3. Des instruments financiers peu efficaces

Après la dissolution de l'Union soviétique, l'Union européenne a mis en place, en décembre 1991, un instrument financier d'assistance technique destiné aux pays de la nouvelle Communauté des États indépendants (CEI), sur le modèle du programme PHARE créé en 1989 pour l'Europe centrale. Ce programme, dénommé TACIS, avait pour objectif d'encourager la transition vers l'économie de marché et de favoriser la démocratie et l'État de droit dans les pays bénéficiaires.

Présenté par la Commission européenne comme un programme « d'échanges d'expériences et de transfert de compétences », TACIS comprenait essentiellement le financement, via des appels d'offre, de sociétés d'ingénierie ou de conseil. Des consultants issus de l'Union européenne étaient censés réaliser des études, fournir des conseils et dispenser des formations dans le cadre de projets avec des organisations des pays bénéficiaires. L'aide financière, prélevée sur le budget communautaire, était directement versée aux contractants européens fournissant l'assistance technique.

Entre 1991 et 2006, plus de 7,3 milliards d'euros ont été mis à la disposition du programme TACIS. La Russie a été le principal bénéficiaire de ce programme puisqu'elle a reçu environ 40 % de l'ensemble de l'enveloppe. Au total, la Russie a bénéficié de plus de 2,7 milliards d'euros depuis 1991 , soit environ 200 millions d'euros par an.

Malgré certains succès, de nombreux griefs ont été formulés à l'encontre du programme TACIS : des objectifs imprécis et peu adaptés aux réalités du terrain, une gestion trop centralisée au profit de la Commission, la lenteur et la complexité des procédures, etc.

En dépit d'une réforme intervenue en décembre 1999, qui s'est traduite par des objectifs plus ciblés et une décentralisation de sa mise en oeuvre et qui a permis des améliorations, le programme TACIS n'a pas réellement démontré son efficacité.

Un rapport d'audit de la Cour des comptes des Communautés européennes, publié en mars 2006, a porté un diagnostic particulièrement sévère sur la mise en oeuvre et les résultats de ce programme. Dénonçant des objectifs imprécis ou inexistants, la longueur des délais et les retards affectant la mise en oeuvre ou encore la mauvaise diffusion, la durabilité médiocre et le manque d'évaluation des projets examinés, les juges financiers communautaires ont estimé, dans leur rapport, que les fonds TACIS avaient été utilisés de manière peu efficace et qu'ils n'étaient pas en mesure de donner une appréciation positive sur la performance des projets TACIS dans la Fédération de Russie. La Commission européenne a elle-même reconnu ces déficiences dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes, tout en imputant en partie la responsabilité de la mauvaise gestion du programme au manque d'implication de la partie russe.

Mais, en définitive, c'est l'évolution de la situation économique de la Russie qui a rendu le cadre financier obsolète. En effet, à la différence du début des années 1990, la Russie ne peut plus être considérée aujourd'hui comme un pays pauvre tributaire de l'aide économique. Ainsi, en 2002 la Russie a remboursé de manière anticipée ses dettes auprès du Club de Paris. De fait, les financements accordés à la Russie dans le cadre de TACIS ont sensiblement diminué pour atteindre environ 100 millions d'euros par an dans les dernières années.

Les priorités du programme ont d'ailleurs été au fur et à mesure réorientées vers le renforcement de la démocratie et de l'État de droit et le soutien à la société civile. Ainsi, le programme TACIS a été utilisé pour la première fois comme outil de conditionnalité dans la réaction européenne à l'intervention russe en Tchétchénie fin 1999. De même, le programme s'est focalisé en 2000 sur le renforcement de l'indépendance des médias, la tolérance inter-ethnique et l'État de droit.

Depuis le 1 er janvier 2007, dans le cadre de la politique de voisinage, un nouvel instrument financier unique, l'Instrument européen de voisinage et de partenariat, a remplacé l'ensemble des instruments existants. Dans le cadre de ce nouvel instrument financier, la Russie devrait bénéficier dans les prochaines années d'un financement d'environ 30 millions d'euros par an, principalement concentré pour le développement des quatre « espaces communs », les échanges scolaires et universitaires, ainsi que la coopération décentralisée (notamment en direction de Kaliningrad et du Caucase du Nord). Le montant total pourrait toutefois atteindre entre 60 et 80 millions d'euros par an si on ajoute les autres financements dont pourrait bénéficier la Russie, notamment au titre de la coopération interrégionale et transfrontalière, au titre de la coopération dans le domaine de la sûreté nucléaire ou d'autres instruments spécifiques, comme l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'Homme.

Mais ces nouveaux instruments financiers permettront-ils de remédier aux difficultés rencontrées par le précédent et d'obtenir des résultats plus probants ?

Ne serait-il pas plus judicieux de concentrer l'ensemble des financements disponibles au niveau européen, en prévoyant d'ailleurs un cofinancement de la partie russe, sur un nombre limité de priorités, comme les échanges universitaires et scolaires ou la coopération décentralisée ?

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