Une prolifération de mesures dérogatoires qui contribue à rendre illisible la fiscalité française

Une législature marquée par la multiplication des dépenses fiscales

La fiscalité des entreprises a connu des évolutions positives au cours de la dernière législature (cf. infra ), mais ces dispositions ont été accompagnées - ce qu'il faut regretter tant elles s'apparentent à du « clientélisme » fiscal - par une plus grande prolifération des dépenses et « niches » fiscales destinées à favoriser des activités, filières de production, catégories de contribuables et localisations particulières. De 2000 à 2006, ce sont ainsi pas moins de 33 dépenses fiscales nouvelles en solde net , relatives aux entreprises assujetties à l'IS ou à l'IR (dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux), qui ont été introduites

Créations et suppressions de dépenses fiscales pour les entreprises de 2000 à 2006

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Total

Entrées

3

1

10

2

9

14

5

44

Sorties

0

1

4

0

2

4

0

11

Solde

3

0

6

2

7

10

5

33

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2007

Ces dépenses doivent être distinguées des modalités particulières de calcul de l'impôt , au rang desquelles figurent, par exemple, le régime des sociétés mères et filiales, le régime spécial des fusions et assimilées, le report en arrière des déficits, le crédit d'impôt-recherche, l'exonération des plus-values sur titres de participation ou le régime d'intégration fiscale.

Ces nouvelles dépenses fiscales, selon un « inventaire à la Prévert » 283 ( * ) , consistent en des amortissements majorés ou dérogatoires, provisions pour risques, exonérations totales ou partielles de bénéfices, franchises, crédits d'impôt ou impositions à taux réduit. Leur coût n'est pas toujours connu 284 ( * ) et leur impact économique rarement évalué ; en revanche, elles apportent indéniablement un surcroît de complexité à un régime fiscal déjà critiqué pour son opacité, et contribuent à restreindre l'assiette.

Des effets ambigus voire contre-productifs

La confusion et la complexité sont entretenues par la « fiscalisation » rampante de la législation , c'est-à-dire la tendance compulsive à insérer des dispositions fiscales ciblées hors de la loi de finances, en particulier au cours des années 2005 et 2006 et dans les lois sectorielles et les lois de programmation 285 ( * ) . Il en résulte une perte de maîtrise de la stratégie fiscale et de la dépense budgétaire , les ministères promoteurs étant enclins à défendre des mesures fiscales pour accompagner le développement des filières dont ils ont la charge.

Le choix d'une multiplication des dépenses et niches fiscales témoigne d'une ambiguïté : elles sont censées comporter une réelle incitation ciblée pour un coût modeste, qui peut alors traduire un manque d'efficacité économique de nature à en remettre en cause l'utilité. Lorsqu'ils ne sont que partiellement assumés par le gouvernement, ces régimes spécifiques sont assortis de nombreuses modalités et conditions d'éligibilité qui en limitent l'intérêt (en particulier pour les PME qui ne disposent pas des moyens d'analyse adéquats) et viennent accroître un coût indirect, celui de la sédimentation et de l'illisibilité du code général des impôts.

La complexité de la fiscalité française, entretenue par les dispositifs d'exonération, les dépenses fiscales et un maquis d'aides ciblées aux entreprises, porte un double préjudice à la perception inertielle de l'environnement réglementaire global de la France, et à la prise en considération de régimes objectivement favorables pour les groupes internationaux. Cette complexité vient donc faire écran à une fiscalité souvent moins pénalisante qu'on ne le croit.

* 283 Citons, par exemple, l'exonération des établissements publics et SEM pour leurs résultats provenant d'une convention d'aménagement (2001) ; la majoration de l'amortissement dégressif pour certains matériels des entreprises de première transformation du bois (2002) ; l'amortissement exceptionnel des matériels consacrés à la recherche sur les maladies infectieuses touchant gravement les pays en développement (2002) ; les exonérations au titre des régimes des jeunes entreprises innovantes et sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (2004) ; le crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques (2004) ; l'amortissement exceptionnel sur douze mois des dépenses d'amélioration exposées dans les immeubles achevés depuis deux ans en vue de l'hébergement des salariés agricoles et apprentis (2005) ; ou le crédit d'impôt pour investissement dans les technologies de l'information (2005).

* 284 La part des dépenses fiscales chiffrées a toutefois augmenté, puisqu'elle était de 62 % dans le fascicule « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2006, contre 43 % lors de l'exercice précédent.

* 285 Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, loi d'orientation sur la forêt, loi sur la Corse (2002) ; loi relative aux musées de France, loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement (2004) ; loi de programmation pour la cohésion sociale et loi relative au développement des territoires ruraux (2005) ; loi en faveur des petites et moyennes entreprises, loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (2005) ; loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (2005) ; loi relative aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (2006) ; loi pour l'égalité des chances (2006) ; loi de programmation pour la recherche (2006).

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