4. L'électricité ne se prête pas à une unification des prix

Votre mission d'information relève que l'électricité est un bien spécifique présentant des caractéristiques physiques qui empêchent de lui appliquer des règles classiques de marché et qui s'opposent, dans les conditions actuelles, à tout mouvement de convergence des prix.

En premier lieu, l'électricité ne se stocke pas en grande quantité, ne se transporte pas sur de longues distances dans des conditions économiquement viables et doit faire l'objet d'un équilibrage permanent entre l'offre et la demande .

En deuxième lieu, le prix de l'électricité dépend fondamentalement des techniques utilisées pour la produire , lesquelles présentent toutes des différences substantielles de coûts et de volatilité 208 ( * ) . De surcroît, la mise en place d'un marché des permis d'émissions de CO 2 joue désormais un rôle dans les processus de formation des prix 209 ( * ) . Or, les technologies de production d'électricité sont plus ou moins émettrices de CO 2 . Dans ces conditions, et même pour cette unique raison, il n'y aurait aucune raison que le MWh nucléaire ou hydraulique se voit appliquer le même prix que le MWh issu d'une centrale à charbon ou à gaz.

En dernier lieu, la demande d'électricité est polymorphe et obéit à des besoins différents . En effet, l'électricité peut être appelée pour répondre soit à des besoins de base, stables et à long terme, comme les besoins industriels, soit à des besoins de pointe, liés aux évolutions du climat, soit encore à des besoins de réserve rapide, pour l'ajustement 210 ( * ) . Or, les moyens de production utilisés pour répondre à ces différents types de consommation ne sont pas les mêmes : fonctionnant chacun pendant des durées différentes, ils ne présentent pas les mêmes coûts de production, ni la même rentabilité.

Pour ces raisons, votre mission d'information estime qu'il est inenvisageable d'imposer tout mouvement de convergence des prix de l'électricité en Europe . Du reste, les mouvements de convergence observés sur les marchés de l'électricité ne répondent à aucune réalité économique.

5. La mise en place d'un marché des permis d'émissions de CO2

Au sein des facteurs influençant le prix de l'électricité, une attention particulière doit être apportée à la mise en place, en 2005, d'un marché des émissions de gaz à effet de serre.

En application du protocole de Kyoto, l'UE s'est engagée à réduire globalement d'ici 2008-2012 ses émissions de GES de 8 % par rapport à leur niveau de 1990. En vertu d'un « accord de partage de la charge », les Etats membres (à l'exception des nouveaux entrants) se sont réparti cette obligation globale en fonction de leurs différences socio-économiques. Ainsi, par exemple, l'Allemagne doit diminuer ses émissions de 21 % tandis que l'Espagne est autorisée à les augmenter de 15 %. La France, elle, doit veiller à les stabiliser. Parmi les outils mis en place pour favoriser le respect de ces engagements figure le marché des quotas de CO 2 créé par la directive 2003/87 211 ( * ) (transposée en droit français aux articles L. 229-5 à L. 229-24 du code de l'environnement).

Ce marché communautaire d'échanges, qui ne couvre que les émissions de CO 2 pour le moment, concerne plus de 12 000 installations émettrices situées dans les Etats membres. Chaque Etat a l'obligation, au début de chaque période 212 ( * ) , d'allouer à chaque secteur couvert par la directive un quota d'émissions (dans le cadre d'un plan national d'allocation des quotas).

Au début de chaque année suivante, les installations doivent déclarer la quantité de GES émis durant l'année écoulée et rendre aux pouvoirs publics, au plus tard le 30 avril, un nombre de quotas correspondant. Les entreprises qui ramènent leurs émissions en deçà de leur dotation initiale peuvent revendre leurs quotas excédentaires à d'autres ou les conserver pour un usage ultérieur. À l'inverse, les entreprises qui dépassent leurs quotas doivent acheter sur le marché le supplément de quotas nécessaire, puis éventuellement investir dans des technologies de réduction des émissions.

Sont notamment concernées par ces obligations les installations de production d'électricité d'une puissance supérieure à 20 MW.

Il semblerait que les modalités de fonctionnement de ce marché aient eu des conséquences importantes sur les prix de marché de l'électricité. Si la production française d'électricité est peu émettrice de CO 2 , une proportion non négligeable de la production électrique européenne est, pour sa part, issue de moyens thermiques. Or, les normes communautaires conduisent à allouer gratuitement 90 % des quotas aux électriciens 213 ( * ) alors que, dans le même temps, ces derniers intègrent très largement le coût de la tonne de CO 2 dans les prix de marché de l'électricité. Dans ces conditions, comme l'ont souligné de nombreux intervenants auditionnés par la mission, ce système ne crée aucune incitation en faveur des technologies les moins émettrices et confère aux producteurs d'électricité des rentes qui n'apparaissent pas justifiées, en particulier pour ceux disposant de mix énergétiques peu émetteurs .

Votre mission d'information considère que ce point devra faire l'objet d'une attention particulière lors des discussions sur le futur paquet législatif énergétique afin que le système d'émissions pénalise plus fortement les techniques émettrices de CO 2 .

* 208 En particulier, les techniques de production d'électricité à partir d'hydrocarbures sont largement dépendantes des variations des cours du pétrole.

* 209 De l'avis de nombreux experts, le prix de la tonne de CO 2 sur le marché des émissions oscille autour de 20 euros et a un impact compris entre 50 et 70 % sur le MWh électrique.

* 210 Comme l'a souligné M. Jean-Philippe Benard, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) - Audition du 14 mars 2007.

* 211 Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, modifiée par la directive 2004/101/CE du 27 octobre 2004.

* 212 Le système a été mis en place pour une première période allant de 2005 à 2007. La seconde période d'engagement couvre les années 2008-2012.

* 213 Comme aux autres industriels concernés.

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