en compte le tissu économique national, et veiller à ce que la commande publique ait un effet d'entraînement pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Delleur a rappelé que la réforme de la fonction achats du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait été lancée dès 2002, sous l'impulsion de M Alain Lambert, alors ministre délégué au budget. Il a indiqué que des comparaisons internationales, notamment avec les systèmes italien et britannique, avaient permis d'orienter les réflexions relatives à la modernisation des achats, menées par l'inspection générale des finances.

Il a ajouté qu'une expertise extérieure de la fonction achats avait ensuite été demandée à un cabinet d'audit privé. Il a observé que chaque direction du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie effectuait alors elle-même ses achats de fournitures et de prestations de service, pour un total de dépenses d'1,9 milliard d'euros, dont près de 500 millions d'euros de matériels informatique et télécom, 462 millions d'euros d'immobilier, 383 millions d'euros de prestations générales et 230 millions d'euros de fournitures générales.

M. Philippe Delleur a précisé que l'audit avait montré de fortes disparités de prix d'achat entre les directions du ministère pour les mêmes produits, ce qui pouvait s'expliquer à la fois par la différence de taille des directions et leurs volumes respectifs d'achats. Il a considéré que des économies pouvaient être réalisées afin d'amener le rendement global du ministère à un niveau au moins égal à celui de la direction la plus performante pour chaque référence. De même, il a estimé que les différences de consommation d'un même produit par agent et par direction devaient être normalisées.

Il a noté que le coût de traitement des commandes était élevé au regard du taux important de commandes à faible prix. Le coût unitaire moyen de traitement d'une commande, en temps de travail d'un fonctionnaire, était de 100 euros, alors que la moitié des commandes du ministère avait une valeur inférieure ou égale à 100 euros. Il a rappelé qu'avant l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les coûts complets incluant les dépenses de personnel n'étaient pas pris en compte.

M. Philippe Delleur a estimé que la réforme visait à mettre en oeuvre trois leviers : un effet de globalisation des commandes, la maîtrise des consommations et la simplification des procédures. Il a souligné que la distinction entre deux grandes fonctions, l'achat et l'analyse de l'offre d'une part, l'approvisionnement, d'autre part, devait permettre de dégager d'importantes économies.

Il a précisé que l'agence centrale des achats avait été créée par l'arrêté du 26 novembre 2004, sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN), rattaché au secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce qui le plaçait dans une position adéquate par rapport aux directions du ministère. Il a ajouté qu'il était, en effet, indispensable d'assurer l'indépendance de l'agence centrale à l'égard des directions centrales, à qui elle fournissait de nouvelles prestations. Il a observé que le SCN constituait une formule souple, entre l'administration centrale et les services déconcentrés, employant une vingtaine de personnes sur l'ensemble du territoire.

M. Philippe Delleur a rappelé que l'agence centrale des achats s'était vu fixé un objectif d'économie de 150 millions d'euros sur trois ans, qui semblait à la fois important et réaliste. Il a indiqué qu'une démarche pragmatique de conduite de la réforme avait incité, d'une part, à associer au sein d'un comité de pilotage toutes les directions du ministère, et, d'autre part, à définir un périmètre d'action large, afin que l'effet de levier puisse être aussi efficient que possible. Il a noté que les deux tiers des achats du ministère de l'économie et des finances avaient ainsi été globalisés.

Il a rappelé qu'un important travail d'harmonisation des logiciels avait été nécessaire, en amont, pour permettre la mise en oeuvre de la réforme. Il a observé que la globalisation des achats pouvait se faire à l'échelon régional et non national, notamment pour le nettoyage des 7.000 sites du ministère. Il a ajouté que, dans la région Nord-Pas-de-Calais, un lot de marché public avait été réservé, par clause spéciale, aux ateliers favorisant l'emploi des personnes handicapées. Il a noté que la globalisation des achats n'empêchait pas l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique et devait donc favoriser le développement durable.

M. Philippe Delleur a indiqué que les nouvelles technologies et la dématérialisation des procédures avait permis de simplifier l'achat public. Il a relevé que l'agence centrale des achats ne gérait aucun crédit directement, afin de ne pas déresponsabiliser les gestionnaires des services acheteurs du ministère. Il a précisé que l'agence centrale mettait à la disposition de ces services des marchés de fournitures immédiatement utilisables, grâce à une plateforme de commande en ligne, les « acheteurs » n'ayant plus à rechercher eux-mêmes des fournisseurs. Il a annoncé que les livraisons étaient effectuées en 72 heures.

Il a noté, en revanche, que le système de paiement restait encore relativement complexe, mais que l'adoption de la carte d'achat devrait permettre de le rationaliser. Il a expliqué que le paiement était effectué par une banque, qui centralisait les factures, payait les fournisseurs sur présentation des factures et était remboursée par l'administration une fois par mois.

M. Philippe Delleur a indiqué qu'un rapport d'activité permettait d'évaluer les actions menées en 2005. Il a cité en exemple le marché d'achat d'ordinateurs. Il a précisé que la forme juridique retenue était un marché public en multiattribution permettant de remettre trois fournisseurs en concurrence tous les 6 mois : l'économie réalisée sur deux années était évaluée à 40 % du prix total.

Il a relevé que la fourniture des consommables informatiques était assurée par l'UGAP, sous la tutelle de l'agence centrale des achats, afin de bénéficier d'un important effet de levier, l'UGAP fournissant l'ensemble des acheteurs publics.

M. Philippe Delleur a noté que la structure et le nombre des acheteurs publics faisaient de la France une exception en Europe, la moitié des annonces publiées au Journal officiel des communautés européennes étant françaises. Il a estimé que, dans cette perspective, l'UGAP constituait un instrument de gestion essentiel, notamment pour les petits acheteurs publics qu'étaient les collectivités territoriales. Il a observé que l'UGAP permettait, notamment, d'éviter les phases de rupture des marchés, permettait de mutualiser les coûts, sans risque de création d'un monopole et avec une compétitivité satisfaisante.

M. Jean Arthuis, président, a demandé quelle était la performance de l'agence centrale des achats : il a, notamment, souhaité savoir si celle-ci avait tenu l'objectif qui lui avait été fixé pour 2005 de réaliser 50 millions d'euros d'économie.

M. Philippe Delleur a indiqué que les économies réalisées en 2005 s'élevaient à 48 millions d'euros. Il a ajouté que les prochains objectifs seraient sans doute plus difficiles à atteindre en 2006 et 2007, les réformes les plus faciles à réaliser ayant été menées en priorité.

M. Jean Arthuis, président , a remercié M. Philippe Delleur pour la qualité de son exposé.

Abordant ensuite la réforme de la fonction achats du ministère de la défense, il a précisé que l'économat des armées était un établissement public industriel et commercial, dont le « chiffre d'affaires » s'élevait à 250 millions d'euros. Il a rappelé que l'économat, héritier des coopératives d'achat nées durant la première guerre mondiale, avait été créé par une loi du 22 juillet 1959 afin de garantir la fourniture de denrées alimentaires et produits divers aux militaires et à leur famille, implantés en dehors de la métropole. Il a noté qu'il était également chargé d'une mission générale d'approvisionnement des forces en opérations extérieures (OPEX). Il a précisé que l'approvisionnement en vivres des armées était assuré par plusieurs organismes, selon des modalités différentes d'une armée à l'autre, les achats de vivres et de certains services et matériels étant effectués par les services des commissariats des différentes armées.

M. Jean Arthuis, président , a observé que la réforme, lancée en 2003, avait transformé l'économat des armées en une centrale d'achats ayant la capacité d'approvisionner l'ensemble des forces armées. Il a indiqué que la gestion unifiée des marchés de vivres par l'économat devait conduire à une économie de l'ordre de 12 millions d'euros par an, soit 4 à 5 % du budget total consacré à l'achat des marchandises.

M. Eric Lucas a rappelé que la réforme de l'économat des armées s'inscrivait dans une politique plus large de globalisation des achats du ministère de la défense, par pôles d'achats. Il a observé que le commissariat général des armées mettait en oeuvre la globalisation des marchés de transport. Il a également évoqué le développement de « l'interarméisation », qui avait conduit au regroupement des services d'infrastructure des armées au sein d'un service unique géré par le secrétariat général pour l'administration.

Il a indiqué que le ministère de la défense développait la dématérialisation des marchés, favorisait le paiement par carte pour les services gestionnaires de crédits, et mettait en oeuvre d'importants projets d'externalisation impliquant une plus grande responsabilité des fournisseurs, notamment financière.

S'agissant de l'économat des armées, M. Eric Lucas a expliqué que la réforme devait viser l'accroissement de la rentabilité de la fonction achats, tout en garantissant la stabilité de l'approvisionnement des armées, en tous lieux et à tous moments.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Bernard Foissier a déclaré que la réforme de la fonction « approvisionnement en vivres » des armées était l'aboutissement d'une réflexion engagée en juillet 1999, par le cabinet du ministre de la défense, dans le cadre plus général de l'adaptation du dispositif de soutien des forces, rendue nécessaire par la professionnalisation des armées.

Il a souligné que le choix avait été d'utiliser, en le faisant évoluer, le cadre juridique offert par l'économat, en lui confiant la charge des « approvisionnements en vivres » jusqu'alors assurée par chaque armée pour son propre compte. Il a ajouté qu'avant cette réforme, l'économat de l'armée intervenait en complément des services de soutien pour le ravitaillement en vivres et marchandises diverses des forces à l'étranger, notamment en Allemagne, en Afrique et sur les théâtres d'opérations extérieures, mais que le territoire national, à l'exception notoire des collectivités territoriales d'outre-mer, lui était interdit.

M. Bernard Foissier a précisé que la réforme poursuivait trois objectifs :

- améliorer l'efficacité économique et rationaliser le dispositif d'approvisionnement des forces par le recours à un opérateur unique, l'économat, afin de bénéficier d'un effet de levier sur des achats plus massifs, et de réaliser ainsi des économies sur les prix, sur les structures et sur le fonctionnement ;

- doter le ministère d'un pôle de compétence dans le domaine de l'achat public pour la fourniture de biens et de services, en France comme à l'étranger ;

- préserver la capacité d'action de soutien de l'établissement public en faveur des forces en opérations extérieures.

M. Bernard Foissier a observé que la transformation du statut de l'établissement public avait fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi de finances rectificative pour 2002. Il a indiqué que le principe de spécialité de l'économat des armées, relatif au soutien des forces, avait été réaffirmé, que le périmètre géographique d'intervention de l'établissement avait été élargi au territoire national et que son champ d'activité fonctionnelle incluait, désormais, la prestation de services.

Il a relevé que le décret du 11 mars 2004 portant organisation et fonctionnement de l'économat des armées avait redéfini les règles de l'établissement public et lui avait conféré la qualité de centrale d'achat public au sens des articles 9 et 32 du code des marchés publics.

M. Bernard Foissier a noté que cette réforme avait conduit à distinguer trois grands domaines d'activité : le soutien des forces à l'étranger, et plus particulièrement, en opérations extérieures, le développement de la prestation de services, dans le cadre de la démarche d'externalisation entreprise par le ministère de la défense et la mise en oeuvre du soutien des forces sur le territoire national.

Il a souligné que, pour assurer ses nouvelles missions, l'économat des armées avait dû se réorganiser, revoir ses procédures et son mode de fonctionnement afin de réformer l'approvisionnement en vivres des armées dans un délai de 18 mois, tout en assurant le soutien des forces sur les théâtres extérieurs, mission soumise à une obligation de résultat immédiatement évaluée sur le terrain.

M. Bernard Foissier a indiqué qu'une équipe de projet, mise en place au début de l'année 2003, avait été chargée du pilotage de cette réforme. Il a souligné qu'elle avait bénéficié d'une assistance à maîtrise d'ouvrage pour la préparation et la mise en oeuvre des marchés logistique et informatique, éléments pivots de la modernisation de l'économat.

Il a considéré que la création d'une direction des achats, initialement chargée des marchés en métropole, dont la compétence s'étendait désormais à l'ensemble des achats réalisés par l'économat, garantissait la régularité des contrats d'achat de vivres, malgré les aléas inhérents à l'achat public.

M. Bernard Foissier a ajouté qu'un guide interne des procédures, destiné aux acheteurs, avait été élaboré et qu'un observatoire des marchés avait été créé, pour permettre l'exercice éclairé du pouvoir adjudicateur du directeur général de l'économat. Il a également précisé qu'une commission d'appels d'offres avait été mise en place, alors que cette procédure ne s'imposait pas pour un établissement public à caractère industriel et commercial.

Il a précisé que, pour ouvrir au maximum la concurrence, l'économat des armées complétait l'obligation qui lui était faite de publicité européenne par une publication nationale au bulletin officiel des annonces des marchés publics et dans des journaux spécialisés.

M. Bernard Foissier a déclaré que quelques personnels hautement qualifiés avaient été recrutés afin de mener à bien la réforme engagée, mais que l'établissement s'était efforcé de redéployer le personnel en place sur des postes correspondant aux besoins nouveaux.

Il a noté que la qualification juridique de centrale d'achat, au sens de l'article 9 du code des marchés publics, permettait aux forces militaires de s'adresser à l'économat pour les achats de vivres, de fournitures diverses et de services, sans publicité ni mise en concurrence, dès lors que l'établissement public appliquait lui-même, pour la totalité de ses achats, soit le code des marchés publics soit l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Il a précisé que l'établissement avait retenu l'ordonnance du 6 juin 2005 et le décret du 30 décembre 2005 comme textes de référence, et identifiait deux grandes typologies d'achats : les achats effectués en France pour une utilisation en France ou à l'étranger, pour lesquels les dispositions de l'ordonnance précitée du 6 juin 2005 s'appliquaient, et les achats effectués à l'étranger pour un usage à l'étranger, n'entrant pas dans le périmètre de l'ordonnance, mais soumis à un contrôle rigoureux.

M. Bernard Foissier a déclaré que l'économat avait ainsi passé six appels d'offres pour l'achat des vivres et avait mis en oeuvre, début 2004, une consultation sous forme de dialogue compétitif pour le marché logistique. Il a signalé, qu'à ce jour, ces marchés n'avaient donné lieu à aucune action contentieuse. Enfin, il a ajouté que l'économat participait aux travaux « Achat public » conduits au sein du ministère de la défense par le contrôle général des armées.

M. Bernard Foissier a ensuite présenté la fonction de soutien des forces à l'étranger, constituant l'axe historique d'intervention de l'économat renforcé depuis 1995. Il a indiqué que l'accomplissement de cette fonction illustrait la capacité de l'établissement public à s'adapter aux conditions d'engagement des forces et à prendre en charge des missions non programmables.

Il a précisé que l'économat était engagé sur l'ensemble des théâtres d'opérations et des pays où étaient déployées des forces françaises, les Balkans, l'Afghanistan, la Côte d'Ivoire, le Tchad, ou encore Haïti et le Congo, et que son action portait sur l'approvisionnement en vivres, la fourniture d'articles de première nécessité ou de consommation courante, la fourniture de services téléphoniques et Internet privés, ou encore la gestion d'organismes de détente et de loisirs. Il a observé que, depuis 2002, sur mandat de l'armée de terre, l'économat était chargé de la restauration des forces armées au Kosovo, soit 2,3 millions de repas en 2005.

Pour remplir ces missions, M. Bernard Foissier a déclaré que l'établissement mettait en oeuvre une logistique souple adaptée aux conditions géographiques, aux contraintes des forces et aux conditions opérationnelles, les vecteurs utilisés associant les transports maritime, routier et aérien, qu'il s'agisse de moyens militaires ou affrétés par les armées, ou armés directement par l'économat.

M. Bernard Foissier a indiqué que le développement de la prestation de services s'inscrivait dans le cadre de la politique d'externalisation de certaines fonctions, engagée par le ministère de la défense et visant à recentrer les armées sur des tâches relevant de leur coeur de métier. Il a précisé que cette activité, encadrée par des conventions passées avec les états-majors, s'exerçait principalement au profit de forces en opérations extérieures et concernait, plus particulièrement, les domaines de la restauration, des acheminements, de la gestion de « bases vie » et des services à la personne. Il a ajouté que l'économat intervenait, soit en qualité de maître d'oeuvre, c'est-à-dire qu'il assumait la responsabilité de coordonner au profit des armées l'action de plusieurs intervenants tels que des entreprises privées ou des groupements solidaires, soit comme prestataire de premier niveau, dans le domaine de la restauration par exemple.

Il a indiqué que le ministre de la défense avait désigné l'économat pour assurer l'organisation du soutien non régalien de la réunion informelle des ministres de la défense de l'OTAN, à Nice, en février 2005, et que les états-majors l'avait sollicité pour des exercices majeurs nationaux ou internationaux.

M. Bernard Foissier a également annoncé, qu'à partir de l'été 2006, l'économat des armées serait chargé de la gestion du camp multinational de Warehouse à Kaboul, et, qu'en 2007, il assurerait, en liaison avec l'état-major des armées, une expérimentation d'externalisation globale de la fonction de soutien aux forces dans les Balkans et au Tchad, dans le cadre du projet CAPESFRANCE, acronyme signifiant « capacité additionnelle par l'externalisation du soutien des forces françaises ».

Concernant la prise en charge du ravitaillement des forces sur le territoire national, M. Bernard Foissier a précisé que cette nouvelle mission faisait de l'économat un acteur important de la modernisation de la chaîne de soutien des armées. Il a indiqué que cette réforme, lancée en 1999, avait abouti en 2002, après un audit complet des systèmes d'approvisionnement des armées. Il a précisé qu'il s'agissait d'une part, de créer une centrale d'achats unique, l'économat des armées se substituant à la vingtaine de personnes responsables des marchés publics (PRM) en charge de la passation des marchés de denrées, et, d'autre part, de supprimer le compte spécial des subsistances militaires (CSSM) et le service central d'approvisionnement des ordinaires de la marine.

Il a souligné que le périmètre de mise en oeuvre de la réforme incluait les formations des trois armées, les hôpitaux militaires et trois écoles de la gendarmerie, soit 337 points de livraison, représentant annuellement 48 millions de repas et 55.000 tonnes de marchandises.

M. Bernard Foissier a ensuite précisé qu'avant la modernisation de cette fonction, les marchés passés par les différentes armées reposaient sur un prix de produit livré, incluant de manière globale un « coût denrée », un « coût logistique » et la marge du fournisseur. Il a noté que le nouveau modèle, retenu sur les recommandations d'un cabinet d'audit privé, se caractérisait par une dissociation des « marchés vivres », passés à prix dit « départ fournisseur » et d'un marché logistique spécifique, confiant la distribution de ces vivres à un prestataire privé, ce qui permettait de mesurer le coût respectif de chacune des composantes de la prestation et de rechercher des améliorations ciblées.

Il a ajouté que la réforme de l'économat des armées avait été organisée autour de quatre chantiers majeurs conduits de manière synchronisée, sur une période de 18 mois. Le premier chantier concernait les « marchés vivres » dont le montant financier, en année pleine, devrait osciller entre 100 et 130 millions d'euros ; le deuxième chantier, relatif au marché logistique, avait permis d'élaborer, avec les professionnels, une consultation au terme de laquelle un groupement d'intérêt économique constitué par les sociétés STEF-TFE et GEODIS, avait été choisi pour mener à bien un contrat de 81 millions d'euros sur 6 ans.

Il a souligné que le prestataire logistique était chargé de la gestion des commandes des unités, de leur allotissement, de leur livraison et, ce qui était nouveau, de la facturation des vivres au nom de l'économat, devenant ainsi le point de passage obligé entre les formations et les fournisseurs par l'intermédiaire d'un portail informatique, partie visible d'un système d'information qui constituait le troisième grand chantier de l'économat.

M. Bernard Foissier a indiqué que le système d'information reliait les formations militaires au prestataire logistique par un portail informatique, qui permettait le traitement dématérialisé des commandes, et constituait l'outil de gestion central de l'économat. Il a ajouté que la société UNILOG avait été retenue pour ce contrat, après un appel d'offres restreint.

Enfin, il a présenté le quatrième et dernier chantier de l'économat des armées, consistant à accompagner le changement par une stratégie d'information et de formation, qui avait concerné toute la chaîne de commandement et tous les services du ministère de la défense.

M. Bernard Foissier a observé que le déploiement du dispositif avait débuté le 21 novembre 2005 et se terminerait fin mars 2006. Il a rappelé que deux grandes phases s'étaient succédé : d'une part, une phase de rodage autour de Rennes et de Brest, pour 24 unités clientes, étendue début décembre à tout le grand ouest, puis mi-décembre aux 34 formations autour de la plate-forme sud de Salon de Provence, et, d'autre part, une phase de déploiement opérationnel progressif en métropole, effectué plate-forme par plate-forme, durant douze semaines entre janvier et fin mars 2006. Il a constaté, qu'à la date du 20 mars 2006, 96 % de l'approvisionnement du territoire national était assuré par l'économat des armées.

En conclusion, M. Bernard Foissier a indiqué que l'économat des armées était aujourd'hui engagé dans une transformation profonde, qui s'inscrivait dans un contexte plus large de réforme de la fonction achat du ministère de la défense.

Il a rappelé que l'économat des armées était un partenaire apprécié des forces auxquelles il offrait des garanties de sécurité juridiques, de souplesse, de réactivité et de continuité dans la chaîne logistique, ainsi que des solutions d'externalisation pertinentes.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les intervenants pour la qualité et l'extrême précision de leurs exposés. Il s'est félicité de la rapidité de mise en oeuvre des réformes. Il a souhaité savoir si l'économat des armées pouvait préciser les caractéristiques de ses fournisseurs, et s'est notamment inquiété du risque d'éviction des PME des marchés globalisés au niveau national par l'économat. Il s'est, en effet, déclaré favorable, à titre personnel, à ce qu'une part significative de ces marchés publics puisse leur être réservée, selon des modalités restant à définir.

M. Bernard Foissier a indiqué que 85 fournisseurs avaient été retenus à l'issue des appels d'offre et que 64 % des denrées acquises étaient originaires de France. Il a précisé que la dissociation des marchés permettait à l'économat des armées de conclure des marchés d'approvisionnement avec des PME compétitives dans leur secteur.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si les forces militaires devaient désormais procéder à l'achat de vivres par le biais exclusif de l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a précisé que le décret définissant les attributions de l'économat des armées n'en faisait pas l'intermédiaire exclusif et obligatoire des forces armées, mais il a indiqué que les états-majors des armées avaient passé des conventions en ce sens, espérant redéployer les personnels, ainsi dégagés des fonctions achats.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que ce type de redéploiement de personnels ne se traduisait pas toujours par des économies nettes en termes de dépenses de personnel.

M. Eric Lucas a précisé que les conventions établies entre l'économat des armées et les états-majors définissaient des seuils d'achat minimum et maximum de denrées, et que si les minima n'étaient pas respectés, des pénalités financières étaient prévues.

M. Bernard Foissier a indiqué que les seuils minima s'élevaient à 45 millions d'euros de commande annuelle de vivres, et 50.000 tonnes de transport et de logistique.

M. Eric Lucas a rappelé que le ministre de la défense était intervenu pour que les états-majors des armées incitent leurs unités à recourir aux services de l'économat des armées, à l'exception de nécessaires « respirations » permettant de gérer avec souplesse la fourniture de produits frais.

M. Yves Fréville a noté que certaines tensions semblaient exister et que les forces militaires paraissaient souhaiter quelques adaptations.

M. Bernard Foissier a estimé que les résistances aux changements pouvaient être considérées comme normales. Il a indiqué que la réforme avait permis de rationaliser les rapports entre les fournisseurs et les unités militaires.

M. Eric Lucas a ajouté que les gains macroéconomiques étaient supérieurs aux tensions rencontrées.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'économat des armées disposait d'outils lui permettant de mesurer l'efficacité de son action. Il s'est demandé quel était le pourcentage des achats du ministère de la défense réalisés par l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a indiqué que l'économat des armées réalisait 65 % des achats de vivres de l'armée à ce jour, l'objectif étant d'atteindre 95 %. Il a estimé qu'une économie réelle existait sur les prestations logistiques, et que la globalisation des marchés d'achat de vivres permettait de faire jouer un effet de levier favorable. Il a rappelé que la suppression du CSSM avait conduit à réduire les effectifs du ministère de la défense de 100 personnes.

M. Eric Lucas a observé que les lois de finances initiales pour les années 2005 et 2006 avaient prévu une réduction d'effectif de 300 personnes corrélative à la réforme de l'économat des armées, auquel s'ajoutait la suppression des personnels du CSSM et du service central d'approvisionnement des ordinaires de la marine.

M. Bernard Foissier a précisé qu'une évaluation des performances de l'économat des armées aurait lieu à la fin de l'année 2006.

M. Roger Besse a souhaité obtenir des précisions sur les statuts et les modalités de recrutement et de formation des personnels de l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a indiqué, qu'à l'exception de quelques militaires en détachement, le personnel de l'établissement public à caractère industriel et commercial était constitué d'agents de droit privé. Il a souligné que le recrutement s'était effectué sur la base de compétences spécifiques en droit, en achat, en logistique, en gestion des systèmes d'information et en contrôle de gestion. Il a rappelé que l'économat des armées avait ainsi recruté 25 personnes.

M. Maurice Blin a estimé que la réforme de l'économat des armées mettait en cause de vieilles traditions, propres à chacune des armées. Il a souhaité savoir si la globalisation des fonctions d'achat et d'approvisionnement rencontrait des problèmes techniques qui ne seraient pas encore maîtrisés. Il a considéré que, de façon générale, une réforme était d'autant mieux acceptée que les protagonistes y étaient associés et qu'ils pouvaient en retirer un bénéfice aussi immédiat et concret que possible. Il s'est demandé si tel avait été le cas pour la réforme en cause.

M. Bernard Foissier a indiqué que des problèmes techniques avaient été résolus, notamment en termes de capacité de stockage de certains entrepôts. Il a déclaré que la marine avait conservé des centres de stockages spécifiques à Brest et à Toulon afin d'assurer un conditionnement particulier des vivres, nécessaire aux missions en mer, qu'elle ne souhaitait pas déléguer à un prestataire privé.

Il a observé que la mise en place du nouveau système d'information avait rencontré des limites inhérentes à la difficulté d'accéder à l'Internet à haut débit dans certaines parties du territoire français. Il a précisé que des adaptations pratiques avaient été trouvées pour chaque cas.

M. Bernard Foissier a rappelé qu'un effort particulier avait été fait pour former tous les utilisateurs du nouveau portail informatique. Il a indiqué que la qualité des prestations fournies par l'économat des armées, notamment en termes de traçabilité des denrées, permettait de favoriser l'acceptation de la réforme.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si l'économat des armées envisageait d'étendre la réforme à d'autres domaines que les vivres, tels que la fourniture des uniformes.

M. Eric Lucas a précisé qu'un appel d'offres avait été lancé pour permettre la location de véhicules non militaires par le ministère de la défense.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir s'il s'agissait d'un « financement innovant » faisant intervenir un groupement bancaire. Il s'est demandé comment cette externalisation était inscrite au budget de l'Etat.

M. Eric Lucas a indiqué que les crédits figuraient au titre 3 du budget du ministère de la défense, comme une dépense de subvention de fonctionnement.

M. Maurice Blin a rappelé que les Britanniques procédaient à de nombreuses externalisations de leurs dépenses militaires avec un certain succès.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il s'agissait de réelles économies. Il a estimé que la substitution de dépenses de fonctionnement à des dépenses d'investissement n'était pas neutre pour le budget de l'Etat.

M. Eric Lucas a observé que les dépenses correspondant à l'externalisation de la gamme des véhicules civils du ministère de la défense restaient effectivement inscrites au budget de l'Etat.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si les règles de financement de la fonction achats au sein des unités militaires avaient été modifiées ou si des fonctions d'« acheteur » étaient maintenues.

M. Eric Lucas a indiqué que les dispositions régissant les modalités d'achat et de gestion des denrées alimentaires n'avaient pas été modifiées à ce jour, et devraient faire l'objet d'une adaptation législative. Il a ajouté que la question de l'harmonisation des soldes était à l'étude dans ce cadre, estimant que les disparités entre les armées, en termes d'indemnité d'alimentation ou de fourniture des uniformes, avaient vocation à disparaître.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir quel était l'effectif de la centrale de gestion des achats du ministère des finances et de l'économie.

M. Philippe Delleur a indiqué que son service comptait 18 personnes.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si un indicateur permettait de mesurer le coût relatif des dépenses de la centrale de gestion par rapport au prix d'un achat.

M. Philippe Delleur a rappelé que le seul indicateur existant actuellement consistait à réaliser 150 millions d'euros d'économie dans les trois prochaines années. Il a ajouté que la construction d'un indicateur de performance interne à la centrale de gestion faisait l'objet d'une réflexion, afin qu'il soit possible de mesurer si les économies apparentes n'étaient pas liées à une évolution conjoncturelle des marchés.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si le gouvernement était attentif aux incidences de la modernisation de la fonction achats pour les PME. Il a observé que la commande publique américaine bénéficiait pour 25 % aux PME et a souhaité qu'un pareil dispositif puisse être étendu à la France, le tout selon des modalités restant à définir.

M. Philippe Delleur a estimé qu'il n'y avait pas de contradiction entre la rationalisation des achats publics et l'accès des PME à la commande publique. Il a remarqué que les acheteurs publics n'avaient aucun intérêt à ne négocier qu'avec des entreprises en situation de monopole ou d'oligopole. Ils devaient, en conséquence, veiller à segmenter leur demande pour pouvoir traiter avec des PME. Il a considéré que, dans cette perspective, la globalisation des achats de tous les ministères ne semblait pas souhaitable.

Il a indiqué que le soutien des PME par des structures telles que Oséo-ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) lui semblait plus efficace que l'édiction de normes contraignantes leur réservant une part de la commande publique.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si la centrale de gestion des achats du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie était attentive aux phénomènes « d'outsourcing ». Il a souhaité savoir si les acheteurs publics avaient les moyens de vérifier si les entreprises qui remportaient les marchés publics ne sous-traitaient pas leur production à des entreprises délocalisées.

M. Philippe Delleur a indiqué que les acheteurs publics veillaient à écarter les offres d'entreprises sous-traitant leur production dans des pays à bas coût de main-d'oeuvre. Il a rappelé que des spécifications environnementales ou sociales pouvaient être incluses dans les cahiers des charges des marchés publics. Il a notamment cité le cas du marché de fourniture de papier, qui prévoyait une clause de gestion durable des forêts exploitées.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'achat à bas prix pouvait avoir des répercussions macroéconomiques dommageables pour le tissu économique national et européen. Il a souligné que la recherche de l'efficience de la commande publique devait s'accompagner d'une grande vigilance sur l'origine des sources d'approvisionnement. Il a enfin remercié l'ensemble des intervenants pour la qualité de l'échange qui s'était ainsi noué et témoignait de la volonté de la commission de suivre, au plus près « du terrain », les efforts actuellement engagés afin de contribuer à la nécessaire modernisation de l'Etat.

LA RÉMUNÉRATION AU MÉRITE : 5 AVRIL 2006

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Joël Bourdin, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la rémunération au mérite des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que la commission des finances entendait effectuer le bilan de la réforme engagée par la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et que, dans ce cadre, l'audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, devrait permettre d'en tirer les premiers enseignements. Il a relevé que M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, avait souligné, le matin même, lors de son audition par la commission, l'existence d'une ambiguïté entre la logique de programme inspirée de la LOLF et la logique d'organisation propre aux différents ministères.

M. Jean Bassères a observé que la modernisation du ministère avait connu une nouvelle et forte impulsion avec les annonces du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au mois de juillet 2005 et qu'elle traduisait la mobilisation du ministère. S'agissant de la LOLF, il a noté qu'il était difficile de faire concorder l'organisation par programmes et l'organisation administrative, indiquant cependant que tous les programmes du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie regroupaient plusieurs directions, qui devaient, en conséquence, travailler ensemble autour d'objectifs communs. Il a émis des doutes quant à l'utilité de fusionner des directions indépendantes, comme la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, relevant, si elles partageaient des thèmes communs, qu'elles exerçaient, également, des métiers extrêmement différents. Il a souligné que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie mettait en place, au sein des programmes associant les directions à réseaux du ministère, des contrats pluriannuels de performance qui faisaient porter l'accent sur le management et permettaient à des directions différentes de travailler sur des stratégies et des objectifs communs.

M. Jean Arthuis, président , a relevé que la LOLF devait également s'imposer comme un outil de réforme de l'Etat, ce qui supposait une réorganisation des structures.

M. Jean Bassères a indiqué que la LOLF permettait de mettre en évidence les activités communes à plusieurs directions et donnait les moyens de profiter des synergies, estimant que des rapprochements structurels pouvaient s'avérer, dans certaines situations, peu utiles et coûteux.

M. Jean Arthuis, président , s'est étonné du retard pris de manière générale dans la mise en place des budgets opérationnels de programme (BOP).

M. Jean Bassères a relevé que plus de 96 % des BOP déconcentrés avaient été mis en place et examinés par le contrôle financier dès la mi-mars 2006, ce qui constituait une bonne performance, mais il a admis un certain retard dans les BOP des administrations centrales. Il a expliqué ce constat en rappelant que le ministère avait fait des expérimentations précoces au niveau local alors qu'il avait fallu gérer des contraintes spécifiques au niveau central, prenant l'exemple des modifications de crédits introduites par voie d'amendement lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006 et qui avait abondé les crédits d'un certain nombre de ministères en faveur des banlieues.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que cela avait obscurci le débat parlementaire, en redéployant des crédits qui avaient fait l'objet de longues discussions, et ce, dans un délai trop bref pour que le Parlement puisse exercer pleinement son rôle.

M. Michel Charasse a déclaré qu'il convenait de traiter de manière différente les activités régaliennes et les activités non régaliennes de l'Etat. Il a remarqué que les tâches remplies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie étaient particulières et ne permettaient pas de réorganiser les services en s'en tenant à l'aspect strictement comptable. Il a noté, à titre d'exemple, que le ministère avait en charge, à la fois l'action gouvernementale et une action sur le terrain, notamment au service des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président , a souhaité connaître la position du secrétaire général sur la question des rémunérations.

M. Jean Bassères a constaté qu'il s'agissait d'un sujet complexe et socialement difficile. Il a mis en avant deux initiatives prises par le ministère :

- la première de ces initiatives se présentait comme un intéressement collectif à la performance, qui était calculé en fonction de critères simples et peu nombreux, qui permettaient à l'ensemble des services de se mobiliser. Il a fait valoir que le système associait tous les agents d'une direction aux résultats obtenus, insistant sur le fait que le dispositif était audité par l'Inspection générale des finances, ce qui constituait une garantie de fiabilité ;

- la seconde de ces initiatives était la modulation de la rémunération en fonction du mérite, qui concernait les cadres dirigeants de l'administration centrale, soit environ 150 fonctionnaires du ministère. Il a rappelé les quatre principes qui présidaient à cette modulation : la fixation d'objectifs peu nombreux et précis, un entretien oral permettant de fixer les nouveaux objectifs, le caractère non renouvelable du bonus, qui ne dépendait en conséquence que de la performance de l'année et la part importante accordée aux capacités managériales. Il a indiqué son souhait de progresser dans la discussion pour étendre ce système à d'autres cadres de l'administration centrale, reconnaissant que le ministère posait un problème spécifique en raison des différences de traitement indemnitaire entre les administrateurs des différentes directions.

M. Bernard Angels , en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle  des finances publiques », a salué les progrès réalisés par le ministère dans la réforme, prenant en exemple l'accès au dossier fiscal. Il a cependant remarqué que la baisse du nombre des agents pouvait conduire, à terme, à des difficultés dans l'application des objectifs ambitieux fixés aux directions. Il a, de plus, exprimé le souhait que les rapporteurs spéciaux des commissions des finances soient mieux tenus informés des initiatives et des actions menées par le ministère, s'interrogeant, par ailleurs, sur les modalités de la mise en place des primes et sur l'état du dialogue social au sein du ministère.

M. Jean Bassères a relevé que les baisses d'effectifs avaient été significatives, indiquant qu'en 2007 et en 2008, 970 emplois seraient supprimés, chaque année, au sein de la direction générale de la comptabilité publique et 1.370 au sein de la direction générale des impôts, rappelant que les réductions avaient été respectivement, pour ces deux directions, de 800 emplois et 1.150 emplois en 2006. Il a, par ailleurs, émis le souhait que les autres ministères participent également de ce mouvement. En ce qui concerne les relations avec les syndicats, il a indiqué que ces derniers restaient opposés à une discussion sur une partie variable de la rémunération, insistant, cependant, sur le fait que l'intéressement collectif serait versé aux agents concernés vers le mois de mai 2006.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur la pérennité du système des primes, faisant état des difficultés qu'il pourrait y avoir à ne pas les reconduire de manière automatique d'une année sur l'autre, ainsi que sur la définition des objectifs qu'il conviendrait d'atteindre pour y avoir accès.

M. Jean Bassères a précisé que cette problématique, particulièrement importante, avait fait l'objet d'une vraie réflexion, et que, si certains objectifs devaient inciter les agents à s'améliorer, d'autres pourraient être simplement maintenus, ce qui ne préjugeait pas d'éventuelles modifications dans les années à venir.

M. Michel Charasse a mis en garde contre le risque de banaliser les primes, précisant qu'il serait ainsi souhaitable d'inscrire ce système dans la loi afin d'en affirmer la singularité. Il a rappelé sa propre expérience en tant que ministre et évoqué l'enveloppe de crédits qu'il avait alors réservée pour le logement des agents dans certaines régions particulièrement onéreuses, et ce, malgré l'opposition des syndicats.

M. Jean Bassères a exprimé son accord sur le risque réel de voir la prime intégrée dans la rémunération, ce qui reviendrait sur son caractère incitatif, constatant, par ailleurs, que l'initiative alors prise par M. Michel Charasse avait été couronnée de succès et que les aides au logement avaient bien été réservées à certaines régions.

M. Jean Arthuis, président , a évoqué certaines complexités posées pour les petites dépenses par la mise en place de la LOLF, notamment au niveau du contrôle financier.

M. Michel Charasse a estimé que ce problème était lié à l'inadaptation des logiciels informatiques.

M. Jean Bassères a précisé que la bonne information du Parlement pouvait se traduire par des contraintes de gestion débouchant sur une complexité accrue, rappelant les réticences exprimées par les parlementaires sur la lisibilité des programmes ou des actions de soutien des différents ministères, ces programmes ou actions ayant précisément pour objet de regrouper les moyens mis en commun, ce qui permettait d'éviter des mandatements trop nombreux.

M. Jean Arthuis, président , a noté que cette question relevait de la comptabilité analytique et qu'il était primordial que le Parlement dispose, au moins a posteriori, de toute l'information nécessaire à l'accomplissement de sa mission.

M. Yves Fréville a rappelé que les collectivités territoriales possédaient des règles de gestion plus transparentes en ce qui concernait la répartition des engagements financiers entre les différents services, mais que l'exercice s'avérait plus complexe pour le budget de l'Etat, qui devait développer la comptabilité analytique.

Evoquant le récent déplacement de la commission à Guéret dans la Creuse, à l'invitation de M. Michel Moreigne, M. Jean Arthuis, président , est revenu sur la situation et le positionnement des perceptions présentes dans ce département.

M. Michel Moreigne a rappelé que plusieurs de ces perceptions ne disposaient, en fait, que d'un agent qui assurait des permanences dans plusieurs d'entre elles.

M. Jean Bassères a souligné qu'une partie importante du travail d'un trésorier payeur général était de s'attacher à faire évoluer le réseau des perceptions dans un sens optimal, ce qui supposait une concertation approfondie avec les élus locaux et les agents concernés.

M. Jean Arthuis, président , a remercié M. Jean Bassères pour sa disponibilité ainsi que pour la qualité des informations qu'il avait ainsi apportées à la commission.

LA GESTION DE L'IMMOBILIER DE L'ETAT : 11 AVRIL 2006

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, de M. Jean-Pierre Lourdin, secrétaire général du conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat et de M. Antoine Pouillieute, directeur général de l'administration au ministère des affaires étrangères , sur la réforme de l'immobilier de l'Etat.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président , a rappelé que plusieurs parlementaires s'étaient fortement investis, sur le sujet de l'immobilier de l'Etat, en particulier M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », s'agissant de la gestion immobilière du ministère des affaires étrangères. Il a évoqué les négligences qui, dans ce cadre, avaient été mises au jour, de la part de l'Etat, en ce qui concerne la gestion et l'entretien de son patrimoine immobilier, de même que le manque de détermination des ministères à entreprendre une politique énergique de cessions. Mais il a fait valoir, également, qu'une prise de conscience, en la matière, avait résulté de ces critiques, dont les premiers effets pouvaient être observés. Il a relevé, ainsi, qu'une volonté politique s'exprimait clairement, désormais, en faveur d'une gestion améliorée et de cessions importantes, et que les instruments adéquats avaient été mis à la disposition des gestionnaires. Tel était le cadre dans lequel s'inscrivait l'audition de ce jour.

M. Daniel Dubost , procédant à l'aide d'une vidéo-projection, a présenté cette nouvelle politique immobilière de l'Etat. Il a souligné, tout d'abord, le caractère récent de la réforme, en rappelant qu'elle n'avait été mise en oeuvre, de manière effective, qu'à la suite du rapport d'information n° 2457 (AN-XII e législature) fait par M. Georges Tron, député, au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale. Ce rapport, en juillet 2005, avait pointé l'insuffisance du pilotage de la politique immobilière de l'Etat et les surcoûts afférents, notamment en raison de la sous-occupation des locaux disponibles et de leur entretien insuffisant.

Dressant une rapide chronologie, M. Daniel Dubost a rappelé que la décision de créer, dans la loi de finances initiale pour 2006, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », avait été prise en septembre 2005, de même que la décision de mener une expérimentation de loyers budgétaires auprès de trois ministères (le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministère de la justice). Il a fait valoir que, dès l'automne 2005, plusieurs ventes importantes avaient été réalisées, en particulier celle de l'îlot de la rue du Bac, à Paris, jusqu'alors occupé par l'administration des douanes et dont le produit de cession s'est élevé à 165 millions d'euros. Il a rappelé que le patrimoine immobilier de l'Etat avait été transféré au service France Domaine, succédant à l'ancien service des domaines, à la suite de l'annonce de cette mesure par le Président de la République dans son allocution prononcée, à Metz, le 6 janvier 2006. Il a mentionné, en outre, que M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, avait présenté devant le Conseil des ministres du 22 février 2006 une communication relative à cette réforme de la politique immobilière de l'Etat, et que M. Georges Tron venait d'en établir une première analyse, dans un rapport d'information n° 2926 (AN-XII e législature) fait, au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale, au titre de suivi de son rapport précité.

Présentant, ensuite, les résultats d'ores et déjà obtenus dans le cadre de cette réforme, M. Daniel Dubost a indiqué que, tandis que, durant la période 1993-2003, le produit global des cessions d'actifs immobiliers de l'Etat avait représenté, chaque année, environ 100 millions d'euros, ce produit avait atteint 170 millions d'euros en 2004 et s'était élevé, en 2005, à 630 millions d'euros. Il s'est attaché, alors, à détailler les moyens mis en oeuvre pour obtenir ce dernier résultat. Il a souligné, d'abord, l'implication personnelle du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, ainsi que l'importance de la nouvelle responsabilité confiée au service France Domaine. Il a précisé, d'ailleurs, que celui-ci s'appuyait fortement sur les directeurs en charge des affaires immobilières au sein de chaque ministère. Il a également mentionné la mise en place du conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat, pour lequel il a renvoyé à l'intervention suivante de M. Jean-Pierre Lourdin. Il a surtout insisté sur le dispositif d'incitation aux cessions, par intéressement au produit de celles-ci, introduit en direction des ministères, dont il a exposé les grandes lignes. Dans l'hypothèse de cessions d'immeubles inoccupés, les ministères bénéficient d'un « droit de tirage », sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », à hauteur de 50 % du produit net de cession. Dans le cas de cessions donnant lieu à relogement de services, les ministères perçoivent 85 % du produit de cession pour leurs opérations de relogement ou, si leurs dépenses réelles s'avèrent inférieures, pour d'autres dépenses immobilières, hors dépenses de personnel. Par exception, l'intéressement est de 100 % dans le cas du ministère de la défense. Les fonds qui ne sont pas reversés au budget des ministères soit la moitié du produit de cession des immeubles inoccupés et 15 % dans les autres cas, pour les administrations civiles se trouvent affectés au désendettement de l'Etat.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur l'éventuel encouragement à dépenser que pourrait entraîner un tel système d'intéressement. Au terme d'un échanges de vues, sur ce point, avec MM. Philippe Marini, rapporteur général , et Jean-Jacques Jégou , M. Daniel Dubost a précisé que l'emploi des fonds issus de cessions et reversés aux ministères faisait l'objet d'un contrôle strict, et que cet intéressement s'avérait déterminant pour inciter les administrations à la vente.

Revenant sur l'expérimentation des loyers budgétaires, il a fait valoir, notamment, l'enjeu essentiel de cette mesure, consistant dans l'identification claire des rôles du propriétaire, d'une part, c'est-à-dire l'Etat, et des affectataires, d'autre part, c'est-à-dire les ministères. Pour conclure, il a indiqué les trois principaux objectifs qui seraient poursuivis en 2006 concernant le patrimoine immobilier de l'Etat :

- en premier lieu, la réalisation de cessions, selon les prévisions de la loi de finances initiale pour 2006, à hauteur de 480 millions d'euros. Ce résultat devrait correspondre à un grand nombre d'opérations, chacune ayant un montant individuel limité, au contraire des ventes, peu nombreuses mais d'un enjeu financier important, réalisées en 2005 ;

- en deuxième lieu, la réussite des opérations de relocalisations induites par ces cessions, dont M. Daniel Dubost a mis en exergue qu'elle impliquait, en particulier, de parvenir à faire évoluer les mentalités au sein des administrations ;

- en troisième lieu, l'élaboration de schémas prévisionnels de stratégie immobilière (SPIS), par administration centrale.

Parmi les facteurs de réussite de ce programme, M. Daniel Dubost a relevé la forte contrainte pesant actuellement sur le budget de l'Etat, dont il a souligné qu'elle constituait un puissant moteur de dynamisation de la gestion immobilière de chaque ministère.

M. Jean Arthuis, président , a fait remarquer qu'en dépit des lenteurs observées à son démarrage, cette politique semblait désormais, en effet, « bien engagée ».

M. Jean-Pierre Lourdin , en préambule, a tenu à faire remarquer que, si le produit des cessions, en 2004, ne s'était pas monté à plus de 170 millions d'euros, la cause devait en être recherchée dans la lourdeur de la mise en place, alors en cours, des mesures préparatoires à la nouvelle politique immobilière, notamment les opérations de classement et de déclassement du domaine public de l'Etat, et la réforme de la réglementation des ventes des dépendances de celui-ci, alors que la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat (MIVPIE) venait seulement d'être installée. Il a exposé les deux objectifs que cette mission avait poursuivis. D'une part, l'encouragement des cessions d'immeubles vacants ou, à Paris, d'immeubles de valeur qui ne constituaient pas une localisation pertinente des services en cause. D'autre part, la professionnalisation et la modernisation de la gestion, par l'Etat, de son patrimoine immobilier. Il a fait observer que, dans ces conditions, si le rapport précité de M. Georges Tron, en 2005, avait apporté une contribution importante à la réflexion sur le sujet, cette réflexion, néanmoins, se trouvait déjà amorcée auparavant. Il a indiqué, également, que la communication précitée de M. Jean-François Copé, lors du Conseil des ministres du 22 février 2006, avait constitué un aboutissement de ce travail.

M. Jean Arthuis, président , s'est enquis, alors, de l'existence d'un tableau de bord opérationnel des actifs immobiliers de l'Etat, permettant à celui-ci de mettre en oeuvre, effectivement, les nouvelles orientations de sa politique de gestion. En réponse, MM. Daniel Dubost et Jean-Pierre Lourdin ont indiqué qu'un tel tableau existait sous la forme du tableau général des propriétés de l'Etat (TGPE), mais qu'il n'avait été actualisé exhaustivement, s'agissant du dénombrement des actifs, que de manière très récente. Il demeurait approximatif en ce qui concerne la mesure des surfaces en cause. Il a été précisé en conséquence, qu'il était fait appel préalablement à tout projet de cession, à des géomètres experts.

Puis M. Jean-Pierre Lourdin a présenté le conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat, dont il a annoncé l'installation dans les prochaines semaines. Il en a détaillé, d'abord, la composition, qui devrait se répartir comme suit : deux députés et deux sénateurs, des représentants de l'administration, des professionnels de l'immobilier, ainsi que le responsable du parc immobilier d'une administration étrangère. Le rôle de ce conseil, qui devrait se réunir de quatre à six fois par an, consistera à assurer la mise en oeuvre effective des réformes, par l'examen régulier de l'état d'avancement de la modernisation de la gestion immobilière de l'Etat, et à débattre des nouvelles orientations retenues par le gouvernement en ce domaine. Il reviendra au conseil d'orientation de la politique immobilière de l'Etat de les présenter. Il aura, ainsi, vocation à connaître de l'ensemble des problématiques intéressant le patrimoine immobilier de l'Etat : cessions, loyers, entretien. Sur l'identification précise de la problématique de l'entretien, M. Jean-Pierre Lourdin a précisé que la réflexion était encore en cours, et faisait l'objet d'une mission confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et au Conseil général des ponts et chaussées, qui devraient rendre prochainement leur rapport.

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité connaître les procédures de suivi des opérations de cession et de relogement décidées par les ministères. En réponse, M. Daniel Dubost a indiqué que, si l'emploi du produit des cessions inférieures à 2 millions d'euros relevait de la propre responsabilité des ministères, celui du produit des cessions supérieures à ce montant, en revanche, faisait l'objet d'une validation centralisée préalable, relevant de la responsabilité du ministre chargé du budget, après instruction par le service France Domaine, qui assure également le contrôle de la conformité des opérations ainsi autorisées.

Faisant valoir le point de vue particulier du ministère des affaires étrangères, M. Antoine Pouillieute a tout d'abord rappelé que la gestion immobilière de ce ministère avait été la cible, depuis deux ans, d'un certain nombre de critiques, émanant en particulier du Parlement. Il a assuré que ces critiques avaient été prises en compte, dans le cadre d'une redéfinition de la gestion immobilière du ministère, orientée dans trois directions, qu'il a successivement présentées. En premier lieu, il a dénombré six séries de mesures effectives :

- 1° la réalisation d'un « bilan d'entrée » dans le nouveau régime défini par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), consistant dans le recensement de l'ensemble des actifs immobiliers détenus par le ministère des affaires étrangères, tant en France qu'à l'étranger. M. Antoine Pouillieute a signalé que ce patrimoine représentait une surface totale de 2,5 millions de mètres carrés ;

- 2° la transformation, en mars 2006, de la direction générale de l'administration du ministère des affaires étrangères en un secrétariat général adjoint, réforme tendant à mettre en place, notamment, un « guichet unique », pour les services, s'agissant des affaires immobilières ;

- 3° la consolidation de la compétence de la commission interministérielle chargée de rendre un avis sur les opérations d'acquisition et de cession immobilières de l'Etat à l'étranger, étendue à l'ensemble des opérations d'un montant supérieur à 5 millions d'euros et aux projets concernant les lycées français à l'étranger ;

- 4° la négociation, avec la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'un contrat triennal visant à permettre un intéressement du ministère des affaires étrangères à hauteur de 100 % du produit des cessions qu'il réaliserait, en contrepartie d'une diminution significative des crédits de dépenses d'investissement. M. Antoine Pouillieute a indiqué que ce contrat devrait être conclu à la mi-avril 2006, et que l'autofinancement qu'il permettrait de réaliser devrait être la source d'une importante dynamisation de la gestion immobilière du ministère ;

- 5° l'expérimentation volontaire, de la part du ministère des affaires étrangères, des loyers budgétaires. M. Antoine Pouillieute a précisé que cette expérimentation concernait les locaux du ministère situés à Paris, à Bruxelles et à Athènes ;

- 6° le développement de sources de financement innovant, partenariats public-privé et baux croisés avec des entrepreneurs de travaux notamment.

En deuxième lieu, M. Antoine Pouillieute a fait valoir que le ministère des affaires étrangères avait modifié sa manière de concevoir la programmation immobilière. Alors que celle-ci résultait, naguère, de la collation des diverses demandes en provenance des ambassades, une approche plus fonctionnelle a été mise en pratique, qui tend à faire découler la programmation, désormais, d'une réflexion d'ordre stratégique.

En dernier lieu, M. Antoine Pouillieute a exposé la politique de cession conçue par le ministère des affaires étrangères, qu'il a résumée en trois points :

- d'une part, un encouragement au regroupement des services, au sein d'une même ville, à Paris comme à l'étranger, sur un site unique ou, en tout cas, sur des sites moins dispersés qu'en l'état actuel. M. Antoine Pouillieute , au reste, a fait observer qu'un semblable regroupement, en général, recoupait le but de sécurité poursuivi, par le ministère, au bénéfice de ses agents ;

- d'autre part, selon ses propres termes, le passage « d'une diplomatie d'héritage à une diplomatie d'avenir », qui suppose un programme de cessions déterminé en fonction du réseau de relations bilatérales souhaité, désormais, par la France ;

- enfin, une préoccupation pour l'image de notre pays, qui conduit le ministère des affaires étrangères à exclure la cession de biens de valeur historique ou patrimoniale. A cet égard, M. Antoine Pouillieute a annoncé qu'une liste des immeubles concernés serait prochainement établie, et qu'une part significative des crédits affectés aux opérations immobilières du ministère devrait être employée à leur préservation. M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat » , a manifesté tout l'intérêt qu'il prenait à annonce.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est interrogé, alors, sur la nécessité de faire intervenir, systématiquement, des experts français, en vue de l'évaluation d'immeubles situés à l'étranger, et sur la possibilité de confier cette tâche, lorsque cela s'avérait possible, à des professionnels locaux. M. Antoine Pouillieute , en réponse, a souligné le caractère mondial du marché sur lequel se trouvaient les biens immobiliers en cause, et la nécessité de recourir à des tiers, à la fois qualifiés et fiables, pour l'organisation de leur cession.

En conclusion, et en vue de relativiser l'importance du patrimoine immobilier affecté aux services du ministère des affaires étrangères, il a rapporté les éléments de comparaison avancés par le dernier rapport, précité, de M. Georges Tron : la valeur du parc immobilier de l'Etat dans le monde serait comparable à celle du parc dont il dispose dans les Yvelines, et la valeur des parcs immobiliers de l'Etat en Asie et en Afrique serait équivalente, respectivement, à celle de son patrimoine situé dans les V e et VI e arrondissements de Paris et à celle de ses possessions à Marseille.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut jugé « encourageants » les éléments développés par M. Antoine Pouillieute, un large débat s'est instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a fait part de son vif intérêt pour chacun des exposés qui venaient d'être présentés. Il s'est félicité que les premiers effets d'une nouvelle politique de gestion immobilière de l'Etat soient observables, en soulignant l'importance des obstacles juridiques, mais aussi culturels, auxquels les animateurs de cette réforme se trouvaient confrontés. Puis il a formulé plusieurs questions. Tout d'abord, il a souhaité connaître les perspectives de maintien en activité de la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat. Il a voulu savoir, également, si le service France Domaine se trouvait associé aux opérations majeures de relocalisation de certains services, comme, par exemple, celles qui concernaient le Tribunal de grande instance de Paris. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité d'un bilan des cessions, non seulement en valeur (le produit des ventes étant rapporté aux coûts de relogement des services), mais encore en termes de surfaces cédées, celles-ci étant portées en regard des surfaces acquises. Enfin, s'agissant du ministère des affaires étrangères, il a exprimé son scepticisme quant à l'opportunité de conserver des services techniques centraux destinés à intervenir dans le monde entier, plutôt que de définir, localement, des responsables assumant les mêmes tâches.

En réponse à la première de ces questions, M. Jean-Pierre Lourdin a indiqué que la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat n'était maintenue en activité, à présent, que pour la part des réflexions, entrant dans sa compétence, qu'elle n'avait pu encore mener à terme. Pour le reste, ses attributions allaient bientôt se trouver assumées par le conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat. M. Daniel Dubost a confirmé que la mission avait vocation à disparaître. M. Philippe Marini, rapporteur général , cependant, a estimé que les organismes intervenant en ce domaine étaient nombreux.

En réponse à sa deuxième question, M. Daniel Dubost a confirmé que le service France Domaine était associé aux opérations majeures de relocalisation, tout projet de cession et de relogement d'un montant supérieur à 2 millions d'euros devant nécessairement faire l'objet d'une décision d'autorisation de la part du ministre en charge du budget. M. Antoine Pouillieute a indiqué que le ministère des affaires étrangères, pour ses propres projets de cession, consultait effectivement le service France Domaine, en vue de sécuriser ses opérations, en particulier sur le plan financier.

En réponse à la troisième question, M. Daniel Dubost a indiqué que la vérification de l'écart entre les surfaces cédées et les surfaces acquises en vue d'un relogement des services était systématique, dans le cadre des opérations d'un montant supérieur à 2 millions d'euros, et que cet écart s'avérait, en pratique, significatif. Il a précisé que, cependant, cet écart n'était pas assuré dans les autres cas. M. Philippe Marini, rapporteur général , a fait part, concernant les récentes opérations immobilières du ministère de la culture, de ses doutes.

En réponse à sa dernière question, M. Antoine Pouillieute a mis en avant la difficulté de trouver l'équilibre souhaitable, au sein du ministère des affaires étrangères, entre centralisation et déconcentration. Il a signalé, toutefois, que le service des affaires immobilières de ce ministère, malgré l'importance des surfaces en cause, n'employait que 36 agents.

M. Paul Girod, rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » , a jugé que les éléments qui venaient d'être exposés à la commission, concernant le contrôle de l'efficacité opérationnelle des relocalisations, se révélaient satisfaisants. Cependant, il a fait observer l'insuffisance des indicateurs de performance mis en place, s'agissant du programme de cessions immobilières, à l'occasion du projet de loi de finances initiale pour 2006. En particulier, il a souhaité que, pour l'avenir, l'indicateur retraçant le nombre d'immeubles cédés soit complété d'un indicateur présentant pour chaque cession, d'une part, la valeur estimée, des immeubles avant cession et, d'autre part, le produit retiré de la vente.

M. Daniel Dubost , en réponse, a fait valoir, la création du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ayant été décidée en septembre 2005, que seuls, des indicateurs de performance encore sommaires avaient pu être élaborés pour le projet de loi de finances initiale pour 2006. Il a souligné, toutefois, la difficulté technique que présentait la mesure de l'efficacité, s'agissant des ventes immobilières de l'Etat, notamment au regard des modes d'évaluation de la valeur des biens et des fluctuations du marché de l'immobilier.

M. Yves Fréville a souhaité obtenir des précisions sur la détermination du montant des loyers budgétaires d'une part, sur le régime applicable à l'immobilier militaire d'autre part. En outre, il a fait observer, qu'à ce jour, les universités n'étaient pas reconnues, formellement, comme affectataires des locaux qu'elles occupent.

Répondant à ces questions, M. Daniel Dubost a d'abord indiqué que les loyers budgétaires avaient été calculés, dans la loi de finances initiale pour 2006, sur la base de la valeur des locaux inscrite au tableau général des propriétés de l'Etat, affectée d'un taux de 5,12 %. Il a précisé que ce taux correspondait au taux moyen de remboursement de la dette de l'Etat, mais était inférieur à celui du marché. Concernant l'immobilier militaire, il a signalé que celui-ci constituait près de la moitié du patrimoine immobilier de l'Etat, et que la forte incitation aux cessions, aménagée en faveur du ministère de la défense, devait entraîner une contribution importante, de la part de ce dernier, à la politique de rationalisation engagée. Enfin, s'agissant de l'affectation aux universités des locaux qu'elles occupent, il a reconnu ne pas pouvoir apporter d'élément nouveau.

M. Jean-Jacques Jégou a voulu savoir si une rationalisation du parc immobilier de l'Etat à l'étranger pouvait être recherchée dans des opérations de regroupements des locaux diplomatiques français avec ceux d'autres Etats membres de l'Union européenne. M. Antoine Pouillieute , répondant positivement, a souligné, néanmoins, les nombreuses difficultés, notamment d'ordre juridique, que de telles opérations comportaient.

M. Jean Arthuis, président , ayant fait observer la disparité pouvant exister, selon les pays, entre les parcs immobiliers détenus par l'Etat à l'étranger, en termes de surface, M. Antoine Pouillieute a précisé que ces différences correspondaient, souvent, à l'existence de lycées français, dont les surfaces, importantes, se trouvaient intégrées dans le calcul des chiffres auxquels il venait d'être fait référence.

Répondant à une question de M. Auguste Cazalet , il a précisé que la notion de patrimoine immobilier, du point de vue du ministère des affaires étrangères, correspondait à l'ensemble des locaux affectés aux services politiques, consulaires, culturels et de coopération. Il a confirmé à M. Philippe Marini, rapporteur général , que les missions économiques et financières n'étaient pas prises en compte.

Pour conclure, M. Jean Arthuis, président , remerciant les trois intervenants, au nom de la commission, pour l'intérêt de leurs exposés respectifs, a estimé que ceux-ci constituaient autant d'encouragements à persévérer dans la voie d'une gestion immobilière de l'Etat rationalisée.

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