(2) Des aides et des investissements publics à passer par pertes et profits ?

Comme on le sait, les aides publiques aux entreprises portent sur des montants importants. Déjà, un rapport du Commissariat général au Plan de 2003 intitulé « les aides publiques aux entreprises : une gouvernance, une stratégie » évaluait, en effet, pour l'année 2002 à 1,09 % du PIB, soit 15,8 milliards d'euros, les seules aides d'Etat soumises à la réglementation européenne 135 ( * ) .. Or, une étude récente 136 ( * ) fait apparaître que, si ces aides sont, par définition, réservées à des bénéficiaires remplissant certaines conditions, il est en revanche rare que l'intervention publique ait pour contrepartie effective le respect de certaines obligations.

Dans la plupart des cas, il est tout à fait possible qu'une entreprise bénéficie d'aides publiques puis supprime des emplois, notamment dans le cadre d'une opération de délocalisation. S'ouvre alors, rétroactivement, le débat sur l'intérêt d'avoir aidé l'entreprise en cause voire sur la possibilité d'obtenir le remboursement de ce soutien, alors même que cette obligation n'était généralement pas prévue initialement. Tel est par exemple le cas aujourd'hui à la suite de l'annonce du plan social d'Alcatel-Lucent.

Il convient également de rappeler le débat sur le remboursement des aides publiques perçues dans le cas de la société Hewlett-Packard. En effet, le groupe informatique américain avait annoncé en septembre 2005 son intention de supprimer 1.240 emplois en France dans le cadre d'un plan de structuration mondiale à l'horizon 2008, et ce alors que l'entreprise avait réalisé d'excellents résultats l'année précédente, y compris dans son activité française.

Ce qui vaut pour les aides publiques directes aux entreprises peut aussi s'appliquer aux investissements de la collectivité visant à faciliter l'environnement économique : prise en charge d'éléments matériels et immatériels tels les infrastructures de transport, les réseaux de télécommunication, l'aménagement de zones d'activités ou encore la recherche et la formation.

Cet engagement de long terme peut toutefois être remis en cause à l'occasion du départ ou de la rétrogradation d'un centre de décision des entreprises du territoire concerné. Peuvent alors être remis en cause les espoirs sur lesquels se fondaient les pouvoirs publics au moment où ils ont consenti leurs investissements pour favoriser le développement d'une filière ou un territoire.

Ainsi apparaît-il que le déplacement d'un centre de décision économique peut constituer une véritable perte de substance de territoires, la fuite de facteurs matériels ou immatériels nécessaires à leur développement, par l'effet immédiat d'une prise de contrôle d'entreprise, étant alors prolongée par des effets dynamiques défavorables. En changeant de dirigeants, l'entreprise change aussi souvent de logique.

Toutefois, il convient de noter que dans certains cas, le rachat d'une entreprise par un centre extérieur a pu provoquer des effets dynamiques inverses, c'est-à-dire que le changement a pu représenter un véritable apport de substance, porteur de perspectives de développement.

* 135 Ce montant doit être plus que doublé si l'on y inclut le dispositif actuel d'allègement de charges sur les bas salaires.

* 136 Rapport au Premier ministre sur les aides publiques remis le 8 février 2006 par le Conseil d'orientation pour l'emploi et réalisé par les inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales.

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