2. Une stratégie commune ambiguë, voire directive

En juin 1999, sous présidence allemande, l'Union européenne a adopté une stratégie commune à l'égard de la Russie.

Il s'agissait de la première utilisation de ce nouvel instrument de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) introduit par le traité d'Amsterdam, qui dispose que le « Conseil européen décide des stratégies communes qui seront mises en oeuvre par l'Union dans des domaines où les États membres ont des intérêts communs importants » (article 13 § 2 du traité sur l'Union européenne).

Ce document s'efforce de définir une vision des relations entre l'Union européenne et la Russie. Comme il est énoncé dans ce document, il s'agit de mettre en place un véritable « partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie » . Une telle ambition est réservée à un petit nombre d'États, comme les États-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon et le Canada.

À la différence de l'accord de partenariat et de coopération, il s'agit d'une initiative unilatérale de l'Union européenne, qui a d'ailleurs été accueillie avec une profonde indifférence par la Russie.

Comme l'a souligné un expert de la Russie à l'Institut d'études de sécurité placé auprès de Javier Solana (2 ( * )) , ce document souffre de trois contradictions :

- la première réside dans le choix d'inscrire cette stratégie dans le cadre de l'accord de partenariat et de coopération de 1994, malgré les limites et les ambiguïtés de ce dernier ;

- la deuxième contradiction réside dans l'objectif principal assigné par l'Union à cette stratégie, qui est énoncé très clairement dès les premières lignes et qui consiste ni plus ni moins à « établir une démocratie stable, ouverte et pluraliste en Russie, régie par l'État de droit et servant de base à une économie de marché prospère » . Ainsi, comme le note cet expert, tout en reconnaissant que la Russie ne sera pas candidate à l'adhésion, l'Union adopte le style interventionniste et conditionnel utilisé pour les pays candidats ;

- enfin, la dernière contradiction réside dans l'accent mis sur les « valeurs communes », tout en insistant sur les intérêts propres de l'Union européenne vis-à-vis de la Russie. Cette contradiction est parfaitement illustrée par la formule selon laquelle « l'offre d'une relation renforcée, fondée sur des valeurs démocratiques communes, aidera la Russie à affirmer son identité européenne et ouvrir de nouvelles possibilités à tous les peuples du continent » .

Il est d'ailleurs symptomatique, à cet égard, que dans sa stratégie à moyen terme pour le développement des relations avec l'Union européenne, qui forme en quelque sorte le pendant russe de la stratégie commune et le fondement de la politique européenne de la Russie pour la période 2000-2010, on ne trouve à aucun moment une référence quelconque aux « valeurs communes ». Au contraire, dans sa stratégie, la Russie insiste sur son autonomie vis-à-vis de l'Union européenne.

En définitive, la mise en oeuvre de cette stratégie commune s'est révélée décevante et ce « catalogue de bonnes intentions » n'a pas eu véritablement de répercussions pratiques . D'ailleurs, alors que cette stratégie commune avait été adoptée pour une période initiale de quatre ans et qu'elle aurait dû être réexaminée, notamment du fait de l'élargissement du 1 er mai 2004, elle n'a pas été prolongée au delà de juin 2004. En réalité, on peut dire qu'elle n'a pas dépassé le stade de l'incantation.

* (2) Dov Lynch, « La Russie face à l'Europe » , Cahiers de Chaillot, n° 60, mai 2003.

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