d) L'urgence pour ne pas fermer le débat : identifier sans délai une sous-bande de fréquences harmonisée en Europe

Pour que le débat sur l'utilisation du dividende soit le plus ouvert possible, l'Etat doit se donner les moyens de rendre envisageables tous les usages du dividende qui ont été énumérés plus haut.

Or certains services ne peuvent être offerts par voie hertzienne qu'à la condition d'être transmis sur une bande de fréquences identique en tout point du territoire, alors que d'autres peuvent s'accommoder de l'octroi de fréquences locales diverses : c'est le cas pour la diffusion actuelle des chaînes de télévision. Ainsi, par exemple, TF1 n'est pas reçue sur la même fréquence à Paris ou à Lyon, à Brest ou à Marseille, chaque émetteur étant autorisé par le CSA à utiliser, pour diffuser sur sa zone de couverture, un canal qui lui a été attribué mais qui doit être différent du canal attribué à un émetteur voisin, sous peine de brouillage. M. François Rancy, directeur général de l'Agence nationale des fréquences (ANFr), a précisé à votre rapporteur, lors de son audition, que le déploiement de l'actuel réseau analogique des six chaînes nationales avait ainsi nécessité près de 11.500 assignations de fréquence.

C'est pourquoi le fait de ne pas identifier une sous-bande de fréquences assurant une couverture nationale uniforme au sein des fréquences du dividende préjugerait déjà de l'issue du débat sur l'emploi des fréquences libérées, avant même que ce débat soit lancé .

En outre, l'identification d'une sous-bande serait quasiment privée de portée opérationnelle si cette sous-bande n'était pas harmonisée à l'échelle européenne, voire mondiale. En effet, comme l'illustre le cas du GSM, deuxième génération de téléphonie mobile, qui a été un incontestable succès européen, l'harmonisation à l'échelle du marché européen constitue un enjeu industriel de première importance : l'effet de taille de marché permet seul d'amortir les investissements en équipements de réseau et en terminaux selon une norme technique commune. Tous les acteurs industriels le reconnaissent.

Les caractéristiques de notre pays, en termes de topographie et de répartition de la population, rendent plus précieuses encore les fréquences basses que libèrera la bascule vers le numérique et dont l'excellente qualité a déjà été soulignée. La France a donc un intérêt tout particulier à obtenir, dans les négociations internationales sur les fréquences, que soit identifiée une telle sous-bande harmonisée. Le ministre chargé de l'industrie, qui était alors M. François Loos, l'avait bien compris en affichant, dès juin 2006, sa volonté de dégager une telle bande de fréquences sur toute l'Europe dans le Mémorandum présenté par la France pour une Europe numérique.

C'est pourquoi notre pays doit jouer un rôle moteur en Europe. A ceux qui estiment que ces questions pourraient n'être traitées qu'à l'occasion de la Conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de 2011, votre commission fait valoir que le déploiement de services, dès l'extinction complète de l'analogique, à savoir dès 2011-2012, ne peut s'envisager sans que soit anticipée la disponibilité de la ressource spectrale correspondante, notamment pour avoir le temps de mener les opérations de réaménagement du spectre qui sont longues et coûteuses mais surtout pour permettre aux constructeurs de développer les normes et les équipements pour ces bandes. En 2011, il sera déjà trop tard.

La nécessité d'une conférence mondiale des radiocommunications pour voir plus loin que la bascule de l'analogique au numérique

L'objet de la Conférence des radiocommunications de Genève était de planifier la diffusion de la télévision (et de la radio numérique) après l'arrêt de l'analogique (ainsi que jusqu'à 2015) et donc de substituer cette planification à celle de Stockholm de 1961, qui avait organisé la diffusion analogique de la télévision au plan européen. Une déclaration signée par la majorité des parties prenantes à l'accord permet cependant aux Etats d'affecter les fréquences à d'autres usages à condition que les perturbations restent identiques à celles qui ont été prises en compte pour des services de télévision ou de radio (notion d'enveloppe). Cette déclaration n'organise toutefois que la diffusion vers les récepteurs et non d'éventuelles voies de retour, donc ne protège pas l'introduction de services de communications électroniques des brouillages qu'ils pourraient subir de la part des pays voisins, ni des plaintes de brouillage que ces derniers pourraient subir. Cette protection ne pourra être obtenue que par l'ouverture de la bande UHF lors d'une prochaine Conférence mondiale des radiocommunications.

C'est pourquoi il convient de viser la CMR qui se tiendra à l'automne 2007 pour faire inscrire une allocation primaire de la sous-bande identifiée dans le règlement des radiocommunications. Dans cette perspective, la priorité est de préparer une position européenne commune en vue de cette CMR, position européenne qui devrait se cristalliser à l'occasion de la conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT) 122 ( * ) de juillet 2007. La France doit donc poursuivre ses efforts pour convaincre suffisamment de pays européens de l'opportunité industrielle que représenterait la possibilité de déployer sur une sous-bande harmonisée du dividende de nouveaux services de communication.

La taille de cette sous-bande reste à préciser : elle doit permettre une voie descendante et une voie de retour et pourrait s'apparenter à la largeur de bande aujourd'hui utilisée pour des services existants analogues, même si l'estimation du besoin en fréquences d'un utilisateur est complexe car elle dépend d'un nombre important de paramètres 123 ( * ) . De ce fait, le projet serait d'identifier une sous-bande d'un minimum de 40 MHz, selon que le nombre de prestataires de services est de 3 ou de 4, sachant que chacun d'eux doit pouvoir disposer de bandes de fréquences d'au moins 2x5 MHz, afin d'assurer les flux montant et descendant.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. François Rancy, directeur général de l'ANFr, a précisé que l'Agence se penchait actuellement, avec ses homologues des autres Etats membres de l'Union européenne, sur la possibilité d'isoler une telle bande de fréquences, notamment sur la partie haute de la bande UHF.

D'ores et déjà, le groupe ECC/TG4, qui traite de la question à la CEPT, s'est réuni mi-juin 2007 et a conclu à une préférence, notamment exprimée par la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Irlande, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et la Suisse, en faveur de la partie haute de la bande (au minimum les canaux 62 à 69, soit 64 MHz, dont 32 MHz sont utilisés en France par la Défense) pour une sous-bande harmonisée à l'usage des mobiles 124 ( * ) . Le choix de l'usage de cette sous-bande (mobile ou radiodiffusion) serait laissé à chaque pays.

Par ailleurs, des négociations bilatérales et multilatérales seront nécessaires pour déterminer la possibilité pour chaque pays d'utiliser effectivement pour les mobiles les fréquences qui seraient ainsi harmonisées, car des adaptations des fréquences obtenues par les différents pays dans le plan de Genève 06 pour la radiodiffusion seront nécessaires pour pouvoir utiliser la sous-bande harmonisée. Cette première avancée des discussions au plan européen ne préjuge donc en rien de la faisabilité réelle, pour la France, de mettre un jour cette harmonisation en pratique, mais elle représente un pas décisif.

L'ECC de la CEPT se réunit début juillet et pourrait demander au TG4 de développer un projet de décision sur le thème, mais rien n'est assuré. Le Radio Spectrum Policy Group (RSPG) 125 ( * ) , pour sa part, ne semble pas près de reprendre la main sur ce sujet, l'initiative pouvant probablement venir plutôt de la Commission européenne elle-même.

En tout état de cause, le Comité stratégique pour le numérique fait observer que les fréquences actuellement identifiées pour la diffusion de la TNT ne sont pas nécessairement compatibles avec le plan de fréquences européen qui s'appliquera à compter de juin 2015, soit après l'arrêt au niveau européen de la télévision analogique hertzienne. Les services de la TNT devront donc être sans doute transférés vers des fréquences compatibles avec ce plan ; ce nécessaire réaménagement numérique offre l'occasion d'identifier au moins une sous-bande pour des services spécifiques.

* 122 Qui réunit 47 Etats européens.

* 123 Les besoins sont d'abord fonction du type de service offert (voix, vidéo, données), du degré de mobilité (fixe, nomade, mobile). Ils sont également déterminés par des paramètres techniques (technologie privilégiée et largeur de canal, capacité de la technologie déterminée par les caractéristiques d'interface radio comme l'accès multiple, le codage de source, etc). Enfin, les besoins sont fonction de paramètres géographiques (niveaux de couverture, zones rurales/zones urbaines).

* 124 Le Portugal, l'Espagne, la Belgique, la Russie, la Lituanie et la Turquie ont émis des réserves sur cette conclusion, sans s'y opposer.

* 125 L'avis rendu le 14 février 2007 par le RSPG « Opinion on EU Spectrum Policy Implications of the Digital Dividend » invite à viser la plus grande souplesse possible dans la réutilisation du dividende.

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