II. ETAT DES LIEUX DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

A. UN EFFORT IMPORTANT D'AIDE ET DE COORDINATION INTERNATIONALES

1. Une architecture de concertation complexe mais nécessaire compte tenu du nombre élevé de bailleurs

Avec 500 à 600 millions de dollars d'aide annuelle , le Cambodge est un des bénéficiaires majeurs d'APD, avec un volume d'aide par habitant parmi les plus élevés au monde, et le second d'Asie après le Laos. Sont présent dans le pays, la plupart des agences de l'ONU, coordonnées par le PNUD, le FMI, la Banque Mondiale, la Banque asiatique de développement (BAsD), ainsi qu'une délégation de la Commission européenne. Parmi les donateurs bilatéraux, on trouve les Etats-Unis, le Japon, l'Australie, la Corée du Sud, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Avec 39 millions d'euros, la France était en 2005 le troisième donateur bilatéral après le Japon et les Etats-Unis.

Les Etats membres de l'Union européenne sont également présents, via leur ambassade ou une agence de développement, puisqu'aux côtés de la France se trouvent le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède, le Danemark et la Belgique. D'autres Etats membres contribuent financièrement sans présence permanente (République Tchèque, Finlande...).

La concertation repose sur un système élaboré à trois étages . Au sommet, une réunion quasi-annuelle du groupe consultatif , récemment renommé « Forum pour la coopération et le développement au Cambodge » (CDCF, Cambodia Development Cooperation Forum ). Généralement ouverte par le Premier ministre du pays, co-présidée par la Banque Mondiale jusqu'ici, elle réunit tous les bailleurs et le gouvernement environ tous les 15 mois. Le système est en cours de réforme et le premier CDCF est prévu à la mi-2007.

Trois ou quatre réunions annuelles du Comité de concertation donateurs-gouvernement (GDCC) se tiennent sous la présidence du ministre de l'économie et des finances. Le GDCC a vocation à traiter les questions qu'au niveau inférieur les groupes de travail techniques ne parviennent pas à régler. C'est donc par nature un lieu où sont évoqués les domaines dans lesquels les progrès paraissent insuffisants aux bailleurs.

La base de cette pyramide est constituée par 18 groupes de travail techniques organisés par thème 60 ( * ) et présidés par des ministres du gouvernement cambodgien. Le nombre important des groupes a conduit à une division du travail au sein de l'ambassade de France entre les trois services intéressés (SCAC 61 ( * ) , AFD 62 ( * ) et mission économique). Les travaux de certains groupes de travail ne sont pas suivis par l'ambassade , compte tenu des choix opérés en matière de coopération.

2. Un bilan mitigé et une influence française trop diffuse

Ce système de concertation suscite plusieurs critiques. De l'aveu général le système est devenu fortement chronophage, tant pour les bailleurs que pour le gouvernement. Il pâtit en outre de l'absence d'un certain nombre de « bailleurs émergents », en particulier la Chine , qui joue la « chaise vide » alors qu'elle déclare verser une cinquantaine de millions de dollars par an, ce qui la situerait parmi les trois plus gros bailleurs bilatéraux avec le Japon et les Etats-Unis.

L'abondance de concertation est souvent accusée de masquer un certain manque d'avancée des réformes. Ce grief doit être relativisé, puisque le GDCC est régulièrement l'occasion pour les donateurs de faire entendre leurs sujets d'inquiétude au gouvernement, et la presse en rend assez largement compte. Il reste que le bilan des groupes de travail techniques est variable et, comme souvent, fonction de l'implication du pays partenaire . Dès lors que le gouvernement 63 ( * ) est intéressé à un domaine de réforme et participe activement, des succès peuvent être enregistrés. Le groupe de travail sur la réforme des finances publiques est souvent cité comme un modèle, bien qu'il soit un peu tôt pour en juger, les principales réformes démarrant en 2007.

Enfin ce système conduit à passer peu de temps à évoquer les projets qui connaissent des succès, puisqu'ils ne font pas débat. Il en est ainsi de l'action de la France en matière de santé, d'éducation supérieure, ou de renforcement de la filière des producteurs familiaux de caoutchouc. Votre rapporteur spécial relève également que les « facilitateurs » de la grande majorité des groupes techniques sont des institutions multilatérales , les donneurs bilatéraux étant relégués au second plan. La France est ainsi co-facilitateur des seuls groupes sur l'agriculture et la réforme légale et judiciaire. Le Department for International Development (DFID) du Royaume-Uni est néanmoins bien représenté puisqu'il est facilitateur de 4 groupes.

Au niveau de la coopération française, l'harmonisation et la concertation se déclinent dans le document-cadre de partenariat (DCP) pour 2006-2010, dont une annexe présente l'articulation (montants et secteurs) des interventions de la France avec celles des autres bailleurs bi- et multilatéraux (cf. tableau infra ).

Votre rapporteur spécial constate que la France est le seul bailleur présent dans tous les secteurs, mais avec des montants relativement limités (toujours inférieurs à 50 millions d'euros). A contrario , des bailleurs bilatéraux tels que les Etats-Unis, l'Australie, la Suède ou le Royaume-Uni concentrent leurs interventions sur quelques axes. Le cadre d'intervention de la France au Cambodge n'est donc pas encore cohérent avec les discours sur la complémentarité de l'aide et l'établissement de priorités.

Articulation des interventions de la France avec celles des autres bailleurs de fonds (2007-2010) - DCP France - Cambodge 2006-2010

Secteurs prioritaires

Banque mondiale

Système des Nations Unies

BAsD

Union Européenne

Allemagne

Etats Unis

Australie

Corée

Canada

Japon

Belgique

Dannemark

Suède

Royaume Uni

France (montants indicatifs du DCP)

1. Agriculture, développement rural et environnement

Agriculture

X

X

XX

X

XX

X

XX

XX

Développement rural

X

XX

XX

XX

X

Environnement et ressources naturelles

XXX

XX

XXX

X

X

X

XX

XX

X

XX

X

2. Développement de l'éducation et humanitaire

Education

XXX

X

XXX

XX

XX

XX

XX

XX

X

XX

XX

XXX

XX

Communauté et services sociaux

XXX

XX

XX

X

XX

X

X

XX

X

X

3. Amélioration et extension de la qualité des soins de santé

Santé- HIV-SIDA

XX

XX

XX

XX

XX

XX

X

X

XX

XX

XX

XX

4. Développement des infrastructures

Transport

XXX

XXX

X

XXX

X

Energie

XX

X

X

Développement urbain

XX

XXX

X

XX

X

Eau et assainissement

XX

XXX

XX

5. Autres

Bonne gouvernance

X

XXX

XX

XX

XX

XXX

X

X

XX

XXX

XX

X

Diversité culturelle

X

X

XX

Macroéconomie et dvpt du système productif

XX

XX

X

XX

X

X

Total décaissements prévus 2007-2010

XXXX

XXXX

XXXX

XXXX

XXX

XXXX

XXX

XX

XX

XXXX

XX

X

XX

XXX

XXX

Source: matrice des bailleurs de fonds (données 2006)

XXXX

> 100 M€

XXX

50-100 M€

XX

10-50 M€

X

< 10 M€

* 60 Education, HIV/sida, santé, parité hommes/femmes, réforme légale et judiciaire, agriculture, forêt et environnement, pêche, foncier, développement du secteur privé, réforme de l'administration publique, finances publiques, décentralisation et déconcentration, infrastructure et intégration régionale, partenariat et harmonisation, déminage, sécurité alimentaire, réduction de la pauvreté et planification.

* 61 Le SCAC est présent dans les groupes dédiés à l'éducation, à la réforme légale et judiciaire, à la réforme de l'administration publique et à la décentralisation/déconcentration.

* 62 L'Agence participe aux groupes santé, agriculture, développement du secteur privé (conjointement avec la mission économique), infrastructure et intégration régionale, et partenariat et harmonisation.

* 63 Le gouvernement cambodgien a souhaité que les donateurs recrutent directement des consultants dans le cadre des groupes techniques, mais la communauté des bailleurs a considéré que ces contrats revenaient à la partie cambodgienne.

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