B. LES MODALITÉS D'INTERVENTION

1. Les instruments financiers et la coopération intellectuelle

Selon l'accord-cadre d'octobre 2004, le principal instrument utilisé par l'agence est le prêt concessionnel PS2 dont les conditions sont les suivantes : durée de 12 à 17 ans dont un différé de 3 à 5 ans, taux d'intérêt variable égal au taux Euribor 6 mois minoré de 100 points de base (soit environ 3,1 % aux conditions actuelles), pouvant être converti en taux fixe à la fin de la période de décaissements.

Des prêts à des conditions moins concessionnelles peuvent également être consentis pour des projets dont la rentabilité est élevée. Les prêts non souverains sont théoriquement possibles, mais non couverts par les accords franco-chinois actuels 146 ( * ) . Les fonds d'étude et de préparation de projets (FEPP) sont comme à l'accoutumée financés par des subventions , de même que les projets du FFEM, sous forme d'assistance technique.

L'Agence privilégie des projets d'un montant unitaire supérieur à 20 millions d'euros , et d'en moyenne 40 millions d'euros, directement ou en cofinancement avec la Banque mondiale et la BAsD - bien qu'aucun cofinancement n'ait encore été mis en oeuvre. Des projets de taille inférieure peuvent être envisagés dans des circonstances exceptionnelles et au cas par cas. Le volume annuel des engagements, limité par les ratios prudentiels internes à l'AFD ou résultant des normes de solvabilité internationales, devrait rester compris entre 120 et 150 millions d'euros .

Les instruments financiers de l'AFD ne sont pas très compétitifs si on les compare à l'offre des autres bailleurs gouvernementaux . Certains d'entre eux privilégient les dons (Australie, Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni, Commission européenne), et le taux du PS2 est supérieur à celui pratiqué par la KfW allemande (pour ses prêts aux conditions similaires à celles de

l'AID 147 ( * ) ) ou la JBIC japonaise, avec 0,75 %. En revanche les prêts de la Banque mondiale et de la BAsD proposent des taux supérieurs.

L'agence développe la coopération intellectuelle , qui a pris un nouvel essor en 2007 avec la participation au China Council for International Cooperation , collège d'experts chinois et étrangers qui conseillent le gouvernement, et l'organisation d'un atelier sur les méthodologies du développement en Afrique avec le China Institute of International Studies , think tank du ministère des affaires étrangères chinois. L'AFD entend également se coordonner avec les acteurs publics et privés français : instances du secteur privé (MEDEF, chambres de commerce et d'industrie...), institutions scientifiques et technologiques, collectivités territoriales, pôles de compétitivité et plate-forme EcoEntreprises.

2. L'intégration de spécificités locales dans les procédures d'octroi des prêts et de passation des marchés

Suite à la recommandation de l'OCDE du 20 avril 2001, la totalité des concours d'aide-projet de l'AFD est déliée , pour toutes les conventions de financement signées depuis le 1 er janvier 2002. L'AFD applique la réglementation chinoise afférente à la passation des marchés 148 ( * ) , sous réserve des clauses mentionnées dans la convention de financement (conditions financières, lutte contre le blanchiment...).

Elle demande également au maître d'ouvrage, seul responsable de la définition et de la gestion du processus de passation des marchés, d'appliquer les principes de mise en concurrence, de transparence et de respect des normes recommandées par l'OCDE en matière d'appels d'offres (information, présélection, contenu, publication, attribution...). Une dérogation à la mise en concurrence ne peut être qu'exceptionnelle et répondre à des critères précis prévus par la réglementation nationale (système « propriétaire », urgence humanitaire...).

Les prêts de l'agence, en tant qu'ils émanent d'un gouvernement étranger, ne sont pas accordés directement au prestataire sélectionné mais donnent lieu, après conclusion de la convention de prêt avec le ministère des finances, à un mécanisme de rétrocession selon 3 options :

- rétrocession du prêt par le ministère des finances (MoF) à un bureau provincial (BoF), qui lui propose la banque de rétrocession 149 ( * ) , assure lui-même le remboursement du prêt via cette banque et garantit le MoF. La banque de rétrocession ne peut modifier les conditions de prêt initiales du bailleur, et applique des frais réduits (dont le taux varie entre 0,15 % et 0,25 % selon le montant du prêt), compte tenu de son absence de prise de risque ;

- rétrocession du prêt par le MoF à l'entreprise bénéficiaire par l'intermédiaire d'une banque, mais avec la garantie d'un BoF provincial. La banque de rétrocession peut, sauf avis contraire du gouvernement bailleur, décider de modifier la durée du crédit selon la solvabilité de l'entreprise et les prévisions de flux de trésorerie du projet 150 ( * ) . Le taux des frais de rétrocession varie entre 0,20 % et 0,30 % ;

- rétrocession du prêt par le MoF à l'entreprise bénéficiaire par l'intermédiaire d'une banque qui apporte elle-même la garantie et est donc seule responsable du remboursement du prêt. Compte tenu du risque qu'elle prend sur le bénéficiaire final, cette banque de rétrocession est autorisée à augmenter le taux d'intérêt du prêt d'une marge pouvant atteindre 2 %. Le BoF ne fait qu'informer le MoF du choix de la banque de rétrocession par le bénéficiaire.

3. La promotion indirecte des intérêts français

Bien que son aide soit entièrement déliée et sans clause d'origine, l'AFD entend cependant promouvoir à divers stades les intérêts français dans les pays émergents par des moyens d'influence indirects et non « juridiques », notamment :

- la prise en compte des domaines de compétitivité française dans la définition des stratégies d'intervention ;

- des échanges réguliers avec les entreprises françaises potentiellement concernées et actions de communication 151 ( * ) concourant au rayonnement de la France ;

- la constitution de partenariats avec les administrations centrales et locales pour contribuer à la définition d'un environnement favorable à la diffusion du savoir-faire français ;

- le recours quasi-systématique, en phase de mise en oeuvre des projets, à des appuis de bureaux d'études français pour recevoir les spécifications techniques des appels d'offres sur des marchés financés par l'AFD et de nature à intéresser des entreprises françaises ;

- un travail de recensement et d'actualisation sur les entreprises françaises déjà installées et celles non encore présentes dont les prestations s'inscriraient dans le cadre des projets financés par l'AFD. L'agence a ainsi actualisé en mars 2007 un document à diffusion interne intitulé « Repérage de l'offre française » , qui se révèle très complet et présente les entreprises françaises par secteur (chemins de fer, bus en site propre, métro, petite hydroélectricité, éoliennes, biogaz-biomasse, géothermie et acheteurs de crédits carbone) et par type de prestataire (grandes entreprises, PME, consultants et bureaux d'études).

Les projets déjà financés par l'agence révèlent que les chances de succès des prestataires français dans les appels d'offres augmentent avec le niveau de standard technique requis. En revanche, nos entreprises ne sont pas suffisamment concurrentielles en matière de bâtiment et de génie civil.

La stratégie de défense des intérêts français, dans les limites de l'Arrangement d'Helsinki sur le déliement de l'aide, peut être considérée comme pragmatique et logique, compte tenu du potentiel du marché chinois et de la valeur ajoutée des opérateurs français sur certains créneaux. Votre rapporteur spécial se demande néanmoins si ce nouveau rôle joué par l'AFD n'est pas redondant avec celui de la mission économique, avec les risques de dissensions administratives contre-productives que cela implique. De fait, si les relations entre ces deux vecteurs de l'aide française sont aujourd'hui plus denses et constructives, elles ont initialement été marquées par une certaine défiance.

* 146 La possibilité d'octroi de prêts non souverains figure explicitement dans l'accord-cadre d'octobre 2004, mais ce type d'intervention est considéré comme prématuré par le ministère des finances chinois, qui s'est montré jusqu'à présent prudent et conservateur en la matière. Cela tient au fait que les prêts non souverains présentent un risque d'assimilation à des prêts commerciaux, susceptible de les faire sortir du domaine de compétence de ce ministère, qui traite les prêts de gouvernements étrangers.

* 147 Ces prêts sont cependant limités aux projets dans le secteur de la protection des ressources naturelles et sont en partie liés (au moins 50,1 % de fournitures allemandes). Si l'on exclut les « promotional loans » à conditions de marché, la plus grande partie des prêts de la KFW en Chine prennent la forme de « development Loans », des prêts mixés (liés) ou bonifiés (déliés) dont les taux d'intérêt de sortie seront toujours inférieurs aux conditions de refinancement de KFW sur les marchés financiers.

* 148 Loi sur l'invitation et la soumission d'offres du 30 août 1999.

* 149 Choisie parmi les 3 banques qui suivent la politique d'Etat ( Export-Import Bank of China, China Development Bank et Agricultural Development Bank of China ), les 4 banques nationales ( Industrial & Commercial Bank of China, Bank of China, Agricultural Bank of China et Construction Bank of China ), et d'autres établissements agréés par le ministère des finances chinois (Banque de la communication, Minsheng Bank , Shanghai Pudong Development Bank ).

* 150 Le prêt de l'AFD doit cependant être rétrocédé au bénéficiaire par la banque aux conditions initiales, nonobstant la commission de rétrocession et les autres frais bancaires habituels.

* 151 En Chine, l'AFD a ainsi organisé un séminaire franco-chinois sur l'efficacité énergétique en avril 2006 à Chengdu, dont les actes ont été publiés, et a participé à des conférences et salons sur cette thématique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page