Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) - 28 mars

M. Jean-François Roubaud, président

M. Bruno Sido, président - En propos liminaire, je voudrais simplement rappeler que nous sommes une mission commune d'information, c'est-à-dire trans-partis, bien évidemment, mais aussi trans-commissions. Cette mission du Sénat a été créée après la panne du 4 novembre 2006 pour discuter de la sécurité d'approvisionnement en électricité de la France. Nous devrions rendre notre rapport au nouveau ministre, nommé après les élections, au mois de juin 2007. Sans plus tarder, je donne la parole à M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, en le remerciant d'avoir accepté de venir devant nous nous parler de la perception de cette question par le monde de l'entreprise.

M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) - Merci beaucoup, M. le président. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous auditionner sur ce sujet qui, vous le savez, est d'une grande importance pour nos entreprises.

La question de la sécurité des approvisionnements, pour les petites et moyennes entreprises (PME), se fait ressentir, d'abord et essentiellement, au moment des pics de consommation, c'est-à-dire au moment de grandes vagues de froid ou de grandes vagues de chaleur. Cette question se pose, pour les PME, dans les mêmes termes que pour le particulier, car nous dépendons de la même manière de l'électricité. La question de la sécurité ne se pose pas de la même façon pour les autres énergies, que ce soit le gaz ou le pétrole, mais, heureusement, nous ne sommes pas aussi dépendants pour l'électricité que pour ces autres types d'énergie. Ceci étant, il faut bien reconnaître qu'Electricité de France (EDF) n'est pas totalement performante en ce qui concerne la sécurité de l'approvisionnement. Certains groupes importants de notre pays pourraient ainsi consommer une grande quantité d'électricité, ce qui rendrait la sécurité des approvisionnements très difficile.

Le deuxième problème que je voudrais aborder concerne le choix de la nature de la fourniture de l'électricité. La France présente l'énorme avantage d'être approvisionnée à 78 % par le nucléaire -je vous fais grâce de ces chiffres que vous connaissez mieux que moi. Cette quasi-indépendance énergétique est un atout de taille pour notre pays. Nous ne rencontrons donc pas de souci de production en ce qui concerne la problématique du développement durable et nous disposons là d'un avantage considérable par rapport aux autres pays. La CGPME pense qu'il s'agit d'un choix judicieux et qu'il ne faudrait surtout pas le modifier, bien qu'il soit possible de développer en même temps d'autres énergies, comme les énergies renouvelables.

Le troisième point est celui du « juste » prix. Nous rencontrons là plusieurs problèmes. Il importe tout d'abord de faire savoir à nos compatriotes que le prix de l'électricité n'a jamais été aussi bon marché et qu'il ne pourra sans doute pas le rester dans les décennies à venir. Il faut informer les Français avant que ces tarifs n'augmentent. Par ailleurs, nous avons demandé à la direction générale d'EDF, depuis un certain nombre d'années, une transparence sur les coûts. Nous n'arrivons pas à l'obtenir. Nous sommes bien conscients que nous sommes pris dans le carcan européen et que se pose également un problème de déréglementation. Mais les entreprises ont besoin de disposer d'une information sur l'augmentation de ces prix dans les années à venir, à moyen et long termes. Les tarifs des PME, leurs coûts de production, dépendent en effet directement du coût de l'énergie. Les chefs d'entreprise doivent donc disposer d'une lisibilité des tarifs électriques sur au moins deux ou trois ans, pour qu'eux-mêmes ne soient pas pris entre deux feux un jour ou l'autre.

Enfin, le quatrième point de mon exposé concerne le problème de la création d'autres sources d'énergie, en particulier les énergies renouvelables. Nous connaissons tous les problèmes de l'éolien, du solaire, dont le coût du kilowattheure est encore trop élevé. Si nous voulons utiliser les énergies renouvelables d'une manière conséquente, il faudra bien que, d'une façon ou d'une autre, elles soient favorisées. Cela a été le cas à certains moments : je citerai par exemple, dans les années 1972-1975, les fameux « 100 francs par tep économisé », parce que j'avais la chance d'être dans les métiers de l'énergie à l'époque. Cette initiative avait rencontré un franc succès : ainsi, le robinet thermostatique rapportait-il 100 francs au particulier qui en installait un. Des économies d'énergie avaient ainsi pu être faites de manière assez importante. Pourtant, ce type d'incitation a disparu au bout de quatre ou cinq années. De la même façon, de nombreux panneaux solaires avaient également été vendus dans ces années. Si nous souhaitons vraiment développer ce type d'initiatives, il faudra nécessairement passer par des aides. L'éolien pose aujourd'hui à peu près le même problème puisque son développement est confronté à la question des nuisances esthétiques et sonores. Si nous voulons passer de 7 % à 14 % de la production électrique par les énergies renouvelables, il faudra donc fournir des efforts considérables pour faciliter l'accès de tout un chacun à ce type d'énergie. Il s'agit bien évidemment d'un choix politique. Je me souviens également du problème des pompes à chaleur, dont l'installation impliquait un contrat de maintenance très coûteux et qui ne pouvait être amorti.

Voilà les quatre points que je voulais souligner, M. le président. Pascal Labet, le directeur des affaires économiques de la CGPME, va vous fournir des compléments d'information.

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - Je souhaiterais revenir sur le troisième point et sur cette notion de « juste » prix, de transparence. Tout d'abord, je voudrais souligner que les PME ont très récemment pris conscience de la notion de prix de l'électricité et de surenchérissement pour l'avenir. Le sujet n'est d'ailleurs pas encore assimilé par une grande partie des très petites entreprises (TPE) et des PME. La prise de conscience liée à la défense des intérêts collectifs, qui s'est également manifestée lors du projet de loi sur l'énergie, est née des soucis rencontrés par les clients qui, après le 1er juillet 2004, avaient souhaité bénéficier d'un prix en libre accès ; ce prix s'était avéré moindre au départ pour ensuite être surenchéri. Le vrai sujet concernant les PME aujourd'hui est le suivant : nous sommes tout à fait conscients que l'encadrement européen est devenu évident et que la déréglementation est souhaitée. Nous ne sommes pas opposés à ce projet. Le seul vrai sujet aujourd'hui concerne l'inquiétude traduite lors des débats du projet de loi sur l'énergie, et qui a débouché sur le TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. Nous avions d'abord souhaité qu'une période de deux ans renouvelables soit retenue ; c'est une solution prévoyant une période de deux ans suivie de la rédaction d'un rapport qui a été adoptée. Le sujet demeure cependant entier, car l'énergie électrique ne sera plus proposée à un prix tel que celui connu auparavant. Mais existera-t-il une sécurité de la tarification ? Tel est le vrai sujet. Il n'est pas question de dire que l'on va maintenir un tarif réglementé ; le tarif réglementé appartient au passé, nous ne reviendrons pas dessus. Néanmoins, le tarif dans l'avenir augmentera-t-il de 25 % ou de 50 %, du jour au lendemain ? Certaines entreprises réalisent certes des bénéfices tout à fait cohérents par rapport au marché, mais il importe de ne pas trop rogner les marges par le biais des coûts de fonctionnement. La question de la sécurité concerne donc essentiellement la question du prix de l'approvisionnement.

M. Bruno Sido, président - Je vous remercie. Nous pouvons maintenant passer aux questions.

M. Gérard César - Merci, M. le président, pour votre exposé. Nous comprenons très bien vos inquiétudes. Pour répondre à ce que vous venez de dire à l'instant sur la sécurité d'approvisionnement, nous savons bien que celle-ci est liée au problème du prix. Imaginons qu'il y ait pénurie d'uranium, puisqu'on nous dit que les réserves d'uranium diminuent dans le monde entier : il est alors certain qu'EDF aura des difficultés à garantir le prix d'approvisionnement.

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - Je voudrais revenir sur la question de la quantité et du prix. Il me semble - mais nous devrions bénéficier d'une transparence totale du ministère et de la direction d'EDF sur ce sujet - qu'il n'existe pas de réel danger car il s'agit de contrats à long terme. Un contrat à long terme permet de sécuriser l'approvisionnement. Cependant, nous ne pouvons savoir s'il existe un danger si nous ne connaissons pas la vraie nature de ces contrats à long terme. Sur des sujets tel que l'uranium, qui sont quantifiés et quantifiables, la quantité et le prix sont tous les deux assurés. Nous ne pouvons donc pas imaginer qu'à un moment donné, nous ne disposions pas d'une couverture sur l'évolution du prix, ne serait-ce que sur les marchés dérivés. Donc le vrai sujet demeure celui des contrats à long terme. L'électricité représente un secteur extrêmement sensible. Nous l'avons vu pour le nucléaire civil dans des pays dont la presse a beaucoup parlé ces derniers temps. Le contrat à long terme nécessite que des éléments de réponse nous soient fournis à son sujet par EDF et l'administration afin que nous puissions l'accepter.

M. Bruno Sido, président - Notons d'abord que Bruxelles semble estimer que les contrats à long terme vont à l'encontre du marché. Or, aujourd'hui, il existe un marché. Vous donnez l'impression de regretter le temps où le marché n'était pas dérégulé. Regrettez-vous en effet cette période-là ? En second lieu, face à la variation des prix de l'énergie et à l'interconnexion totale des réseaux, auriez-vous l'intention de produire votre propre électricité ? Vous seriez alors certains d'avoir un prix que vous connaissez.

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - Pour une PME, il n'est pas matériellement possible de produire sa propre électricité. Par ailleurs, je ne suis pas l'homme du passé. Il faut être conscient qu'il existe un vrai problème et sans aller jusqu'à dire que nous voulons disposer d'un prix de l'électricité sur les vingt prochaines années, nos chefs d'entreprises ont cependant besoin d'une lisibilité à moyen terme. Or, celle-ci n'est pour l'heure pas suffisante. Il nous faut des tendances. Si le prix augmente de 50 % en quelques semaines, nous n'avons pas le temps de réagir par rapport à nos ventes. Si nous savons avant ce qu'il en est, nous pouvons travailler autrement. Le moyen terme sur l'énergie est d'au moins deux ans.

Par ailleurs, je ne suis pas certain qu'il existe une interconnexion totale de l'ensemble des réseaux. Nous ne disposons d'une interconnexion qu'entre trois ou quatre pays : la France, l'Allemagne, le Benelux.

M. Bruno Sido, président - Non, l'interconnexion est totale.

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - L'incident du mois de novembre reposait cependant sur un problème de synchronisation.

M. Bruno Sido, président - S'il n'y avait pas eu d'interconnexion, il n'y aurait pas eu d'accident.

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - Je voudrais, pour ma part, revenir sur l'époque où l'énergie et l'électricité étaient moins coûteuses. Il existait alors une compensation des charges de service public qui introduisait la notion d'aide publique et de subvention. Si nous ajoutons le prélèvement obligatoire, nous pouvons dire que l'entreprise qui payait l'impôt finançait une partie de la production ; il était donc tout à fait normal que nous ayons des tarifs assurés. Nous sommes bien conscients que les données ont totalement changé. Il existe un processus européen. La France y est intégrée et elle doit s'y soumettre. La directive de 2003 précisait clairement que des mesures spécifiques sont envisagées et envisageables pour la prise en compte de la vulnérabilité des plus petites entreprises. La dérégulation n'est donc pas totale. Le producteur d'électricité doit énormément investir pour entrer dans le nucléaire. Mais il existe une différence entre la charge constatée et la charge calculée : des provisionnements massifs sont opérés en ce sens et le résultat passe de 7 milliards d'euros soumis à l'impôt à 3 milliards d'euros.

M. Bruno Sido, président - Quel est, dans une entreprise, l'intrant sur les prix duquel le chef d'entreprise a une visibilité à deux ou trois ans ?

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - Prenons l'exemple d'un entrepreneur qui déménage à 300 kilomètres : il constitue un nouvel intrant pour EDF et, en tant que tel, il est soumis à un nouveau tarif.

M. Bruno Sido, président - Non ! Je veux parler des fournitures nécessaires à la production, comme le cuivre ou d'autres matières premières. Vous ne disposez pas non plus de maîtrise de ces coûts-là ?

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - La maîtrise de ces coûts existe quand nous disposons d'une couverture. Il n'est pas normal qu'il n'y ait pas de couverture sur les matières premières : il est déraisonnable de ne pas disposer de couverture sur ce type de contrat. Il ne faut cependant pas confondre matières premières et fournitures stockées : ce n'est pas la même nature de coût.

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - Je souhaite que Dominique Broggio revienne sur le problème de l'interconnexion.

M. Dominique Broggio, collaborateur du président de la CGPME - Selon nos sources, l'interconnexion, en ce qui concerne le transport de l'électricité, n'est assurée qu'entre l'Allemagne, le Benelux et l'Italie. Elle est congestionnée vers le Royaume-Uni. La qualité des transports vers les pays de l'Est laisse à désirer. Ces réseaux sont donc à renouveler. En matière d'approvisionnement et de transport d'électricité, il y a eu un manque d'anticipation pour pouvoir éviter le type d'événement qui s'est déroulé le 4 novembre 2006.

M. Bruno Sido, président - La qualité est une chose, l'interconnexion en est une autre, c'est un fait. Que pensez-vous des réseaux de transport ? Pensez-vous que la sécurité est suffisamment assurée par la qualité des réseaux de transport en France ?

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - Il n'y a pas de problème au niveau français. A l'opposé du cas de la téléphonie, il existe un monopole de droit et de fait pour l'électricité. Le taux de rentabilité par rapport à l'investissement est de 7,25 % et le réseau de transport en tant que tel est tout à fait satisfaisant.

M. Bruno Sido, président - Ce taux de 7,25 % est-il normal par rapport à d'autres activités, trop élevé, ou au contraire trop faible pour permettre de renouveler et d'entretenir le réseau ?

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - A partir du moment où nous n'avons pas de problème particulier sur le réseau de transport, cette marge nous paraît satisfaisante. Il faudrait l'augmenter s'il était nécessaire d'investir massivement sur les transports au niveau français.

Mme Elisabeth Lamure - Les PME ont-elles une démarche en matière d'économies d'énergie ? Vous faisiez allusion aux années 70 et à tous les grands slogans sur les économies de pétrole, mais dès que l'énergie est chère, des économies sont réalisées, et dès qu'elle l'est moins, toutes ces belles idées sont abandonnées. Qu'en est-il pour les petites entreprises ?

M. Jean-François Roubaud - Le problème de la petite entreprise est exactement celui du particulier. Mais certaines entreprises, celles qui consomment beaucoup d'énergie et qui intègrent dans leur prix de revient une part importante du coût de l'électricité, sont intéressées par les questions d'économie d'énergie.

M. Dominique Broggio, collaborateur du président de la CGPME - Face à cette fulgurante augmentation des prix de l'énergie, nous incitons les PME à se regrouper et à faire la chasse au gaspillage dans leur consommation, et également à anticiper sur les mutations technologiques et à se fournir en énergies renouvelables. Cependant, les coûts actuels de celles-ci ne sont pas vraiment à la portée des PME. Il faut réaliser des économies d'énergie du fait de contraintes européennes. Par ailleurs, la fiscalité joue aussi un rôle pour inciter le consommateur à faire des économies d'énergie. La fiscalité sur les entreprises ne doit cependant pas être renforcée sous couvert d'arguments environnementaux, comme nous avons pu le voir avec la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS). Les PME ne savent parfois même pas qu'elles font des économies d'énergie dans leur production, elles ne communiquent pas assez sur le sujet. Enfin, s'agissant de l'éco labellisation, une PME sur deux dispose d'un écolabel, ce qui prouve qu'elles sont vraiment concernées par les objectifs environnementaux. Aujourd'hui, il est essentiel de contribuer au développement durable pour renforcer son image de marque.

M. Michel Billout, rapporteur - Si j'ai bien pris note de vos inquiétudes, je n'ai pas parfaitement compris ce que vous souhaitiez pour garantir une sécurité maximale. Ce qui vous paraît être le plus important, concernant les PME, tient à la tarification des coûts de l'énergie. Or, vous exprimez votre accord avec la déréglementation. Bruxelles considère d'ailleurs que la déréglementation est la solution à la question de l'approvisionnement, qui passe par un marché européen de l'énergie. Ce marché ne peut pas fixer un prix basé sur la production nucléaire puisqu'il faut permettre une certaine rentabilité des autres formes de production. Or, pour qu'existe un marché européen, il faut renforcer les interconnexions, ce qui représente des investissements lourds, et moderniser les outils de production, autrement dit les rendre attractifs, ce que ne permet pas l'existence de tarifs réglementés. Enfin, les contrats à long terme apparaissent anti-concurrentiels. Dans ce contexte, quelle garantie la déréglementation peut-elle vous apporter en termes de fixation des prix ? Par exemple, sur les marchés spot, une prévision à deux ou trois ans relève de l'impossible. Revendiquez-vous alors un traitement particulier pour les PME ? J'ai entendu dire que l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) réclamait un tel tarif pour les industries électro-intensives, ce qui ferait beaucoup de tarifs particuliers. Il me semble qu'il existe tout de même une contradiction très forte sur ce sujet.

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - La déréglementation doit être prise comme un fait ; elle existe et s'impose à nous. Mais nous demandons une déréglementation maîtrisée et quantifiée. Nous ne réclamons pas un tarif réglementé spécifique pour les PME, maisa directive de 2003 parle de mesures en faveur des plus petites entreprises considérées comme vulnérables : à notre avis, la maîtrise et la planification y correspondent. Aucune mesure n'interdit en revanche que nous ayons des contrats de long terme en ce qui concerne l'approvisionnement, la fourniture d'uranium. Mais ce n'est pas la préoccupation des PME.

M. Gérard César - C'est la préoccupation d'EDF.

M. Pascal Labet - J'espère qu'il en sera tenu compte. En ce qui concerne la déréglementation et s'agissant des PME, nous ne sommes pas sur des marchés de type spot, qui concernent les distributeurs. Nous ne sommes pas non plus sur le front des électro-intensifs. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes favorables ou opposés à un prix qui ne soit plus le tarif réglementé si nous ne savons pas quelle est la nature du prix facturé par les producteurs. Depuis quelques mois sévit une polémique sur le coût de production nucléaire : l'explosion des prix serait liée à la forte augmentation des coûts marginaux, c'est-à-dire le coût le plus élevé qu'il faudrait appliquer s'il s'agissait d'une facture hors nucléaire. Le ministère et EDF ne nous expliquent pas ce fait. Nous avons la certitude, pour l'instant, que la maîtrise et la planification apporteront un début de solution.

L'autre question consiste à nous demander pourquoi un tarif réglementé a été mis en place, alors que tout fonctionnait très bien avant. Il n'y a pas d'opposition dans notre démarche, mais l'Europe ne doit pas se contredire en autorisant certaines mesures dérogatoires. Il nous faut un embryon de réponse et non une explosion des prix comme nous avons pu le voir. Dans le même groupe, certaines filiales défranchisées ont eu à connaître un coût de l'énergie électrique de 40 à 50 % plus élevé qu'auparavant. La loi de l'offre et de la demande doit être rationnelle. La marge de l'entreprise ne constitue pas une donnée malléable. Dans le domaine de l'énergie, qui est un monopole naturel, aucun choix ne peut être opéré.

M. Gérard César - Le même problème se pose pour toutes les matières premières dont les PME ont besoin. Que représente la part de l'énergie par rapport aux autres intrants ?

M. Pascal Labet - L'électricité n'est pas une matière première mais représente un coût incompressible. Nous ne cherchons pas à garantir le prix, mais nous voulons que les conditions de sa formation nous soient expliquées, pour pouvoir mieux le maîtriser. Une entreprise semi-publique se doit de communiquer ses coûts.

M. Gérard César - EDF refuse-t-elle de garantir des prix sur deux ou trois ans ?

M. Pascal Labet - Le sujet n'a pas été abordé. Ce que nous souhaitons, c'est connaître la typologie des différentes énergies. Nous ne pouvons pas prendre parti sans disposer de toutes les informations.

M. Bruno Sido, président - Nous nous situons quand même dans le monde de l'entreprise avec ce coût du marché, ces coûts marginaux. Vous nous parlez sans cesse d'EDF. Vous savez cependant très bien que quand vous achetez un électron, vous ne savez pas d'où il provient. Dès lors, les prix s'alignent obligatoirement sur les coûts marginaux, que vous connaissez mieux que quiconque. Je ne comprends donc pas ce qui vous étonne sur ce point.

M. Pascal Labet - La proportion, la répartition entre la production nucléaire et les autres types de production restent peu claires. Les autres types de production n'interviennent que lors des pics ; il existe donc une incohérence. En théorie, 78 % des prix devraient s'aligner sur le nucléaire.

M. Bruno Sido, président - Il existe tout de même un marché européen, un électron européen. Or, il n'existe que 20 % de nucléaire européen.

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - Les prix sont beaucoup plus importants pour les pays qui produisent de l'électricité à partir du pétrole ou du charbon.

M. Bruno Sido, président - Une partie de vos mandants n'achète peut-être pas leur électricité à EDF mais en Allemagne ?

M. Jean-François Roubaud - Les seules exceptions que je connaisse concernent la grande distribution. Globalement, nos PME sont fournies par EDF.

M. Bruno Sido, président - Pour parler bref, vous ne croyez pas au marché pour l'électricité.

M. Jean-François Roubaud - Je veux bien croire au marché pour l'électricité mais aujourd'hui, le marché n'est pas sur le prix du marché ! Il est sur le coût marginal et non sur le prix de la production. Où est le vrai marché ?

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Quelle est votre opinion sur l'opposition entre un marché libre et un marché réglement ? Que préféreriez-vous ?

M. Jean-François Roubaud - Nous souhaiterions avoir un peu plus de transparence et un peu plus de pérennité sur quelques mois, voire un an.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Il s'agit alors d'un marché qui est déjà réglementé. Il est donc important pour nous de savoir que, dans ce domaine-là, le secteur de l'entreprise préfère avoir des orientations un peu plus cadrées pour mieux gérer ses coûts de production.

M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME - Nous avons du mal à nous expliquer comment, entre avril 2005 et avril 2006, nous avons pu assister à une augmentation de 48 % du prix de l'électricité. Nous pouvons légitimement le comprendre pour les matières premières, comme le cuivre. Mais nous avons des difficultés à appréhender une telle amplitude sur une période aussi courte pour l'électricité.

M. Bruno Sido, président - Nous voyons bien que cette idée même de marché de l'électricité a du mal à pénétrer. Mais, dans une Europe où l'électricité est produite à 80 % par d'autres sources que le nucléaire, comment pouvons-nous imaginer, quand le prix du pétrole ou du gaz fluctue, que celui de l'électricité s'aligne sur le coût de production le plus bas ?

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME - Nous ne sommes pas pour l'alignement au plus bas, nous cherchons simplement à comprendre pourquoi le prix de l'électricité a augmenté de 48 % en quelques mois, alors que rien ne le justifiait sur un plan technique : la France n'a pas fermé de centrale nucléaire et ni demandé aux Polonais de nous fournir en électricité.

M. Bruno Sido, président - En effet, les Polonais ou les Hongrois auront l'opportunité d'acheter de l'électricité moins chère d'origine française et, par conséquent, de diminuer leurs propres prix. Vous connaissez mieux ce mécanisme que moi. Nous avons bien noté votre souci de disposer d'une lisibilité à moyen terme. Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation.

M. Jean-François Roubaud - Nous vous remercions et vous enverrons des compléments d'information.

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