b) Améliorer les parcours d'orientation et la transition vers l'emploi

En parallèle, alors que de nombreux intervenants ont souligné devant la mission les difficultés des jeunes à se projeter vers l'avenir, il est nécessaire de leur proposer, le plus en amont possible, un accompagnement plus personnalisé pour les aider à bâtir un projet professionnel , permettant à chacun de trouver sa place et sa voie. Les problèmes d'affectation ou d'orientation « par défaut » sont en effet l'une des principales causes des abandons précoces de scolarité 73 ( * ) .

La « crise des banlieues » a marqué une première prise de conscience de cette exigence, puisqu'elle a été suivie de l'annonce -controversée- de la mise en place de l'« apprentissage junior » 74 ( * ) : sans être réservé aux jeunes en difficulté, il offre une possibilité de mise en situation concrète dont beaucoup ont besoin pour se « raccrocher » aux études.

Autre mesure phare : la création d'un « schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle », visant à renforcer les synergies entre les différentes structures impliquées et à mieux orienter les choix en fonction de la réalité des débouchés.

Au-delà, comme un proviseur l'a indiqué aux membres de la mission lors de son déplacement à Marseille, « il faut cesser de diaboliser le monde de l'entreprise » : l'école et l'entreprise ne doivent plus être deux mondes hermétiques l'un à l'autre.

Il s'agit, d'une part, de travailler sur les représentations, souvent déformées et lacunaires, que les jeunes ont du monde du travail, en favorisant le développement, dès le collège, de modules de sensibilisation aux exigences de la vie professionnelle , et en encourageant la mise en oeuvre de programmes de parrainages avec les entreprises et de stages.

D'autre part, dans le prolongement de l'option de « découverte professionnelle » mise en place à partir de la rentrée 2005 pour les élèves de troisième, il est nécessaire de combler le profond déficit d'information que les jeunes ont des filières, de la diversité et de la réalité des métiers, en améliorant la formation des professeurs principaux de collège et des personnels d'orientation 75 ( * ) , notamment au travers de stages pratiques.

En parallèle, la mission considère qu'il est impératif de casser l'image dévalorisée des filières professionnelles que le système éducatif contribue à entretenir, en orientant les élèves par échecs successifs et en évaluant le plus souvent les performances des établissements sur la base du taux d'orientation des élèves vers la voie générale. Ainsi, les formules « alternatives » 76 ( * ) proposées au sein du collège « unique » sont vite devenues des filières de relégation pour « élèves à problèmes », contribuant à jeter le discrédit sur l'ensemble des formations professionnelles.

Afin de donner aux collèges les moyens de rendre ces formations plus attractives, en les dotant notamment d'équipements plus modernes, la mission suggère de leur affecter, de façon systématique, une part de taxe d'apprentissage, dès lors qu'ils disposent de telles filières ou de SEGPA 77 ( * ) .

En outre, l'Éducation nationale doit poursuivre ses efforts en vue d'améliorer la transparence des débouchés et des perspectives de carrière qu'offrent les différentes voies de formation, notamment professionnelles.

Il s'agit également, avec le concours des professionnels, de valoriser les micro-réussites et de faire prendre conscience, dès le plus jeune âge, des compétences intellectuelles et de la créativité que requièrent y compris les métiers que l'on qualifie de « manuels ». En effet, l'image négative que les jeunes ont de ces métiers, notamment dans le secteur de l'industrie, est liée au sentiment de « surplace » sociale qu'ils renvoient, notamment chez ceux qui sont issus de milieux ouvriers ; or, les préjugés sur la pénibilité des métiers ou leur faible niveau de rémunération ne sont pas -ou plus- toujours d'actualité.

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C'est ainsi en donnant aux équipes éducatives et aux acteurs de terrain des outils pour mieux s'adapter aux situations à la fois locales et individuelles , par des réponses de proximité, plus souples mais mieux évaluées, associant l'ensemble de ceux qui concourent à « élever » les enfants, que l'on pourra répondre de façon plus réactive et plus efficace aux signaux de détresse des jeunes, mais aussi des enseignants, qui s'avouent bien souvent désarmés.

L'école du quartier ne saurait entériner la fatalité de l'échec : c'est pourquoi il faut être à la fois plus exigeant à l'égard de l'acquisition des savoirs et savoir être de base, et plus lucides quant aux besoins de formation et aux priorités d'insertion, pour dépasser les blocages, ouvrir les horizons et « faire entrer ces quartiers dans la République », de façon durable.

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Les propositions de la mission

- Revoir, dans un objectif de mixité sociale, les mécanismes d'élaboration de la carte scolaire, dans le cadre d'une réflexion globale menée à partir de l'examen des réalités locales, en association étroite avec les collectivités territoriales.

- Assouplir les conditions d'entrée et de sortie des établissements en ZEP, sur la base d'objectifs pluriannuels contractualisés ; plafonner la taille des établissements et renforcer les équipes de direction, pour passer d'une autonomie formelle à une autonomie réelle.

- Expérimenter, dans le cadre de classes ou d'écoles « pilotes », des méthodes ou rythmes d'apprentissage diversifiés et de nouvelles organisations du temps scolaire ; diversifier l'offre de formation dans les établissements situés en ZEP, en faveur d'options attractives (sections européennes, musicales, langues rares...).

- Développer les structures d'accueil de la petite enfance, en coordination avec les écoles maternelles, et l'offre d'internats.

- Généraliser les études encadrées, en mobilisant un nouveau cadre d'intervenants rémunérés (retraités, mères de famille, habitants du quartier, étudiants...-notamment dans le cadre du service civil volontaire-).

- Faire entrer dans l'école les parents les plus éloignés d'elle, en encourageant les enseignants à allonger leur temps de présence dans les établissements.

- Renforcer les effectifs de personnels médico-sociaux scolaires ; envisager, à titre expérimental, une mise en commun avec les moyens des services sociaux des conseils généraux et organiser un partage sécurisé des données entre les acteurs sociaux et éducatifs.

- Renforcer la lutte contre la violence scolaire, par le développement des classes relais, la formation des enseignants à la gestion des conflits et la mise en place, dans chaque établissement, d'un système de sanctions disciplinaires adapté.

- Clarifier le pilotage du partenariat éducatif local : revoir le rôle et la composition des instances de dialogue ; organiser des rencontres entre les enseignants et personnels scolaires et les différents acteurs du projet éducatif local.

- Faciliter l'insertion des jeunes, en développant, en association avec les milieux professionnels, des parcours de formation adaptés aux besoins prioritaires de l'emploi ; identifier les débouchés des filières à court et moyen termes, pour réguler l'offre de formation et les flux d'entrée ; mettre en place, dès le collège, des modules de sensibilisation aux exigences de la vie professionnelle (ponctualité, sociabilité, présentation, hiérarchie...) et des programmes de parrainage avec des entreprises.

- Affecter une part de la taxe d'apprentissage aux collèges disposant de filières « professionnalisantes » ou de SEGPA notamment.

- Organiser des stages pratiques en entreprise et des actions de sensibilisation aux filières de formation et aux métiers pour les enseignants et personnels d'orientation ; informer systématiquement les jeunes et les familles sur les débouchés des filières.

* 73 Le taux d'interruptions prématurées de scolarité en fin de classe de 3 ème concerne près de 10 % des jeunes en ZUS, soit près de trois points de plus qu'en dehors des ZUS.

* 74 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances ; décret n° 2006-764 du 30 juin 2006 relatif à la formation d'apprenti junior.

* 75 Selon une enquête de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris de février 2005, les filières professionnelles et l'apprentissage sont méconnus par plus du tiers des enseignants.

* 76 Classes de 3 ème technologique ou à projet professionnel, classes préapprentissage (CLIPA et CPA), dispositifs d'alternance en 4 ème , modules de « découverte professionnelle », etc.

* 77 SEGPA : section d'enseignement général et professionnel adapté.

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