b) L'enseignement supérieur

Les théories de l'innovation justifient doublement la nécessité d'augmenter l'investissement dans l'enseignement supérieur pour une économie comme celle de la France :

- l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) et la mise en oeuvre des opportunités qu'elles ouvrent, reposent sur une main d'oeuvre en moyenne plus qualifiée ;

- les travaux empiriques montrent que plus une économie se situe à un stade avancé de développement technologique, plus l'impact en termes de productivité et de croissance de l'investissement dans l'éducation supérieure est élevé.

Ainsi, pour la France, le surcroît de productivité procuré par une année d'études supplémentaire s'élèverait à environ 8 % (selon le Rapport du Conseil d'analyse économique, « Éducation et croissance », de Philippe AGHION et Élie COHEN, 2004).

Les différentes étapes du système éducatif ne joueraient pas le même rôle : dans une économie en rattrapage, le processus d'imitation nécessite des individus disposant d'une bonne compétence technique et professionnelle, que procurent l'enseignement secondaire ou l'enseignement supérieur spécialisé ; dans une économie avancée, le processus d'innovation repose sur des chercheurs et donc sur un enseignement long, plus généralisé.

L'enseignement supérieur en France, mais aussi dans beaucoup de pays européens, n'est pas adapté à une économie dont le développement repose sur l'innovation.

Le tableau ci-dessous montre ainsi le retard français relativement aux États-Unis concernant la proportion de diplômés de l'enseignement supérieur : celle-ci n'est ainsi que de 27 % en France contre 33 % aux États-Unis.

Tableau n° 15

POPULATION AYANT UNE FORMATION UNIVERSITAIRE
(POUR LES 25-34 ANS)

France

27 %

Finlande

48 %

Suède

36 %

Royaume-Uni

38 %

États-Unis

33 %

Japon

35 %

Le retard éducatif de la France peut également s'apprécier à partir du graphique ci-dessous sur le nombre moyen d'années d'éducation pour la population active : le nombre moyen d'années d'études (11,5 ans) y est nettement inférieur à celui observé aux États-Unis (13,3 ans) et même dans la moyenne de l'Union européenne (11,8 ans).

Graphique n° 17

NOMBRE MOYEN D'ANNÉES D'ÉDUCATION POUR LA POPULATION ÂGÉE DE 25 À 65 ANS
EN 2004

Source : OCDE, Regards sur l'éducation

Le rapport du Conseil d'analyse économique précité montre que l'inadaptation du système d'enseignement supérieur français résulte non seulement d'une insuffisance de moyens (les dépenses d'enseignement supérieur ne représentent que 1,1 % du PIB en France contre 2,3 % aux États-Unis), mais aussi d'une efficience médiocre des premières années du système d'éducation supérieure (étudiants sortant sans diplôme, formations sans débouchés...). Celle-ci exigerait ainsi des réformes de structure dont l'analyse dépasserait le cadre de ce rapport.

Une unanimité certaine se dégage désormais en France sur la priorité financière à accorder à l'enseignement supérieur (à défaut d'unanimité sur la manière d'en améliorer l'efficience, en raison notamment du déficit d'évaluation d'ensemble du système).

Votre rapporteur ne conteste pas cette priorité : celle-ci s'impose à la fois comme un objectif en soi pour quiconque peut observer l'état de nos universités, mais aussi dans la perspective qui est celle de ce rapport d'information, c'est-à-dire le lien entre politique publique et productivité.

Néanmoins, dans cette même perspective, une même priorité ne doit-elle pas être accordée aux formations initiales (primaire et secondaire) ? Actuellement, 150.000 personnes - pratiquement 20 % d'une classe d'âge -, quittent le système scolaire sans formation . Ces jeunes sont les premiers exposés au risque de chômage. Mais il faut faire aussi ce constat trivial que les mêmes personnes, une trentaine d'années plus tard, c'est-à-dire en fin de vie active, sont soit au chômage, soit dans l'inactivité. Ce noyau de travailleurs sans qualification vient donc peser durablement sur les politiques de l'emploi dont ils constituent une cible prioritaire, mais aussi sur le marché du travail dont ils freinent les adaptations à l'exigence de souplesse.

Si l'innovation est la clé de la performance économique, si elle suppose la capacité des entreprises à saisir continûment les opportunités nouvelles, à s'adapter au nouveau tissu économique, si elle repose sur une main d'oeuvre mobile et adaptable, la persistance d'un volant d'actifs, dont l'employabilité est réduite par l'absence de formation, constitue un frein à l'innovation.

Enfin, le rapport du Conseil d'analyse stratégique sur « Les métiers en 2015 » met en évidence les perspectives d'augmentation de métiers « peu qualifiés », notamment dans les secteurs des services à la personne , mais qui exigent néanmoins de fortes capacités professionnelles.

La professionnalisation de ces services à la personne, source de gains de productivité, repose ainsi sur l'employabilité et l'adaptabilité de cette main d'oeuvre « peu qualifiée ». Ceci est peu compatible avec l'échec scolaire qui prévaut aujourd'hui.

Les travaux sur l'innovation mettent l'accent sur l'investissement à réaliser en matière d'enseignement supérieur. Votre rapporteur considère cependant qu'une priorité égale doit être accordée à la lutte contre l'échec scolaire, dans une perspective d' élévation générale de la productivité de l'économie française.

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