VII. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Depuis sa création, la politique de la ville a bénéficié d'un cadre d'action privilégiant la souplesse à travers, notamment, la Délégation interministérielle à la ville. Cette organisation a, sans doute, été précieuse au début afin d'inciter les ministères à travailler ensemble et de les rassurer face à l'émergence toujours redoutée d'une nouvelle bureaucratie, alors que la nécessité même d'une « politique de la ville » était discutée.

Pourtant, au fil des années et des gouvernements, la souplesse a pu donner le sentiment de céder la place au flou et la modification incessante des périmètres a pu limiter l'efficacité de cette politique. Cette analyse est partagée par de nombreux élus locaux concernés au premier chef, qui regrettent les « adaptations nombreuses à chaque arrivée de ministre et le fait que la "politique de la ville" est vécue comme variable d'ajustement du budget national » 150 ( * ) .

Depuis 2002, une nouvelle architecture s'est progressivement mise en place sous l'impulsion de M. Jean-Louis Borloo, ministre de la cohésion sociale. Répondant aux nombreux griefs adressés à la politique de la ville par les « porteurs de projet » (élus, associations, bailleurs, etc), la création d'agences - l'ANRU et l'ANCSEC - à même de centraliser les financements et de conclure des conventions pluriannuelles a constitué une avancée incontestable. Toutefois, cette « refondation » de la politique de la ville est restée inachevée. Reste, en effet, dans cette nouvelle organisation, à définir l'instance politique chargée de concevoir la politique de la ville, de mobiliser efficacement les autres ministères sur ses priorités et d'assurer la tutelle et la coordination des agences.

A. UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE TRÈS FLUCTUANTE

Depuis la création, en 1990, d'un ministère d'État chargé de la politique de la ville, la plupart des gouvernements ont maintenu cette attribution dans la répartition des portefeuilles ministériels. Toutefois, le niveau de représentation dans la hiérarchie ministérielle a sensiblement évolué dans le temps, de même que le périmètre des départements ministériels considérés.

En fait, le choix d'un « ministère de la ville » de plein exercice a rarement été effectué puisqu'il a concerné seulement Michel Delebarre et Bernard Tapie. Le plus souvent, la compétence « ville », attribuée au ministre « chef de pôle » chargé des relations sociales (Simone Veil, Martine Aubry, François Fillon...) est exercée par un secrétaire d'État ou un ministre délégué. Autre tendance, Marc-Philippe Daubresse a exercé, à la fois, la compétence « ville » et la compétence « logement ». Une telle organisation n'empêche d'ailleurs pas que le ministre « chef de pôle » reste très impliqué dans la politique de la ville, comme cela est le cas avec Jean-Louis Borloo qui avait exercé auparavant la compétence « ville ».

Cette grande hétérogénéité des situations, comme l'évolution incessante des périmètres, ne constituent pas, assurément, un gage d'efficacité et de lisibilité de la politique de la ville. C'est en particulier vrai pour le suivi des différents programmes de la politique de la ville qui manquent d'indicateurs fiables et de données continues.

Par ailleurs, l'absence de ministère de plein exercice peut constituer une difficulté supplémentaire si celle-ci donne lieu, comme on le constate fréquemment, à une compétition entre le ministre « chef de pôle » et son secrétaire d'État ou son ministre délégué.

Enfin, un dernier inconvénient de la situation actuelle peut apparaître lorsque la politique de la ville relève d'un simple secrétariat d'État, et que celui-ci ne dispose pas du poids suffisant pour obtenir des arbitrages favorables auprès des autres ministères, dont celui des finances en particulier.

On relèvera que cette instabilité a également caractérisé l'organisation du Comité interministériel des villes et du développement social urbain. Celui-ci devait pourtant avoir un rôle important, aux termes du décret du 28 octobre 1988, puisqu'il devait définir des programmes, « veiller à l'exécution des engagements financiers » pris par les ministères en application de ces programmes et « assurer le suivi des actions financées par l'État ». Or il n'a été réuni que de manière très erratique 151 ( * ) , à la différence du Comité d'aménagement et de développement du territoire, qui se réunit au moins une fois par an.

Les ministres chargés de la ville depuis 1990

Décembre 1990 : Michel Delebarre, ministre d'État chargé de la politique de la ville

Avril 1992 : Bernard Tapie, ministre de la ville

Mai 1992 : François Loncle, secrétaire d'État à la ville

Décembre 1992 : Bernard Tapie, ministre de la ville

Mars 1993 : Simone Veil, ministre d'État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville

Mai 1995 : Éric Raoult, ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre l'exclusion

Mai 1995 : Françoise de Veyrinas, secrétaire d'État aux quartiers en difficulté

Mai 1995 : Xavier Emmanuelli, secrétaire d'État à l'action humanitaire

Juin 1997 : Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité

Mars 1998 : Claude Bartolone, ministre délégué à la ville

Avril 2000 : Guy Hascoët, secrétaire d'État à l'économie solidaire

Mai 2002 : François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

Mai 2002 : Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville

Mars 2004 : Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

Mars 2004 : Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville

Octobre 2004 : Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion

Juin 2005 : Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement

Juin 2005 : Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

* 150 Voir annexe n°4 « synthèse du questionnaire adressé aux élus locaux ».

* 151 Avant le mois de mars 2006, il s'était réuni quatre fois entre 1998 et 2001.

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